Rubrique dirigée par C. Copin
ETUDES
avril 2017
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Médecine
& enfance
Cette étude rétrospective des effets à
moyen terme dun traitement antiviral
chez des enfants ayant une infection
congénitale symptomatique à cytoméga-
lovirus (CMV) permet d’espérer une solu-
tion médicamenteuse pour, sinon préve-
nir, du moins atténuer la surdité de per-
ception chez ces enfants.
L’ÉTUDE
Bilavsky et al. présentent le sultat à
moyen terme sur l’audition d’un traite-
ment antiviral au cours de la première
année de vie chez des enfants ayant une
infection congénitale à CMV avec surdi-
té onatale. Il s’agit d’une étude ré-
trospective. Ont été inclus les enfants
qui avaient une CMVurie ou une PCR
positive pour le CMV dans les quinze
premiers jours de vie ayant ficié
dun traitement antiviral commencé
dans les quatre premières semaines de
vie et prolongé jusqu’à un an. Le suivi
audiologique a été fait par potentiels
évoqués auditifs (PEA) et tests audio-
triques subjectifs jusqu’à au moins
un an aps l’arrêt du traitement. En
Israël, pays où a été menée cette étude,
le dépistage de l’infection congénitale à
CMV nest pas systématique. La re-
cherche de cette infection a éeffec-
tuée dans trois circonstances : sérocon-
version au CMV en cours de grossesse,
tests de dépistage de la surdité néonata-
le anormaux, constatation d’une micro-
céphalie ou dautres signes cliniques
pouvant correspondre à une infection
congénitale à CMV.
Sur 149 enfants inclus dans létude,
54 (36 %) avaient une surdité néonata-
le. Celle-ci était unilatérale dans 31 cas,
bilatérale dans 23 cas. Au début du trai-
tement, la surdité était légère sur
36 oreilles (seuils aux PEA entre 25 et
44 dB HL), moyenne sur 19 oreilles
(seuils entre 45 et 69 dB HL), sévère ou
profonde sur 22 oreilles (seuils supé-
rieurs ou égaux à 70 dB HL). L’échogra-
phie transfontanellaire était anormale
chez 75 % de ces enfants et 1 enfant
avait une choriorétinite. Au total, seuls
12 enfants sur les 149 (8 %) ont é
traités uniquement pour une surdité.
Le traitement comportait :
soit du ganciclovir par voie intravei-
neuse (IV) : 5 mg/kg x2/j pendant 6 se-
maines ; puis du valganciclovir per os :
17 mg/kg x2/j pendant 6 semaines,
puis x1/j jusqu’à un an ;
soit du valganciclovir per os :
17 mg/kg x2/j pendant 12 semaines,
puis x1/j jusqu’à un an.
A la dernière évaluation de l’audition,
un à trois ans après la fin du traitement,
sur les 77 oreilles qui avaient une hypo-
acousie au départ, 50 s’étaient amélio-
rées (parmi lesquelles 38 avaient re-
trouvé une audition normale) et 5
s’étaient dégradées. L’amélioration était
plus fréquente lorsqu’il s’agissait d’une
surdité isolée que lorsquil y avait
d’autres manifestations de l’infection à
CMV, et elle était d’autant plus fréquen-
te que la perte auditive initiale était
faible (78 % d’amélioration pour les
surdités légères, 68 % pour les surdités
moyennes et 41 % pour les surdités sé-
vères ou profondes). 7 enfants avaient
une surdité profonde bilatérale et
avaient béficié d’une implantation
cochléaire.
Le principal effet indésirable du traite-
ment antiviral a été la neutropénie, qui
Vers un traitement antiviral pour
atténuer la surdité due à linfection
connitale à cytomégalovirus ?
Bilavsky E., Shahar-Nissan K., Pardo J. et al. : «Hearing outcome of infants with congenital
cytomegalovirus and hearing impairment », Arch. Dis. Child., 2016; 101 : 433-8.
Analyse d’article par M. François, service d’ORL, hôpital Robert-Debré, Paris
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a conduit à suspendre transitoirement
le traitement dans 2 cas, sans autre
complication.
COMMENTAIRES
L’INFECTION CONGÉNITALE
À CMV EST LA PRINCIPALE CAUSE
DE SURDITÉ CONGÉNITALE
10 à 30 % des surdités neurosensorielles
congénitales ou apparues dans l’enfance
sont dues à une infection congénitale à
CMV. Celle-ci est la principale cause de
surdité congénitale. La surdité survient
chez 32 à 63 % des enfants qui ont une
infection symptomatique et chez 8 à
10 % des enfants qui ont une infection
asymptomatique [1, 2]. Le risque existe
en cas de roconversion en cours de
grossesse, mais aussi, quoique à un de-
gré moindre, en cas de réinfestation en
cours de grossesse [1]. La surdité due à
l’infection congénitale à CMV est évolu-
tive : une surdité légère ou moyenne au
moment du diagnostic peut devenir sé-
vère ou profonde en quelques mois ; une
surdité unilatérale peut se bilatéraliser ;
un enfant qui entend normalement des
deux côtés à la naissance peut devenir
sourd profond dans ses premières an-
nées de vie. Cependant, le risque d’ap-
parition dune surdité diminue forte-
ment au fur et à mesure que lenfant
prend de l’âge, et il est proche de zéro à
partir de sept ans [3].
Actuellement, l’infection congénitale à
CMV nest pas systématiquement re-
cherchée en France, car il n’existait au-
cun traitement à proposer en cas de po-
sitivité. Mais cela pourrait changer, car
de plus en plus d’études montrent une
certaine efficacité d’un traitement anti-
viral administré après la naissance.
TRAITEMENT ANTIVIRAL
POSTNATAL DE L’INFECTION
CONGÉNITALE À CMV
Déjà en 2003, Kimberlin et al. [4]
avaient rapporté les sultats encoura-
geants d’une étude randomisée versus
placebo sur un traitement de 6 se-
maines de ganciclovir administré en IV
à raison de 12 mg/kg/j chez des nou-
veau-nés souffrant dune infection
congénitale à CMV avec manifestations
neurologiques. Ce traitement permet-
tait de diminuer de manière significati-
ve le risque de surdité, au moins pen-
dant les deux premières années de vie
(21 % vs 68 % de surdité progressive à
un an, p < 0,01). L’étude présentée par
Bilavsky et al. va dans le même sens.
LES RISQUES DU TRAITEMENT
ANTIVIRAL
La décision de traiter dépend de la ba-
lance entre bénéfice et avantage d’un
côté, et risque et inconvénient de
l’autre. Le premier protocole propo
par Kimberlin et al. [4] (l’administration
de ganciclovir en IV pendant plusieurs
semaines chez un nouveau-né au capi-
tal veineux par essence fragile) était
très lourd. La possibilité d’une adminis-
tration par voie orale de l’antiviral sous
forme de valganciclovir l’allège considé-
rablement. Mais il ne faut pas sous-esti-
mer les risques de ce traitement : risque
hématologique, mais aussi risque rénal
et mutagène [5, 6].
LES PEA SONT UN REFLET
IMPARFAIT DE LAUDITION
EN PÉRIODE NÉONATALE
En ce qui concerne les bénéfices atten-
dus du traitement sur l’audition, l’ana-
lyse faite par Bilavsky et al. est incom-
plète. Un à trois ans après l’arrêt du trai-
tement antiviral, c’est un suivi insuffi-
sant, car la surdité due au CMV est évo-
lutive : après contamination in utero, il
y a un risque d’apparition et d’aggrava-
tion d’une surdité jusqu’à sept ans après
la naissance [3]. Par ailleurs, les auteurs
ne tiennent pas compte de la possibilité
d’amélioration spontanée des seuils des
PEA, qu’il y ait [1-3] ou non [7] infection
de l’oreille interne par le CMV.
Ce point nécessite quelques explica-
tions pour ceux qui ne sont pas familia-
risés avec l’exploration de l’audition du
nourrisson. Le nourrisson ne pouvant
coorer (il ne peut pas répondre aux
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Physiopathologie de l’atteinte de l’oreille interne par le CMV
L’atteinte sensorielle auditive est la conséquence à la fois de l’agression virale et de l’hypoxie
placentaire. En effet, le CMV provoque des lésions vasculaires au niveau du placenta, respon-
sables d’une baisse de l’apport sanguin et, à terme, d’une hypoxie fœtale, elle-même source
d’atteinte auditive. L’agression virale directe de l’oreille interne par le CMV suppose que le
virus a pu pénétrer dans l’oreille interne, ce qui n’est possible qu’au cours de la gestation.
Dans la cochlée, les dégâts faits par le CMV sont multiples :
le CMV semble provoquer une inflammation dommageable aux cellules sensorielles [8, 9] ;
le CMV aurait un effet mutagène sur les cellules qu’il infecte. Fortunato et al. [10] ont mis
en évidence des cassures spécifiques du chromosome 1 par le CMV, en 1q42 et 1q21, locus
proches du gène DNFA7, qui est responsable d’une surdité progressive autosomique domi-
nante non syndromique, et du gène USH2A, qui est responsable de l’atteinte progressive au-
tosomique récessive du syndrome de Usher ;
le CMV déréglerait le flux de potassium dans les liquides de l’oreille interne [9, 11]. L’analy-
se des rochers des fœtus pour lesquels la grossesse a été interrompue et des enfants décédés à
la suite d’une infection néonatale sévère a permis de repérer les cibles préférentielles du virus
dans l’oreille interne. Les cellules ciliées, qui sont à proprement parler les cellules senso-
rielles, sont indemnes d’infection virale. En revanche, il y a une forte concentration virale
dans deux structures qui interviennent dans le recyclage du potassium : la strie vasculaire et
les cellules sombres du labyrinthe. La surdité pourrait être la conséquence d’un dérèglement
du flux de potassium dans les liquides de l’oreille interne, endolymphe et périlymphe. Si le
différentiel de concentration des ions K+ entre l’endolymphe et la périlymphe est modifié, les
cellules ciliées internes ne peuvent plus se dépolariser, d’où une surdité éventuellement ré-
versible, mais à terme ces cellules vont dégénérer, d’où une surdité définitive. La survenue
parfois tardive (jusqu’à sept ans) d’une surdité [3] et l’aggravation secondaire de celle-ci pour-
raient s’expliquer par une dégradation progressive des structures recyclant le potassium.
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questions, répéter les mots, dire s’il en-
tend ou pas), l’exploration de son audi-
tion se fait par des méthodes électro-
physiologiques, et plus particulière-
ment lenregistrement des PEA. Mais
les PEA ne dépendent pas uniquement
de l’audition, ils sont aussi tributaires
de l’état neurologique de l’enfant et de
la maturation de ses voies auditives. Si
certains nouveau-nés ont des seuils aux
PEA de 20 dB dès le premier mois de
vie, il est admis qu’un seuil de 40 dB
n’est pas alarmant et ne justifie pas de
contrôle à distance. En ce sens, les
14 enfants qui avaient un seuil aux PEA
entre 20 et 40 dB sur une ou deux
oreilles n’auraient peut-être pas dû être
inclus dans létude, sauf s’ils avaient
d’autres manifestations d’une infection
congénitale à CMV. Un seuil de 60 dB,
qui serait considéré chez un adulte
comme une surdité moyenne sur les
fréquences testées, peut tout à fait se
normaliser dans les deux ou trois pre-
mières années de vie. De fait, pour don-
ner un exemple, dans la cohorte d’en-
fants nés en Ile-de-France de 2005 à
2011 [7], sur 23 enfants qui avaient un
test de dépistage néonatal de la surdité
positif et des seuils élevés aux PEA, le
suivi a mont que 6 enfants avaient
une audition normale, que 1 enfant qui
avait des PEA évoquant une surdité sé-
vère avait évolué vers une surdité
moyenne et que 1 enfant dont les PEA
faisaient craindre une surdité profonde
avait en fait une surdité moyenne. Aus-
si, dans l’étude de Bilavsky et al., on ne
sait pas comment interpréter l’amélio-
ration des 13 oreilles sur les 19 qui
avaient des seuils aux PEA montrant une
surdité moyenne ; peut-être se seraient-
elles améliorées de toute façon.
EFFICACITÉ DU TRAITEMENT
ANTIVIRAL SUR UNE SURDITÉ
CONGÉNITALE À CMV
Bilavsky et al. rapportent dans leur étu-
de rétrospective que 5 oreilles sont pas-
sées du statut de surdité sévère ou pro-
fonde à celui de surdité légère
(1 oreille) ou moyenne (4 oreilles) et
que 4 ont même retrouvé une audition
normale : cela est un énorme succès,
qui a toutes les chances, même en l’ab-
sence de groupe contrôle, d’être au
traitement antiviral instit précoce-
ment après la naissance.
On sait que la surdité due au CMV est
évolutive : un seuil de 60 dB à un-deux
mois (qui évoque une surdité moyenne)
peut se dégrader et devenir un seuil à
80 dB (surdité sévère), voire plus (sur-
diprofonde) à quatre-neuf mois. Le
traitement antiviral na pas empêché
cette dégradation dans 6 oreilles parmi
les 149 enfants traités par Bilavsky et al.
CONCLUSION
Le traitement antiviral par ganciclovir ou
valganciclovir ne résout pas tous les pro-
blèmes de l’infection congénitale à CMV,
mais il permet de duire le risque de sur-
dité sévère ou profonde chez des enfants
ayant une infection congénitale sympto-
matique à CMV avec surdité néonatale.
Ces sultats demandent à être confirmés
sur un plus grand nombre d’enfants et
avec un suivi plus prolongé.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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tion », Acta Neuropathol. Commun., 2013 ; 1:63.
Cinq cents ans avant Jésus-Christ,
Sushruta publiait ses recom-
mandations pour la prise en
charge des diarrhées de l’enfant : « de la
mélasse, de leau tiède et du sel de
roche ». Il a fallu deux mille cinq cents
ans et deux couvertes scientifiques
(le co-transport du glucose et du so-
dium d’une part, l’intégride la mu-
queuse, y compris de sa fonction d’ab-
sorption, dans le choléra d’autre part)
pour que les solutions de réhydratation
orales (SRO) soient proposées puis lar-
gement utilisées. Elles ont é consa-
crées comme « de l’eau, du sucre et du
sel, le plus grand progs dical du
20esiècle » dans un article anonyme du
Lancet en 1978. Elles ont révolutionné
Gastroenrite de lenfant
et jus de pomme
Freedman S.B., Willan A.R., Boutis K. et al. : «Effect of dilute apple juice and preferred fluids vs
electrolyte maintenance solution on treatment failure among children with mild gastroenteritis»,
JAMA, 2016; 315: 1966-74.
Note de lecture par O. Mouterde, gastroentérologie pédiatrique, CHU de Rouen,
et Université de Sherbrooke, Canada
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la prise en charge des diarrhées aiguës
dans le monde et fait chuter la mortalité
de façon majeure là où elles étaient dis-
ponibles et correctement utilisées.
Les premières SRO étaient à base de
glucose, très osmolaires et riches en so-
dium (90 mmol/l) pour s’adapter au
choléra. Un de leurs inconvénients était
d’aggraver la diarrhée dans un premier
temps, ou au moins de ne pas l’améliorer.
L’autre inconvénient était et est toujours
leur manque de crédibilité : « de l’eau du
sucre et du sel» représente une proposi-
tion peu convaincante pour les parents,
voire les médecins, de tous les pays, de-
mandeurs ou prescripteurs de « vrais-
dicaments ». Il est cependant avéré qu’au-
cun médicament part la vaccination
contre le rotavirus) n’est capable de pré-
venir ou de traiter la déshydratation ai-
guë dans une diarrhée vère et de sau-
ver la vie des enfants qui en sont mena-
cés, même si certains ont prouvé qu’ils
étaient capables de diminuer la durée ou
l’intensité de la diarrhée.
Plusieurs clinaisons de ces SRO ont
été propoes : avec divers amidons ;
avec acides aminés, probiotiques, cellu-
lose, riz, zinc ; solutés spécifiques pour
diarrhée non cholérique ou pour dénu-
tri, etc. La composition des SRO pour la
gastro entérite en Europe fait lobjet
d’une recommandation de l’Espghan.
L’osmolarité doit être basse (autour de
250 mosm) ; le contenu en sodium doit
être de 50 à 60 mmol/l, en potassium
de 20 à 25 mmol/l ; la SRO doit conte-
nir un alcalinisant et des glucides (po-
tentiellement du glucose, de la dextrine
maltose et/ou du saccharose). Aucun
autre ingrédient n’est jugé pertinent et
n’est conseillé actuellement sous nos la-
titudes, même si certaines souches de
probiotiques (Lactobacillus LGG) peu-
vent être une piste d’avenir comme in-
grédient dans les SRO.
Le nourrisson est à risque majeur de
déshydratation, car il échange quoti-
diennement avec l’extérieur une fois et
demie sa masse sanguine (120 ml/kg).
Si elles ne sont pas compensées du fait
dun défaut dapport ou de vomisse-
ments, des pertes doublées pour un
nourrisson entraînent une déshydrata-
tion de 10 % du poids. Le risque dimi-
nue au fur et à mesure que lenfant
prend de l’âge et est capable d’adapter
spontanément ses boissons aux besoins.
Les recommandations conseillent bien
les SRO en première intention pour pré-
venir et traiter la déshydratation, don-
nées à volonté en fractionnant les prises
en cas de vomissements. En cas d’échec,
une consultation hospitalière est néces-
saire, avec un recours possible selon
certains auteurs à l’ondansétron en une
prise ou injection unique avant d’envi-
sager l’étape suivante.
En labsence de troubles hémodyna-
miques ou ioniques menaçants, cette
étape est, selon les recommandations,
ladministration des SRO par sonde
naso gastrique et non par perfusion. Ces
recommandations sont malheureuse-
ment peu appliquées en France, la
perfusion est encore largement utilisée
dans les services hospitaliers. Certaines
études montrent cependant lintérêt
d’un bolus intraveineux aux urgences,
qui permet un retour à domicile une
fois améliorées une hypovolémie modé-
rée et la cétose de jeûne.
Un des probmes associés aux SRO,
lorsque les parents et les médecins
ad rent au principe, est le refus des
enfants (hors trouble de conscience).
Ces SRO ont un goût neutre, un peu sa-
lé, assez peu sucré en dehors de celles
contenant du saccharose. De ce fait,
lacceptabilité peut être mauvaise
lorsque ces solutions sont utilisées en
préventif. L’enfant n’ayant pas une soif
importante peut refuser de boire, ce qui
inquiète les parents conscients des en-
jeux. Le problème ne se pose générale-
ment pas lorsque la déshydratation est
constituée. L’âge est aussi un paramètre
important : le petit nourrisson est moins
susceptible de refuser que le plus grand,
mais ce dernier est moins menacé.
De ce fait, des SRO plus « attractives »,
aromatisées, sucrées, voire sous forme
de bâtonnets glacés, sont commerciali-
sées dans certains pays pour améliorer
l’acceptabilité, avec des sultats posi-
tifs. La question importante est donc de
savoir si apporter à un nourrisson ou à
un jeune enfant au début d’un risque de
shydratation par diarrhée une solu-
tion plus attractive qu’une SRO peut
avoir un avantage.
L’étude de Freedman et al. tente de ré-
pondre à cette question en comparant
l’efficacité du jus de pomme dilué suivi
de la boisson sucrée préférée à celle
d’une SRO colorée aromatisée à la pom-
me. L’étude a porté sur 650 enfants âgés
de six mois à cinq ans présentant une
diarrhée avec une déshydratation ab-
sente à légère. Ses conclusions étaient
que le groupe jus de pomme-boisson
préférée n’était pas inférieur au groupe
SRO pour le risque déchec (17 vs
25 %), échec défini par les événements
suivants : hospitalisation ou perfusion,
consultation non programmée, symp-
tômes prolongés plus de 7 jours, néces-
sité d’utiliser la SRO dans le groupe jus
de pomme, perte de poids lors du suivi.
Quelques éléments sont à ajouter pour
interpréter cette étude qui comporte
des biais et suscite certaines critiques :
les résultats sont plus favorables chez
les plus de deux ans, l’étude n’incluait
aucun enfant de moins de six mois et
seulement 17 % de l’effectif avait entre
six et douze mois. Cette étude n’était
donc pas centrée sur les enfants les plus
à risque ;
il est étonnant de voir que le recours
en cas d’échec est la perfusion, et qu’au-
cune mention n’est faite de la réhydra-
tation par sonde, qui figure pourtant
dans les recommandations. Or, la réhy-
dratation IV était le critère principal
d’échec de la réhydratation dans ce pro-
tocole, et le refus de boire le liquide
proposé était la principale indication de
la réhydratation IV. Aucune différence
n’était notée en ce qui concerne les hos-
pitalisations ou l’importance de la diar-
rhée et des vomissements ;
cette étude ne concerne que des en-
fants non déshydratés à modérément
déshydras (en fait 32 % seulement
étaient déshydratés). Elle confirme la
difficulté de faire boire une SRO en pré-
ventif, surtout à des enfants en âge de
choisir de refuser (selon l’article, la pa-
latabili de la SRO était inférieure à
celle du jus de pomme dilué) ;
la composition du jus de pomme dilué
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pose problème, or elle n’est pas discu-
tée. Si losmolarité est probablement
dans les limites de l’isotonie, le liquide
obtenu est quasiment exempt de so-
dium (0,5 mEq/l), relativement pauvre
en potassium (15 mEq), sans doute aci-
de et, selon le type de jus de pomme
(pomme prese), peut avoir un effet
aclérateur sur le transit. Le jus de
pomme dilué ne correspond donc pas
aux recommandations pour une boisson
destinée à remplacer les pertes lors
d’une diarrhée aiguë ;
il n’y a pas de données sur la quantité
de liquide bue dans les deux groupes ;
après la sortie des urgences, le groupe
jus de pomme-boisson préférée buvait
quand il le voulait des boissons éven-
tuellement hyperosmolaires, lautre
groupe recevait une SRO de façon ré-
glée à chaque selle ou vomissement.
En conclusion, on pourrait dire qu’il est
difficile de faire boire une SRO à un en-
fant qui n’a pas soif… d’autant plus qu’il
est plus âgé. Cela semble valable même
en aromatisant et en colorant la SRO.
La SRO glacée n’a pas été testée.
Cette étude n’autorise pas à utiliser ce
protocole chez les moins de un an, qui
sont exposés au rotavirus, à la déshy-
dratation aiguë et aux troubles électro-
lytiques. Sous surveillance clinique, le
jus de pomme dilué peut être une étape,
au moins initiale, chez l’enfant de plus
de deux ans atteint de diarrhée modé-
rée. Cela est probablement proche de ce
qui se passe dans la réalité. Dans cette
situation, les boissons hyperosmolaires
semblent bien tolérées.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport
avec la rédaction de cet article.
Pour en savoir plus
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COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU LABORATOIRE BIOCODEX
Remise de la bourse annuelle Biocodex 2017 « Microbiote et pathologies digestives»
Le 24 mars 2017, au cours des JFHOD (Journées francophones d’hépato-gastroentérologie et oncologie digestive),
Biocodex a remis sa septième bourse de recherche annuelle « Microbiote intestinal et pathologies digestives ».
Cette bourse, organisée sous l’égide de la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE) et du Groupe
francophone d’hépatologie-gastroenrologie et nutrition diatriques (GFHGNP), est destinée à soutenir un
travail de recherche sur le microbiote intestinal. C’est un jury indépendant qui désigne le lauréat sur la base d’un
dossier déposé par les candidats. D’année en année, les candidatures sont toujours plus nombreuses, témoignant
du dynamisme de la recherche sur le microbiote.
Le lauréat 2017 est le Dr Raphael Enaud, interne en pédiatrie au CHU de Bordeaux. Son projet porte sur l’étude du
microbiote, en particulier l’abondance du genre Streptococcus, dans l’inflammation intestinale chez l’enfant atteint
de mucoviscidose. Cette étude permettrait de confirmer le rôle de la dysbiose dans la survenue de l’inflammation
intestinale chez les patients atteints de mucoviscidose afin de pouvoir ensuite proposer une étude interventionnelle
par probiotiques et/ou antibiotiques per os pour traiter l’inflammation digestive.
Impliqué depuis de nombreuses années dans l’étude du microbiote intestinal, notamment avec son médicament
Ultra-Levure®, Biocodex entend continuer à jouer un rôle d’expert dans la recherche et la diffusion d’informations
sur ce sujet en pleine effervescence. Ainsi, l’appel à candidatures pour la bourse Biocodex 2018 est lancé*.
* Renseignements : [email protected]., date limite de dépôt des dossiers de candidature : 31 décembre 2017
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