Cours d’Algèbre II Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 4 28 mars 2012 Corrigé 17 Exercice 1. (1) Soit A un anneau. Montrer que A[X] est principal si et seulement si A est un corps. Indication : On rappelle qu’un anneau principal est intègre. On pourra montrer que a ∈ A est inversible dans A si et seulement si 1 ∈ (a, X) (où (a, X) désigne l’idéal engendré par a et X). (2) Donner un exemple d’anneau factoriel qui n’est pas principal. (3) Montrer que C[X, Y ]/(Y − X 2 ) est principal. Indication : C[X, Y ]/(Y − X 2 ) est isomorphe à un anneau connu ! Solution. (1) Soit A un corps. Au cours de l’exercice 2 de la série 15, on a défini une notion de division euclidienne dans A[X]. On va expliquer comment cette propriété permet de montrer que A[X] est principal. La méthode exposée ici a été utilisée dans le corrigé de l’exercice 1 de la série 3 pour montrer que Z est principal. Soit I un idéal de A[X]. Soit f ∈ I un élément non nul de degré minimal dans I (pour montrer son existence, remarquerz que le degré d’un polynôme non nul est toujours positif ou nul). Soit g ∈ I. Soit Q et R le quoitent et le reste de la division euclidienne de g par f. Alors R = g − Qf est dans I et on a soit R = 0 soit deg(R) < deg(f ). Par définition de f , on a soit R = 0 soit deg(R) ≥ deg(f ). Par conséquent, on a R = 0 i.e. g = Qf . Ceci étant vrai pour tout g ∈ I, l’idéal I est bien principal, engendré par f . On suppose maintenant que A[X] est un anneau principal. On commence par montrer le résultat annoncé dans l’indication. Soient a ∈ A\{0} et I = (a, X) l’idéal engendré par a et X. Si a est inversible dans A, alors 1 = aa−1 ∈ (a, X). Inversement, si 1 ∈ (a, X), alors on a 1 = af (X) + Xg(X) (1) pour certains polynômes f (X), g(X) ∈ A[X]. Dans ce cas, si b = f (0) ∈ A est le coefficient constant du polynôme f (X), alors l’égalité (1) implique que ab = 1. Autrement dit, b est l’inverse de a dans l’anneau A. 2 On montre maintenant que A est un corps. Puisque A[X] est principal, on a I = (f (X)) pour un certain polynôme f (X) ∈ A[X]. Ainsi il existe g(X) ∈ A[X] tel que a = f (X)g(X). Puisque A[X] est intègre, on a deg f (X) = 0, c’est à dire f (X) = b pour un certain b ∈ A. On a aussi X ∈ I, ce qui implique que X = f (X)h(X) = bh(X) pour un certain h(X) ∈ A[X]. Soit c le coefficient dominant de h(X). Alors 1 = bc, d’où 1 ∈ I = (a, X), ce qui implique que a est inversible dans A. Ainsi, A est bien un corps. (2) Puisque Z est un anneau factoriel, l’anneau des polynômes Z[X] est aussi un anneau factoriel. D’après la partie (1), l’anneau Z[X] n’est pas principal parce que Z n’est pas un corps. (3) Soit A = C[X]. On a C[X, Y ] = A[Y ]. Soit e : A[Y ] → A l’évaluation en X 2 , c’est à dire l’application donnée par e(f (Y )) = f (X 2 ). On sait que e est un homomorphisme d’anneaux. Si f ∈ A, alors e(f ) = f d’où Im(e) = A. Montrons que ker(e) = (Y − X 2 ). On a e(Y − X 2 ) = X 2 − X 2 = 0 d’où Y − X 2 ∈ ker(e). Puisque ker(e) est un idéal, on a (Y − X 2 ) ⊂ ker(e). Supposons maintenant que f (Y ) ∈ ker(e). Puisque Y − X 2 est un polynôme unitaire, on peut utiliser la division euclidienne dans l’anneau A[Y ] et écrire f (Y ) = (Y − X 2 )q(Y ) + r avec r ∈ A. Alors 0 = e(f (Y )) = e((Y − X 2 )q(Y ) + r(Y )) = e(r) = r. Donc f (Y ) ∈ (Y − X 2 ) et ker(e) = (Y − X 2 ). Par le premier théorème d’isomorphisme, on conclut que A[Y ]/(Y − X 2 ) est isomorphe à l’anneau A. Par la partie (1), l’anneau A = C[X] est un anneau principal car C est un corps. L’anneau C[X, Y ]/(Y − X 2 ) est donc aussi un anneau principal. Exercice 2. Soit A un anneau principal. (1) Montrer que toute suite croissante est stationnaire. (2) en déduire que tout ensemble non vide d’idéaux de A admet un élément maximal (pour l’inclusion). Solution. (1) Soit (In )n≥1 une suite croissante d’ideáux de A. Soit J = ∪n≥1 In ⊆ A. Montrons que J est un idéal de A. Soient x, y ∈ J. Alors il existe k, l ∈ N tels que x ∈ Ik et y ∈ Il . On peut supposer que k < l. Alors x, y ∈ Il , d’où x − y ∈ Il ⊆ J. Soient a ∈ A et x ∈ J. Alors il existe k ∈ N tel que x ∈ Ik . On a ax ∈ Ik ⊆ J. Ainsi, J est un idéal de A. Comme A est principal, il existe a in A tel que ∪n≥1 In = J =< a >. Il existe donc N ∈ N tel que a ∈ IN . Il vient J =< a >⊆ IN ⊆ J, donc J = IN . Il s’ensuit que pour tout n ≥ N , IN ⊆ In ⊆ J = IN , donc In = IN . Ainsi, la suite (In )n≥1 est stationnaire. 3 (2) Soit I un ensemble non-vide d’ideaux de A. Supposons que I n’admette pas d’élément maximal. Alors pour tout I ∈ I, il existe J ∈ I tel que I ⊂ J. Partant d’un idéal I0 ∈ I, on peut donc construire une suite I0 ⊂ I1 ⊆ I2 ⊂ ... d’idéaux dans I, strictement croissante, ce qui est en contradiction avec a). Ainsi, I admet un élément maximal. Exercice 3. Soit A un anneau commutatif. On rappelle que a ∈ A − {0} est un diviseur de zéro s’il existe b ∈ A − {0} tel que ab = 0. Montrer que si A possède exactement n diviseurs de zéro (avec n > 0), alors |A| ≤ (n + 1)2 . Indication : si a ∈ A est un diviseur de zéro, on pourra étudier le cardinal de l’idéal I := Ann(a) := {x ∈ A : ax = 0}. Solution. Soit a ∈ A un diviseur de zéro. On considère l’application ϕ : A → A, ϕ(x) = ax, ∀x ∈ A. Clairement, le noyau de ϕ est égal à l’idéal I et l’image de ϕ ne contient que 0 et des diviseurs de zéro (En effet, comme a est un diviseur de zéro, il existe un c ∈ A tel que ac = 0. Alors pour tout x ∈ A on a ϕ(x)c = (ax)c = x(ac) = 0, donc ϕ(x) est un diviseur de zéro). Or on sait que l’anneau possède exactement n diviseurs de zéro, donc card(Im(ϕ)) ≤ n + 1. Par le premier théorème d’isomorphisme, Im(ϕ) et A/I sont isomorphes, donc card(A/I) ≤ n + 1. Comme I ne contient que 0 et des diviseurs de zéro, son cardinal est majoré par n + 1. On conclut que card(A) = card(A/I) · card(I) ≤ (n + 1) · (n + 1) = (n + 1)2 . Exercice 4. Les notations sont celles de l’exercice 4 de la série 16. On cherche à calculer l’anneau quotient A/J de deux façons différentes, d’abord en deux temps en utilisant l’isomorphisme A/J ' (A/I)/(J/I) (on observe que I ⊂ J), ensuite directement. a b (1) Montrer que f : A → Z × Z, 7→ (a, c) est un homomorphisme 0 c d’anneaux qui induit un isomorphisme d’anneaux fe : A/I → Z × Z. (2) Vérifier que fe(J/I) = 3Z × 7Z. (3) Déduire de ce qui précède que A/J est isomorphe à Z/3Z × Z/7Z. (4) Montrer directement que A/J est isomorphe à Z/3Z × Z/7Z. Solution. (1) L’application f est un homomorphisme d’anneaux de A dans Z × Z, et Ker(f ) = I (c.f. le corrigé de la série précédente). Comme de plus f est surjective, f induit un isomorphisme d’anneaux fe de A/I sur Z × Z. (2) Soit π : A → A/I la projection canonique. Alors on a f = fe ◦ π. Il vient fe(J/I) = fe(π(J)) = (fe ◦ π)(J) = f (J) = 3Z × 7Z. 4 (3) Par théorème, on a A/J ' (A/I)/(J/I). Puisque fe : A/I → Z × Z est un isomorphisme d’anneaux, que J/I est un idéal bilatère de A/I et que fe(J/I) = 3Z × 7Z, alors 3Z × 7Z est un idéal bilatère de Z × Z, et fe induit un isomorphisme d’anneaux de (A/I)/(J/I) sur Z × Z/(3Z × 7Z). De plus, on vérifie sans difficultés que l’homomorphisme d’anneaux Z × Z → Z/3Z × Z/7Z, (a, c) 7→ ([ a ]3 , [ c ]7 ) induit un isomorphisme de Z × Z/(3Z × 7Z) sur Z/3Z × Z/7Z. On a ainsi mis en évidence trois isomorphismes d’anneaux : A/J ' (A/I)/(J/I); (A/I)/(J/I) ' Z × Z/(3Z × 7Z); Z × Z/(3Z × 7Z) ' Z/3Z × Z/7Z. En les composant, on obtient un isomorphisme A/J ' Z/3Z × Z/7Z. (4) Soit g : A −→ Z/3Z × Z/7Z a b 7−→ ([ a ]3 , [ c ]7 ) 0 c l’application introduite dans l’exercice 4 de la série 16. Nous avons vu que g est un homomorphisme d’anneaux, et que Ker(g) = J. Comme de plus g est surjectif, il induit un isomorphisme d’anneaux de A/J sur Z/3Z × Z/7Z.