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RAPPEL DU SUJET
SUJET 2 : Doit-on tout faire pour être heureux ?
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corrigé bac 2014
Examen : Bac L
Epreuve : Philosophie
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LE CORRIGÉ
1/ Analyse du sujet
Un sujet classique sur la possible tension entre le bonheur et le devoir, qui vise aussi à interroger une opinion commune
très répandue à notre époque où l'impératif de la recherche du bonheur individuel et de l'épanouissement personnel
s'impose comme une norme du comportement social. Il suffit de lire la couverture des magazines de tous genres pour
s'en convaincre.
La notion du programme directement identifiable est le bonheur, du latin « bonus augurium », le présage favorable, le
signe de la chance. Le bonheur est donc une notion en elle-même problématique puisqu’elle désigne un état stable et
durable de bien-être maximum pourtant dépendant de la chance, c’est à dire lié à des événements que l’on ne maîtrise
pas, quelque chose qui nous arrive sans que l’on s’y attende, et qui a un aspect précaire.
Mais l'expression "doit-on" renvoie à la notion de devoir, d'impératif moral ou d'obligation socioculturelle commune.
Attention aussi à l'expression "tout faire pour" qui présuppose implicitement que le bonheur serait non seulement le
souverain bien, la seule finalité de notre existence, le but de toutes nos activités, mais encore notre seul et unique
principe de conduite qui subordonnerait à lui tout autre principe ou valeur.
2/ La problématique du sujet
Tous les hommes veulent être heureux, cela semble une évidence. Pour le dire autrement, le bonheur paraît être la
finalité naturelle de l’existence. Il faudrait alors « tout faire pour être heureux ». Le bonheur devient une sorte d’impératif,
de devoir moral, et d’urgence (la vie est brève...). Toutes nos décisions, toutes nos actions devraient tendre vers ce but.
Il faut alors baser le bonheur sur ce qui dépend de nous (notre réflexion, notre volonté) afin qu’il soit le produit de notre
activité et non pas un don aléatoire de la chance, et discerner les obstacles et contraintes qui pourraient nous empêcher
d’être heureux afin de les surmonter.
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Mais tout cela n’est-il pas d’une certaine manière trop évident ? Tous les hommes veulent être heureux, certes, mais si
on les interroge sur ce qu’ils entendent par là et comment y arriver, les réponses se font beaucoup plus imprécises et
confuses, voire contradictoires. Que signifie alors « tout faire pour être heureux », sinon au mieux un impératif vide de
contenu déterminé, au pire la subordination aveugle aux représentations socioculturelles dominantes du bonheur et
donc l’obéissance conformiste aux normes sociales ?
De plus, un tel impératif présuppose que le bonheur constitue la valeur suprême, et subordonne toutes les autres
valeurs, comme la justice ou la liberté. Tout faire pour être heureux, quitte à perdre sa liberté ou à porter préjudice à
autrui ?
3/ La boîte à outils
A. Si « on » doit tout faire pour être heureux, ou plutôt si « chacun de nous » doit tout faire pour être heureux, alors il
faut concevoir une définition du bonheur qui rende sa maîtrise possible.
Toutes les philosophies antiques se sont attachées à ce problème.
Selon vos connaissances, vous pouviez vous référer à Aristote, Épicure, ou encore aux stoïciens.
Le point commun est qu’il faut, pour le rendre durable, baser le bonheur sur ce qui dépend de nous et non sur l’attente
passive d’événements chanceux. D’où l’importance du raisonnement vigilant et de la fermeté de la volonté. Le bonheur
est indissociable de la raison ; il n’est pas l’abandon au plaisir de l’instant.
Que ce soit dans l’accomplissement de ses aptitudes par l’activité (Aristote), ou dans la sensation de plaisir d’un corps
sans douleur et d’une âme sans trouble (Épicure), ou encore dans le sentiment de son mérite personnel (stoïcisme),
toutes ces philosophies insistent sur la dimension intérieure et spirituelle du bonheur, qui nous rend pour ainsi dire
invulnérable aux aléas de l’existence.
Il n’y donc pas ici de contradiction entre le bonheur et le devoir, le plaisir et la vertu. Tout faire pour être heureux,
c’est tout faire pour être vertueux, et inversement.
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B. A de telles théories, on peut objecter que le bonheur ne se laisse pas maîtriser aussi facilement, ni conceptuellement,
ni pratiquement. Pour reprendre les termes de Kant, le bonheur est « un idéal, non de la raison, mais de l’imagination ».
L’image que nous nous faisons du bonheur est si confuse, si indéterminée, si contradictoire parfois, que nous sommes
incapables d’en déduire des principes de conduite déterminés et infaillibles pour être heureux, et l’on doit se contenter
de quelques recettes empiriques et quelques conseils de prudence ou règles d’habileté. Il est impossible alors de
rassembler dans l’unité d’une finalité (« être heureux ») l’ensemble de nos actions (« tout faire »). L’impératif « on doit
tout faire pour être heureux » est plaisant mais vide de sens, à moins de le ramener à la banalité de bon sens qu’il faut
essayer de se débrouiller au mieux dans les difficultés de la vie. C’est pourquoi, toujours selon Kant, seul le devoir
moral, dans sa formulation rationnelle, est suffisamment déterminé pour constituer un principe de conduite et une
orientation de l’existence. On doit tout faire, non pas pour être heureux, mais pour être dignes d’être heureux.
On pouvait alors s’interroger sur cette injonction actuelle de « bonheur obligatoire », qui nous rend peut-être coupables
de ne pas l’être complètement, et donc malheureux, sans qu’aucun « coach de vie » ne puisse vraiment remédier au
problème.
De plus, une telle injonction sociale de bonheur individuel et d’épanouissement émotionnel semble reléguer au second
rang toutes les autres valeurs ou vertus, notamment civiques.
C. Sauf à en faire l’horizon aveugle de l’imaginaire individuel ou collectif, qui nous assujettit aux représentations
dominantes ou aux modes du moment, il faut repenser le bonheur dans sa relation aux autres valeurs humaines comme
la justice, la liberté et le respect d’autrui. On ne doit pas vouloir être heureux à tout prix (ce qui est peut-être la meilleure
façon d’être malheureux). Il ne s’agit pas non plus d’être malheureux (ce qui est sûrement la situation la plus propice à
la méchanceté), mais de s’efforcer, comme nous le disaient déjà les stoïciens, à exercer au mieux son jugement, dans
toutes les circonstances de l’existence, même celles les plus défavorables et malheureuses.
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