Collaboration entre l’Observatoire dédié au cancer et les Centres régionaux de pharmacovigilance :

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MISE AU POINT
Collaboration entre
l’Observatoire dédié au cancer
et les Centres régionaux
de pharmacovigilance :
premiers résultats
sur la pharmacovigilance
des médicaments anticancéreux
Observatory dedicated to cancer and CRPV collaboration:
first results in pharmacovigilance of innovative cancer
drugs
A.L. Ruellan1, E. Bellissant2, H. Bourgeois3, D. Carlhant-Kowaski4, J.Y. Douillard5, A. Jamet6,
P. Jolliet1, P. Lainé-Cessac6, J.P. Metges5, E. Polard-Riou2, C. Riché4, F. Grudé5.
L’
Observatoire dédié au cancer de Bretagne et
des Pays de la Loire – observatoire relié aux
Observatoires des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques
(OMEDIT) de ces régions – a vu le jour en 2003.
Il permet d’évaluer l’utilisation des médicaments
onéreux en pratique courante. La mission première
de ce groupe est de privilégier une réflexion globale sur le bon usage du médicament, avec comme
objectif le suivi annuel de médicaments luttant
spécifiquement contre le cancer. Les premiers suivis ont conduit à une connaissance de l’utilisation
de ces médicaments et à une reconnaissance des
pratiques de terrain. Ces dernières figurent dans
le référentiel interrégional de l’Observatoire, qui
a laissé la place aux référentiels nationaux en
2007 (1). L’Observatoire s’est enrichi de nouvelles
perspectives et a élargi son champ d’action à des
thématiques relevant de la santé publique, avec
le registre interrégional des essais cliniques et
le recueil intensif des effets indésirables (EI) tels
que les alopécies persistantes après une chimiothérapie adjuvante dans le cancer du sein. Les
résultats de cette dernière étude (ALOPERS) font
suite aux échanges intervenus sur le forum spécifique de l’Observatoire. Une fiche simple à remplir
a été élaborée afin de déclarer les alopécies persistantes chez les femmes porteuses d’un cancer
du sein après une chimiothérapie adjuvante. Le
recensement a commencé en mai 2008 et s’est
poursuivi jusqu’en octobre 2010 afin d’évaluer
l’ampleur de ce problème. Parmi les 116 cas rapportés, 22 % (n = 25) des patientes ont développé
une alopécie complète, et 71 % (n = 82), une alopécie diffuse. Cette étude a permis de révéler la
toxicité du protocole vis-à-vis du système pileux
et de proposer le port du casque réfrigérant pendant la chimiothérapie afin de prévenir l’atteinte
1 Centre régional de pharmaco­
vigilance, CHU de Nantes.
2 Centre régional de pharmaco­
vigilance, CHU de Rennes.
3 Centre Jean-Bernard, Le Mans.
4 Centre
régional de pharmaco­
vigilance, CHU de Brest.
5 Unité
de coordination, Observatoire dédié au cancer Bretagne-Pays
de la Loire, CHU d’Angers, institut de
cancérologie de l'Ouest-Paul-Papin,
Angers.
6 Centre
régional de pharmaco­
vigilance, CHU d’Angers, institut de
cancérologie de l'Ouest-Paul-Papin,
Angers.
La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 51
Mots clés
Résumé
Anticancéreux
Effets indésirables
médicamenteux
Observatoire dédié
au cancer
Pharmacovigilance
L’Observatoire dédié au cancer des régions Bretagne et Pays de la Loire (B-PL) s'est associé en mai 2010 aux
centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) d’Angers, de Brest, de Nantes et de Rennes afin de créer
un groupe médical de réflexion sur les nouvelles chimiothérapies et leurs effets indésirables (EI). Cette
collaboration a permis de constituer un réseau de praticiens animé par l’Observatoire et de bénéficier de
l’expertise des différents CRPV assurant le recueil et l’évaluation des EI.
Summary
du bulbe par vasoconstriction (étude de recherche
biomédicale ALOPREV). Les résultats de cette
étude ont fait l’objet d’une présentation au San
Antonio Breast Cancer Symposium (SABCS) en
2009 (2), ainsi qu’au congrès de l’European Society for Medical Oncology (ESMO) de Milan en
octobre 2010 (3). Face au retour favorable des praticiens durant la préparation de l’étude ALOPREV,
l’Observatoire ainsi que les 4 centres régionaux de
pharmaco­vigilance (CRPV) d’Angers, de Brest, de
Nantes et de Rennes se sont associés en mai 2010
pour créer un groupe médical de réflexion sur les
médicaments anticancéreux et sur leurs EI, dont
la fréquence, le délai d’apparition et la gravité
sont actuellement sous-estimés. Ce groupe porte
le nom de comité qualité sécurité pharmacovigilance (QSP) des médicaments anticancéreux.
Cette collaboration bénéficie du réseau de praticiens (cliniciens et pharmaciens) animé par l’Observatoire et de l’expertise des différents CRPV qui
assurent le recueil et l’évaluation des EI graves ou
inattendus.
Le comité QSP vise à sensibiliser les cliniciens face
aux nouvelles thérapeutiques anticancéreuses,
permettant d’augmenter le nombre de déclarations des EI associés à la prise de ces produits. Un
forum interactif permet également d’échanger, de
comprendre et de partager l’opinion de chacun des
participants (cliniciens, pharmaciens, experts de
l’Agence nationale de sécurité du médicament et
des produits de santé [ANSM]) sur les différents
cas recensés. Les nombreux échanges obtenus à ce
jour ont permis d’établir de nouvelles recommandations. Le but de ce document est de présenter
les premiers résultats de 2 études lancées par le
groupe QSP depuis sa création. La première concerne
le recueil des EI associés à la prise de bévacizumab
et la seconde, l’administration de docétaxel. L’arrêt
temporaire ou définitif du traitement constitue le
critère de gravité motivant la déclaration dans les
2 cas. Dix établissements publics et privés pour
l’étude QSP sur le bévacizumab et 9 pour celle
concernant le docétaxel, répartis sur les 9 départements du Grand Ouest (Côtes-d’Armor, Finistère,
Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire,
Mayenne, Morbihan, Sarthe et Vendée), ont participé
à cette enquête, permettant de recueillir des événe-
The Observatory of cancer
for the Bretagne and Pays de
la Loire regions ensures the
quality and safety of cancer
care and focuses on the
adverse effects of these treatment. Collaboration between
the Observatory and the
4 Regional PharmacoVigilance
Centers (CRPV) of Angers, Brest,
Nantes and Rennes was set up
in May 2010, to improve the
collection of notifications and
better understand these events.
The Observatory benefits from
a network of oncologists, while
the CRPVs are skilled in iatrogenicity and can analyse the
adverse effects of medicinal
products.
Keywords
Cancer drugs
Drug side effect
Observatory of cancer
Pharmacovigilance
52 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - avril-mai-juin 2013
ments parmi 832 patients traités par bévacizumab et
1 103 patients traités par docétaxel entre juillet 2010
et décembre 2012. Dans ce cadre, 2 établissements
par CRPV sont en moyenne représentés.
Méthodes
Étude QSP bévacizumab
L’expérience pilote lancée en septembre 2010 nous
a permis de recenser les EI ayant conduit à l’arrêt
définitif ou temporaire d’un traitement par bévacizumab (figure 1), anticorps monoclonal spécifique
du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (Vascular Endothelial Growth Factor [VEGF]),
facteur clé de la vasculogenèse et de l’angiogenèse,
commercialisé depuis 2004. Cet anticorps monoclonal humanisé est indiqué dans le cancer colorectal
métastatique, chez des patients atteints d’un cancer
du sein métastatique ou d’un cancer bronchique
non à petites cellules, mais aussi dans le cadre du
traitement du cancer du rein avancé, du cancer
épithélial de l’ovaire, du cancer péritonéal primitif
ou du cancer des trompes de Fallope. Afin de faciliter
la déclaration, une fiche de déclaration simplifiée
a été rédigée, qui permet aux praticiens de fournir
les éléments essentiels à l’analyse des événements
recensés (identification du patient, localisation
tumorale, protocole et doses reçues, EI attendu ou
inattendu, évolution) [figure 1]. Chacune des déclarations a été ainsi transmise au CRPV correspondant
ainsi qu’à l’Observatoire. Les CRPV complétaient
l’information nécessaire à l’évaluation du cas par les
moyens adaptés, qui pouvaient inclure le déplacement dans l’établissement du déclarant.
Étude QSP docétaxel
Le docétaxel appartient à la famille des taxanes, qui
sont impliqués dans la stabilisation de la tubuline. Il
est prescrit dans le cadre du traitement des cancers
du sein, de la prostate, du poumon, de l’estomac
ou des voies aérodigestives. En 2010, dans le but
de simplifier la préparation de la perfusion, une
nouvelle forme a été mise à disposition. Une solution de docétaxel à 20 mg/ml, prête à diluer dans
MISE AU POINT
Qualité Sécurité Pharmacovigilance QSP AVASTIN bevacizumab
Qualité Sécurité Pharmacovigilance QSP Taxotère docetaxel
ARS OMIT Bretagne Pays de la Loire/ CRPV Angers Brest Nantes Rennes
OMIT Bretagne Pays de la Loire/ CRPV Angers Brest Nantes Rennes
Déclaration d’évènement indésirable imposant l’arrêt temporaire ou définitif
de l’AVASTIN bevacizumab
Déclaration d’évènement indésirable imposant l’arrêt temporaire ou définitif
du Taxotère docetaxel
Date notification :
Date notification : ……../……....…/……...
Clinicien / Pharmacien et établissement :
Clinicien / Pharmacien et établissement : __________________
Patient Nom :
Patient Nom : |__|__||__|
Prénom : |__|
Date de naissance : |__|__| / |__|__| / |__|__|__|__|
Sexe :
M
F
Poids : ___ kg
Numéro de dossier dans l’établissement :
Prénom :
Date de naissance :
Sexe :
M
F
Poids :
kg
Numéro de dossier dans l’établissement :
Localisation de la tumeur primitive
colorectal
poumon
tumeur cérébrale
sein
rein
autre, précisez :
Localisation de la tumeur primitive
sein
ORL
Protocole reçu et doses
g
gastrique
prostate
poumon
autre, précisez : _________
Protocole reçu et doses
Produit
Dose mg/m²
Dose totale
Evènement indésirable relevé
attendu :
Perforation gastro intestinale
Complication de la cicatrisation des plaies
Thromboembolies artérielles
Hémorragies
Insuffisance cardiaque congestive
Autre, si oui lequel
Fistule
HTA
Thromboembolies veineuses
Hémoptysie
Protéinurie
Evènement indésirable relevé
attendu :
Neutropénie +/- fébrile
Réaction cutanée
Onycholyse
Mucite
Diarrhée
Autre, si oui lequel : __________
inattendu :
SVP, citer le(s) organe(s) touché(s) ainsi que les symptômes majeurs. Merci
inattendu :
SVP, citer le(s) organe(s) touché(s) ainsi que les symptômes majeurs. Merci
Date de survenue : …./…..…/…..
dès la première cure
Précocité de la survenue :
Evolution :
inconnue
en cours
résolution complète
séquelle(s)
Evolution :
Merci de votre précieuse contribution
Hugues Bourgeois, Jean-Yves Douillard
Pascale Lainé, Christian Riché
Françoise Grudé, Jean-Philippe Metges, Christian Riché
Pascale Jolliet, Eric Bellissant
OMIT B PL
CRPV Angers Brest Nantes Rennes
Angers (49, 53 72)
Brest (29, 56)
Nantes (44, 85)
Rennes (22, 35)
OMIT B PL
Télécopie
02
02
02
02
41
98
40
23
35
34
08
23
55
79
40
46
Angers (49, 53 72)
Brest (29, 56)
Nantes (44, 85)
Rennes (22, 35)
[email protected]
résolution complète
séquelle(s)
Télécopie
02
02
02
02
41
98
40
23
35
34
08
23
55
79
40
46
décès
Mail
02
77
97
05
02 41 35 29 22 / 02 41 48 31 90
OMIT B PL
Figure 1. Fiche de déclaration QSP bévacizumab.
une perfusion (1 seul flacon), a remplacé la solution de docétaxel à 40 mg/ml à diluer une première
fois avec le solvant fourni, qui permettait d’obtenir
une solution à 10 mg/ml (2 flacons). Cette nouvelle
forme, bioéquivalente à l’ancienne, contient une
quantité 2,2 fois plus élevée d’alcool parmi les excipients. Les premiers signaux d’une toxicité précoce
associée à la prise de docétaxel ont été émis à la
fin du mois d’août 2010 par le CRPV Fernand-Vidal
(Paris). Ce centre avait déjà signalé au réseau des
CRPV la survenue, en France et en Allemagne (pays
où l’utilisation de docétaxel est la plus importante),
d’une série de cas d’EI certes attendus, mais dont la
gravité et la précocité étaient surprenantes, à la suite
de la mise sur le marché de cette nouvelle formulation. Bioéquivalente à l’ancienne, cette dernière
a été mise sur le marché pour faciliter la préparation et l’administration du principe actif. Devant la
en cours
CRPV (départements)
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
02 41 35 29 22 / 02 41 48 31 90
inconnue
SVP à FAXER au CRPV de votre région ET à l’OMIT B PL. Merci.
Mail
02
77
97
05
après les cures
Merci de votre précieuse contribution
Hugues Bourgeois, Jean-Yves Douillard
Pascale Lainé, Christian Riché
Françoise Grudé, Jean-Philippe Metges, Christian Riché
Pascale Jolliet, Eric Bellissant
OMIT B PL
CRPV Angers Brest Nantes Rennes
SVP à FAXER au CRPV de votre région ET à l’OMIT B PL. Merci.
CRPV (départements)
pendant les cures
décès
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
Figure 3. Fiche de déclaration QSP docétaxel.
Changement formulation docétaxel
Envoi fiches “QSP docétaxel”
Courrier ARS
Envoi fiches “QSP bévacizumab”
201
5/09
5/10
03/12
16/09
18/11
Création du forum
“groupe d’analyse”
Alerte toxicité
précoce
201
201
25 cas
31/01
27 cas
ARS : Agence régionale de santé.
Figure 2. Chronologie événementielle du groupe QSP des anticancéreux.
La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 53
MISE AU POINT
Collaboration entre l’Observatoire dédié au cancer
et les Centres régionaux de pharmacovigilance :
premiers résultats sur la pharmacovigilance des médicaments anticancéreux
recrudescence de ces EI, l’unité de pharmacovigilance de l’ANSM a mis en place un questionnaire
transmis aux pharmacies à usage interne délivrant
le docétaxel afin de rassembler les différents modes
opératoires de chacun. L’ensemble des étapes de
manipulation était décrit pour essayer d’identifier
les différences pouvant avoir une influence sur la
concentration finale du produit. La recrudescence de
ces effets inattendus, compte tenu de leur sévérité,
s’est rapidement confirmée par les déclarations d’EI
transmises aux firmes. Le groupe QSP des anticancéreux a donc très vite mis en place, en décembre
2010 (figure 2, p. 53), une seconde enquête sur les
EI ayant entraîné l’arrêt temporaire ou définitif d’un
traitement par docétaxel. Il a alerté les oncologues
et les pharmaciens afin d’identifier les notifications
apparues dans l’interrégion, à partir d’une fiche de
déclaration similaire à celle établie pour l’étude QSP
bévacizumab (figure 3, p. 53).
Résultats
Étude QSP bévacizumab
Au 31 janvier 2012, 16 mois après le lancement de
l’étude, nous avons recensé 25 déclarations d’arrêt
du bévacizumab, dont 4 rapportaient un décès (1 seul
sans EI précisé), correspondant à 11,8 % des notifications de la base nationale de pharmaco­vigilance
(BNPV) pour ces produits répertoriés depuis le
lancement de l’étude. Rappelons que, au mois de
mars 2011, le nombre d’EI recensés dans le cadre de
cette étude correspondait à 34 % des cas recensés
dans la BNPV. Parmi les EI attendus, selon la classification système organe-classe (SOC), les affections
gastro-intestinales à type de perforations intestinales sont majoritaires, correspondant à 28 % des
déclarations (n = 7) et sont associées au décès de
2 patients (tableau I). Ces EI sont graves et observés
principalement chez des patients traités pour un
cancer colorectal (16 % ; n = 4) ou une tumeur
cérébrale (12 % ; n = 3). Les affections vasculaires
à type d’accidents thromboemboliques veineux et
d’hypertensions malignes correspondent à 20 %
des notifications (n = 5). Elles sont observées chez
des patients traités pour un cancer du sein (16 % ;
n = 4) ou un cancer colorectal (4 % ; n = 1). Cette
étude nous a également permis de répertorier les
EI inattendus selon le résumé des caractéristiques
du produit (RCP). Ils représentent 36 % (n = 9) des
cas. Il s’agit d’affections du système nerveux à type
d’altération de la substance blanche, d’aphasie ou de
neuropathie optique, qui représentent 12 % (n = 3)
des déclarations constatées chez des patients traités
pour un cancer colorectal (8 % ; n = 2) ou un cancer
du sein (4 % ; n = 1). Parmi les cas recensés et pour
lesquels l’évolution de la symptomatologie était
disponible, 32 % (n = 8) évoluent vers une guérison
sans séquelles et 16 % (n = 4) conduisent à des
séquelles. Les premiers résultats de cette étude ont
fait l’objet d’une communication orale au cours du
dernier congrès de pharmacologie organisé par la
Tableau I. Bévacizumab : événements attendus (a) et inattendus (b) en nombre et en pourcentage de cas observés.
(a) Événements attendus
n
%
Classification SOC
(système organe-classe)
(b) Événements inattendus
n
%
3
12
Classification SOC (système organe-classe)
Affections vasculaires
5
Thromboembolies veineuses
2
Hypertension
2
Embolie pulmonaire
1
Affections gastro-intestinales
7
Perforations intestinales
20
2
AVC
1
Encéphalopathie hypertensive
1
Affection cardiaque
2
Insuffisance cardiaque congestive
n total
Altération en foyer de la substance blanche
1
Aphasie, hémiplégie droite
1
Neuropathie optique ischémique
28
7
Affection du système nerveux
Affection du système nerveux
8
1
Affections vasculaires
2
CIVD
1
Syndrome coronarien aigu et sténose de l’artère
interventriculaire
1
Affections du rein et des voies urinaires
1
Pyélonéphrites et coliques néphrétiques à répétition
8
2
Neutropénie
1
16
Thrombopénie de grade IV
1
54 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - avril-mai-juin 2013
4
1
Affections hématologiques
2
AVC : accident vasculaire cérébral ;
CIVD : coagulation intravasculaire disséminée.
8
Décès inexpliqué
1
n total
9
8
4
MISE AU POINT
Société française de pharmacologie et de thérapeutique au mois de mars 2011 (4).
Tableau II. Docétaxel : événements attendus en nombre et en pourcentage de cas observés.
Événements attendus
n
%
2
7,41
Classification SOC (système organe-classe)
Étude QSP docétaxel
L’étude concernant le recueil des EI entraînant l’arrêt temporaire ou définitif du docétaxel a permis de recueillir 27 déclarations au
31 janvier 2012. Cela correspond à 12,7 % des
notifications de la BNPV pour ces produits. La
sévérité ou la précocité de ces effets étaient inattendues dans 40 % des cas. Les neutropénies ou
les affections de la peau et des phanères, à type
d’onycholyse ou d’éruption cutanée, sont les cas
les plus fréquents ; elles représentent respectivement 40,7 % (n = 11) et 37 % (n = 10) des
effets constatés, avec une gravité inattendue pour
7,4 % (n = 2) des cas. Les mucites sont également nombreuses (26 % ; n = 7), avec une sévérité
inattendue et précoce dans 4 % des cas (n = 1).
En termes d’EI attendus, les affections musculo­
squelettiques et systémiques à type de myalgies,
de douleurs osseuses ou de faiblesse musculaire
représentent 37,04 % (n = 10) des cas. Les résultats
montrent également que la moitié des EI observés
ont entraîné un arrêt définitif après la première ou
la deuxième cure (51,8 % ; n = 14). Une réduction
de la dose administrée a été envisagée dans 33 %
des cas (n = 9). Parmi ceux-ci, seule 1 résolution
complète a été rapportée à ce jour, en considérant
les données accessibles concernant l’évolution des
EI constatés (tableaux II et III, p. 56).
Discussion
Affections gastro-intestinales
Diarrhée
1
Anorexie
1
Affections de la peau et du tissu sous-cutané
15
Réaction cutanée
10
Onycholyse
4
Sensation de cuisson
1
Troubles généraux et anomalies au site d’administration
3
Œdème
55,56
11,11
3
Affections hématologiques et du système lymphatique
11
Neutropénie
40,74
11
Affections respiratoires, thoraciques et médiastinales
8
Mucite
29,63
7
Dyspnée
1
Affections musculosquelettiques et systémiques
10
Myalgies
8
Douleurs osseuses
1
Faiblesse musculaire
37,04
1
Troubles du système immunitaire
2
Choc anaphylactique
1
Réaction allergique
1
Affections oculaires
2
Larmoiement
7,41
7,41
1
Douleurs oculaires
1
Affections du système nerveux
4
Neuropathie
3
Paresthésie
1
n total
14,81
57
QSP bévacizumab
Les résultats obtenus à l’issue de l’étude QSP bévacizumab confirment les données actuellement publiées
dans la littérature de référence concernant la gravité
des EI constatés, avec les atteintes de la muqueuse
intestinale ou des différentes lignées sanguines. Ces
effets peuvent être en partie illustrés par le rôle fondamental joué par le VEGF ou ses récepteurs (VEGF-R)
dans le fonctionnement physiologique de la peau et
de ses annexes, mais également par les autres voies
de signalisation et/ou les récepteurs parfois inhibés
en parallèle par ces molécules antiangiogéniques
(5-8). Le lien entre la gravité des EI observés et les
doses administrées de bévacizumab n’est pas établi
à ce jour. Les études publiées à ce sujet sont controversées (7, 8). Les résultats exposés dans ce docu-
ment montrent une augmentation des effets graves
spécifiques après l’administration de bévacizumab
par rapport aux événements constatés avant la mise
en place de l’étude, principalement chez le patient
traité pour un cancer colorectal ou une tumeur cérébrale. La gravité des effets peut être corrélée avec
le type de tumeur traitée, hypothèse discutée dans
une revue publiée en 2011 (9). Cependant, la taille de
notre échantillon ne donne pas la possibilité d’établir un lien univoque. Par ailleurs, il serait important
d’approfondir ce travail en s’intéressant davantage
aux traitements associés afin de mettre en évidence
d’éventuelles interactions avec les chimiothérapies
concomitantes, comme les taxanes ou les sels de
platine pour lesquels une augmentation des EI avec la
La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 55
MISE AU POINT
Collaboration entre l’Observatoire dédié au cancer
et les Centres régionaux de pharmacovigilance :
premiers résultats sur la pharmacovigilance des médicaments anticancéreux
Tableau III. Docétaxel : événements inattendus en nombre et en pourcentage de cas observés.
Événements inattendus
n
%
1
3,70
Classification SOC (système organe-classe)
Affections respiratoires, thoraciques et médiastinales
Mucite sévère
1
Affections de la peau et du tissu sous-cutané
2
Réaction cutanée sévère (mains/pieds)
7,41
QSP docétaxel
1
Nodules inflammatoires (cuir chevelu)
prise de bévacizumab est démontrée (9). Par ailleurs,
la gravité des EI observés est indépendante de la dose
administrée. Une relation entre le protocole administré et l’effet observé est difficile à établir, compte
tenu de la disparité des doses administrées.
1
Affections du rein et des voies urinaires
1
Pyélonéphrites et coliques néphrétiques à répétition
4
1
Affections du système nerveux
1
Signe de Lhermitte
3,70
1
Troubles généraux et anomalies au site d’administration
1
Anasarque
3,70
1
Affections vasculaires
1
Poussées hémorroïdaires
3,70
1
Affections gastro-intestinales
4
Colique
2
Rectorragie
2
n total
14,81
11
Tableau IV. Docétaxel : événements attendus observés n’ayant pas entraîné l’arrêt du traitement.
Événements attendus
n
%
1
7,69
Classification SOC (système organe-classe)
Affections gastro-intestinales
Diarrhées
1
Affections de la peau et du tissu sous-cutané
7
Réaction cutanée
3
Onycholyse
2
Toxicité unguéale
53,85
2
Troubles généraux et anomalies au site d’administration
2
Œdème
15,38
2
Affections hématologiques et du système lymphatique
3
Neutropénie
23,08
3
Affections respiratoires, thoraciques et médiastinales
5
Mucite
38,46
5
Affections musculosquelettiques et systémiques
5
Myalgies
4
Douleurs osseuses
1
Affections oculaires
2
Larmoiement
38,46
15,38
1
Affections du système nerveux
5
Neuropathie
5
n total
56 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - avril-mai-juin 2013
30
38,46
Plusieurs hypothèses ont été émises afin de
répondre à l’augmentation du nombre d’EI graves
après la commercialisation d’une nouvelle présentation de docétaxel. Tout d’abord, la nouvelle formulation prête à l’emploi, qui supprime la dissolution
de l’ancienne formulation, constitue une source
d’homogénéité. D’autre part, la concentration de
la solution prête à l’emploi est 2 fois plus élevée
que celle de l’ancienne formulation. Un problème
d’interprétation est également souligné concernant
l’expression de la concentration de docétaxel sous
forme de base (anhydre), et non trihydratée comme
cela est stipulé dans le RCP (10). Il est à remarquer
qu’aucun signalement n’a été émis par les établissements qui procèdent depuis plusieurs années au
dosage du principe actif dans chacune des poches
reconstituées. Enfin, il est important de souligner
la coexistence sur le marché de plusieurs génériques qui diffèrent par leur dosage et leur forme
galénique et correspondent à des formules prêtes
à l’emploi ou à l’ancienne formule à diluer, source
de confusion lors de la préparation des injections.
Une lettre dédiée aux professionnels oncologues,
hématologues et pharmaciens hospitaliers a été
envoyée par l’ANSM le 16 février 2012. Ce courrier
précise la problématique actuelle associée à l’augmentation du taux d’EI rapportés avec la nouvelle
formulation de docétaxel. L’Agence européenne
des médicaments (European Medicines Agency
[EMA]) a donc analysé l’ensemble des données de
sécurité disponibles et a comparé dans tout le pays
la fréquence de survenue des EI avant et après la
commercialisation de la nouvelle formule. L’augmentation du taux de notifications a été confirmée par les
résultats de l’EMA mais sans augmentation de celui
des décès. Selon l’agence, une étude comparative in
vitro a montré que la dose moyenne obtenue après
reconstitution de la nouvelle formule était légèrement supérieure (+ 1,01 %) à celle de l’ancienne
formulation. Ces concentrations restent cependant
dans les normes des spécifications en vigueur pour
le docétaxel (± 5,0 %). Cependant, ces données ne
remettent pas en cause le rapport bénéfice/risque
de la nouvelle formulation du docétaxel. L’analyse
MISE AU POINT
comparative des EI rapportés avant et après la
commercialisation de la nouvelle forme montre une
recrudescence des EI décrits dans le RCP et connus
pour être dose-dépendants. Ces effets concernent
précisément la sphère cutanée, gastro-intestinale et
hématologique. L’ANSM, dans la mesure où il n’a pas
été retrouvé d’explication évidente de l’augmentation de ce taux de notifications, n'a formulé aucune
nouvelle recommandation à ce jour (11).
Cette étude a permis de répertorier également
13 déclarations d’EI n’ayant pas entraîné l’arrêt
du traitement par docétaxel, mais ayant motivé
la réduction de la dose de docétaxel (tableau IV).
Dans ce cadre, seules 2 résolutions complètes ont
été constatées à ce jour après une réduction de
15 % de la dose initialement administrée. Il serait
possible d’envisager une fiche spécifique de déclaration afin de répertorier chaque événement et les
conséquences d’une réduction de dose, dans le but
d’argumenter la relation entre la sévérité des toxicités observées et la dose administrée.
Conclusion
La collaboration établie entre l’Observatoire dédié au
cancer des régions Bretagne et Pays de la Loire et les
CRPV est un système simple et opérationnel assu-
rant le partage des compétences, avec une diffusion
rapide de l’information auprès des professionnels de
santé. Les études lancées par ce groupe ont bénéficié
de l’adhésion de la majorité des professionnels de
santé, issus aussi bien du public que du privé, impliqués dans le cadre de la cancérologie. Cet échange
a permis d’augmenter le nombre de notifications
(de 60 % pour le bévacizumab et de 33 % pour le
docétaxel) et d’alerter en temps réel les professionnels de santé concernés sur les événements graves
recensés. À court terme, une étude permettant le
recensement des EI entraînant l’arrêt temporaire ou
définitif de nouvelles thérapies ciblées telles que le
cétuximab ou le panitumumab (anticorps monoclonaux dirigés contre l’EGFR [Epidermal Growth
Factor Receptor]) chez des patients âgés de plus
de 70 ans et porteurs d’un cancer colorectal métastatique est envisagée. Le suivi des molécules inhibitrices de protéines kinases est également prévu pour
septembre 2013, avec l’évaluation du nombre d’EI
constatés chez les patients traités par sunitinib ; ce
projet s’insère directement dans le suivi des formes
orales anticancéreuses. Une seconde étude portera
spécifiquement sur les réactions allergiques associées à la prise de panitumumab, anticorps monoclonal IgG2 recombinant entièrement humain, ou
de cétuximab, anticorps monoclonal chimérique
IgG1, tous 2 spécifiquement dirigés contre EGFR.■
L ’auteur déclare ne pas avoir de
liens d’intérêts.
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Productions de l’Observatoire des médicaments et des
innovations thérapeutiques des régions Bretagne et Pays
de la Loire. Le Nouveau Cancérologue, 2009;2:2:121-5.
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alopecia and suboptimal hair regrowth after adjuvant
chemotherapy for breast cancer: alert for an emerging
side effect: ALOPERS observatory. 32th SABCS Congress,
San Antonio, 9-13 décembre 2009.
3. Bourgeois H, Denis F, Kerbrat P et al. Long term persistent
alopecia and suboptimal hair regrowth after adjuvant
chemotherapy for breast cancer : alert for an emerging
side effect : ALOPERS observatory. 35th ESMO Congress,
180 mm
Milan, 8-12 octobre 2010.
4. Jamet A. et al. Observatoire dédié au cancer-CRPV
Collaboration : pooling resources to achieve common goals
regarding the pharmacovigilance of cancer drugs. 2011 The
Authors Fundamental and Clinical Pharmacology. SFPT
25;(Suppl.1):1-111.
5. Hompes D, Ruers T. Review : incidence and clinical significance of bevacizumab-related non-surgical and surgical
serious adverse events in metastatic colorectal cancer. Eur
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6. Sliesoraitis S, Tawfik B. Bevacizumab-induced bowel
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agents that target the VEGF pathway. Nat Rev Clin Oncol
2009;6:465-77.
9. Hamilton EP, Blackwell KL. Safety of bevacizumab
in patients with metastatic breast cancer. Oncology
2011;80:314-25.
10. Résumé des caractéristiques du produit (RCP) Taxotere®. ANSM.fr
11. Augmentation du taux d’effets indésirables rapportés
avec Taxotere® (docétaxel) forme 1-flacon. Lettres aux
professionnels de santé. ANSM, 16 février 2012.
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La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 57
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