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décédés avant le recul maximum, un biais peut être introduit par un
recul insuffisant. En effet, en terme de lésions radio induites, il est
prouvé, notamment par le suivi des patients victimes de l'exposition
aux radiations atomiques, que les tumeurs peuvent apparaître plus
de 15 ans après l'exposition.
En 2006, MOON [6] a publié une série analysant le devenir des
patients au moins 5 ans après le traitement initial pour adénocarci-
nome prostatique. Il a ainsi pu comparer 39805 patients traités par
radiothérapie externe à 94541 patients qui n'ont pas eu de radiothé-
rapie. Dans la population irradiée, il note un risque relatif plus élevé
de développer un second cancer au niveau vésical (1,63) ou rectal
(1,6)]. Il note également une élévation significative du risque de
lymphome non hodgkinien, de leucémie myéloïde, et également de
cancer du caecum, du colon transverse, du cerveau, de l'estomac, du
poumon des bronches et de mélanome. Cette élévation du risque
relatif de second cancer en zone non irradiée est surprenante, et, les
auteurs n'en donnent pas d'explication claire. Les sources de biais
sont en effet multiples. La population irradiée peut en effet présen-
ter des facteurs de co-morbidité les prédisposant plus à la survenue
d'une autre tumeur.
NEUGUT [7] a étudié 141761 patients pour lesquels un diagnostic de
cancer de prostate a été posé entre 1973 et 1990 et inscrits dans le
registre nord américain SEER. Parmi ces patients, 24,6% ont eu une
radiothérapie externe. Durant les cinq premières années, il n'y a pas
d'élévation du risque d'apparition d’une deuxième tumeur (vessie,
rectum, ou leucémie). Par contre, au-delà de ce délai, il y a une élé-
vation du risque relatif pour les tumeurs de vessie, atteignant 1,5
après 8 ans dans le groupe radiothérapie.
Apartir du même registre SEER, BAXTER [8] a comparé les
30552 patients irradiés aux 55263 patients ayant été traités par
chirurgie exclusive pour leur cancer de prostate sur la période
1973-1994.
Dans les 2 groupes, l'incidence des cancers colorectaux a été étu-
diée en distinguant les zones irradiées sans aucun doute (rectum),
les zones potentiellement irradiées (charnière rectosigmoïdienne,
sigmoïde, caecum) et les zones non irradiées (reste du colon).
Après 5 ans, il existe dans le groupe irradié, une élévation signifi-
cative du nombre de cancer du rectum alors que le nombre de can-
cer des zones potentiellement irradiées et non irradiées est le même
dans les 2 groupes. Le risque relatif de développer un cancer du rec-
tum dans le groupe irradié est de 1,7.
BRENNER [9] enfin, a comparé sur la période 1973-1993, 51584
patients traités par radiothérapie externe à 70539 autres malades
traités par chirurgie sans radiothérapie pour un adénocarcinome
prostatique. Le risque de développer une deuxième tumeur solide
est plus élevé dans le groupe irradié. De plus, ce risque augmente
avec le temps ; il est de 15% supérieur après 5 ans et de 34% supé-
rieur après 10 ans. Pour les patients ayant plus de 10 ans de recul,
c'est un patient sur 70 traités par radiothérapie qui présentera une
deuxième tumeur. BRENNER relève notamment une augmentation du
risque relatif de cancers du rectum et de la vessie. Il note également
un risque relatif de sarcome de 2,5 à 5 ans. Mais la rareté de ces
lésions rend peu valide l'analyse statistique.
L'ensemble de ces données accrédite donc le fait qu'il existe un
risque de deuxième tumeur radio induite après radiothérapie pour
cancer de prostate. Celles-ci surviennent à distance de la radiothé-
rapie initiale, le délai minimum d'apparition étant de 5 ans. Les
principaux sites concernés sont le rectum et la vessie. Pour les sar-
comes, il pourrait exister un lien mais moins significatif. Néan-
moins, ces analyses reposent sur des séries où les premiers patients
ont été traités il y a plusieurs dizaines d'année.
Influence des modalités de radiothérapie
La question est de tenter de déterminer l'influence sur l'induction
tumorale des nouvelles modalités de radiothérapie.
Ainsi, pour ce qui est des techniques d'escalade de dose, SACHS [10]
acréé un modèle mathématique mettant en évidence une corréla-
tion directe entre l'augmentation des doses délivrées et l'élévation
du risque de deuxième tumeur.
KRY [11] a observé les effets de seconde lésion radio induite après
les techniques de modulation d'intensité. Là encore il estime que le
risque de tumeur secondaire est plus élevé avec ces nouvelles tech-
niques, puisqu'il s'établit entre 2,1 et 3,7% contre 1,7% en utilisant
des techniques de radiothérapie conventionnelle. De même pour
HALL [12] le risque de deuxième tumeur radio induite 10 ans après
le traitement initial, passe de 1% pour une radiothérapie classique à
1,75% avec une radiothérapie à modulation d'intensité. Pour ces
auteurs cette élévation du risque s'explique par le fait que un plus
grand volume se trouve irradié, même si les doses délivrées en
dehors du volume cible sont plus faibles.
Pour les techniques de radiothérapie conformationnelle, KRY estime
qu'elle devrait diminuer le risque de seconde tumeur, mais il n'a-
vance aucune donnée pour étayer cette hypothèse.
Il apparaît donc que les nouvelles techniques d'irradiation ne per-
mettent pas de diminuer le risque de deuxième tumeur radio indui-
te pour la modulation d'intensité, et, que pour la radiothérapie
conformationnelle, les données de la littérature ne sont pas suffi-
santes pour conclure.
CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS
L'analyse de ces différentes données de la littérature incite à penser
qu'après radiothérapie externe pour adénocarcinome prostatique, le
risque d'apparition d'une seconde localisation tumorale, en particu-
lier rectale et vésicale, soit augmenté, et ce à partir de 5 ans après
l'irradiation initiale. A10 ans le risque de développer une deuxième
tumeur solide serait de 34% supérieur.
Il ne semble pas actuellement prouvé que les protocoles actuels de
radiothérapie diminuant le volume d'irradiation puissent réduire le
nombre de cas de lésions radio induites. Par ailleurs le risque serait
un peu plus élevé chez les patients traités par techniques de modu-
lation d'intensité.
Al'heure où on dépiste les cancers de prostate à des stades le plus
souvent localisés chez des patients ayant une longue espérance de
vie, ces données pourraient plaider en faveur d'une modification des
indications, de l'information, et surtout, des modalités de sur-
veillance. La littérature ne donne aucune indication quant au rôle de
la multiplication des facteurs de risque liés par exemple à une pro-
position d'irradiation chez un patient fumeur : cette hypothèse méri-
terait probablement d'être étudiée.
Les modalités de surveillance après radiothérapie pour carcino-
me de prostate devraient probablement inclure au-delà de cinq
ans une rectoscopie et une cystoscopie à un rythme restant à pré-
ciser.
E.Rolland et coll., Progrès en Urologie (2007), 17, 1302-1304
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