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INTRODUCTION
Jean-Claude RAPHAEL,
président du groupe d’experts
Le monoxyde de carbone (CO) est un gaz inodore, incolore, non irritant, très toxique du fait notamment de sa
liaison avec l’hémoglobine qui entrave la libération d’oxygène au niveau tissulaire. Les causes d’intoxications
sont extrêmement nombreuses puisque du CO apparaît dans toutes les situations où une combustion incomplète
se produit (appareil de chauffage, moteur à essence en atmosphère confinée, etc.). Les intoxications peuvent
survenir à domicile, en milieu de travail. Elles peuvent être aiguës et accidentelles ou subaiguës et chroniques si
la cause de l’intoxication n’est pas repérée. L’intoxication peut être individuelle, elle est souvent collective ce qui
en augmente encore la morbidité. L’intoxication peut être rapidement mortelle, laisser des séquelles
neurologiques plus ou moins graves ou être responsable même dans les formes « bénignes » de nombreuses
hospitalisations. L’impact sur la santé des intoxications chroniques mériterait une évaluation plus précise.
Tous ces faits sont bien connus. Pourtant cette intoxication reste extrêmement fréquente dans le monde. Tous
les experts sont unanimes pour reconnaître que son incidence est largement sous évaluée, les signes
révélateurs de l’intoxication qui n’ont aucun caractère spécifique, ne sont pas suffisamment connus et
l’intoxication risque de ne pas être décelée. Il en résulte une mauvaise prise en charge du patient, une absence
de recherche de la cause de l’intoxication ce qui expose aux risques de récidives.
Les principes mêmes de la prise en charge ne sont pas codifiés ce qui explique les divergences majeures
d’attitudes thérapeutiques.
L’intoxication au monoxyde de carbone met en jeu différents intervenants : services mobiles d’urgence, médecins
généralistes et spécialistes, milieu libéral et milieu hospitalier, médecin du travail, services sociaux, etc. Il est
facile de comprendre qu’il n’est pas aisé de donner de la cohérence dans ces groupes de formations et
d’activités professionnelles très diverses. Pourtant ces intoxications responsables d’environ 200 à 300 décès par
an en France, provoquent environ 6 000 hospitalisations par an, sans compter le coût supplémentaire pour la
collectivité des arrêts de travail et des difficultés de reprise de travail dans certains cas.
La direction générale de la santé a mis en place un système national de surveillance qui s’est récemment
renforcé. Parallèlement à ce dispositif, un groupe d’experts médicaux a été chargé d’élaborer un référentiel de
prise en charge des intoxications oxycarbonées aiguës. L’objectif est de diffuser largement les conclusions de ce
groupe afin d’informer les différents praticiens qui seront tôt ou tard confrontés à ce problème.
C’est volontairement que nous nous sommes limités aux intoxications aiguës. Les intoxications subaiguës ou
chroniques, comme par exemple l’intoxication tabagique ou induite par la pollution, sont certainement très
fréquentes et potentiellement dangereuses, mais mériteraient des développements qui ne pouvaient ici être
envisagées.
Concrètement, ces « bonnes pratiques » sont divisées en deux parties. La première « repérer une intoxication
oxycarbonée aiguë » reprend les données physiopathologiques de base, les données épidémiologiques
mondiales et nationales, les causes, et envisage le cas particulier des accidents de travail. Les signes cliniques
et paracliniques de l’intoxication sont ensuite envisagés ainsi que les moyens diagnostiques actuellement
disponibles. La seconde partie « traiter les intoxications oxycarbonées » détaille les principes de la prise en
charge immédiate, tente de préciser les indications de l’oxygénothérapie hyperbare qui reste un sujet de
controverse. Sont ensuite envisagées les modalités de suivi et de surveillance des victimes qui sont souvent peu
connues.
Nous remercions sincèrement tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ce document. Nous souhaitons qu’il
participe à la prise de conscience du danger majeur de cette intoxication. Il faut rappeler que Claude Bernard
dans l’introduction à la médecine expérimentale, avait pour la première fois décrit le danger de ce gaz qui rendait
le sang des animaux exposés trop rutilant, comme si ce toxique empêchait l’oxygène de se libérer du sang, ce
qui expliquait la mort inéluctable observée dans ces conditions expérimentales.