320 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 7 - juillet 2016
ÉDITORIAL
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ASCO® 2016 : des avancées qui peuvent
changer la pratique médicale, jusqu’où ?
Lors du congrès de l’Association américaine d’oncologie clinique cette année, les
principales avancées présentées qui peuvent changer la pratique nous auront
conduits à balayer tout le spectre de la cancérologie, allant de l’histoire naturelle
aux thérapies ciblées du cancer.
Commençons par l’histoire (presque) naturelle. L’étude coopérative CALGB/SWOG
sur le cancer du côlon, présentée par A.P. Venook, nous offre ainsi des observations
d’une telle simplicité qu’elles nous rappellent l’histoire de l’œuf de Colomb. Dans
les cancers du côlon, la localisation de la tumeur primitive apparaît avoir un impact
pronostique important puisque en situation avancée, la survie des patients atteints d’un
cancer du côlon gauche est significativement meilleure(33,3mois) que celle des patients
atteints d’un cancer du côlon droit(19,4mois). Il est intéressant de constater, de plus,
que l’effet du traitement est modulé par cette localisation primitive, l’anticorps ciblant
le récepteur de l’EGF, le cétuximab, semblant être ainsi un traitement suboptimal du
cancer du côlon droit. Comment n’y avions-nous jamais pensé ?
L’étude suivante concerne la chirurgie du cancer du sein et a le mérite particulier de
répondre à une question débattue depuis de nombreuses années. Faut-il, en situation
métastatique, s’intéresser quand même au traitement chirurgical de la tumeur primitive
mammaire ? Dans cette étude, qui randomisait les patientes entre soit un traitement
systémique d’emblée, soit un traitement systémique après traitement local chirurgical,
l’impact de la chirurgie s’affirme. En effet, les patientes opérées d’emblée ont une médiane
de survie significativement supérieure, de 46mois, pour une survie de seulement 37mois
chez les patientes non opérées. La différence de survie à 5ans est, elle aussi, impressionnante
puisqu’elle est de 41,6 % dans le bras chirurgie première versus 24,4 % dans le bras
traitement systémique seul. Ces données devraient apporter des arguments décisionnels
pourlesprochaines réunions de concertation pluridisciplinaire médicochirurgicale.
En situation adjuvante, 2 études nous apportent de nouvelles informations qui
peuvent avoir un impact clinique. La première, organisée par le European Study
Group for Pancreatic Cancer, porte sur 732patients opérés d’un cancer du pancréas.
Dansles12 semaines suivant la chirurgie, les patients recevaient soit de la gemcitabine
seule, soit une combinaison de gemcitabine et de capécitabine pendant 24 semaines.
Lesrésultats sont en faveur de cette combinaison adjuvante avec une survie médiane
de 28mois versus 25mois, et des résultats en survie à 5ans de presque 30 % versus
16 %. Selon S.S. Krishnamurthi (conférence de presse ASCO®) : “C’estunsuccès majeur
de découvrir qu’une chimiothérapie générique non seulement améliore la survie de
ces patients, mais aussi le fait avec peu d’effets (négatifs) sur laqualité de vie.” Cet
essai conforte les Français dans leur étude d’une chimiothérapie plus forte de type
FOLFIRINOX, qui est le standard en situation métastatique.
L’autre étude revient sur la durée de l’hormonothérapie adjuvante dans les cancers
du sein. Cette étude MA.17R, présentée par P.E. Gosse, posait la question, pour des
femmes traitées auparavant par tamoxifène et ayant reçu 4, 5 ou 6ans d’un inhibiteur
de l’aromatase (létrozole : 2,5mg), de l’intérêt de la poursuite de ce médicament pour les
5années suivantes. La prolongation de cette thérapeutique ajoute un gain significatif,
avec un hazard-ratio de 0,66, correspondant à une réduction des rechutes de 34 %.
Cet effet est particulièrement marqué sur la prévention de l’apparition d’un cancer
controlatéral.
Jean-François
Morère
Service d’oncologie médicale,
hôpital Paul-Brousse, Villejuif.
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