AGRICULTURE
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2016
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de produits agricoles ou d’euents, engins agri-
coles), interviennent de manière très directe dans
ces interactions entre pollution de l’air et change-
ment climatique. Elles sont aujourd’hui clairement
identiées comme contribuant, au même titre que
les autres activités anthropiques, au change-
ment climatique et à la pollution de l’air (voir, par
exemple, Faburé et al. (2011) ; EEA (2012) ; Cel-
lier et al. (2013)). Ce sont des sources de gaz à
eet de serre à longue durée de vie, telles que le
CO2 (utilisation de combustibles fossiles, respira-
tion du sol et des cultures), le protoxyde d’azote
(N2O) (conséquence de la fertilisation azotée)
et le méthane (CH4) (fermentation entérique
des ruminants, fermentation anaérobie lors de
la gestion des euents) mais aussi de SLCPs :
particules primaires (travail du sol, combustion),
ammoniac (NH3) et Composés Organiques Vola-
tils (COV), conduisant à la formation de particules
secondaires (Bessagnet et al., dans ce numéro),
oxydes d’azote et COV conduisant à la formation
d’ozone (O3) et, là encore, de particules secon-
daires. Ce sont également des sources indirectes
de N2O, par le biais des émissions d’ammoniac.
La réciproque est vraie : les cultures et les
forêts sont aectées par le changement clima-
tique et la pollution de l’air. Les êtres vivants sont,
par nature, en lien très direct avec l’environne-
ment, qu’il s’agisse de facteurs climatiques ou de
contaminations provenant de diverses sources
de pollutions organiques ou minérales. Le fonc-
tionnement des écosystèmes est, de manière
générale, fortement dépendant du rayonnement,
de la température et de la présence d’eau, donc
des précipitations. Ils peuvent être signicative-
ment aectés par la pollution de l’air, de manière
positive (e.g. dépôts atmosphériques et stockage
de carbone) ou négative (e.g. dysfonctionnement
liés à l’acidication, l’eutrophisation, la contami-
nation par des éléments-traces métalliques ou
des polluants organiques persistants, diminution
du rayonnement visible). Le lien entre le change-
ment climatique et l’eet de serre est également
présent au cœur des processus biologiques de
base de la biosphère. Certains mécanismes bio-
logiques produisent simultanément des polluants
et des composés à eet de serre, par exemple
les transformations de l’azote par la microore du
sol, qui produisent du N2O et des NOx par nitri-
cation et dénitrication. De plus, comme le chan-
gement climatique a un impact potentiellement
important sur le niveau de pollution de l’air (Jacob
et Winner, 2009 ; Monks et al., 2009) en modi-
ant à la fois les sources primaires de polluants
(sensibilité à la température et à la pluviométrie)
et les mécanismes chimiques conduisant à la
formation de polluants secondaires, l’impact de
la pollution de l’air sur les agroécosystèmes (Le
Thiec et Castell, dans ce numéro) est susceptible
d’évoluer signicativement.
Pour illustrer la multiplicité des liens entre pol-
lution de l’air et changement climatique au sein
des agroécosystèmes, le cas de l’azote est assez
illustratif. Les diérentes activités anthropiques
perdent de l’azote réactif1 vers l’environnement
(air, eaux, écosystèmes) sous forme oxydée
(NOx, N2O, HNO3) ou réduite (NH3, NH4
+), source
de polluants atmosphériques (NH3, NOx) et de
composés à eet de serre (N2O) (Cellier et al.,
2013 ; Génermont et al., dans ce numéro). Lors-
qu’on fait un bilan d’azote à l’échelle d’un pays,
d’un continent ou à l’échelle globale, on voit que
la majeure partie de l’azote réactif est mobilisée
pour l’agriculture : production industrielle d’en-
grais, euents d’élevage, transferts d’aliment
pour les animaux. On peut faire le même dia-
gnostic pour les pertes vers l’environnement. Ces
diérentes fuites peuvent aussi avoir des eets
indirects sur l’eet de serre. Cela est illustré sur
la gure 2 où un bilan a été fait à l’échelle de l’Eu-
rope (Butterbach-Bahl et al., 2011). On peut voir
que la contribution de l’azote (donc essentielle-
ment l’agriculture), représentée par les barres
d’histogramme vertes, touche à la contribution
de plusieurs composés au pouvoir de réchaue-
ment :
- directement, par les émissions de N2O
consécutives à la fertilisation azotée ou
par l’absorption de CH4 par les sols ;
- indirectement, par la formation dans
l’atmosphère de particules secondaires
à partir des émissions d’ammoniac, ou
d’ozone à partir des émissions de NOx et
COV biogéniques ;
- indirectement, par le biais des dépôts
atmosphériques d’azote qui favorisent
le stockage de carbone dans les
écosystèmes.
LES ENJEUX SOCIÉTAUX
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