Blanc, F., Ledeme, P. Blanc, Ch. (1987). Quelques r sultats des travaux men s sur la variabilit g n tique chez la perdrix grise. Bulletin Mensuel de l O.N.C., 113 : 11-13.

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Quelques résultats des travaux menés
sur la variabilité génétique
chez la perdrix grise
r
›
INTRODUCTION
v
Un travail de recherche a été
mené par le Laboratoire de Zoogéographie de l'Université de
Montpellier, sur la variabilité génétique de la Perdrix grise, à la
demande de l'Office National de la
Chasse.
Les méthodes d'analyses couramment employées par ailleurs sur
des espèces animales par des
laboratoires de recherche spécialisés ont ainsi été appliquées à
cette espèce.
La question posée était de savoir si
on pouvait mettre en évidence des
particularités génétiques chez les
perdrix grises des Pyrénées qui
les distinguent des perdrix grises
de plaine.
Ce travail a répondu positivement
à cette question. Il a également
montré quels pouvaient être les
apports et les limites de travaux de
ce type pour les gestionnaires de
la faune.
Des confirmations devront être
apportées en multipliant les échantillons et en recherchant le maximum de précisions biologiques et
écologiques sur les populations
étudiées.
Un rappel de définitions de termes génétiques employés dans ce texte est sans
doute nécessaire au non spécialiste pour comprendre les résultats présentés:
Gènes
Les gènes sont les supports des caracteres d'un individu. Ils lui sont transmis
par ses parents.
Par exemple, le caractère de couleur de la lleur «Belle de nuit» est porté par
un gène qu'on peut appeler le gène «couleur de la lleur››.
Locus
Dans chaque cellule d'un organisme, les gènes sont portés par les chromosomes.
La position qu'ils occupent sur ces chromosomes est appelée locus; c'est le lieu
où ils se trouvent.
Les chromosomes étant en double dans chaque cellule, chaque caractere est
représenté par deux gènes.
Dans notre exemple, le caractère de la lleur est donc supporté par deux gènes.
Hllèle
Ces deux gènes peuvent être identiques ou de type différent. On appelle allèle,
ces différents types d'un même gène. Les genes situés sur un même locus sont
des allèles.
Dans notre exemple, le gène «couleur de la lleur» comporte deux allèles R et B.
Génotype
Les deux gènes supportant un même caractère forment le génotype cle l'individu pour ce caractère.
Dans notre exemple, les génotypes seront de trois types: RR, RB ou BB.
Une fleur aura, pour le caractère couleur, un génotype RR, RB ou BB.
Phénoty-pe
L'expression, ou réalisation, d'un génotype est appelé phénotype.
Dans notre exemple, les individus présenteront trois phénotypes différents:
0 couleur rouge (génotype RR),
0 couleur rose (génotype RB),
0 couleur blanche (génotype BB).
Population
C'est la collectivité la plus élémentaire au sein de laquelle les échanges genétiques sont absolument libres et constants (Dobzhansky, 1952). Exemple les «Belles
de Nuit» d'une même serre.
l
Polymorphisme allélique
Si cette population présente une fréquence élevée du taux de présence de chacune des allèles, ici R ou B, on dira qu'elle présente un taux de polymorphisme
allélique élevé (par exemple: 45% de R et 55% de B).
A l'inverse, si les proportions étaient de 98% de R et 2% de B, on aurait une
population à faible taux de polymorphisme allélique, puisqu'il n'y aurait praliquement que l'allèle R qui serait représenté.
Polymorphisme génotypique
Si cette population présente une fréquence élevée du taux de présence de cha~
cun des génotypes, ici RR, RB ou BB, on dira qu'elle présente un taux de polymorphisme génotypique élevé (par exemple: RR = 30% _ RB = 35% - BB = 35%).
A l'inverse, une population présentant cles proportions de 96% pour le génotype
RR, 2% pour RB et 2% pour BB, serait presque monomorphe et son taux de
polymorphisme génotypique, faible.
G. CHANTREL
Photo O.N.C.
B.M. O.N.C. N°113. Mai 1987
11
PROBLÉMATIQU1:
La Perdrix grise est présente dans
les plaines de toute la partie Nord
de la France et en montagne dans
les Pyrénées et dans les Alpes.
On peut considérer qu'au Nord
d'une ligne Bordeaux-Genève, la
Perdrix grise est présente partout,
alors qu'en altitude elle n'existe
que dans certains secteurs limités.
L'aire de répartition géographique
de cette espece est donc discontinue et, qui plus est, elle présente
des îlots bien séparés, en particulier dans la chaîne Pyrénéenne.
Cette répartition particulière peut
correspondre à des compositions
génétiques différentes entre les
diverses populations de perdrix
grises. On serait alors en présence
de «souches» présentant chacune
des caractéristiques génétiques
particulières.
On a cherché à mettre en évidence l'existence de ces différences dans la mesure ou si elles existent vraiment, elles devront être
prises en compte dans la gestion
de l'espece; il faudrait veiller à ce
que des souches locales ne disparaissent pas et il serait souhaitable
d'éviter l'introduction d'oiseaux
«étrangers» au sein d'une souche
et en particulier éviter le lâcher
d'oiseaux d'élevage.
Uétude qui a été entreprise se propose de déterminer l'existence
éventuelle:
- d'une différenciation génétique
des populations des Pyrénées,
c'est-à-dire une évolution, que l'on
retrouverait dans les gènes, différente entre les perdrix des Pyrénées et celles de plaines. telle que
la Beauce, par exemple. Cette différenciation génétique pourrait
alors être la conséquence de l'isolement géographique des populations montagnardes;
- d'une pollution génétique, c'està-dire l'introduction d'allèles étrangers dans une population, celle-ci
serait la conséquence de l'introduction d'oiseaux de repeuplement
issus d'élevage;
~ d'une réduction du polymorphisme génétique (voir définition)
comme conséquence de la diminution des effectifs.
Hautes-Pyrénées (SS): 25 individus
provenant de la commune de LuzSaint-Sauveur en 1983.
Ariège (}lS).' 9 individus provenant
de la commune d'Ascou en 1982.
Pyrénées orientales (PO): Z9 individus provenant de la commune de
Mantet en 1982 et 1983.
Elevage (SB).' 25 individus provenant de l'élevage de Saint-Benoist
(78) de l'Office National de la
Chasse en 1982.
Sur chaque animal, des morceaux
de muscle et de foie ont été prélevés et utilisés pour cette étude.
Le travail a porté sur l'Z locus différents, parmi les plus couramment
utilisés dans ce type d'étude.
Les techniques utilisées pour séparer les différents allèles ne sont
pas présentées ici. On pourra en
trouver une description dans le
document intitulé:
0 variation géographique de la
diversité génétique chez la perdrix
grise (1985), disponible auprès de
l'auteur ou du Service Documentation de l'Office National de la
Chasse*.
RÉSULTATS
Différence entre les populations
Les résultats obtenus par les différentes méthodes citées ci-dessus
sont concordants entre eux.
Ils permettent de séparer le
groupe de montagne pyrénéen du
groupe formé par la population de
Beauce et d'élevage.
L'axe l qui posséde une inertie
relative de 77% sépare le groupe
des Pyrénées, du côté négatif de
l'axe, du groupe BC-SB du côté
positif. La position de l'échantillon
d'1-\scou AS, situé du côté des
Pyrénées, mais assez éloigné des
deux autres échantillons pyrénéens
PO et SS, est probablement due à
la taille de l'échantillon.
Une grande communauté génétique existe entre la population
d'élevage de Saint-Benoist et celle
de Beauce, suggérant que l'essentiel de l'élevage des perdrix de
Saint-Benoist provient de la Beauce.
Toutefois, la présence de deux
allèles rares mais uniques a SaintBenoist pourrait être le témoin d'un
apport «étranger» dans cet élevage.
Plusieurs méthodes d'analyse des
données ont été utilisées:
~ distance et identité génétiques
de Nei,
0 F. statistiques de Wright,
0 analyse factorielle des correspondances appliquées aux effectifs
alléliques, aux effectifs génotypiques et aux génotypes individuels.
Le poids des différents gènes
dans cette différenciation interpopulationnelle a été classé par
ordre d'importance. Une analyse
factorielle des correspondances
montre que cette différenciation est
essentiellement due à trois locus
génétiques (EST-2, EST 4mu,
1-\AT-2) sur les l'I étudiés.
Leur description pourra également
être consultée dans ce même
document.
Introduction d'oiseaux
de repeuplement
L'examen détaillé des résultats
obtenus au locus EST-2 montre qu'il
existe dans l'ensemble des cinq
* G.F.S. vol. 3, Mars 1986.
Axe 2 (6%l
4
ZA
//
///
Z
/
//
\
\
\
+
\
BC
› Am 1 (77%)
_/
\
l"'_\\
SB
+
Description de Pétude
Celle-ci a porté sur 5 populations
de perdrix jugées différentes:
Beauce (BC): 50 individus provenant d'un même territoire en 1982.
12
Fig. 1. - Représentation par A.T.D. ( 1) de la matrice des distances génétiques.
(1) A.T.D.: Analyse factorielle d'un tableau de distance: c'est la représentation dans un plan de nuage de points formés
à partir de la matrice des distances entre uindividusu.
1
l
Population d'élevage
0 _ ,__
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.Pc
È] Anne 87
.
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Anne 93
Apports de la génétique
Auele 100
à la gestion des populations
de gibier
_ Auele 107
Al/èles ségrégeant au locus EST-2 dans les cinq populations (surfaces proportionnelles aux
fréquences alléliques).
Fig. 2. Structure génétique au locus Est-2
Sur fond de carte: Répartition de la perdrix grise en France d'après Birkan (1979)
populations, quatre allèles différents a ce locus (fig. 2).
1
i
L'allèle 87, absent à Ascou et quasi
absent à Luz-Saint-Sauveur (fréquence de 2%), est au contraire
abondant dans l'échantillon de
Beauce (37%) et dans celui d'élevage (35%). Dans ce cas, la question est posée de savoir si on peut
le considérer comme marqueur
des oiseaux de plaine? Un argument de poids est sa présence
dans l'échantillon des P.O. (12%)
uniquement chez les individus qui
pourraient être issus d'un croisement avec un oiseau lâché, d'après
les informations communiquées par
le technicien de l'O.N.C. ayant
effectué les prélèvements sur le
terrain. Si l'absence de cet allèle
est confirmée dans d'autres populations de montagne où il n'y a eu
aucun lâcher, sa présence dans les
P.O. indiquerait la participation
d'oiseaux de plaine ou d'élevage à
la reproduction du stock sauvage,
modifiant par la-même son originalité.
Ce point mériterait donc d`être
confirmé dans l'avenir.
Niveau de polymorphisme
génétique
Une réduction de la diversité génétique est significative dans l'échantillon d'élevage. Par contre,
l'échantillon de Beauce est parfaitement équilibré, ce qui signifie
qu'il n'y a pas de consanguinité.
L'étude génétique montre que
l'essentiel des fondateurs de cette
population provenait principalement de Beauce et révèle l'existence de deux témoins d'apports
beaucoup plus ponctuels d'oiseaux
étrangers. La réduction significative
de la diversité génétique observée
uniquement dans cette population
pourrait s'interpréter par une modification des modalités d'accouplement due aux conditions d'élevage.
Cette hypothèse serait à vérifier
par une étude éthologique.
Dans les échantillons des Pyrénées, aucune réduction n'apparaît
significative malgré l'isolement de
ces populations d'altitude et
l'échantillonnage qui comprend,
notamment dans les P.O. quelques
oiseaux appartenant très probablement aux mêmes compagnies. Une
analyse des génotypes au sein de
ces compagnies nous a montré que
des échanges d'individus sont possible entre elles.
CONCLUSION
Populations pyrénéennes
Les populations pyrénéennes de
perdrix se différencient des exemplaires sauvages de Beauce par la
présence de 3 allèles particuliers
et une modification des fréquences
alléliques à 4 locus polymorphes.
Elles ne constituent cependant pas
un ensemble homogène: chacune
des populations échantillonnées
dans les Pyrénées Orientales,
l'Ariège et les Hautes-Pyrénées
manifeste une certaine originalité.
Dans la population des Pyrénées
Orientales, une contamination génétique du stock naturel par des individus de repeuplement a été avancée en hypothèse.
Population de Beauce
Cette population apparaît génétiquement équilibrée puisqu'aucun
locus ne montre de déséquilibre
significatif.
L'étude génétique réalisée se
révèle performante pour:
- estimer le degré de différence
entre populations c'est-a-dire évaluer leur originalité;
- estimer la diversité génétique
des élevages destinés au repeuplement;
- mettre en évidence une éventuelle participation à la reproduction en milieu naturel des individus
de lâcher, c'est-à-dire évaluer la
contamination génétique qu'ils provoquent dans les populations sauvages; elle peut confirmer, en
outre, que les échanges d'individus
entre compagnies ne sont pas
exceptionnels, par la recherche
des relations de filiation à l'aide
des marqueurs électrqphorétiques,
à condition de disposer d'un minimum de polymorphisme.
Les performances d'une telle analyse sont considérablement accrues
quand on possède des informations
biologiques, écologiques et éthologiques sur les populations étudiées.
Nous avons le plaisir de remercier
MM. F. Biadi, M. Catusse, R. Garrigues, R. Menaut et C. Novoa, de
l'O.N.C. ainsi que M. E. Pelard et
les chasseurs des communes de
Luz-Saint-Sauveur, Ascou et MantetPy pour leur contribution à la collecte des échantillons.
Cette étude a bénéficié du soutien
financier du M.U.L.: convention
218-1982 et de l'O.N.C.: convention
1984 et 1985.
F. BLANC, P. LEDEME,
Ch. BLANC
Laboratoire de Zoogéographie
Université Montpellier 3 - BP. 50/13
F - 34032 Montpellier Cédex
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