
•éviter la survenue de complications irréversibles de la
maladie elle-même : on pense surtout ici aux cicatrices
cornéennes et à l’amblyopie générée par les troubles
cornéens lors de la phase de maturation qui conditionne
l’avenir visuel de l’enfant ;
•éviter les complications du traitement, avec bien en-
tendu au premier plan le risque de glaucome cortisoni-
que ;
•enfin, dans la mesure du possible, améliorer le confort
de vie du patient.
Il est capital d’expliquer au patient et à ses parents le cours
naturel de la maladie, ses risques et ceux du traitement, ainsi
que les buts que l’on se fixe lors du traitement, afin de les
impliquer : en effet ce sont eux qui devront adapter chaque
jour le traitement à l’évolution de la maladie.
2.1. Les mesures générales
Elles ont une importance particulière, puisqu’elles per-
mettent de réduire la fréquence et la sévérité des crises :
•protection contre les ultraviolets (lunettes à coque enve-
loppante, casquette ; éviter de sortir en plein midi, choix
du lieu de vacances...) ;
•éviction allergénique « large », dont le but est de limiter
les stimulations génératrices d’inflammation et de nou-
velles sensibilisations ;
•lutte contre les pathologies associées (sécheresse en fin
d’évolution de la maladie) et les facteurs irritants envi-
ronnementaux ; ne pas se frotter les yeux...
•lavages oculaires fréquents au sérum physiologique
froid : cela permet de diminuer la concentration des
allergènes et des médiateurs inflammatoires à la surface
de l’œil, et le froid a un effet calmant et anti-inflamma-
toire ;
•aide psychologique lorsqu’elle est nécessaire, l’enfant
pouvant utiliser sa maladie comme moyen de chantage,
ou les parents pouvant mal supporter son côté récurrent.
2.2. Le traitement de fond
Il fait appel aux collyres antiallergiques non cortisonés,
utilisés de façon continue pendant toute la période chaude de
la maladie (mars à octobre en général) ; on peut utiliser des
antidégranulants et des antihistaminiques, là encore en privi-
légiant les formes sans conservateur ; il est également possi-
ble d’essayer les collyres AINS (aucun n’a d’AMM dans
cette indication en France), bien qu’ils soient souvent un peu
décevants. L’expérience montre qu’il peut être profitable
d’alterner deux collyres différents, par exemple tous les mois
(meilleure tolérance, moins de phénomènes d’échappement).
Chez certains patients, adjoindre un antihistaminique per os
permet encore d’améliorer l’efficacité du traitement.
La N-acétyl cystéine en collyre (Génac
®
, Euronac
®
)ou
per os peut être utile lorsqu’il existe de nombreux filaments
muqueux.
2.3. Les crises inflammatoires
2.3.1. Traitement par les corticoïde
Lors des crises inflammatoires, il est souvent indispensa-
ble d’ajouter ponctuellement des corticoïdes (85 % des cas
lors d’une étude de Bonini [5]). Les différents auteurs s’ac-
cordent pour dire qu’il faut préférer des cures courtes, inten-
sives et précoces (dès le début des crises) : la dexaméthasone
en collyre ou pommade est évidemment bien adaptée à ce
schéma, bien qu’on puisse lui préférer la riméxolone (activité
intermédiaire entre fluorométholone et dexaméthasone,
Vexol
®
collyre), moins hypertonisante pour l’œil. Les stéroï-
des ont également été utilisés avec succès en injections su-
pratarsales [6], bien qu’il faille tempérer ce résultat par
l’apparition d’une hypertonie oculaire chez certains sujets.
Enfin, il est devenu exceptionnel de préconiser la cortisone
par voie orale au cours des conjonctivites.
2.3.2. Traitement par la ciclosporine
La prise en charge des formes sévères d’inflammation
oculaire, devenues corticodépendantes a été considérable-
ment améliorée par l’arrivée de la ciclosporine en collyre [7].
Ce dernier, qui n’est préparé que par quelques pharmacies
hospitalières (Hôtel-Dieu et CHNO des Quinze-Vingt à Pa-
ris), doit être utilisé à la concentration de 2 %, pendant
plusieurs mois à la fois, voire pendant toute la période in-
flammatoire. D’autres immunosuppresseurs viendront peut-
être la seconder à l’avenir (tacrolimus, mitomycine C [8]).
On peut également espérer plus tard des molécules actives
sur les autres étapes de la cascade inflammatoire, sur lesquel-
les travaillent les laboratoires (anti IgE, leucotriènes, cytoki-
nes, molécules d’adhésion...).
2.4. L’immunothérapie spécifique
Elle est discutée dans la kératoconjonctivite vernale. Il est
certain qu’on ne peut en attendre un effet extraordinaire, et
ses résultats se sont souvent avérés irréguliers pour de nom-
breux auteurs. Toutefois elle mérite d’être essayée, car elle
peut permettre de diminuer le recours à la corticothérapie ; là
encore, il est capital d’exiger une bonne pertinence de l’anti-
gène considéré, dont la présence doit être bien corrélée aux
exacerbations inflammatoires. Certains praticiens débutent
l’ITS par des doses très faibles (de l’ordre de 10
–5
ou 10
–6
IR), afin de ne pas risquer d’aggraver la maladie. Il n’y a pas
de consensus sur ce point, qui ne semble pas avoir été étudié
de façon systématique.
2.5. La chirurgie
Elle tient également une place dans ce chapitre. Elle reste
bien entendu du domaine de l’ophtalmologiste : grattage de
plaque vernale ou photokératectomie thérapeutique [9] pour
favoriser la cicatrisation d’un ulcère vernal ; cryothérapie des
pavés palpébraux ; transpositions conjonctivales ou greffes
de muqueuse buccale. Ces différentes techniques peuvent
73L. Helleboid / Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 44 (2004) 71–75