L Dysplasie fibreuse et syndrome de McCune-Albright : recommandations de prise en charge

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 8 - octobre 2012
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GRIO
Coordonné par :
T. Thomas (Saint-Étienne)
Dysplasie fibreuse et syndrome
de McCune-Albright :
recommandations de prise en charge
Philippe Orcel*, Roland Chapurlat**, Caroline Rey-Jouvin*
* Pôle Appareil locomoteur et Centre de
référence Maladies osseuses constitution-
nelles, groupe hospitalier universitaire Saint-
Louis-Lariboisière-Fernand-Widal, PRES Paris
Sorbonne Cité, Paris ;
** Rhumatologie et pathologie osseuse, Inserm
UMR 1033, hôpital Édouard-Herriot, Lyon.
L
a dysplasie fibreuse des os est une
maladie osseuse rare, congénitale mais
non héréditaire, caractérisée par une
prolifération localisée de tissu fibreux dans la
moelle osseuse. Elle est due à une mutation
somatique du gène GNAS, codant pour la
protéine Gsα ; cette mutation activatrice est
responsable d’une prolifération non tumorale
des ostéoblastes et d’un défaut de matura-
tion, d’où une production de matrice osseuse
immature et mal minéralisée. D’autres cellules
utilisent la protéine Gsα pour leur signalisa-
tion intracellulaire et peuvent être atteintes,
de façon variable ; il en résulte un spectre
d’atteintes cliniques d’une grande diversité,
regroupées dans le syndrome complet décrit
par McCune et Albright (figure 1). Les 3 mani-
festations emblématiques de ce syndrome
sont la dysplasie osseuse, la puberté précoce
et les taches cutanées café-au-lait.
Pourquoi
des recommandations ?
Plusieurs raisons se conjuguent.
S’agissant d’une maladie rare, touchant
en France environ 3 000 à 4 000 sujets,
les malades sont souvent perdus pour trou-
ver le bon docteur qui connaît la maladie.
Une maladie d’origine génétique suscite
toujours une crainte de transmission fami-
liale, totalement infondée dans le cas de la
dysplasie fibreuse.
Le pronostic et l’évolution de la dys-
plasie fibreuse – souvent classée dans les
“tumeurs” – comportant un risque de dégé-
nérescence sarcomateuse réel mais extrême-
ment faible suscitent la crainte.
Le polymorphisme en clinique et en ima-
gerie et les stratégies diagnostiques et théra-
peutiques mal définies et non standardisées
sont source de difficultés et d’erreurs dans
la prise en charge.
Figure 1. Polymorphisme clinique et diversité des symptômes du syndrome de McCune-Albright.
Taches café au lait
• bords irréguliers,
déchiquetés”
• taille souvent > 2 cm
Atteinte cranio-
maxillofaciale
• douleurs (céphalées osseuses)
• exophtalmie
• tuméfaction
craniomaxillo-mandibulaire
• asymétrie faciale
• trouble de l’articulé
dentaire
Dysplasie fibreuse
des os (mono-
ou polyostotique)
• douleurs osseuses
• fractures
• déformations (en crosse,
bosse, léontiasis, etc.)
Atteintes
endocriniennes
et métaboliques
• puberté précoce
• acromégalie
• hyperthyroïdie multinodulaire
non auto-immune
• syndrome de Cushing
(néonatal ou précoce)
• diabète phosphore
Syndrome
de McCune-Albright
Atteinte
ophtalmologique
• exophtalmie
• larmoiement
• baisse de l’acuité
visuelle
Distribution
hémimélique
Myxome
intramusculaire
(syndrome
de Mazabraud)
• douleur
d’un membre
• tuméfaction
Atteinte ORL
• sinus
• voies lacrymales
• conduit auditif
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Dysplasie fibreuse et syndrome de McCune-Albright : recommandations de prise en charge
Lobjectif de ces recommandations était donc
de fournir aux praticiens, non spécialistes et
spécialistes, une aide au diagnostic et à la
prise en charge, et un guide dans la coordi-
nation des soins de ces patients.
Comment
les recommandations
ont-elles été élaborées ?
Sous l’égide de la Société française de rhu-
matologie (SFR) et de 18 autres sociétés
savantes, les 3 centres de référence “maladies
rares impliqués dans la prise en charge de
ces patients1 ont collaboré dans un groupe
de travail incluant également un repré-
sentant de l’association de patients2. Le
travail a été conduit selon la méthode des
“Recommandations pour la pratique clinique
de la Haute Autorité de santé (HAS), avec
une analyse exhaustive de la littérature sur
les questions de travail posées par le comité
d’organisation et sous la direction d’un chargé
de projet (CRJ). Il a abouti à la rédaction d’un
argumentaire long, véritable état de l’art” des
connaissances actuelles sur la maladie et d’un
programme national de diagnostic et de soins,
assorti d’une “liste des actes et prestations.
Ces 2 documents synthétiques doivent être
prochainement validés par la HAS. Ils consti-
tuent le guide opérationnel de prise en charge
des patients par les professionnels de santé.
Les données préliminaires ont été présentées
au congrès de la SFR en décembre 2010, à la
journée scientifique du GRIO en janvier 2011
et au congrès européen de l’ECTS en mai 2011.
Les recommandations enquelques
phrases…
Il est difficile de résumer un travail qui a
conduit à formuler près de 200 items de
recommandation pour les différentes facettes
de la prise en charge. On peut y distinguer
4 grands volets :
Quels signes doivent faire évoquer le
diagnostic ?
Comment confirmer le diagnostic ?
Quelle est la prise en charge thérapeu-
tique ?
Comment assurer l’accompagnement et
le suivi des patients ?
Le diagnostic peut être évoqué devant des
douleurs osseuses, des taches café-au-lait
(figure 2), leur distribution métamérique
(même segment de développement embryon-
naire) ou hémimélique (même moitié du
corps) étant très évocatrice ; il peut aussi s’agir
d’une puberté précoce, d’une déformation
avec hypertrophie, le plus souvent asymé-
trique, de la voûte crânienne (bosse) ou du
massif facial (hypertrophie d’un maxillaire,
d’une moitié de mandibule) ou encore de
la découverte fortuite d’une lésion radiogra-
phique, ostéolytique ou condensante, souf-
flante, d’allure tumorale (figure 3).
La présence de l’association syndromique
puberté précoce/dysplasie osseuse poly-
ostotique/taches café-au-lait, la scintigraphie
osseuse et l’analyse rigoureuse des clichés
radiographiques sont d’une grande aide
pour établir le diagnostic, le plus souvent
sans recours à la biopsie osseuse ou à l’ana-
lyse de la mutation.
Figure 2. Tache café-au-lait typique, à bords irréguliers, déchiquetés.
Figure 3. Aspects variables de la matrice osseuse lors de la dysplasie fibreuse. La présence d’une ostéolyse,
le caractère soufflant et la minéralisation partielle de la matrice sont des caractéristiques importantes.
Matrice :
tissulaire (transparente)  calcifiée (condensée)
Clarté homogène Volutes de fumée Verre dépoli Matrice ossifiée
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Nouvelles de l’industrie pharmaceutique
Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique
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Dans tous les cas, il est important d’adresser
le patient en consultation spécialisée hos-
pitalière (rhumatologue, endocrinologue,
généticien) dans un centre de référence ou
de compétence pour une prise en charge
multidisciplinaire spécialisée en lien avec
le médecin généraliste et/ou le pédiatre
de proximité. C’est dans ce contexte que le
diagnostic sera validé ou confirmé, que sera
menée l’évaluation pronostique (osseuse,
endocrinienne, métabolique et neurosen-
sorielle), ainsi qu’une évaluation psycho-
logique (proposée systématiquement au
patient ainsi qu’à son entourage familial)
et que seront discutées les options spé-
cialisées de traitement : traitement à visée
osseuse (bisphosphonates), traitement des
manifestations endocriniennes, indications
chirurgicales.
La coordination appropriée de la prise en
charge et des soins permet :
la prescription adaptée et le suivi des
traitements non spécifiques (antalgiques,
corticoïdes en cas de complication neuro-
sensorielle) et spécifiques (bisphosphonates,
calcium, vitamine D, phosphore en cas de
fuite tubulaire) ;
le dépistage précoce de complications
ou d’associations : torsion de kyste ovarien,
baisse d’acuité visuelle, diplopie, troubles
fonctionnels ORL, recrudescence douloureuse
squelettique faisant suspecter une fracture
ou une dégénérescence sarcomateuse, signes
d’hyperthyroïdie ou d’acromégalie ;
l’évaluation du mode de vie et de l’état
psychologique du patient et de son entou-
rage, et du soutien psychologique qui leur
est adapté ;
l’information sur l’existence d’une asso-
ciation de patients ;
la participation à la coordination de la
prise en charge et du suivi en lien avec un
centre de référence ou de compétence.
Comment traiter ladysplasie
osseuse ?
Compte tenu du niveau de preuve d’effica-
cité des bisphosphonates, leur utilisation
est recommandée devant toute douleur
osseuse en rapport avec une lésion de dys-
plasie fibreuse non compliquée résistant aux
traitements symptomatiques habituels. En
l’absence de douleur osseuse, les bisphos-
phonates peuvent être prescrits en cas de
lésions fragilisantes à risque de fracture, sans
indication chirurgicale, et associées à une élé-
vation des marqueurs du remodelage osseux.
En première intention, les experts recom-
mandent d’utiliser le pamidronate intravei-
neux avec lequel l’essentiel des données ont
été obtenues : chez l’adulte, 180 mg répartis
sur 2 ou 3 jours tous les 6 mois ; chez l’enfant,
1 mg/kg/j pendant 3 jours tous les 6 mois.
Tout traitement par bisphosphonate doit
être associé à une évaluation préalable de
l’état buccodentaire pour la prévention de
l’ostéo nécrose de la mâchoire, à la mise en
place d’une contraception chez les femmes
en âge de procréer, à une évaluation et une
éventuelle correction d’une insuffisance ou
d’une carence en calcium et en vitamine D.
La correction d’une éventuelle fuite tubulaire
de phosphate doit être envisagée.
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