H i g H l i g H t s 2 010 : g y n é c o l o g i e - o b s t é t r i q u e Prix Nobel de médecine à Robert Edwards – une révolution, et après? Michael von Wolff Abteilung Gynäkologische Endokrinologie und Reproduktionsmedizin, Universitäts-Frauenklinik, Bern Michael von Wolff L’auteur certifie qu’aucun conflit d’intérêt n’est lié à cet article. L’attribution du Prix Nobel de médecine 2010 à Robert Edwards est une conséquence logique d’une évolution médicale à laquelle il a apporté une contribution déci­ sive et qui représente une révolution aussi bien bio­ logique que socioculturelle. Voici donc brièvement décrits les développements majeurs de ces cinquante dernières années. La première fertilisation réussie d’un ovocyte de lapin a été publiée en 1959 par M. C. Chang de Boston. Celle d’un ovocyte humain s’est avérée plus difficile, comme le confirment les nombreuses tentatives d’Edwards jusqu’au transfert d’ovocytes humains dans des utérus de lapines et de singes en 1965. Plusieurs années se sont écoulées jusqu’à la première grossesse humaine après fertilisation in vitro (FIV). C. Woods et J. Leeton de Melbourne ont publié une première grossesse bio­ chimique en 1973. Avec la naissance de Louise Brown le 25.7.1978, Robert Edwards et Patrick Steptoe ont fi­ nalement apporté la preuve définitive que la FIV fonc­ tionne aussi chez l’humain. Cette FIV n’a pas utilisé de gonadotrophines et la ponction folliculaire s’est faite par laparoscopie. Après la naissance de Louise Brown, les sensations se sont succédées. En 1981 a été publiée la première grossesse après stimulation par gonadotrophines, en 1983 après cryoconservation, en 1983 après don d’ovules et en 1984 chez une mère porteuse. Ces suc­ cès ont modifié les connaissances de l’époque sur la physiologie de la reproduction, car non seulement il a été possible de féconder l’ovule en dehors de l’orga­ nisme, mais encore la première démonstration a été faite qu’un développement d’embryons génétiquement totalement étrangers est possible dans l’abdomen de la femme. Figure 1 Microscope pour l’injection d’un spermatozoïde dans un ovocyte (injection intracytoplasmique de spermatozoïde [ICSI]). La médecine de la reproduction a été systématiquement développée et plus de 4 millions d’enfants depuis lors sont nés par FIV. Ces développements de la médecine de la reproduction, qui permettent à de nombreux couples stériles de satis­ faire leur besoin évolutionnaire de procréer, n’ont été possibles que grâce à des prestations scientifiques in­ tensives et à un échange international structuré. Et c’est là précisément que Robert Edwards a rendu d’autres grands services. Il a fondé en 1985 l’European Society of Human Reproduction and Embryology, l’ES­ HRE, qui est devenue une très importante société mon­ diale dont les congrès annuels attirent pratiquement 10 000 participants. Edwards a encore été cofondateur notamment de la revue Human Reproduction très cotée au niveau international et dont il a été l’éditeur en chef pendant quinze ans. Après toutes ces réussites et les optimisations de la FIV qui ont suivi se pose la question des autres hauts faits de la médecine de la reproduction dans le présent et le futur, vu que pratiquement aucune augmentation du nombre de grossesses n’est à prévoir. Tout d’abord, il y a l’application de la médecine de la reproduction dans d’autres spécialisations médicales, et ensuite la minimisation des risques de la FIV. Primo: grâce à la médecine de la reproduction moderne, il est maintenant très souvent possible de tirer profit des toutes dernières connaissances de la génétique humaine. L’identification de mutations à l’origine de maladies graves et invalidantes permet maintenant de sélectionner les embryons sains. Le diagnostic préimplantatoire (DPI) permet de prévenir des avortements précoces ou tardifs, de même qu’une grave infirmité infantile. Mais pour ex­ ploiter ces progrès en Suisse, il faut encore modifier la loi. Les progrès des traitements oncologiques, avec l’amé­ lioration de la survie, exigent en outre des mesures visant à améliorer les chances de grossesse après trai­ tement cytotoxique. La médecine de la reproduction propose ici aussi des options thérapeutiques bien éta­ blies dans d’autres pays dans d’importants réseaux (www.fertiprotekt.de) et structurées en Suisse aussi dans le cadre du nouveau réseau «Fertisave Suisse». Secundo: différentes stratégies ont été et sont encore mises au point pour minimiser les risques. L’option la plus intéressante est sans aucun doute le transfert d’un seul embryon pour éviter les grossesses multiples. Comme la sélection des embryons n’est pas autorisée en Suisse, il n’est pas possible d’utiliser les nombreux ovocytes de la FIV classique sous gonadotrophines, ce qui fait que la proportion de grossesses avec le transfert d’un embryon unique n’est que de 20% max. Forum Med Suisse 2010;10(51–52):912–913 912 H i g H l i g H t s 2 010 : g y n é c o l o g i e - o b s t é t r i q u e Une autre option est celle qui nous ramène à notre lau­ réat du Prix Nobel. Edwards a pratiqué les premières années une FIV dite natural­cycle, c.­à­d. que la follicu­ logenèse n’était pas stimulée par gonadotrophines. Une FIV purement natural­cycle n’a naturellement aucun sens, car il faut constamment contrôler l’ascension de la LH et ponctionner le follicule. Les connaissances pré­ cises de l’interaction entre œstradiol et LH de même que des mesures médicamenteuses simples habilement associées permettent maintenant dans de nombreux cas de contrôler l’ovulation, de manière à pouvoir pré­ lever un ovocyte avec une grande probabilité dans la journée. Si une telle technique est optimisée comme dans le Service Universitaire de Gynécologie et Obsté­ trique de Berne, une proportion étonnante de gros­ sesses, pratiquement 30% par embryon transféré, est possible. Etonnante du fait qu’avec une FIV classique, cette proportion – probablement sous l’influence de la stimulation sur l’ovogenèse et l’endomètre – n’est que de 20% max. Il faut donc attendre pour savoir si l’op­ tion de «retour aux sources» pour tel ou tel collectif de patientes s’avère être une alternative intéressante, éga­ lement en raison des coûts nettement inférieurs par grossesse obtenue. Il est possible que la tempête d’indi­ gnation du Vatican se calme après l’attribution du Prix Nobel de médecine si nous parvenons – comme cela est actuellement testé à Berne – à obtenir des grossesses en transférant un seul ovule avec spermatozoïdes dans l’utérus mais sans FIV préalable. Ce qui serait alors stupéfiant pour le Vatican. Correspondance: Prof. Michael von Wolff Gynäkologische Endokrinologie und Reproduktionsmedizin Universitäts-Frauenklinik CH-3010 Bern [email protected] Figure 2 Embryon après FIV natural-cycle. Forum Med Suisse 2010;10(51–52):912–913 913 H i g H l i g H t s 2 010 : g y n é c o l o g i e - o b s t é t r i q u e Forum Med Suisse 2010;10(51–52):912–913 914