MISE AU POINT Collaboration entre l’Observatoire dédié au cancer et les Centres régionaux de pharmacovigilance : premiers résultats sur la pharmacovigilance des médicaments anticancéreux Observatory dedicated to cancer and CRPV collaboration: first results in pharmacovigilance of innovative cancer drugs A.L. Ruellan1, E. Bellissant2, H. Bourgeois3, D. Carlhant-Kowaski4, J.Y. Douillard5, A. Jamet6, P. Jolliet1, P. Lainé-Cessac6, J.P. Metges5, E. Polard-Riou2, C. Riché4, F. Grudé5. L’ Observatoire dédié au cancer de Bretagne et des Pays de la Loire – observatoire relié aux Observatoires des médicaments, des dispositifs médicaux et des innovations thérapeutiques (OMEDIT) de ces régions – a vu le jour en 2003. Il permet d’évaluer l’utilisation des médicaments onéreux en pratique courante. La mission première de ce groupe est de privilégier une réflexion globale sur le bon usage du médicament, avec comme objectif le suivi annuel de médicaments luttant spécifiquement contre le cancer. Les premiers suivis ont conduit à une connaissance de l’utilisation de ces médicaments et à une reconnaissance des pratiques de terrain. Ces dernières figurent dans le référentiel interrégional de l’Observatoire, qui a laissé la place aux référentiels nationaux en 2007 (1). L’Observatoire s’est enrichi de nouvelles perspectives et a élargi son champ d’action à des thématiques relevant de la santé publique, avec le registre interrégional des essais cliniques et le recueil intensif des effets indésirables (EI) tels que les alopécies persistantes après une chimiothérapie adjuvante dans le cancer du sein. Les résultats de cette dernière étude (ALOPERS) font suite aux échanges intervenus sur le forum spécifique de l’Observatoire. Une fiche simple à remplir a été élaborée afin de déclarer les alopécies persistantes chez les femmes porteuses d’un cancer du sein après une chimiothérapie adjuvante. Le recensement a commencé en mai 2008 et s’est poursuivi jusqu’en octobre 2010 afin d’évaluer l’ampleur de ce problème. Parmi les 116 cas rapportés, 22 % (n = 25) des patientes ont développé une alopécie complète, et 71 % (n = 82), une alopécie diffuse. Cette étude a permis de révéler la toxicité du protocole vis-à-vis du système pileux et de proposer le port du casque réfrigérant pendant la chimiothérapie afin de prévenir l’atteinte 1 Centre régional de pharmaco­ vigilance, CHU de Nantes. 2 Centre régional de pharmaco­ vigilance, CHU de Rennes. 3 Centre Jean-Bernard, Le Mans. 4 Centre régional de pharmaco­ vigilance, CHU de Brest. 5 Unité de coordination, Observatoire dédié au cancer Bretagne-Pays de la Loire, CHU d’Angers, institut de cancérologie de l'Ouest-Paul-Papin, Angers. 6 Centre régional de pharmaco­ vigilance, CHU d’Angers, institut de cancérologie de l'Ouest-Paul-Papin, Angers. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 51 Mots clés Résumé Anticancéreux Effets indésirables médicamenteux Observatoire dédié au cancer Pharmacovigilance L’Observatoire dédié au cancer des régions Bretagne et Pays de la Loire (B-PL) s'est associé en mai 2010 aux centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) d’Angers, de Brest, de Nantes et de Rennes afin de créer un groupe médical de réflexion sur les nouvelles chimiothérapies et leurs effets indésirables (EI). Cette collaboration a permis de constituer un réseau de praticiens animé par l’Observatoire et de bénéficier de l’expertise des différents CRPV assurant le recueil et l’évaluation des EI. Summary du bulbe par vasoconstriction (étude de recherche biomédicale ALOPREV). Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une présentation au San Antonio Breast Cancer Symposium (SABCS) en 2009 (2), ainsi qu’au congrès de l’European Society for Medical Oncology (ESMO) de Milan en octobre 2010 (3). Face au retour favorable des praticiens durant la préparation de l’étude ALOPREV, l’Observatoire ainsi que les 4 centres régionaux de pharmaco­vigilance (CRPV) d’Angers, de Brest, de Nantes et de Rennes se sont associés en mai 2010 pour créer un groupe médical de réflexion sur les médicaments anticancéreux et sur leurs EI, dont la fréquence, le délai d’apparition et la gravité sont actuellement sous-estimés. Ce groupe porte le nom de comité qualité sécurité pharmacovigilance (QSP) des médicaments anticancéreux. Cette collaboration bénéficie du réseau de praticiens (cliniciens et pharmaciens) animé par l’Observatoire et de l’expertise des différents CRPV qui assurent le recueil et l’évaluation des EI graves ou inattendus. Le comité QSP vise à sensibiliser les cliniciens face aux nouvelles thérapeutiques anticancéreuses, permettant d’augmenter le nombre de déclarations des EI associés à la prise de ces produits. Un forum interactif permet également d’échanger, de comprendre et de partager l’opinion de chacun des participants (cliniciens, pharmaciens, experts de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [ANSM]) sur les différents cas recensés. Les nombreux échanges obtenus à ce jour ont permis d’établir de nouvelles recommandations. Le but de ce document est de présenter les premiers résultats de 2 études lancées par le groupe QSP depuis sa création. La première concerne le recueil des EI associés à la prise de bévacizumab et la seconde, l’administration de docétaxel. L’arrêt temporaire ou définitif du traitement constitue le critère de gravité motivant la déclaration dans les 2 cas. Dix établissements publics et privés pour l’étude QSP sur le bévacizumab et 9 pour celle concernant le docétaxel, répartis sur les 9 départements du Grand Ouest (Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Morbihan, Sarthe et Vendée), ont participé à cette enquête, permettant de recueillir des événe- The Observatory of cancer for the Bretagne and Pays de la Loire regions ensures the quality and safety of cancer care and focuses on the adverse effects of these treatment. Collaboration between the Observatory and the 4 Regional PharmacoVigilance Centers (CRPV) of Angers, Brest, Nantes and Rennes was set up in May 2010, to improve the collection of notifications and better understand these events. The Observatory benefits from a network of oncologists, while the CRPVs are skilled in iatrogenicity and can analyse the adverse effects of medicinal products. Keywords Cancer drugs Drug side effect Observatory of cancer Pharmacovigilance 52 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - avril-mai-juin 2013 ments parmi 832 patients traités par bévacizumab et 1 103 patients traités par docétaxel entre juillet 2010 et décembre 2012. Dans ce cadre, 2 établissements par CRPV sont en moyenne représentés. Méthodes Étude QSP bévacizumab L’expérience pilote lancée en septembre 2010 nous a permis de recenser les EI ayant conduit à l’arrêt définitif ou temporaire d’un traitement par bévacizumab (figure 1), anticorps monoclonal spécifique du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (Vascular Endothelial Growth Factor [VEGF]), facteur clé de la vasculogenèse et de l’angiogenèse, commercialisé depuis 2004. Cet anticorps monoclonal humanisé est indiqué dans le cancer colorectal métastatique, chez des patients atteints d’un cancer du sein métastatique ou d’un cancer bronchique non à petites cellules, mais aussi dans le cadre du traitement du cancer du rein avancé, du cancer épithélial de l’ovaire, du cancer péritonéal primitif ou du cancer des trompes de Fallope. Afin de faciliter la déclaration, une fiche de déclaration simplifiée a été rédigée, qui permet aux praticiens de fournir les éléments essentiels à l’analyse des événements recensés (identification du patient, localisation tumorale, protocole et doses reçues, EI attendu ou inattendu, évolution) [figure 1]. Chacune des déclarations a été ainsi transmise au CRPV correspondant ainsi qu’à l’Observatoire. Les CRPV complétaient l’information nécessaire à l’évaluation du cas par les moyens adaptés, qui pouvaient inclure le déplacement dans l’établissement du déclarant. Étude QSP docétaxel Le docétaxel appartient à la famille des taxanes, qui sont impliqués dans la stabilisation de la tubuline. Il est prescrit dans le cadre du traitement des cancers du sein, de la prostate, du poumon, de l’estomac ou des voies aérodigestives. En 2010, dans le but de simplifier la préparation de la perfusion, une nouvelle forme a été mise à disposition. Une solution de docétaxel à 20 mg/ml, prête à diluer dans MISE AU POINT Qualité Sécurité Pharmacovigilance QSP AVASTIN bevacizumab Qualité Sécurité Pharmacovigilance QSP Taxotère docetaxel ARS OMIT Bretagne Pays de la Loire/ CRPV Angers Brest Nantes Rennes OMIT Bretagne Pays de la Loire/ CRPV Angers Brest Nantes Rennes Déclaration d’évènement indésirable imposant l’arrêt temporaire ou définitif de l’AVASTIN bevacizumab Déclaration d’évènement indésirable imposant l’arrêt temporaire ou définitif du Taxotère docetaxel Date notification : Date notification : ……../……....…/……... Clinicien / Pharmacien et établissement : Clinicien / Pharmacien et établissement : __________________ Patient Nom : Patient Nom : |__|__||__| Prénom : |__| Date de naissance : |__|__| / |__|__| / |__|__|__|__| Sexe : M F Poids : ___ kg Numéro de dossier dans l’établissement : Prénom : Date de naissance : Sexe : M F Poids : kg Numéro de dossier dans l’établissement : Localisation de la tumeur primitive colorectal poumon tumeur cérébrale sein rein autre, précisez : Localisation de la tumeur primitive sein ORL Protocole reçu et doses g gastrique prostate poumon autre, précisez : _________ Protocole reçu et doses Produit Dose mg/m² Dose totale Evènement indésirable relevé attendu : Perforation gastro intestinale Complication de la cicatrisation des plaies Thromboembolies artérielles Hémorragies Insuffisance cardiaque congestive Autre, si oui lequel Fistule HTA Thromboembolies veineuses Hémoptysie Protéinurie Evènement indésirable relevé attendu : Neutropénie +/- fébrile Réaction cutanée Onycholyse Mucite Diarrhée Autre, si oui lequel : __________ inattendu : SVP, citer le(s) organe(s) touché(s) ainsi que les symptômes majeurs. Merci inattendu : SVP, citer le(s) organe(s) touché(s) ainsi que les symptômes majeurs. Merci Date de survenue : …./…..…/….. dès la première cure Précocité de la survenue : Evolution : inconnue en cours résolution complète séquelle(s) Evolution : Merci de votre précieuse contribution Hugues Bourgeois, Jean-Yves Douillard Pascale Lainé, Christian Riché Françoise Grudé, Jean-Philippe Metges, Christian Riché Pascale Jolliet, Eric Bellissant OMIT B PL CRPV Angers Brest Nantes Rennes Angers (49, 53 72) Brest (29, 56) Nantes (44, 85) Rennes (22, 35) OMIT B PL Télécopie 02 02 02 02 41 98 40 23 35 34 08 23 55 79 40 46 Angers (49, 53 72) Brest (29, 56) Nantes (44, 85) Rennes (22, 35) [email protected] résolution complète séquelle(s) Télécopie 02 02 02 02 41 98 40 23 35 34 08 23 55 79 40 46 décès Mail 02 77 97 05 02 41 35 29 22 / 02 41 48 31 90 OMIT B PL Figure 1. Fiche de déclaration QSP bévacizumab. une perfusion (1 seul flacon), a remplacé la solution de docétaxel à 40 mg/ml à diluer une première fois avec le solvant fourni, qui permettait d’obtenir une solution à 10 mg/ml (2 flacons). Cette nouvelle forme, bioéquivalente à l’ancienne, contient une quantité 2,2 fois plus élevée d’alcool parmi les excipients. Les premiers signaux d’une toxicité précoce associée à la prise de docétaxel ont été émis à la fin du mois d’août 2010 par le CRPV Fernand-Vidal (Paris). Ce centre avait déjà signalé au réseau des CRPV la survenue, en France et en Allemagne (pays où l’utilisation de docétaxel est la plus importante), d’une série de cas d’EI certes attendus, mais dont la gravité et la précocité étaient surprenantes, à la suite de la mise sur le marché de cette nouvelle formulation. Bioéquivalente à l’ancienne, cette dernière a été mise sur le marché pour faciliter la préparation et l’administration du principe actif. Devant la en cours CRPV (départements) [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] 02 41 35 29 22 / 02 41 48 31 90 inconnue SVP à FAXER au CRPV de votre région ET à l’OMIT B PL. Merci. Mail 02 77 97 05 après les cures Merci de votre précieuse contribution Hugues Bourgeois, Jean-Yves Douillard Pascale Lainé, Christian Riché Françoise Grudé, Jean-Philippe Metges, Christian Riché Pascale Jolliet, Eric Bellissant OMIT B PL CRPV Angers Brest Nantes Rennes SVP à FAXER au CRPV de votre région ET à l’OMIT B PL. Merci. CRPV (départements) pendant les cures décès [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] Figure 3. Fiche de déclaration QSP docétaxel. Changement formulation docétaxel Envoi fiches “QSP docétaxel” Courrier ARS Envoi fiches “QSP bévacizumab” 201 5/09 5/10 03/12 16/09 18/11 Création du forum “groupe d’analyse” Alerte toxicité précoce 201 201 25 cas 31/01 27 cas ARS : Agence régionale de santé. Figure 2. Chronologie événementielle du groupe QSP des anticancéreux. La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 53 MISE AU POINT Collaboration entre l’Observatoire dédié au cancer et les Centres régionaux de pharmacovigilance : premiers résultats sur la pharmacovigilance des médicaments anticancéreux recrudescence de ces EI, l’unité de pharmacovigilance de l’ANSM a mis en place un questionnaire transmis aux pharmacies à usage interne délivrant le docétaxel afin de rassembler les différents modes opératoires de chacun. L’ensemble des étapes de manipulation était décrit pour essayer d’identifier les différences pouvant avoir une influence sur la concentration finale du produit. La recrudescence de ces effets inattendus, compte tenu de leur sévérité, s’est rapidement confirmée par les déclarations d’EI transmises aux firmes. Le groupe QSP des anticancéreux a donc très vite mis en place, en décembre 2010 (figure 2, p. 53), une seconde enquête sur les EI ayant entraîné l’arrêt temporaire ou définitif d’un traitement par docétaxel. Il a alerté les oncologues et les pharmaciens afin d’identifier les notifications apparues dans l’interrégion, à partir d’une fiche de déclaration similaire à celle établie pour l’étude QSP bévacizumab (figure 3, p. 53). Résultats Étude QSP bévacizumab Au 31 janvier 2012, 16 mois après le lancement de l’étude, nous avons recensé 25 déclarations d’arrêt du bévacizumab, dont 4 rapportaient un décès (1 seul sans EI précisé), correspondant à 11,8 % des notifications de la base nationale de pharmaco­vigilance (BNPV) pour ces produits répertoriés depuis le lancement de l’étude. Rappelons que, au mois de mars 2011, le nombre d’EI recensés dans le cadre de cette étude correspondait à 34 % des cas recensés dans la BNPV. Parmi les EI attendus, selon la classification système organe-classe (SOC), les affections gastro-intestinales à type de perforations intestinales sont majoritaires, correspondant à 28 % des déclarations (n = 7) et sont associées au décès de 2 patients (tableau I). Ces EI sont graves et observés principalement chez des patients traités pour un cancer colorectal (16 % ; n = 4) ou une tumeur cérébrale (12 % ; n = 3). Les affections vasculaires à type d’accidents thromboemboliques veineux et d’hypertensions malignes correspondent à 20 % des notifications (n = 5). Elles sont observées chez des patients traités pour un cancer du sein (16 % ; n = 4) ou un cancer colorectal (4 % ; n = 1). Cette étude nous a également permis de répertorier les EI inattendus selon le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Ils représentent 36 % (n = 9) des cas. Il s’agit d’affections du système nerveux à type d’altération de la substance blanche, d’aphasie ou de neuropathie optique, qui représentent 12 % (n = 3) des déclarations constatées chez des patients traités pour un cancer colorectal (8 % ; n = 2) ou un cancer du sein (4 % ; n = 1). Parmi les cas recensés et pour lesquels l’évolution de la symptomatologie était disponible, 32 % (n = 8) évoluent vers une guérison sans séquelles et 16 % (n = 4) conduisent à des séquelles. Les premiers résultats de cette étude ont fait l’objet d’une communication orale au cours du dernier congrès de pharmacologie organisé par la Tableau I. Bévacizumab : événements attendus (a) et inattendus (b) en nombre et en pourcentage de cas observés. (a) Événements attendus n % Classification SOC (système organe-classe) (b) Événements inattendus n % 3 12 Classification SOC (système organe-classe) Affections vasculaires 5 Thromboembolies veineuses 2 Hypertension 2 Embolie pulmonaire 1 Affections gastro-intestinales 7 Perforations intestinales 20 2 AVC 1 Encéphalopathie hypertensive 1 Affection cardiaque 2 Insuffisance cardiaque congestive n total Altération en foyer de la substance blanche 1 Aphasie, hémiplégie droite 1 Neuropathie optique ischémique 28 7 Affection du système nerveux Affection du système nerveux 8 1 Affections vasculaires 2 CIVD 1 Syndrome coronarien aigu et sténose de l’artère interventriculaire 1 Affections du rein et des voies urinaires 1 Pyélonéphrites et coliques néphrétiques à répétition 8 2 Neutropénie 1 16 Thrombopénie de grade IV 1 54 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - avril-mai-juin 2013 4 1 Affections hématologiques 2 AVC : accident vasculaire cérébral ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée. 8 Décès inexpliqué 1 n total 9 8 4 MISE AU POINT Société française de pharmacologie et de thérapeutique au mois de mars 2011 (4). Tableau II. Docétaxel : événements attendus en nombre et en pourcentage de cas observés. Événements attendus n % 2 7,41 Classification SOC (système organe-classe) Étude QSP docétaxel L’étude concernant le recueil des EI entraînant l’arrêt temporaire ou définitif du docétaxel a permis de recueillir 27 déclarations au 31 janvier 2012. Cela correspond à 12,7 % des notifications de la BNPV pour ces produits. La sévérité ou la précocité de ces effets étaient inattendues dans 40 % des cas. Les neutropénies ou les affections de la peau et des phanères, à type d’onycholyse ou d’éruption cutanée, sont les cas les plus fréquents ; elles représentent respectivement 40,7 % (n = 11) et 37 % (n = 10) des effets constatés, avec une gravité inattendue pour 7,4 % (n = 2) des cas. Les mucites sont également nombreuses (26 % ; n = 7), avec une sévérité inattendue et précoce dans 4 % des cas (n = 1). En termes d’EI attendus, les affections musculo­ squelettiques et systémiques à type de myalgies, de douleurs osseuses ou de faiblesse musculaire représentent 37,04 % (n = 10) des cas. Les résultats montrent également que la moitié des EI observés ont entraîné un arrêt définitif après la première ou la deuxième cure (51,8 % ; n = 14). Une réduction de la dose administrée a été envisagée dans 33 % des cas (n = 9). Parmi ceux-ci, seule 1 résolution complète a été rapportée à ce jour, en considérant les données accessibles concernant l’évolution des EI constatés (tableaux II et III, p. 56). Discussion Affections gastro-intestinales Diarrhée 1 Anorexie 1 Affections de la peau et du tissu sous-cutané 15 Réaction cutanée 10 Onycholyse 4 Sensation de cuisson 1 Troubles généraux et anomalies au site d’administration 3 Œdème 55,56 11,11 3 Affections hématologiques et du système lymphatique 11 Neutropénie 40,74 11 Affections respiratoires, thoraciques et médiastinales 8 Mucite 29,63 7 Dyspnée 1 Affections musculosquelettiques et systémiques 10 Myalgies 8 Douleurs osseuses 1 Faiblesse musculaire 37,04 1 Troubles du système immunitaire 2 Choc anaphylactique 1 Réaction allergique 1 Affections oculaires 2 Larmoiement 7,41 7,41 1 Douleurs oculaires 1 Affections du système nerveux 4 Neuropathie 3 Paresthésie 1 n total 14,81 57 QSP bévacizumab Les résultats obtenus à l’issue de l’étude QSP bévacizumab confirment les données actuellement publiées dans la littérature de référence concernant la gravité des EI constatés, avec les atteintes de la muqueuse intestinale ou des différentes lignées sanguines. Ces effets peuvent être en partie illustrés par le rôle fondamental joué par le VEGF ou ses récepteurs (VEGF-R) dans le fonctionnement physiologique de la peau et de ses annexes, mais également par les autres voies de signalisation et/ou les récepteurs parfois inhibés en parallèle par ces molécules antiangiogéniques (5-8). Le lien entre la gravité des EI observés et les doses administrées de bévacizumab n’est pas établi à ce jour. Les études publiées à ce sujet sont controversées (7, 8). Les résultats exposés dans ce docu- ment montrent une augmentation des effets graves spécifiques après l’administration de bévacizumab par rapport aux événements constatés avant la mise en place de l’étude, principalement chez le patient traité pour un cancer colorectal ou une tumeur cérébrale. La gravité des effets peut être corrélée avec le type de tumeur traitée, hypothèse discutée dans une revue publiée en 2011 (9). Cependant, la taille de notre échantillon ne donne pas la possibilité d’établir un lien univoque. Par ailleurs, il serait important d’approfondir ce travail en s’intéressant davantage aux traitements associés afin de mettre en évidence d’éventuelles interactions avec les chimiothérapies concomitantes, comme les taxanes ou les sels de platine pour lesquels une augmentation des EI avec la La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 55 MISE AU POINT Collaboration entre l’Observatoire dédié au cancer et les Centres régionaux de pharmacovigilance : premiers résultats sur la pharmacovigilance des médicaments anticancéreux Tableau III. Docétaxel : événements inattendus en nombre et en pourcentage de cas observés. Événements inattendus n % 1 3,70 Classification SOC (système organe-classe) Affections respiratoires, thoraciques et médiastinales Mucite sévère 1 Affections de la peau et du tissu sous-cutané 2 Réaction cutanée sévère (mains/pieds) 7,41 QSP docétaxel 1 Nodules inflammatoires (cuir chevelu) prise de bévacizumab est démontrée (9). Par ailleurs, la gravité des EI observés est indépendante de la dose administrée. Une relation entre le protocole administré et l’effet observé est difficile à établir, compte tenu de la disparité des doses administrées. 1 Affections du rein et des voies urinaires 1 Pyélonéphrites et coliques néphrétiques à répétition 4 1 Affections du système nerveux 1 Signe de Lhermitte 3,70 1 Troubles généraux et anomalies au site d’administration 1 Anasarque 3,70 1 Affections vasculaires 1 Poussées hémorroïdaires 3,70 1 Affections gastro-intestinales 4 Colique 2 Rectorragie 2 n total 14,81 11 Tableau IV. Docétaxel : événements attendus observés n’ayant pas entraîné l’arrêt du traitement. Événements attendus n % 1 7,69 Classification SOC (système organe-classe) Affections gastro-intestinales Diarrhées 1 Affections de la peau et du tissu sous-cutané 7 Réaction cutanée 3 Onycholyse 2 Toxicité unguéale 53,85 2 Troubles généraux et anomalies au site d’administration 2 Œdème 15,38 2 Affections hématologiques et du système lymphatique 3 Neutropénie 23,08 3 Affections respiratoires, thoraciques et médiastinales 5 Mucite 38,46 5 Affections musculosquelettiques et systémiques 5 Myalgies 4 Douleurs osseuses 1 Affections oculaires 2 Larmoiement 38,46 15,38 1 Affections du système nerveux 5 Neuropathie 5 n total 56 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - avril-mai-juin 2013 30 38,46 Plusieurs hypothèses ont été émises afin de répondre à l’augmentation du nombre d’EI graves après la commercialisation d’une nouvelle présentation de docétaxel. Tout d’abord, la nouvelle formulation prête à l’emploi, qui supprime la dissolution de l’ancienne formulation, constitue une source d’homogénéité. D’autre part, la concentration de la solution prête à l’emploi est 2 fois plus élevée que celle de l’ancienne formulation. Un problème d’interprétation est également souligné concernant l’expression de la concentration de docétaxel sous forme de base (anhydre), et non trihydratée comme cela est stipulé dans le RCP (10). Il est à remarquer qu’aucun signalement n’a été émis par les établissements qui procèdent depuis plusieurs années au dosage du principe actif dans chacune des poches reconstituées. Enfin, il est important de souligner la coexistence sur le marché de plusieurs génériques qui diffèrent par leur dosage et leur forme galénique et correspondent à des formules prêtes à l’emploi ou à l’ancienne formule à diluer, source de confusion lors de la préparation des injections. Une lettre dédiée aux professionnels oncologues, hématologues et pharmaciens hospitaliers a été envoyée par l’ANSM le 16 février 2012. Ce courrier précise la problématique actuelle associée à l’augmentation du taux d’EI rapportés avec la nouvelle formulation de docétaxel. L’Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency [EMA]) a donc analysé l’ensemble des données de sécurité disponibles et a comparé dans tout le pays la fréquence de survenue des EI avant et après la commercialisation de la nouvelle formule. L’augmentation du taux de notifications a été confirmée par les résultats de l’EMA mais sans augmentation de celui des décès. Selon l’agence, une étude comparative in vitro a montré que la dose moyenne obtenue après reconstitution de la nouvelle formule était légèrement supérieure (+ 1,01 %) à celle de l’ancienne formulation. Ces concentrations restent cependant dans les normes des spécifications en vigueur pour le docétaxel (± 5,0 %). Cependant, ces données ne remettent pas en cause le rapport bénéfice/risque de la nouvelle formulation du docétaxel. L’analyse MISE AU POINT comparative des EI rapportés avant et après la commercialisation de la nouvelle forme montre une recrudescence des EI décrits dans le RCP et connus pour être dose-dépendants. Ces effets concernent précisément la sphère cutanée, gastro-intestinale et hématologique. L’ANSM, dans la mesure où il n’a pas été retrouvé d’explication évidente de l’augmentation de ce taux de notifications, n'a formulé aucune nouvelle recommandation à ce jour (11). Cette étude a permis de répertorier également 13 déclarations d’EI n’ayant pas entraîné l’arrêt du traitement par docétaxel, mais ayant motivé la réduction de la dose de docétaxel (tableau IV). Dans ce cadre, seules 2 résolutions complètes ont été constatées à ce jour après une réduction de 15 % de la dose initialement administrée. Il serait possible d’envisager une fiche spécifique de déclaration afin de répertorier chaque événement et les conséquences d’une réduction de dose, dans le but d’argumenter la relation entre la sévérité des toxicités observées et la dose administrée. Conclusion La collaboration établie entre l’Observatoire dédié au cancer des régions Bretagne et Pays de la Loire et les CRPV est un système simple et opérationnel assu- rant le partage des compétences, avec une diffusion rapide de l’information auprès des professionnels de santé. Les études lancées par ce groupe ont bénéficié de l’adhésion de la majorité des professionnels de santé, issus aussi bien du public que du privé, impliqués dans le cadre de la cancérologie. Cet échange a permis d’augmenter le nombre de notifications (de 60 % pour le bévacizumab et de 33 % pour le docétaxel) et d’alerter en temps réel les professionnels de santé concernés sur les événements graves recensés. À court terme, une étude permettant le recensement des EI entraînant l’arrêt temporaire ou définitif de nouvelles thérapies ciblées telles que le cétuximab ou le panitumumab (anticorps monoclonaux dirigés contre l’EGFR [Epidermal Growth Factor Receptor]) chez des patients âgés de plus de 70 ans et porteurs d’un cancer colorectal métastatique est envisagée. Le suivi des molécules inhibitrices de protéines kinases est également prévu pour septembre 2013, avec l’évaluation du nombre d’EI constatés chez les patients traités par sunitinib ; ce projet s’insère directement dans le suivi des formes orales anticancéreuses. Une seconde étude portera spécifiquement sur les réactions allergiques associées à la prise de panitumumab, anticorps monoclonal IgG2 recombinant entièrement humain, ou de cétuximab, anticorps monoclonal chimérique IgG1, tous 2 spécifiquement dirigés contre EGFR.■ L ’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références bibliographiques 1. 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Chers abonnés, chers lecteurs, toute l’équipe Edimark vous souhaite un très bel été d’évasion et de réflexion et vous donne rendez-vous dès la rentrée ! La Lettre du Pharmacologue • Vol. 27 - n° 2 - Avril-mai-juin 2013 | 57 145 mm