Uber, Concurrent Déloyal ou Champion Libérateur de l’Économie du Partage ?
The LCII Policy Brief is a quarterly publication. It can be downloaded from www.lcii.eu
3
taxis.
Innovation – Les entreprises
californiennes, et Uber ne s’en fait pas
faute, aiment se dépeindre comme des
« start up » innovantes. Plus
particulièrement, Uber, Lyft, et d’autres
seraient les vaisseaux amiraux d’une
nouvelle organisation économique, que
l’on appelle « économie du partage ».
De quoi s’agit-il?
L’économie du partage repose sur le
modèle dit de la « consommation
collaborative », tel que décrit dans deux
ouvrages fondateurs de B
OTSMAN
et
R
OGERS
viii
d’une part et de G
ANSKY
ix
d’autre part. Ces auteurs théorisent
l’apparition d’un nouveau processus
d’allocation des ressources dans la
société. Le point de départ de ce
nouveau modèle économique remonte
historiquement à la fin de l’année 2007.
Un grand congrès se tient alors à San
Francisco. Les hôtels sont débordés.
Trois colocataires décident de louer la
chambre de leur appartement sur le site
du colloque. Rapidement, il leur vient
l’idée de renouveler l’opération à plus
grande échelle pour les conventions
républicaines et démocrates. Tout un
écosystème prend forme. Des
propriétaires de ressources inutilisées –
une chambre, un siège dans une voiture,
une bicyclette, un espace de jardinage,
etc. – les ouvrent aux tiers. Leur slogan:
« what’s mine is yours ».
Le partage n’est pas gratuit, mais
indemnisé. Le prêteur arrondit ainsi ses
fins de mois, finance ses projets, etc. La
consommation partagée se veut
sociétalement vertueuse: elle limite les
déchets, le stockage, le gaspillage, la
surproduction, etc. L’économie du
partage puise ses racines dans une
rupture technologique: l’informatisation
et l’interconnexion de la société. Elle se
nourrit des aspirations politiques
nouvelles de la génération Y (aussi dite
génération millénariste): protection de
l’environnement, rejet du consumérisme
et culte de la mise en réseau. Des
plateformes Internet ou applications
électroniques organisent les échanges.
Un système de « peer review » évalue
les prestations.
Revenons à Uber. Se trouve-t-on ici,
dans une dynamique d’innovation? Pas
tout à fait. A y regarder de près, Uber
preste un service de commodité, celui du
transport personnel. Certes, Uber
l’agrémente de quelques améliorations
comme la géolocalisation ou le « peer
review ». Toutefois, en tant que tel, le
système de partage semble plus efficient
qu’innovant.
Qui plus est, il faut prendre garde au
risque de confusion. Lorsqu’un
chauffeur ouvre son véhicule à un tiers,
pour partager avec lui un trajet qu’il
réaliserait en toute hypothèse, il est dans
l’économie du partage. Le partage est
accessoire à sa propre utilisation du
véhicule. Les services qu’Uber propose
ne s’inscrivent pas vraiment dans cette
logique de « co-voiturage ». La plupart
du temps, un chauffeur Uber partage son
véhicule pour transporter des personnes
vers une destination qui n’est pas la
sienne. Il preste le cas échéant un service
de transport à part entière, comme
n’importe quel chauffeur de taxi. La
distinction, qui n’est pas toujours
évidente, serait apparemment exploitée
par Uber, qui classifie ses services