ces droits sont territoriaux, donc le marché reste ouvert aux concurrents sur les territoires où aucune protection n’a été
demandée. Les titres de propriété intellectuelle sont aussi des leviers de négociation. Par exemple, la marque est un visa
pour l’export. Dans le cadre d’audit, ces titres sont primordiaux car ils renseignent sur la localisation et la nature des
actifs, leurs propriétaires, etc. Ils font partie du patrimoine économique de l’entreprise.
L'augmentation du nombre de dépôts est une évolution notable. Quels que soient les secteurs d'activité et le type
d'acteurs - grosses entreprises, PME, TPI ou encore entrepreneurs individuels- tous sont de plus en plus conscient de la
nécessité de se protéger. La Chine illustre parfaitement ce mouvement : de premier contrefacteur mondial, elle est en
passe de devenir premier déposant ! Il y a une prise de conscience de ce qu’est la propriété intellectuelle et de son rôle.
Cette tendance est due en partie à la presse qui s'est beaucoup fait l’écho des difficultés rencontrées dans ce domaine
par certaines sociétés comme Apple, mais aussi au développement des mécanismes de financement de l’innovation qui
mettent de plus en plus l'accent sur l'intérêt de penser une politique de propriété intellectuelle à même d’attirer et de
rassurer les investisseurs. L'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) propose ainsi diverses aides pour
accompagner les particuliers, PME et organismes à but non lucratif du secteur de l'enseignement ou de la recherche à
s'engager dans une telle démarche. Pendant longtemps, les universités françaises ont été relativement
« déconnectées » du monde économique et donc des enjeux liés à la propriété intellectuelle mais cette période est
révolue. Les universités développent de plus en plus de partenariat avec des entreprises pour valoriser leurs innovations
et cela passe par une demande accrue de protection.
La propriété intellectuelle doit être un réflexe dans la mesure où l'innovation et son usage correspondent à une réalité
économique. A chaque situation - nature du marché, caractéristiques (présence ou non de barrières d'entrée, etc.) -
correspond une réponse en matière de propriété intellectuelle. C'est le pendant juridique de la réalité économique. Il n’y a
donc pas de réponses ou de stratégies toutes faites. Même si le montant des formalités de protection n’est pas
forcément important en soi, le coût de la gestion d’un portefeuille non exploité est, lui, à fonds perdus. Pour les acteurs,
l'important est de déposer le titre au bon moment et de prendre date avant toute divulgation publique pour préserver la
preuve de l’antériorité. Jusque-là, il est important de préserver le secret et la confidentialité. En matière de brevet, dessin
et modèle, le critère de nouveauté doit être respecté tandis que pour la marque c’est un critère de disponibilité. Il faut
aussi s’assurer que cela n’empiète pas sur les droits de propriété intellectuelle d’un tiers. En matière de droits d’auteurs,
il est important de pouvoir se préserver la preuve et date de sa création, soit par un constat d’huissier ou horodatage ou
d’enveloppe Soleau (INPI). C'est une démarche qui doit être un réflexe car son importance est capitale pour pouvoir
justifier de ses droits.
Vous faites sans doute référence aux pour décrire les entreprises qui intentent de multiples procès pour
patent troll
violation de brevets. En France, il n’y a pas de « business » de la propriété industrielle, en tout cas, pas dans des
proportions telles que cela pervertirait le système dans son ensemble. La titrisation est assez faible alors qu'elle est
effectivement beaucoup plus marquée aux USA. La propriété industrielle fait effectivement partie intégrante des
mécanismes de financement de l’innovation mais elle reste au service des entreprises innovantes. Elle reste un élément
indispensable de compétitivité et de financement. Par ailleurs, notre législation impose au titulaire d’un droit de propriété
industrielle de le défendre sous peine de le perdre. Par exemple, le titulaire d'une marque est soumis à deux obligations :
un usage effectif dans les 5 ans suivant l'octroi de la protection et veiller à ce qu’elle ne dégénère pas en raison de son
usage intensif en tombant dans le vocabulaire usuel. Si ces conditions ne sont plus remplies, la marque peut être
"annulée" comme ça a été le cas pour "frigidaire", devenu la désignation générique des réfrigérateurs. Elle ne pouvait
plus, dès lors, être revendiquée comme marque. Il y a une obligation de surveiller et d’agir en présence d’une atteinte au
monopole accordé par le titre de protection intellectuelle. Bien sûr, quelques sociétés dites ont fait un
patent troll
business des formalités de brevet et de marques et de la gestion des contentieux. Monétiser les marques est d'ailleurs
Quelles évolutions constatez-vous dans le cadre de votre pratique ?
Chaque innovation ou création doit-elle être protégée ?
De nombreux auteurs alertent sur une dérive de l'usage des titres de propriété industrielle, particulièrement une
financiarisation des brevets. Est-ce un risque que vous identifiez dans vos expertises ?