Correspondances en Onco-hématologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2009
30
dossier thématique
Coordinateurs : M.C. Béné, G. Cartron
Un des antigènes cibles pouvant intervenir
chez l’homme est WT1, en particulier lors de sa
surexpression dans les cas de trisomies 8, un
effet bystander pouvant persister pour détruire
les cellules à WT1 muté. Dans les monosomies 7
traitées longtemps par facteurs de croissance,
aucun élément immunologique n’a été rapporté,
mais il pourrait se développer une expression
anormale du récepteur au G-CSF.
Des modèles murins ont permis de conforter
la piste immunologique de façon encore plus
probante. Il est en effet possible d’induire
l’apparition d’une aplasie médullaire dans un
modèle de réaction du greffon contre l’hôte. Le
transfert de lymphocytes ganglionnaires (pas
des cellules souches) de ces premières souris
induit chez les animaux receveurs une aplasie
caractérisée par une moelle osseuse désertique,
grasse et contenant des lymphocytes T cytotoxi-
ques (10). Ces lymphocytes tuent plutôt par la
voie Fas-Fas ligand que par la voie des granzy-
mes, pour induire l’apoptose des cellules cibles.
Cette maladie peut en revanche être modulée par
l’administration de lymphocytes T-régulateurs
(T-regs), ce qui renforce encore l’hypothèse
immunitaire (11).
De façon très intéressante, une récente étude
suggère le rôle des T-regs en association avec l’im-
munosuppression chez l’homme. En effet, les SAL
peuvent être produits chez le cheval ou le lapin
en immunisant les animaux avec des lymphocytes
humains périphériques ou thymocytaires. Or, les
SAL de lapin, et eux seuls, semblent capables
d’induire la génération de T-regs in vitro, associée
à l’uprégulation démontrée en micro-array de plus
de 100 gènes (12).
UN NOUVEAU MAILLON DANS LA CHAÎNE :
LES TÉLOMÈRES
Les télomères sont étymologiquement
(telos :queue, meros :partie) des “extrémités
terminales” et, en génétique, ce terme désigne
effectivement les deux extrémités des chromoso-
mes. Dans ces régions se trouvent des séquences
répétitives d’ADN non codant qui ne sont pas
copiées par les ADN polymérases. Ces régions
télomériques, ou “télomères”, ont pour objectif
de protéger le patrimoine génétique. Les télo-
mères assurent ce rôle, d’une part, en évitant
la fusion des chromosomes, et, d’autre part, en
maintenant la fonctionnalité des gènes les plus
terminaux des brins d’ADN. Les télomères sont
donc raccourcis lorsque les cellules se multi-
plient, phénomène compensé, notamment dans
les cellules à renouvellement fréquent, par une
enzyme, la télomérase, qui les reconstitue sur les
nouveaux chromosomes. Le raccourcissement
des télomères est considéré comme un événe-
ment associé à la sénescence. Il peut conduire à
la perte de gènes fonctionnels, phénomène qui
s’observe dans certaines pathologies associées
à un “raccourcissement des télomères” comme
la dyskératose, l’anémie de Fanconi ou le syn-
drome de Shwachman-Diamond (12). Dans ces
trois pathologies, la télomérase attendue dans
des cellules à renouvellement rapide ne fonc-
tionne pas, conduisant à la maladie. Au cours
de la vie, et en fonction des renouvellements cel-
lulaires, on observe une longueur assez stable
des télomères avec une première période de rac-
courcissement dans l’enfance et une seconde,
associée au grand âge.
Dans l’aplasie médullaire, un raccourcissement
anormal des télomères a été rapporté depuis une
quinzaine d’années, et était initialement consi-
déré comme un signe d’épuisement des cellules
souches (12). En fait, des travaux plus récents ont
permis d’identifi er chez les patients souffrant
d’aplasie médullaire des mutations de gènes
impliqués dans la production de la télomérase
et essentiellement du gène TERT (TElomerase
Reverse Transcriptase) indispensable pour cet
ajout attendu de télomères protecteurs. De plus,
les télomères courts sont associés à une insta-
bilité génomique, suggérant une plus grande
propension pour les sujets porteurs d’une
mutation de TERT à développer une aneuploï-
die péjorative eu égard au développement d’un
syndrome myélodysplasique ou d’une leucémie
myéloblastique.
Les membres de la famille de ces patients sont
souvent également porteurs de mutations de
TERT. Ils sont cliniquement normaux, mais ont
un nombre diminué de cellules souches. Cela
peut avoir des conséquences si un tel membre
de la fratrie est choisi comme donneur de moelle
osseuse.
Cette anomalie est notamment étudiée dans
des familles mennonites chez lesquelles les
patients rapportent fréquemment le cas d’un
ou d’ancêtre(s) “pâle(s) et agressif(s)” !
Par ailleurs, des associations entre les mutations
de TERT et des pathologies hépatiques ont été
rapportées, suggérant que des anomalies des
télomérases peuvent avoir des impacts multiples,
en plus de l’insuffi sance médullaire.