
La Lettre du Pneumologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 | 155
ONCO-PNEUMOLOGIE
53 000 patients. D’autres essais européens sont
en cours – ou en cours de publication – mais leurs
effectifs sont plus limités, et ils n’auront donc pas
la puissance nécessaire, pris individuellement, pour
observer des différences en termes de mortalité.
Toutefois, la plupart de ces études se sont regroupées
au sein d’un consortium européen, dont l’effectif
total devrait atteindre plus de 20 000 participants
environ, et qui a d’ores et déjà prévu une analyse
groupée de leurs résultats.
La preuve de l’effet significatif du scanner faiblement
dosé sur la mortalité spécifique par cancer broncho-
pulmonaire a été apportée par le NLST. Cet essai
prospectif randomisé qui comparait scanner faible-
ment dosé et radiographie pulmonaire annuels avait
comme objectif principal de démontrer une diminu-
tion de 20 % de la mortalité spécifique par cancer
bronchopulmonaire. Plus de 53 000 participants
âgés de 55 à 74 ans ont été inclus. Ils étaient fumeurs
ou anciens fumeurs (ils devaient dans ce cas avoir
arrêté leur consommation de tabac depuis moins de
15 ans). Dans tous les cas, ils devaient avoir fumé
au moins 30 PA. Un scanner a été réalisé chaque
année pendant 3 ans. Le dépistage était considéré
comme “positif” lorsqu’il mettait en évidence des
nodules non calcifiés de plus de 4 mm et/ ou des
masses. Les résultats de cette étude ont montré,
comme dans les études précédemment publiées, que
le scanner décelait beaucoup d’anomalies (25 % des
scanners étaient “positifs”, c’est-à-dire présentaient
un nodule de taille ≥ 4 mm), mais la plupart de
celles-ci n’étaient pas des cancers. Ainsi, 96,4 % et
94,5 % des résultats positifs étaient en réalité des
faux positifs dans les bras scanner et radiographie
pulmonaire respectivement. Toutefois, les parti-
cipants présentant des anomalies étaient, dans la
plupart des cas, simplement investigués par des
scanners additionnels, et peu d’examens invasifs
ont finalement été réalisés avec, y compris pour
les cas opérés, peu de complications. Très récem-
ment, les résultats détaillés du premier round de
NLST ont été publiés (17). On peut y lire que seuls
0,8 % (57/6 779) des faux positifs ont eu un abord
par ponction sous scanner, et 1,3 % ont subi un geste
chirurgical par médiastinoscopie, thoracoscopie ou
thoracotomie (90/6 779).
Cet essai s’est avéré positif, puisque la mortalité par
cancer bronchopulmonaire était réduite de 20 %
(p = 0,004) dans le bras scanner comparativement
au bras radiographie. De plus, la mortalité globale
(toutes causes) était également significativement
réduite de 6,7 % (p = 0,02). Cette étude prospective
multicentrique de bonne puissance démontre donc
pour la première fois, et avec un niveau de preuve
élevé, que l’utilisation du scanner thoracique pour
le dépistage du cancer bronchopulmonaire diminue
de façon très importante la mortalité spécifique de
la maladie, et même la mortalité globale, ce qui
est particulièrement remarquable pour un test de
dépistage. Compte tenu des effectifs des essais en
cours, il est prévisible qu’aucune étude ne pourra
dans les prochaines années, avec la même puissance
statistique, confirmer ou infirmer ces résultats.
À la suite de la parution des résultats de l’essai NLST,
plusieurs sociétés savantes américaines s’en sont
rapidement fait l’écho en publiant des recommanda-
tions de pratique. Ainsi, l’American College of Chest
Physicians (ACCP) et l’American Society of Clinical
Oncology (ASCO) ont publié une revue conjointe
dans laquelle elles reconnaissent l’efficacité d’un tel
dépistage et proposent de l’appliquer de manière
individuelle aux individus éligibles selon les mêmes
critères que ceux de l’étude NLST (18). Le National
Cancer Center Network (NCCN), associé à l’Ame-
rican Association for Thoracic Surgery (AATS), suit
le mouvement et propose même – de manière un
peu étonnante – d’étendre les critères d’éligibilité
aux sujets âgés de 50 à 55 ans et/ou avec un taba-
gisme à 20 PA sous réserve d’être exposés à au moins
un facteur de risque additionnel parmi lesquels le
radon environnemental, le tabagisme passif, les
cancérogènes professionnels, un antécédent fami-
lial de cancer bronchopulmonaire, un antécédent
personnel de bronchopneumopathie chronique
obstructive (BPCO), de fibrose inter stitielle diffuse
ou de cancer (19). Bien que la discussion sur la néces-
sité de dépister des patients présentant un risque
intermédiaire de cancer bronchopulmonaire reste
ouverte, il n’existe à ce jour aucune preuve tangible
pour étendre les critères d’éligibilité au-delà de ceux
du NLST (d’autant plus qu’il n’existe pas de moyen
validé d’évaluer de manière reproductible et fiable
les autres facteurs de risque, comme l’exposition
professionnelle ou le radon domestique) [20]. Pour
terminer, plus récemment, l’American Cancer Society
a publié ses recommandations en faveur du dépistage
et selon les critères du NLST (21).
Les propositions françaises
sur le dépistage
En France, des experts se sont réunis à l’initiative de
l’Intergroupe francophone de cancérologie thora-
cique (IFCT), du Groupe d’oncologie de langue fran-
çaise (GOLF) et de la Société d’imagerie thoracique