Chapitre 2
Évolution de la biodiversité depuis la Seconde Guerre
mondiale et perspectives des prochaines années
Par Annie Cung, Kalemani Jo Mulongoy, Robert Höft, Ahmed Djoghlaf
Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique.
Pratiquement tous les écosystèmes de la Terre ont été transformés de manière
significative par les activités humaines. C’est en effet grâce à une industrialisation croissante,
une déforestation accrue et une expansion de l’agriculture et de l’élevage que la remontée
économique qui a suivi les deux guerres a été rendue possible. Autant d’activités humaines
qui ont petit à petit grignotées, épuisées ou polluées les habitats naturels. Aujourd’hui, si la
transformation des terres reste la principale cause de l’érosion de la biodiversité, la
mondialisation - qui facilite l’introduction d’espèces envahissantes - et le réchauffement
climatique participent de plus en plus activement à la dégradation de la nature.
Ainsi, que ce soit à l’échelle des gènes, des espèces ou des écosystèmes, le constat est
le même : la diversité s’appauvrit à un rythme alarmant. Au Kenya par exemple,
l’introduction du mouton Dorper a causé la disparition de la quasi-totalité du mouton Massai
rouge. Sur les 6300 races de bétail domestiqué dans le monde en 2000, plus de 1300 sont
aujourd’hui éteintes ou considérées en danger d’extinction. A l’échelle de l’espèce, le constat
est tout aussi inquiétant : sur les
40 177
espèces évaluées à l’aide des critères de la Liste rouge,
16 119 sont aujourd’hui déclarées menacées d’extinction. Enfin, au niveau des écosystèmes, 6
millions d’hectares de forêts primaires disparaissent chaque année. On estime également
qu’environ 30% des mangroves et 20% des récifs coralliens ont été détruits au cours des vingt
dernières années et plus de 50 % des zones humides en Amérique du Nord, Europe, Australie,
et Nouvelle-Zélande ont disparu au cours du
XX
e
siècle.
Or cette crise d’extinction est loin d’être finie, précisent les auteurs. La plupart des
analyses et scénarios futurs indiquent en effet que la perte de biodiversité se poursuivra à un
rythme encore plus soutenu. Cela s’explique par l’inertie des écosystèmes et des institutions
humaines, mais aussi par le fait que la plupart des causes de dégradation de la biodiversité ne
donnent aucun signe d’essoufflement. Bien au contraire. Par ailleurs, le réchauffement
climatique pourrait également exacerber la tendance : on considère par exemple qu’en 2050,
la forêt tropicale de l’est de l’Amazonie ne sera plus qu’une immense savane…
« Il est donc urgent que la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité
fassent désormais partie intégrante des politiques et des pratiques de tous les secteurs
économiques et sociaux », plaident les auteurs. C’est face à ce défi que se réunira en mai
2008, à Bonn en Allemagne, la neuvième Conférence des parties à la Convention sur la
diversité biologique.