« 2008 - 2011 : l’échec de la mondialisation ? »

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« 2008 - 2011 : l’échec de la mondialisation ? »
De l’Europe dans tous ses Etats à un monde dans tous ses états
Par Emmanuel MOLINATTI et Michel DAUDIGNY
CHAPITRE 1 : « Si la zone euro ne survit, l’UE ne survivra pas » (pages 5 à 19)
SECTION 1 : Les « GIPSY » (pages 4 à 12)
1. Grèce : l’inéluctable faillite d’un membre de la zone euro (pages 4 à 6)
2. Irlande : l’effondrement du « tigre celtique » (pages 7 à 8)
3. Portugal : le troisième « domino » (pages 9 et 10)
4. Spain (Espagne) : l’inenvisageable scénario catastrophe ? (pages 11)
5. Y – Italie : une politique gouvernementale saluée (page 12)
SECTION 2 : Les « euros » abstinents (pages 13 et 14)
1. Grande- Bretagne : la Livre ne protège pas (page 13)
2. Islande : « parce qu’elle n’a jamais adopté l’euro » (page 14)
SECTION 3 : Les « euros » pratiquants (pages 15 et 16)
1. Estonie : le 17e membre de la zone euro (page 15)
2. Allemagne : un modèle pour la France ? (pages15 et 16)
SECTION 4 : Les « euros » banques : le système s’écroule (pages 17 à 19)
CHAPITRE 2 : « No big deal» (pages 20 à 26)
SECTION 1 : Les Etats-Unis au 2 août 2011 : le nouveau « ground zero » ? (pages 20
à 22)
SECTION 2 : Japon, Chine : des colosses aux pieds d’argile ? (pages 23 et 24)
SECTION 3 : L’hétérogénéité du monde arabe (page 25)
2
Au lendemain de l’éclatement de la bulle internet et des attentats du 11 septembre
2001, face au ralentissement de la croissance américaine, l’administration Bush
décida de relancer l’économie en baissant les taux d’emprunt de 6.5% à 1%. Cette
mesure a eu pour conséquence de dynamiser le secteur de la construction au point
de créer une bulle immobilière : chaque ménage pouvait souscrire un crédit à taux
variable quelque soit son taux d’endettement. Ce phénomène a pris une dimension
financière lorsque les banques ont transformé les emprunts en titres financiers.
Attirés par des rendements garantis par les agences de notation, des établissements
financiers non américains ont achetés ces titres : le mécanisme des « subprimes »
était en marche et le virus se propageait autour de la planète. Mais lorsque la
Banque centrale américaine (FED) décida de relever ses taux, les ménages
américains n’ont plus été en capacité de rembourser leurs mensualités. De fait au
cours de l’automne 2008, les investisseurs perdaient des milliards de dollars en
bourse et le monde constatait qu’un simple changement des taux directeurs aux
Etats-Unis pouvait provoquer une crise immobilière, financière et boursière.
Si dans un premier temps, l’administration Obama a estimé que la puissance
publique n’avait pas à intervenir quitte à ne pas sauver un établissement tel que
Lehman Brothers, la faillite de ce dernier à provoqué une crise de confiance
internationale appelant un ralentissement des activités de crédit : le monde subissait
alors une crise bancaire, économique et sociale du fait des destructions d’emplois.
Une crise sociale d’autant plus irréversible pour des millions de « petits porteurs »
qui ont confié leurs économies à des fonds de pension disposant de « subprimes ».
Face à un tel constat, les Etats ont explosé leurs déficits budgétaires du fait d’une
baisse des recettes et d’une hausse des dépenses afin de financer des amortisseurs
sociaux et des plans de relances. C’est ainsi qu’en 2009, après avoir tronqué ses
documents budgétaires, la Grèce s’est contrainte à demander l’aide de l’UE afin
d’éviter la faillite.
Dès lors en 2010, l’Europe devenait la zone économique la plus touchée
par la stratégie de la FED visant, en 2001, à baisser les taux directeurs des
Etats-Unis.
3
En mai 2010, après de longues tractations1, l’Union Européenne et le FMI mettaient
en place un plan de sauvetage de 110Mds€ pour tenter de sauver Athènes de la
faillite et ce, avant que l’Irlande et le Portugal ne reconnaissent leur incapacité à
contrer les effets de la crise.
Les économies des Etats tombant comme des dominos, de nombreux analystes
craignent que l’Espagne ne soit le prochain Etat à faire appel à un plan de sauvetage.
Dès lors les Etats européens doivent se soumettre à des plans d’austérité afin de
retrouver l’équilibre et l’indépendance budgétaire. Une nécessité également valable
pour l’économie américaine qui demeure tributaire de « la planche à billets » et de la
souscription chinoise aux bons du trésor.
Selon
cette
thèse,
une
inaction
en
la
matière
pourrait engendrer le
déclassement de l’Occident au profit de la Chine qui, sans avoir recours à la
guerre, deviendrait au mieux la 1ère puissance économique et financière mondiale ;
au pire : la seule hyper-puissance2.
D’autres pensent qu’il n’est pas nécessaire de subir une politique de rigueur à court
terme pour sauver le pouvoir d’achat à long terme, que la théorie des dominos
(grecs, irlandais, portugais, espagnols…) est infondée3.
Les exemples de plusieurs Etats européens et d’établissements financiers de la zone
« euro » permettront à chacun de valider ou non la pertinence d’un scénario
catastrophe mondialisé. La crise ne s’arrêtant pas aux frontières de l’Occident, nous
analyserons également les situations asiatiques et arabes.
1
Il a suffi d’une visite du Premier ministre chinois Wen Jiabo à Athènes pour créer un fonds de soutien de 5mds
USD aux armateurs grecs. AFP : « la Chine crée un fonds de 5 mds USD de soutien à la marine marchande »,
Romandie News du 2.10.2010
2
La restructuration du FMI qui permet à la Chine de devenir le 3e membre le plus influent en 2011 (6e en 2010),
derrière les Etats-Unis et le Japon. « Le FMI accorde plus de pouvoir à la Chine », Radio-Canada.ca du
6.11.2010
3
Une position d’ailleurs défendue en novembre 2010 par la chancelière allemande qui a suggéré que :
« les banques qui financent les nations avec des hauts niveaux de dette, devraient être prêtes à
prendre le coût d’un possible défaut de paiement ». AFP : « Taux : Papandréou critique l’Allemagne »,
LeFigaro.fr du 15.11.2010
4
CHAPITRE 1 : « Si la zone euro ne survit pas, l’UE ne survivra pas »
SECTION 1 : Les « GIPSY »
Acronyme signifiant « gitane » en anglais » dont chaque lettre renvoie aux pays de la
zone euro les plus touchés par la crise (Grèce, Irlande, Portugal, Spain – Espagne et
Y pour l’Italie), il se substitue à l’acronyme « PIGS » (« porcs ») qui désignait de
manière peu respectueuse ces mêmes Etats.
Afin d’aider les « GIPSY », les 17 de la zone euro ont mis en place un fonds de
440Mds€ pour prévenir toute faillite d’un Etat membre jusqu’en juin 2013, date à
laquelle le fonds4 sera remplacé par un nouveau mécanisme. Coordonné avec les
prêts disponibles du FMI, le fonds dispose d’une capacité d’intervention théorique de
750mds€5. Théorique dans la mesure où plus de 150Mds ont déjà été bloqués pour
l’Irlande et le Portugal, et que tout euro ventilé doit être nanti par un euro mis en
garanti.
1. Grèce : l’inéluctable faillite d’un membre de la zone euro
Premier état de la zone euro6 à obtenir un plan de sauvetage de 110 Mds€ en mai
2010, avant la mise en place du FESF, l’économie grecque continue de subir les
conséquences de la crise comme si les mesures d’austérités n’étaient qu’une rustine
sur une jambe de bois : la dette publique représentait 110% du PIB en 2008, 126%
en 2009, 142.8% en 20107 et serait de 150% en 2011 contre 60% autorisés par le
pacte de stabilité monétaire européen8.
4
Fonds Européen de Stabilité Financière sera remplacé par le Mécanisme Européen de Stabilité
Officiellement, l’Allemagne doit contribuer à hauteur 168mds€.
6
La zone euro constitue la 2ème zone économique devant la Chine et le Japon mais derrière les Etats-Unis avec
8956mds€ de PIB
7
Catherine CHATIGNOUX : « Union Européenne selon les données annuelles d’Eurostat », Les Echos.fr du
27.04.2011
8
Massimo PRADI : « Moody’s dégrade la dette souveraine de la Grèce à hautement spéculative », Les Echos.fr
du 08.03.2011
5
5
De fait, le marché anticipe un défaut de paiement d’Athènes9. Afin de pallier ce
risque, le gouvernement grec a décidé de recouvrir 50Mds€ d’ici à 2015 en
privatisant l’ensemble des secteurs publics : électricité, téléphonie, chemins de fer,
usines d’armement, ports, aéroports, etc.
A cela s’ajoute depuis juin 2011 de nouvelles mesures d’austérité consistant, à salaire
moindre, d’imposer une augmentation du temps de travail des fonctionnaires à 40
heures hebdomadaires contre 37.5 actuellement10, à imposer davantage tout grec
gagnant plus de 12.000€ annuels pendant 4ans avec un effet rétroactif pour l’année
2010, à baisser les pensions de retraites des moins de 60 ans, ou encore à
augmenter la TVA dans la restauration de 10 points à 23%11… et ce du fait d’une
pression constante du FMI et de l’UE.
Une stratégie qui apparaît de plus en plus comme de l’acharnement thérapeutique
puisque la récession serait de 4% en 2011, que la Troïka (UE, BCE, FMI) envisage
une nouvelle perfusion estimée à 120Mds€ d’ici à 2014, que des analystes anticipent
une restructuration de la dette (350mds€) ayant pour conséquence que la Grèce ne
soit plus membre de la zone euro afin qu’Athènes puisse dévaluer sa monnaie.
9
Isabelle COUET : « La restructuration des dettes des pays périphériques est de moins en moins tabou », Les
Echos.fr du 18.04.2011
10
Le 6 mai 2011, 6 ministres des Fonances de la zone euro se seraient réunis à Luxembourg à cet effet.
Catherine CHATIGNOUX : « La Grèce détaille un plan de privatisations de 50 milliards d’euros », Les Echos.fr
du 18.04.2011
11
RFI : « La Grèce adopte un nouveau plan de rigueur », 10.06.2011
6
Une solution préconisée par le ministre allemand des Finances qui souhaite « une
contribution chiffrée et substantielle des détenteurs d’obligations » et par le
président de la BCE (Jean-Claude Trichet) qui considère « une telle solution comme
appropriée » et ce contrairement à son successeur (l’actuel gouverneur de la Banque
d’Italie) Mario Draghi12. Suite à ces préconisations, le 13 juin, Standard n’ Poor’s a
noté Athènes « CCC ». La Grèce est aujourd’hui le pays le plus mal noté de la
planète, à 3 crans de la note « D » qui est synonyme de faillite irréversible13. Chacun
peut se demander s’il est souhaitable de laisser Athènes faire faillite alors qu’un
« dépôt de bilan » coûtera plus de 56Mds de dollars au contribuable français :
12
13
Le Figaro : « Grèce : Paris, Berlin et la BCE divisés sur la restructuration », du 09.06.2011
AFP : « L’agence S n’P abaisse la note de la Grèce à CCC », LeMonde.fr du 13.06.2011
7
2. Irlande : l’effondrement du « tigre celtique »
En 2008, les effondrements du marché de l’immobilier14 et du système
bancaire plongent le pays dans la crise15. L’Irlande constate que ses
fondamentaux n’étaient que chimères : selon une étude de l’agence de notation
Moody’s datée de juillet 2010, la dette devait atteindre 100% du PIB d’ici à 2013
contre 25% en 200716.
Une envolée de l’endettement qui s’explique notamment par le fait que Dublin a été
contraint de prendre le contrôle total ou partiel des 5 plus grandes banques du pays
pour un coût estimé à 50mds€17, soit un tiers de la richesse nationale18. 2 mois plus
tard en septembre, contre toute attente, le gouvernement irlandais annonçait une
dette de 98.6% du PIB19 20.
Le 16 novembre 2010, considérant la gravité de la situation en Irlande, le Président
de l’Union, Herman Van Rompuy, déclare : « Nous devons tous travailler de
concert afin de permettre à la zone euro de survivre. Car si la zone euro ne
survit, l’Union européenne ne survivra pas »21. Une déclaration qui confirme
l’analyse de la banque américaine Morgan Stanley qui affirmait, notamment à propos
de l’Irlande, que « la question n’est pas de savoir si les gouvernements vont
faire faillite, mais comment »22.
14
Le 2008, le marché de l’immobilier représentait 20% du PIB. Il s’est effondré de 62% en 3 ans.
Cité jadis en exemple pour son taux de croissance, sa capacité à attirer les investisseurs étrangers (taux
d’impôt sur les sociétés à 12.5%), son budget en excédent, l’Etat accuse brutalement un déficit de plus de 12%
(32% en 2010 contre 14.4% en 2009 et 12% en 2008) et une production en baisse de 10% (le taux de chômage
passant de 4 à 14% en 2010. Reuters : « L’Irlande dévoile son plan d’austérité », LePoint.fr du 24.11.2010).
16
L’encours de la dette était de 65% en 2009
17
Loïc Vennin : « Irlande : un conseil des ministres urgent pour finaliser un plan de rigueur », AFP du
20.11.2010
18
Les agences de notations prévoyaient que l’Irlande devrait dépenser l’équivalent de 58% de son PIB pour
sauver son système bancaire. Pas la Goldman Sachs.
19
Le déficit budgétaire atteindra 32% en 2010.
20
Les conclusions optimistes de l’étude sur les tests de résistances des établissements financiers de la zone euro
volent en éclat alors que le CEBS (comité des régulateurs européens) estimait en juillet qu’il ne manquerait que
3.5 milliards pour sauver le système bancaire européen… soit bien moins que les 25 estimés pour sauver la seule
Anglo Irish Bank (en plus de 3 plans de sauvetage à hauteur 8.6 milliards d’euros). De plus, la Banque centrale
irlandaise indique que l’Allied Irish Bank (AIB) aura recours à une nouvelle aide de 9.8 milliards (en plus des
7.4mds€ déjà levés) et que la banque mutualiste Irish Nationwide (INBS) demande 2.7 milliards d’euros.
21
AFP : « Pour le président de l’UE, la zone euro joue sa survie », LeMonde.fr du 16.11.2010
22
L’étude consacrée à la dette des Etats reconnaît que même les pays les plus riches au monde seront incapables
de rembourser tout ou partie de leur dette à terme… et confirme le bien fondé des avertissements de l’agence de
15
8
Un scénario qui trouve un écho le 24 novembre : afin d’éviter la faillite, le Premier
ministre Brian Cowen se contraint à négocier un plan de sauvetage avec l’Union
Européenne et le FMI à hauteur de 85 milliards d’euros 23. Anticipant une dette qui
devrait culminer à 120% du PIB en 2011, Standard n’ Poors place l’ex « Tigre
celtique » sous « surveillance négative » au même titre qu’Andorre,
Chypre, la République Tchèque, Malte ou encore l’Estonie qui est devenue
membre de la zone euro le 1er janvier dernier24.
Un scénario qui trouve un deuxième écho25
26
, en avril 2011, obligeant le ministre
des finances, Michael Noonan, à annoncer une énième restructuration du secteur
bancaire pour 24Mds€ et à la création d’un nouvel établissement bancaire à partir de
Bank of Ireland27.
Enfin le 6 mars 2011, le nouveau Premier ministre Enda Kenny dénonçait « l’échec
du plan de sauvetage à restaurer la confiance dans les banques irlandaises ou dans
l’Etat » au soir de son élection, et ce avant d’ajouter que « le poids de la dette
menace de plus en plus de devenir insoutenable et il faut d’urgence explorer les
mesures permettant de sauvegarder la viabilité de la dette »28.
notation Moody’s qui menace depuis mi-août de baisser la note souveraine maximale (triple A) de la GrandeBretagne, de l’Allemagne, des Etats-Unis et de la France.
23
Condition préalable à cette négociation, Dublin a élaboré un plan d’austérité de 15 milliards d’euros sur 4 ans,
soit 10% du PIB (baisse de 15% des traitements des fonctionnaires…)… le 4e depuis février 2009 (« Irlande : ça
suffit ! », La Tribune.fr du 12.11.2010.).
24
Massimo Prandi : « Irlande : le traitement de choc », Les Echos.fr du 24.11.2010
25
« Bruxelles autorise l’Irlande à aider ses banques », La Tribune.fr du 21.12.2010 Et ce malgré le rachat de
prêts immobiliers dévalués à hauteur de 71.2 milliards d’euros par la NAMA (structure de défaisance créée par
Dublin).
26
Le 20 Décembre : les agences de notations dégradent les notes des 5 plus grandes banques irlandaises
Et d’une deuxième à partir d’AIB et d’EBS Reuters : « Irlande : le gouvernement va investir 24 milliards
d’euros dans ses banques », 20minutes.fr du 1.04.2011
28
Padric Halpin : « Le plan UE-FMI a échoué, dit le nouveau pouvoir irlandais », L’expansion du 8.03.2011
27
9
3. Portugal : le troisième « domino »
Le 13 juillet 2010, Mood’ys sanctionne le Portugal au motif que les perspectives de
croissance demeurent faibles et que les déficits publics devraient s’accroître pour les
deux prochaines années. Afin de faire mentir les perspectives des agences de
notation, Lisbonne engage un plan de rigueur qui prévoit notamment une baisse de
10% de la masse salariale de la fonction publique, la suppression de 73.000 emplois
publics d’ici à 2013, le gel des pensions de retraite, la suppression des 13 e et 14e
mois pour les fonctionnaires et les retraités, une baisse de 25% des allocations
familiales, une réduction du salaire minimum, la privatisation de 32 entreprises, une
hausse de 2 points de la TVA à 23%29, etc.
Face à ces efforts qui ne ramèneraient le déficit qu’à hauteur de 5.9% en 201130,
aux agences qui considèrent Lisbonne comme le prochain « domino », au rejet d’un
nouveau programme d’austérité pour éviter une intervention du FMI, le Premier
Ministre José Socrates a remis sa démission le 22 mars 201131. Comble de l’ironie, le
3 mai 2011, l’opposition réagissait positivement à l’annonce d’une aide du FMI et de
l’UE à hauteur de 78Mds€ sur 3 ans en l’échange de nouvelles mesures d’austérité32.
Un sauvetage, en plusieurs étapes, qui pourrait ne jamais se concrétiser
puisque si toute aide doit être votée à l’unanimité des membres de l’Eurogroupe, la
Finlande menace de voter contre et la Cour constitutionnelle allemande pourrait
censurer toute intervention de Berlin33.
29
Marie Dancer : « Lééconomie portugaise cherche un nouveau modèle », La Croix du 14.02.2011.
Contre 9.1% en 2010.
31
Selon José Socratès : « l’opposition a retiré au gouvernement toutes les conditions pour gouverner »
(Mathilde Golda : « L’appel à l’aide du Portugal imminent », Lefigaro.fr du 24.03.2011). 2 jours plus tard, le 24
mars 2011, Standard n’ Poors dégradait la note du Portugal de 2 crans à « BBB ».
32
www.boursier.com: « Europe : le plan d’aide au Portugal atteindra finalement 78mdse », du 4.05.2011
33
Romaric GODIN : « Les mécanismes d’aide aux pays de l’euro en difficulté remis en cause », La Tribune du
19.04.2011
30
10
L’opposition ayant remportée les élections législatives du 5 juin dernier, le nouveau
Premier ministre, Pedro Passos Coelho, devra affronter les syndicats qui refusent
l’application d’une politique d’austérité qui produirait les mêmes effets qu’en Grèce34
et les exigences du FMI obligeant à de nouveaux plans d’économies en l’échange
d’une aide de 12Mds€ pour sauver le système bancaire portugais35.
34
Anne CHEYVIALLE : « Le Portugal se prépare à de nouveaux sacrifices », LeFigaro.fr du 02.06.2011
Marine RABREAU et Guillaume GUICHARD : « Portugal : 12Mds€ pour aider les banques », LeFigaro.fr du
05.05.2011
35
11
4. Spain (Espagne) : l’inenvisageable scénario catastrophe ?
Si en 2008 l’Espagne respectait ses engagements européens avec une dette
n’atteignant que 39.8% du PIB, en 2010, la 4ème économie de la zone euro souffrait
d’une dette culminant à 62% du PIB, d’un déficit de 9.2%36 et d’un taux de chômage
de 20,3%37. Considérant ces indicateurs comme négatifs, le 10 mars 2011, l’agence
de notation Moody’s a placé la dette souveraine sous surveillance négative…
anticipant de fait un risque d’insolvabilité.
L’année 2011 devrait être marquée par une croissance quasi nulle, un taux de
chômage croissant à 20.7%, une dette culminant à 84.6%38, une instabilité
croissante du marché bancaire39 et de nouvelles mesures d’austérité telles que le
recul de 65 à 67 ans de l’âge de départ à la retraite 40, le gel des pensions, la baisse
des salaires des fonctionnaires de 5%, la suppression d’une aide de 400€ aux
chômeurs en fin de droits alors que le salaire minimum est fixé à moins de 700€
brut, etc.41 Et ce sans oublier l’expression d’une crise sociale notamment incarnée
par les « indignados » qui campaient à la Puerta del Sol et la lourde défaite des
socialistes aux élections municipales et régionales de mai. Malgré ces données,
l’ancien directeur du FMI se disait « très confiant dans les perspectives économiques
de l’Espagne à moyen et à long terme » et niait les révélations du journal El
Economista qui affirme que le Trésor américain, le FMI et l’UE ont imaginé un plan
d’aide de 250mds€42.
36
Gaëlle LUCAS : « Fébrilité autour de la dette espagnole », La Tribune du 19.04.2011
Soit 4.1M de chômeurs. Reuters : « Espagne : Légère baisse du chômage en décembre », 20minutes.fr du
04.01.2011
38
La Tribune du 19.04.2011
39
Challenges.fr : « Moody’s dégrade les notes de 30 banques espagnoles », le 24.03.2011
40
AFP : « L’Espagne s’apprête à reculer l’âge de la retraite à 67 ans », LeMonde.fr 28.01.2011
41
Mathieu de TAILLAC : Espagne : lourde défaite socialiste aux élections locales », LeFigaro.fr du 23.05.2011
42
Pierre AUSSEILL : « Au centre des inquiétudes, l’Espagne sauve la mise pour le moment », AFP du
18.06.2010
37
12
5. Italie : une politique gouvernementale saluée
Le jeudi 29 juillet 2010, le parlement italien a adopté un plan de rigueur de
25Mds€ sur trois ans qui prévoit notamment le gel des salaires des fonctionnaires43,
la baisse de 10% des budgets des ministères et le renforcement de la lutte contre
l’évasion fiscale. Ces mesures devraient permettre à l’Italie de ramener son déficit
public sous les 3%44 en 2012 contre 5% aujourd’hui. De plus, le projet de réforme
des retraites reculant l’âge de départ à 68.5 ans, soit plus de trois années et demi de
cotisations supplémentaires45, permettrait de stabiliser l’encours de la dette à 120%
du PIB en 201246.
Le 13 décembre, à la veille du vote d’une motion de censure dénonçant le plan de
rigueur imposé par le Président du Conseil Silvio Berlusconi, Bruxelles salua la
politique gouvernementale en ces mots : « L’Italie a relativement bien affronté la
crise, son gouvernement s’en est tenu à une politique fiscale prudente afin de
prévenir l’inquiétude des marchés »47. Malgré les encouragements de Bruxelles,
Standard n’ Poor’s a placé la dette italienne sous perspective « négative »48.
« Négative », comme les baffes électorales enregistrées par S. Berlusconi en juin49.
43
A cela s’ajoute la baisse de 5% des salaires des hauts fonctionnaires.
En 2012, la Commission européenne table sur un déficit de 3.5% contre 2.7% selon le Gouvernement.
45
AFP : « Italie : retraite pourrait passer à 68.5ans », LeFigaro.fr du 2.07.2010
46
Contre 116% en 2009.
47
Déclaration d’Olli Rehn (chargé des Affaires économiques à Bruxelles). Guillaume Delacroix : « Berlusconi,
en sursis, obtient un satisfecit de Bruxelles sur sa politique », Les Echos.fr du 13.12.2010
48
AFP : « L’Euro continue de chuter, plombé par les inquiétudes concernant la Grèce », LePoint.fr du
23.05.2011
49
Après la perte de son fief électoral de Milan lors des municipales, les revers lors des 3 référendums du 13 juin
(privatisation de l’eau, nucléaire, immunité pénale) apparaissent comme un désaveu. Plana
RADENOVIC : « Italie : la fin du berlusconisme ». www.europe1.fr du 14.06.2011
44
13
SECTION 2 : Les « euros » abstinents
1. Grande-Bretagne : la Livre ne protège pas
Le 20 octobre 2010, face à une économie présentant une monnaie dévaluée, une
inflation de plus de 3% et un déficit public de 11%50, le premier ministre David
Cameron rend public son plan de rigueur visant à économiser 113 milliards de Livres
sur 5 ans51.
Ce plan prévoit notamment la hausse de la TVA de 2,5 points à 20%, le recul de
l’âge de départ en retraite de 65 à 66 ans, une augmentation de la taxe sur les plus
values de 18 à 28%, et la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires
sur 5 ans dont 120.000 dès 201152.
Malgré l’annonce de ce plan mais grâce à une Livre dévaluée, le secteur des
exportations a pallié les carences croissantes de la consommation des ménages et de
l’investissement des entreprises (1.7% de croissance en 2010)53. 2011 devrait être
marquée par un ralentissement de la croissance et une dette culminant à 94% du
PIB
50
54
, soit plus que la moyenne des membres de la zone euro.
Le déficit public atteindra 11% du PIB en 2010. « Des coupes budgétaires mais pas pour moi », La Tribune.fr
du 14.10.2010, contre 11.4% en 2009.
51
« la Grande-Bretagne au régime sec », LeJDD.fr du 20.10.2010
52
AtlasInfo.fr : « le taux de chômage devrait atteindre 9% en 2011 », Atlas.Info.fr du 29.12.2010 (contre 7.9%
en 2010).
53
Christina Fincher et David Milliken: « Contraction inattendue du PIB britannique au 4 e trimestre 2010»,
NouvelObs.com du 25.01.2011. La contraction est de 0.5%.
54
Alternatives Economiques n°290 : »Dette publique : pour une gestion à long terme », avril 2010
14
2. Islande : « parce qu’elle n’a jamais adopté l’euro »
En septembre 2008, après avoir proposé l’équivalent de 10 années de
richesse nationale en émission de produits d’épargne55, les banques
islandaises se montrent incapables de rémunérer leurs principaux souscripteurs : les
banques britanniques et hollandaises56. L’Etat entre alors dans une récession
moyenne de 11%, voit son taux de chômage triplé à 9.7%, accepte l’apport de
capitaux russes aux intérêts stratégiques mal perçus, un prêt contracté auprès du
FMI57 mais tout en conservant un avantage : la possibilité de dévaluer la couronne
islandaise pour dévaluer l’encours des emprunts à rembourser. Grâce à cette
stratégie, l’Islande a réussi à stabiliser son déficit à 6.3% 58 en 2010, à réduire son
taux de chômage de plus de 2 points à 7.3% et à renouer avec la croissance.
Le président islandais, Olafur Grimsson, explique ce miracle par le refus d’appliquer
la stratégie de Bruxelles et du FMI : « La différence est qu’en Islande nous
avons laissé les banques faire faillite59. L’Etat n’a pas à assumer cette
responsabilité (contrairement à l’Irlande ndlr)». Le prix Nobel d’économie Paul
Krugman ajoute une deuxième explication : « l’Islande s’est relevée plus vite
parce qu’elle n’a jamais adopté l’euro »60.
55
Les produits d’épargne étaient sécurisés avec un taux de rendement de 7%.
L’Islande a refusé de dédommager les 340.000 victimes étrangères de la banque Icesave qui a perdu 5
milliards de dollars dans son naufrage. Massimo PRADI : « Les Islandais prêts à rejeter à nouveau le compromis
sur les dettes d’Icesave », Les Echos.fr du 08.04.2011
57
Le FMI a accordé, en novembre 2008, un prêt de 2.17 milliards de dollars. AFP : « Islande : nouveau
déblocage de fonds du FMI prévu pour fin 2010 », La presse affaires du 14.11.2010
58
L’encours de la dette culminerait à 115% du PIB en 2010 pour redescendre à 80% en 2015.
59
Les banques islandaises sont endettées à hauteur de 900% du PIB.
60
Ambrose Evans-Pritchard : « Islande qui rit, Irlande qui pleure », The Telegraph, traduit par Courrier
International du 16.12.10.
56
15
SECTION 3 : Les « euros » pratiquants
1. Estonie : le 17e membre de la zone euro
Le 1er janvier 2011, l’Estonie est devenue le 17e membre de la zone euro. Un atout
stratégique selon le ministre de l’économie Juhan Parts qui assure que « le passage
à l’euro devrait accélérer la croissance de 1% par an au cours de ces 20
prochaines années ». Une adhésion qui « apportera la stabilité et la fin de la
spéculation sur la dévaluation de la couronne » selon le Premier ministre Andrus
Ansip. Après une récession de 14% en 2009, l’Estonie a renoué avec une
croissance de 2.5% en 2010 pour proposer un déficit de seulement 1.3%61 et une
dette de seulement de 6.6%. Comme pour l’Islande, ce retournement de situation
spectaculaire est le fruit d’une politique de rigueur et d’une dévaluation de la
monnaie. Dernier point impossible avec l’euro diront les eurosceptiques.
2. Allemagne : un modèle pour la France ?
Malgré la crise, l’économie allemande demeure si compétitive que de nombreux
économistes et politiques français souhaitent que Bercy s’inspire de Francfort62 : un
déficit de seulement 3.3% en 2010 contre 7% pour la France63, un taux de chômage
de 7.7% en 201064, une croissance record (depuis la réunification) de 3.6% en 2010
contre 1.5% pour la France65. Ces indicateurs positifs trouvent leur origine dans une
volonté politique de gagner en compétitivité pour emporter des parts de marché à
l’exportation. Une volonté qui ne semble pas être le cas outre-Rhin : en France, de
2000 à 2008, les coûts de fabrication d’un produit66 ont progressé de 3%, tandis
qu’en Allemagne, ils ont reculé de plus de 11%67.
61
« La crise de l’euro ne fait pas peur à l’Estonie », Sud Ouest du 28.12.2010
A la demande du ministre de l’Industrie, Eric Besson, le COE-Rexecode a remis un rapport en janvier 2001.
63
Catherine CHATIGNOUX : « UE selon les données annuelles d’Eurostat », Les Echos.fr du 27.04.2011
64
Contre 8.2% en 2009. Les Echos.fr : « Allemagne : le chômage a baissé à 7.7% en moyenne en 2010 » du
04.01.2011.
65
Actu France-Soir : « L’Allemagne enregistre sa plus forte croissance depuis la réunification » du 12.01.2011
66
Coûts salariaux unitaires : combien coûte, en terme de salaire, la fabrication d’un produit.
67
Les charges sociales représentent 44% du salaire brut en France contre 30% en Allemagne. Carine JANIN :
« La France moins compétitive face à l’Allemagne », Ouest France du 21 janvier 2011
62
16
Pour Denis Ferrand, directeur de COE-Rexecode : « la compétitivité a commencé
à se dégrader à partir de 1999-200068, c'est-à-dire simultanément à la
mise en place de la réduction du temps de travail à 35 heures » qui a
notamment eu pour conséquence que « la part des exportations françaises dans
l’ensemble de celles de la zone euro est passée de 17% en 1998 à 13.1% en 2010.
Si nous avions conservé notre part de marché intacte, nous aurions enregistré
100Mds€ d’exportations supplémentaires »69.
A ces déclarations, nous nous devons d’ajouter que si les salariés allemands ne
jouissent pas d’un salaire minimum garanti, plus d’un million d’employés de
l’industrie et des grandes surfaces touchent un revenu plafonné à 5€ de l’heure70 et
près de 300.000 allemands gagnent 1.5€ de l’heure71. De plus selon le CESE de la
République, dans certains secteurs économiques français, de nouvelles méthodes de
management permettent de produire autant de biens et services en 35heures, que
jadis, en 39 heures.
68
Jean-Pierre CHEVENEMENT : « Pourquoi je serai candidat », Rue89 du 24.06.2011. « La France est mal
partie. Plus de deux millions d’emplois industriels ont disparu depuis 1983. Notre pays s’est installé dans un
chômage de masse structurel (environ 9% de la population active), désespérant pour la jeunesse. (…)
L’industrie est passée de 30% à 13% de la valeur ajoutée (en 30 ans ndlr). Nos parts de marché, à l’échelle
mondiale, se sont réduites (de 5.5% à 3.6%). (…). Plus grave encore, La France ne maîtrise plus les moyens
de l’action économique et politique, ni sa monnaie, ni son commerce extérieur, ni ses flux financiers, ni son
droit devenu subordonné ».
69
Propos recueillis par Eric CHOL : « Les 35 heures ont accéléré la disharmonie entre la France et
l’Allemagne », La Tribune 4.01.2011.
70
L’Echo du 29 juillet 2010. Selon une étude de l’Institut pour le travail et la qualification (IAQ) de l’Université
de Duisburg, plus d’un cinquième des salariés allemands étaient payés moins de 10 euros bruts de l’heure. 1,15
million d’employés sont même rémunérés moins de 5 euros de l’heure. Plus inquiétant encore, le nombre de
travailleurs pauvres ne cesse d’augmenter en république fédérale. En 2008, 6,55 millions de personnes
gagnaient moins de 10 euros, soit 220.000 de plus que 2 ans plus tôt.
Les mesures sensées améliorer la compétitivité des entreprises rhénanes décidées par Gerhard Schröder lors de
son passage à la Chancellerie fédérale ont en effet permis aux employeurs de recruter du personnel à moindre
frais. Les «minijobs» (c’est leur nom officiel) limitent ainsi à 400 euros nets par mois les revenus des
salariés. De très nombreuses sociétés de service et d’importantes chaînes de grande distribution usent et abusent
de ces contrats.
L’Allemagne fait en effet partie des rares pays de l'Union à ne pas avoir de salaire minimum.
71
Rachel KNAEBEL : « Le fiasco des jobs allemands à un euro », Politis.fr du 19 mai 2011
17
SECTION 4 : Banques européennes : le système s’écroule
Le 1er juillet 201072, 1121 banques de la zone euro remboursent 442Mds€ à la BCE
conformément aux emprunts contractés un an plus tôt73.
Le 23 juillet, contrairement aux projections des analystes74, l’enquête relative aux
tests de résistance des établissements financiers n’a recalé que 7 banques sur 91
contrôlées75.
Comme le notera le FMI, ces tests présentent « un manque de rigueur » qui n’a pas
résisté à la réalité de l’effondrement du système bancaire irlandais et à la publication
des pertes et dépréciations liées à la crise76 :
72
A la fin de l’année 2008, en pleine crise de liquidité, les banques françaises ont eu recours aux dispositifs mis
en place par Bercy à hauteur de 76.9Mds€ sous forme de prêts garantis et de 20.75Mds€ d’apports en fonds
propres. Cette opération rapportera 3mdse à l’Etat. Alexandre MADDENS : « Les banques s’acquittent de leur
dette envers l’Etat », La Tribune du 24.02.2011
73
Simultanément, face aux doutes quant à la capacité des banques « GIPSY » à honorer leur dette, la BCE a
débloqué plus de 130mds€ afin de préserver la capacité financière de ces établissements. Un record.
74
Le « stress test » grec a été envisagé à hauteur de 17% alors que Moody’s ou la banque Citigroup anticipaient
alors les pertes potentielles à hauteur de 40%.
75
Soit 5 espagnoles, une grecque, une allemande et aucune irlandaise contre 10 américaines sur 29 étudiées en
février 2009.
76
Bertille Bayart : « La crise n’est pas finie, avertit le FMI », Le Figaro.fr du 6.10.2010
18
Face à ces données chiffrées, les analystes s’attendaient à ce que les nouveaux tests
pratiqués sur 88 banques de la zone euro soient plus crédibles. Or ils sont moins
contraignants que ceux de 2010 : chute de 15% des marchés financiers contre 20%
un an plus tôt77. De plus, les tests ne prennent pas en compte l’éventualité d’un choc
des matières premières, un défaut de paiement d’un Etat membre, etc.
Regrettant cette approche, le secrétaire du Trésor américain Timothy Geithner a
déclaré : « Il est très important, pour que ces choses-là fonctionnent, qu’ils soient
sévères, qu’ils soient transparents et publiés »78. Une demande immédiatement
rejetée par le président de l’Autorité bancaire européenne (EBA), Andréa Enria : « Le
scénario des tests de résistance 2011 est plus sévère que l’an dernier. C’est un
fait 79 »80.
En définitive, entre manipulations des chiffres et pertes continues en crédibilité, la
situation demeure incompréhensible pour de nombreux français qui constatent que
leurs banques réalisent des performances exceptionnelles81 et ce, sans qu’elles n’en
fournissent la moindre explication. Une situation à l’opposé du système bancaire
européen qui continue d’accroître le volume de ses créances « douteuses »82 :
77
Marine Rabreau : « Banques européennes : des stress tests encore plus faciles », Le Figaro du 9.03.2011
www.romandie.com : « USA : tests de résistances sévères souhaités pour les banques en Europe » du
15.03.2011
79
Nicolas Delame : « L’Autorité bancaire européenne défend les tests de résistance », Le NouvelObs.com du
9.03.2011
80
Challenges.fr : « Moody’s dégrade les notes de 30 banques espagnoles », le 24.03.2011
81
Au 3e trimestre 2010 : la BNP enregistre 6.3 milliards de bénéfices nets sur 9 mois (Réjine Reibaud : « BNP
Paribas rassure sur Bâle III et affiche des résultats meilleurs que prévus », Les Echos.fr du 5.11.2010), 3
milliards de bénéfices nets pour la Société Générale (Dont 896 M€ au 3e trimestre. Ninon Renaud, « Société
Générale double ses profits trimestriels », Les Echos.fr du 04.11.2010) et 651 millions de bénéfices pour la
Banque Postale en 2010 (En hausse de 10.8% sur un an. Anne de Guigné : « Hausse des bénéfices à la Banque
postale », Le Figaro du 18.03.2011).
82
Allemagne : 142, 210, 225mds€ - Royaume-Uni : 107, 155, 175 – Espagne : 75, 93, 103 – Irlande : 15, 88,
109mds€ en 2010. Alexandre MADDENS : « Banques : 1300 milliards de crédits à céder en Europe », La
Tribune du 19.04.2011.
78
19
Les créances douteuses des banques
250
225
201
200
175
155
150
142
2008
107
93
100
109
103
88
75
50
15
0
Allemagne
Royaume-Uni
Espagne
La Tribune du 19 avril 2011
Irlande
2009
2010
20
CHAPITRE 2 : « No big deal »
SECTION 1 : Les Etats-Unis au 2 août 2011 : le nouveau « ground zero » ?
Le 3 Novembre 2010, la crise83 étant désignée comme la cause du revers électoral de
mi-mandat, le président Obama se devait de réagir en démontrant que les Etats-Unis
d’Amérique demeurent la première puissance financière mondiale.
La réaction est à la hauteur de la crise et d’un statut de géant monétaire : 600Mds
de dollars sur huit mois! C’est la somme qu’a investi Ben Bernanke, président de la
réserve fédérale américaine (FED), en rachetant des bons du Trésor américain (la
dette) à hauteur de 110 milliards par mois84 (75 + 35 initialement prévus)85.
Les conséquences de ce plan impossible à imaginer dans la zone euro (la Banque
Centrale Européenne ne pouvant « à souhait » faire tourner la planche à billets) ont
eu pour conséquence de surévaluer l’euro par rapport au dollar. Il s’agit là
d’une stratégie constante pratiquée par l’administration Obama depuis l’avènement
de la crise : en 2008, les actifs de la FED étaient de 800 millions d’euros pour
2344Mds en octobre 201086
87
.
83
Le taux de croissance des Etats-Unis devait plafonner à 2.5% en 2010 pour un taux de chômage d’au moins
9.6%. Alexandra Boksenbaum-Granier : « La croissance américaine plus rapide au 3e trimestre »,
NouvelObs.com du 23.11.2010
84
A titre de comparaison, cette somme mensuelle représente davantage que le premier poste annuel de dépenses
en France : l’Education.
85
Virginie Robert : « Pour aider la croissance, la Fed va racheter 600 milliards de titres d’Etat », LesEchos.fr du
3.11.2010
86
Virginie Robert : « La Fed va reprendre l’initiative pour dynamiser
l’économie », Les Echos.fr du 03.11.2010
87
Le Japon détiendrait 800 milliards de dollars de bons du trésor américain.
21
Si en 2011 les Etats-Unis devraient connaître un taux de croissance soutenu de 2.8%
selon le FMI88, les agences de notation, confortées par la publication d’un rapport
alarmiste du FMI89, menacent d’ôter le triple A à la première puissance économique
et monétaire mondiale en plaçant Washington sous « surveillance négative ». Un
coup de tonnerre inédit pour les marchés qui observent l’accroissement continu de la
dette américaine à plus de 14.200mds de dollars, soit 91.6% du PIB90.
Face à la dérive des finances publiques fédérales dont le déficit devrait croître de
11%, le président Obama envisageait, en avril, un plan d’économies de 4000mds de
dollars d’ici à 202391. Mais les craintes suscitées par les marchés et la stratégie, à
minima, du président Obama laissent toutefois perplexes de nombreux économistes
comme le prix Nobel d’économie, Paul Krugman, qui a déclaré : « No big deal »
(« pas de quoi fouetter un chat »)92.
Une crainte concrétisée le lundi 16 mai 2011 : la dette américaine a dépassé son
plafond légal de 14.294Mds de dollars, à partir duquel l’Etat fédéral ne peut plus
emprunter. Sans un compromis entre le Congrès et la Maison Blanche avant le 2
août, les Etats-Unis seront en défaut de paiement93.
Sans l’accord des Républicains94 (majoritaire à la Chambre des représentants) visant
à relever le plafond de la dette95, le Président Obama envisage « une récession pire
que ce que nous avons déjà eu, une crise financière pire que ce que avons déjà
eu »96, soit « des conséquences économiques catastrophiques » selon le sécrétaire
du Trésor Timothy Geitner97.
88
Et de 2.9% en 2012. AFP : « Le FMI maintient sa prévision de croissance mondiale à 4.4% en 2011 », Le
Monde.fr du 11.04.2011
89
Eric BENHAMOU : « Le dollar sauvera le AAA de l’Amérique », La Tribune du 19.04.2011
90
LeMonde.fr : « L’avertissement de Standard n’ Poor’s aux Etats-Unis :un mal pour un bien ? » du 19.04.2011
91
Julien BEAUVIEUX : « Les obligations d’Etat américaines résistent à la mise sous surveillance de Standard n’
Poor’s », La Tribune du 19.04.2011
92
Sylvain CYPEL : « Les Etats-Unis rattrapés par l’ampleur de leur dette », LeMonde.fr du 19.04.2011
93
LeFigaro.fr : « Les Etats-Unis à moins de trois mois de la Faillite », 16.05.2011
94
Les Républicains exigent un plan d’éconimies de 2.500Mds de dollars sur 10 ans. Pierre-Yves DUGUA :
« Dérapage de la dette : les Etats-Unis risquent de perdre leur note « AAA », avertit Fitch », Le Figaro du
9.06.2011
95
Bien que le plafond de la dette US a été relevé 74 fois en 50 ans, en 1995, le refus des Républicains a
obligé l’administration Clinton à ne plus financer le secteur public pendant plusieurs semaines. Pierre de
GASQUET : « Le niveau de la dette publique américaine dépasse son plafond légal ». Lesechos du 16.05.2011.
96
Reuters : « Dette américaine : Barack Obama craint une nouvelle crise financière », 20minutes du 16.05.2011
97
Radio-Canda : « La dette américaine atteint sa limite légale », 16.05.2011
22
Une analyse corroborée par l’institut de recherche Third Way qui craint un défaut de
paiement de l’Etat fédéral plongeant les Etats-Unis dans une récession provoquant
640.000 suppressions d’emplois, un effondrement de la Bourse et un blocage des
activités de crédit.
La dette américaine était de 8950Mds de dollars en 2007, 9990 en 2008, 11880 en
2009, 13530 en 2010 contre 15480Mds estimés en 2011… soit une augmentation de
73% en 4 ans98.
98
Le Figaro : « L’inquiétude grandit sur la dette américaine », 9.06.2011
23
SECTION 2 : Japon, Chine : des colosses aux pieds d’argiles ?
1. Japon : une dette colossale
Le 27 janvier dernier, le pays développé le plus endetté au monde (200% du PIB) se
voyait ôter son triple « A » par l’agence de notation Standard n’ Poor’s au motif que
l’encours de la dette devrait s’accroître99 malgré l’instauration d’une réforme
budgétaire. Si la décision sanctionne la politique de Tokyo, elle n’entraînera pas
d’augmentation des taux d’emprunts dans la mesure où la dette nipponne est
détenue par ses propres institutions financières. Un atout stratégique dont la France
ne dispose pas : la dette est détenue pour deux tiers par des non résidents
(établissements privés européens à caractère financier, fonds de pension, fonds
souverains du Golfe et banques centrales d’Asie)100.
Suite au séisme et au tsunami du 11 mars 2011 dont les pertes humaines
demeurent les plus dramatiques, le Japon subira le coût d’une reconstruction et
d’une redynamisation des territoires dévastés. Si le coût financier du séisme de Kobe
eut été chiffré à hauteur de 159Mds de dollars par Standard n’ Poors, Goldman Sachs
avançait une note d’au moins 200Mds101 dans l’hypothèse d’une totale sécurisation
de la centrale nucléaire de Fukushima102. Une hypothèse rejetée dès avril par le
gouvernement japonais qui évalue le seul coût des dommages matériels à plus de
300mds de dollars, soit la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire. Le coût
de la reconstruction, associé à une baisse de la croissance à 0.8%, pourrait être en
partie financé par un triplement du taux de la TVA qui passerait de 5 à 15% selon les
préconisations du FMI103.
Pour exemple, le séisme et le tsunami du 21 mars ont fait chuter le marché
automobile nippon de 60%104 :
99
Le déficit budgétaire atteindrait 8% en 2011 contre 9.1% en 2010. Reuters : « le Japon voit sa note baisser
pour la première fois depuis neuf années », 20minutes du 27.01.2011
100
Contribuables associés : « La dette française », décembre 2010
101
Soit 3.7% du PIB, 2% de la dette publique japonaise.
102
Claude Meyer : « L’économie japonaise peut éviter le désastre », Le Monde du 24.03.2011
103
LaTribune.fr : « Le FMI suggère au Japon de tripler sa TVA », 08.06.2011
104
Jean-Bernard LITZLER : La production auto japonaise chute de moitié », LeFigaro.fr du 25.04.2011
24
2. Chine : la future 1ère puissance économique mondiale
Forte d’un un coût du travail horaire de 4€ contre 36€ en France ou 33€ en
Allemagne105, d’une croissance de 10.3% en 2010106, la Chine est devenue la
deuxième puissance économique mondiale derrière les Etats-Unis mais devant le
Japon. D’ici à 2017, selon le FMI, Pékin ravira la première place à l’économie
américaine.
Si ces perspectives laissent à croire que Beijing ne subi pas les conséquences de la
crise, il faut noter d’une part que le taux de croissance a reculé de 4 points par
rapport à 2007 et d’autre part, que l’excédent commercial a baissé de 7% en 2010
après un plongeon de 34% en 2009107.
Preuve que dans une finance globalisée qui ne connaît plus les frontières
idéologiques ou économiques, la crise des uns entraîne invariablement le ralentissent
des autres. Bien sûr, l’économie chinoise demeure dynamique avec un taux de
croissance estimé à 8.7% par la Banque mondiale108.
105
« La Chine, deuxième économie du monde », Francesoir.fr du 15.02.2011
Boris Cambreleng pour : « Avec 10.3% de croissance en 2010, la Chine confirme sa montée en puissance »,
20.01.2011.
107
« Chine : l’excédent commercial a baissé de 7% en 2010 », www.boursier.com du 10.01.2011.
108
9.6% selon le FMI. Donghai Lu : « Chine : la croissance va ralentir en 2011 », www.chine-informations.com
du 6.11.2010
106
25
SECTION 3 : L’hétérogénéité du monde arabe
Selon le FMI, la croissance du monde arabe sera de 4.1% en 2011 contre 4.6%
initialement prévu en janvier car « l’extension de la contestation sociale, la hausse
des primes de risque et l’augmentation des prix des marchandises à l’importation
vont entraver les perspectives de croissance économique ». Le monde arabe n’étant
pas un bloc homogène, certains Etats profiteront d’une forte croissance comme
l’Arable Saoudite (1ère économie arabe – 7.5%)109 alors que d’autres, comme la
Tunisie connaîtront une faible croissance à 1.3% contre 3.7% en 2010110.
Si les prévisions du FMI laissent paraître une zone en situation de croissance,
l’application d’une politique de rigueur aux Etats-Unis, et le cas échéant renforcée par
« une nouvelle crise financière pire que ce nous avons déjà eu » selon les craintes du
président Obama, peut plonger une partie du monde arabe en situation de récession.
En effet, des Etats comme l’Algérie et l’Egypte sont particulièrement tributaires des
aides publiques et des investissements américains111 et ce, d’autant plus que des
Etats comme l’Egypte ont recours à des aides du FMI112 :
109
www.lemagazinedumanager.com : « Prévisions 2011-2012 du FMI relativement bonnes pour le Maroc », du
26.04.2011
110
AFP : « Le FMI maintient sa prévision de croissance mondiale à 4.4% en 2011 », Le Monde.fr du 11.04.2011
111
Virginie ROBERT : « Obama : du côté de la démocratie… sans oublier la realpolitik », Les Echos du
24.02.2011
112
L’Egypte a obtenu une aide de 3Mds de dollars en juin 2010. 20minutes.fr : « Le FMI octroie 3Mds de dollars
de crédit à l’Egypte », 05.06.2011
26
L’éclatement de la bulle immobilière américaine en 2008 impose aux Etats européens
d’adopter des plans de rigueur et ce, qu’ils appartiennent ou non à l’Union
Européenne, ou non à la zone euro. Preuve que la Grèce n’est pas le seul mauvais
élève.
Chacun constate également que la « théorie des dominos »113, rejetée au 1er
trimestre 2010, crainte au second, est aujourd’hui fondée tant pour les Etats que
pour les banques.
Ainsi, la théorie de l’interdépendance des Etats nous confirme que tout pays
confronté à une crise financière impose à ses partenaires économiques les
répercussions de ses propres difficultés.
Oui, nous vivons dans un monde globalisé où nos économies dépendent les unes des
autres.
Est-ce la faute de la mondialisation ? Souvenons-nous que les décisions de l’OPEP
d’augmenter le prix du baril de pétrole, dans les années 70, a eu pour conséquence
une
crise planétaire ; et ce alors que nos économies n’étaient pas encore
mondialisées : le mur de Berlin divisait alors les deux blocs.
Que pouvons-nous présager ? 2011 n’est sans doute pas une année de reprise mais
d’aggravation de la crise : l’Europe, avec l’aide du FMI, multiplie les plans de
sauvetage sans aucune assurance de résultats. Bien au contraire, la situation
grecque se détériore continuellement…
Que pouvons-nous proposer ? Sans équivoque, le refus de la restructuration de la
dette grecque afin de ne pas engendrer une crise de confiance mondiale bien plus
importante que celle liée à la faillite de Lehman Brothers. Assurément de repenser la
stratégie du FMI visant à exiger des plans d’austérité sur des cycles courts qui
provoque de la récession et non de la croissance.
113
En plus des « GIPSY », La dette souveraine belge est placée sous surveillance négative. Mathilde GOLLA :
« De nouvelles inquiétudes sur les dettes en Europe », LeFigaro.fr du 24.05.2011.
27
La première limite de cette proposition réside dans le fait que toute politique
d’allongement des cycles d’austérités (pour les rendre moins violents) signifierait que
le Politique accepte, officiellement, de sacrifier une génération. Mais n’est ce pas ce
que constatent de nombreux jeunes à travers l’Europe avec l’expression des
« Indignés ». Et plus largement, n’est-ce-pas ce que constatent l’ensemble des
générations confrontés à la crise… l’échec de la mondialisation.
La deuxième limite réside dans le fait que l’économie ne peut, seule, répondre à la
crise morale imposée par ceux qui placent l’argent et non l’Homme au centre de
leurs préoccupations.
Lors de nos deux précédentes conférences, nous citions le général De Gaulle qui
alertait quant au fait que « la politique économique de la France ne se fait pas à la
corbeille »114, et Cicéron qui assurait que « les finances doivent être saines (…) de
peur que Rome ne tombe en faillite ».
Aujourd’hui, face à cette crise morale dénoncée par les « Indignés », nous
souhaitons faire référence à l’un des « Sept Sages » qui a instauré la démocratie en
Grèce. En -593avJC, alors qu’Athènes subit une grave crise agraire, Solon modifie en
profondeur le fonctionnement de la cité. Il interdit la servitude pour dettes et efface
ces dernières. Mais surtout il réforme le corps civique. L’accès au pouvoir était
déterminé par l’appartenance à des classes, celles-ci ne seront plus simplement
déterminées par le sang mais par la richesse. Un rôle militaire est également attribué
à chaque classe. Surtout Solon donne un pouvoir à la Boulé, assemblée jusqu’ici
purement consultative. Enfin la création de l’Héliée, tribunal populaire, permet à tous
de participer à la justice de la cité.
En -593avJC, une crise agraire a donné naissance à la démocratie. En 1929, un
« jeudi noir » a permis à Hitler d’accéder au pouvoir quatre plus tard. En 2011,
chacun peut se demander quelle sera la nature de notre « printemps » occidental ?
114
Jean-Pierre CHEVENEMENT : « Pourquoi je serai candidat », Rue 89 du 24.06.2011. Au paragraphe
« Nicolas Sarkozy est tétanisé par les machés financiers », l’ancien ministre rappelle les propos du Président
de la république : « Si on n’avait pas fait la réforme des retraites et le « 1 sur 2 » dans la Fonction publique,
la France ne serait plus notée « triple A », ce qui nous permet d’emprunter à 3.6%, quand la Grèce
emprunete, elle, à 16%, à échéance de 10 ans ».
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