NGS dossier thématique La génomique des carcinomes ­mammaires à l’heure du séquençage parallèle massif Breast cancer genomics in the era of massive parallel sequencing Anne Vincent-Salomon* des différences entre les 4 principales classes moléculaires de cancers du sein. Ces travaux ont montré que les mutations les plus fréquentes dans les cancers du sein sont les mutations de TP53 (85 % dans les carcinomes triple-négatifs, 75 % dans les carcinomes HER2) et de PIK3CA. Néanmoins, si, dans la classe luminale, un nombre important de gènes sont mutés, la fréquence de survenue de ces nombreuses mutations est faible (< 3 %). Aucune translocation récurrente n’a été identifiée en dehors de celles des carcinomes sécrétoires, t(ETV6 ; NTRK3) et des carcinomes adénoïdes kystiques, t(MYB ; NF1B) préalablement connues. Le séquençage parallèle massif du génome entier, réalisé à profondeur élevée, qui permet d’estimer la fréquence des différents clones intratumoraux, a permis d’établir l’histoire naturelle de l’évolution clonale des carcinomes du sein analysés et révélé la coexistence de plusieurs clones intratumoraux, dont le plus ancien est le plus représenté. Cette hétérogénéité intratumorale a des conséquences en termes de sensibilité aux traitements. »»De plus, certaines signatures mutationnelles identifiées comprennent des mutations de la cytosine en thymine lorsque cette base est placée en aval d’une thymine (îlot TpC), ce qui suggère un processus de désamination qui pourrait être induit par les enzymes APOBEC. Ces observations pourraient conduire vers l’identification de causes plus précises de l’oncogenèse mammaire. »»Des altérations moléculaires survenant sous la pression de sélection des traitements en situation néo-adjuvante, pour les carcinomes triple-négatifs (amplifications de MCL1 ou de JAK2), ou en situation métastatique, pour les tumeurs traitées par hormonothérapie (mutations dans le domaine de liaison du ligand d’ESR1) ouvrent la voie à de nouvelles stratégies de traitement. Des mutations du domaine tyrosine kinase de HER2 ont été décrites, survenant dans des tumeurs exprimant les récepteurs aux estrogènes, de grade 3 et le plus souvent de type lobulaire. Enfin, quelques mutations de GATA3, observées dans des tumeurs présentant une meilleure réponse aux antiaromatases, offriraient des perspectives de marqueurs prédictifs intéressantes pour les choix de traitement. Mots-clés : Séquençage parallèle massif – Mutations – Hétérogénéité intratumorale – Classes moléculaires – Cibles thérapeutiques – Signature mutationnelle. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2014 Massive parallel sequencing has confirmed the molecular differences existing between the 4 major molecular classes of breast cancers and that TP53 (mutation rate in triplenegative breast cancers > 85%, and 75% in HER2 breast cancers) and PIK3CA were the most frequently mutated genes in breast cancers. Beside t(ET V6; NTRK3) and t(MYB; NF1B) in secretory and adenoïd cystic carcinomas respectively, no recurrent mutation has been identified so far in breast carcinomas. Massive parallel sequencing allowed describing the life history of breast cancers. Tumors are composed with several subclones harboring different genomic alterations, the oldest genomic variant having the highest allelic frequency. This intra-tumor heterogeneity has important consequences for treatment resistance. Mutational signatures have been identified. One occurring preferentially at cytosines located in TpC islands suggested an APOBEC enzyme’s role and a possible mechanism of breast carcinogenesis. Summary RÉSUMÉ »»Les données du séquençage massif ont approfondi la connaissance * Institut Curie, ­département de ­biopathologie, Paris, et Inserm U943. Finally, mutations in ESR1 after hormonotherapy, in metastatic setting, or the observation of JAK2 or MCL1 amplification in residual triple-negative tumors, after neoadjuvant chemotherapy, should lead to the development of new therapies. Alternatively, mutations occurring in tyrosine kinase domain of HER2 or in GATA3 could be predictive of response to anti-HER2 tyrosine kinase inhibitors or anti-aromatase. The identification of mutations with a direct impact on treatment strategies is very promising. Keywords: Massive parallel sequencing – Mutations – Intratumoral heterogeneity – Molecular classes – Therapeutic targets – Mutational signature. 19 NGS dossier thématique L es analyses génomiques des carcinomes mammaires publiées depuis 3 ans bénéficient des progrès techniques du séquençage parallèle massif. Elles apportent un éclairage différent à la compréhension de la biologie des cancers du sein. Deux grands consortiums internationaux, l’International Consortium Genome Cancer (http://icgc.org/ icgc/cgp/61/813/819) et The Cancer Genome Atlas (TCGA) [cancergenome.nih.gov], ont rassemblé et analysé par séquençage massif à haut débit de grandes séries de carcinomes mammaires. Les données les plus nombreuses sont issues du séquençage des régions codantes correspondant aux exons (whole-exome sequencing) complétées par quelques données de séquençage de l’ARN (RNA sequencing). Les données les plus originales proviennent du séquençage du génome entier (whole-genome). Cet article résume les informations clés apportées par ces analyses. Il est proposé de les classer en fonction de leur impact cognitif et de leur impact sur la prise en charge clinique des patientes. Amélioration des connaissances ­biologiques des carcinomes mammaires Caractérisation fine des altérations génomiques des carcinomes mammaires des principales classes moléculaires Le séquençage massif à haut débit montre que les carcinomes mammaires présentent une multitude de mutations dans de nombreux gènes, mais que ces mutations sont rarement récurrentes. La fréquence de ces mutations varie de 1 à 9 % des cas séquencés. Les 2 gènes mutés le plus fréquemment sont TP53 et PIK3CA (figure 1). Des mutations peu fréquentes sont identifiées dans des gènes tels que MAP3K1, MAP3K13, MLL3, TBX3, FOXA1, RB1, RUNX1, CBFB, SF3B1, NF1. Certains de ces gènes jouent un rôle dans le développement de la glande mammaire, et d’autres sont impliqués dans des leucémies ou d’autres tumeurs solides, digestives en particulier, comme MLL3. Les analyses par séquençage de l’ARN, pour l’instant peu nombreuses, ne retrouvent pas de translocation récurrente dans les carcinomes infiltrants du sein de type non spécifique. Figure 1. Mutations les plus fréquentes observées dans les différents sous-types moléculaires (indiqués à gauche du tableau), en fonction du type de mutation (tronquante, faux-sens). À droite du tableau, les statuts des récepteurs aux estrogènes, à la progestérone et de HER2 ainsi que la taille tumorale et le statut ganglionnaire sont indiqués. À droite figurent également les statuts génomiques des régions des gènes le plus fréquemment mutés (2). Le graphe à droite montre le nombre global de mutations par mégabase. Cela permet de constater que les tumeurs HER2 et basal-like sont celles qui présentent le plus de mutations. D’après The Cancer Genome Atlas Network. Comprehensive molecular portraits of human breast tumors. Nature 2012;490. 20 Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2014 La génomique des carcinomes ­mammaires à l’heure du séquençage parallèle massif Ces analyses de séquençage à haut débit confirment que les classes moléculaires connues depuis une dizaine d’années sont caractérisées par des anomalies très différentes sur les plans phénotypique, génomique, transcriptomique et épigénétique (1-4). ✓✓ Les carcinomes de type luminal A sont caractérisés par le phénotype suivant : récepteurs aux estrogènes positifs (RE+), HER2 non surexprimé (HER2−) associés à une faible prolifération. L’analyse de la méthylation de l’ADN montre que ce dernier est peu méthylé. D’un point de vue génomique, les carcinomes luminaux A présentent de fréquentes mutations de PI3KCA (49 %), des mutations de GATA3 (14 %) et des mutations de MAP3K1 (14 %), peu de mutations de TP53 (12 %), peu de gains de MDM2 (14 %), peu de pertes d’INPP4B (9 %) et peu de mutations du gène PTEN. Leur génome est plutôt diploïde et peu réarrangé avec des gains du chromosome 1q, des pertes du chromosome 16q, des gains du chromosome 8p et du chromosome 8q. Le gène codant pour la cycline D1 (CCND1) est amplifié dans 24 % des cas. Ces tumeurs sont caractérisées par une activation de la voie des estrogènes et de l’oncogène MYB. Des mutations de CBFB et d’AKT1 ont été décrites par S. Banerji et al. (1) . ✓✓ Les tumeurs luminales B expriment également les RE, mais plus faiblement, et présentent une ­prolifération élevée, et des amplifications et des sur­ expressions de HER2 dans 15 % des cas, associées à des mutations fréquentes de TP53 (32 %), des gains de MDM2 (31 %) ou des pertes d’INPP4B (16 %). Ces tumeurs sont souvent aneuploïdes et présentent de nombreuses amplifications, comme celle de CCND1, dans 51 % des cas, avec gains de CDK4 dans 25 % des cas (chromosomes 8q, 8p11, 11q dans 25 à 50 % des cas). La méthylation de l’ADN est fréquente. ✓✓ Les tumeurs triple-négatives sont caractérisées par un phénotype triple-négatif, comme leur nom l’indique, et une forte prolifération, et présentent des mutations du gène TP53 dans plus de 84 % des cas. En outre, ces tumeurs ont des gains de MDM2 dans 14 % des cas, des mutations rares de PIK3CA (7 %), des pertes de PTEN dans 35 % des cas, associées à des pertes d’INPP4B dans 30 % des cas. Ces tumeurs présentent par ailleurs des pertes de RB1 (20 % des cas) avec une forte expression de CDKN2A et une amplification de CCNE1 dans 9 % des cas. Ces tumeurs sont aneuploïdes et présentent de nombreux gains et pertes chromosomiques, ce qui traduit leur instabilité chromosomique (les chromosomes 1q, 10p, 8q sont gagnés avec un gain focal de MYC dans 40 % des cas, 5q est perdu). Ces tumeurs ont un ADN glo- balement hypométhylé. Elles sont plus fréquemment observées chez les patientes porteuses de mutations héréditaires de BRCA1. ✓✓ Enfin, les tumeurs HER2, qui, dans cette série de plus de 800 cas analysés, étaient RE+ dans 20 % des cas, présentent des mutations de TP53 dans 75 % des cas ainsi que des gains de MDM2, des mutations de PIK3CA dans 42 % des cas et des pertes de PTEN (19 % des cas) et d’INPP4B (30 % des cas). En plus de la région très remaniée du chromosome 17 située autour de la région d’amplification de HER2, il existe des gains du chromosome 1q et 8q. Les tumeurs sont globalement aneuploïdes et présentent une forte instabilité génomique. Histoire naturelle de la clonalité tumorale Les analyses de séquençage massif du génome entier ont permis de décrire la coexistence, à l’intérieur d’une même tumeur, de plusieurs clones tumoraux et, donc, de documenter l’hétérogénéité intratumorale moléculaire. En outre, les anomalies moléculaires subclonales peuvent s’enrichir au cours de la progression tumorale (5). Le pic de fréquence des cancers se situe après l’âge de 40 ou 50 ans. Leur délai d’apparition est bien la conséquence de l’accumulation progressive d’événements biologiques. Certaines altérations moléculaires donnent un avantage en croissance aux cellules dans lesquelles elles surviennent. Cela permet l’émergence de clones cellulaires dominants qui représenteront jusqu’à 50 % de la population cellulaire totale. Les autres clones intratumoraux, minoritaires, apparaissent par vagues successives, et peuvent être favorisés par la pression de sélection due aux traitements reçus, ou encore par l’évolution métastatique de la tumeur. Ainsi, S. Nik-Zainal et al. (6) ont démontré que la plus fréquente altération observée dans les cancers du sein de tous types, le gain du bras long du chromosome 1 était une altération précoce, vraisemblablement plus précoce que la survenue de nombreuses mutations ponctuelles. De plus, l’analyse du génome entier par séquençage massif de 21 carcinomes infiltrants (7) a montré que l’instabilité génomique ne se manifestait qu’après l’apparition de 15 à 20 % des mutations ponctuelles. Ces mutations précoces surviennent en particulier au niveau de la cytosine dans un contexte d’îlot CpG, et sont souvent des transitions de la cytosine vers la thymine. Enfin, parmi les 21 génomes de carcinomes mammaires analysés, environ 15 600 mutations ont été identifiées dans 65 % des cellules tumorales, formant ainsi le clone dominant de la tumeur, par ailleurs composée de clones minoritaires associés. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2014 21 NGS dossier thématique Figure 2. Illustration des 5 signatures identifiées (6). Signature A : C>T placée de préférence dans la séquence XpCpG et moins souvent dans les autres combinaisons de mutations. Signature B : observée dans 10 % des cancers RE+ : C>T, C>G, C>A dans la séquence TpCpX. Cette signature est le plus souvent observée dans les régions de kataegis. Elle suggère l’intervention d’une cytosine désaminase qui pourrait être l’enzyme APOBEC1. Signatures C et D : presque toutes les combinaisons de mutations et de leur séquences adjacentes sont possibles, mais avec des différences subtiles dans la signature C, caractérisée par plus de C>T, C>G et moins de C>A, placées dans XpCpG, non observées dans la signature D. Signature E : C>G dans les séquences TpCpX. De plus, les mutations surviennent en macroclusters et même en microclusters séparés par des mégabases sans mutations ; elles sont sur le même bras parental et elles surviennent en CIS les unes par rapport aux autres ; elles correspondent plus volontiers à des transitions C>T entourées de TpCpX ; le type des mutations est identique sur plusieurs mégabases, ce qui suggère qu’elles apparaissent simultanément ; les mutations surviennent à proximité de réarrangements chromosomiques. D’après Nik Zainal S et al., Cell 2012 (7). Spectre mutationnel : vers l’identification des causes d’une signature biologique ­mutationnelle ? Plusieurs centaines à plusieurs milliers de mutations surviennent dans un génome de cancer du sein. Certaines, probablement peu nombreuses, confèrent un avantage sélectif aux cellules dans lesquelles elles apparaissent : ce sont des mutations pilotes, “drivers”, par opposition aux mutations, probablement plus nombreuses, dites passagères (“passengers”), qui peuvent contribuer à la croissance tumorale. Le profil mutationnel des tumeurs du sein reflète les processus de dommage et de réparation de l’ADN auxquels les cellules ont été soumises. Les 22 analyses par séquençage massif parallèle permettent de classer par ordre de fréquence les nombreuses mutations survenant dans un génome selon la classe des bases mutées (purique ou pyrimidique), selon le type de base mutée (adénine, cytosine, thymine ou guanine) et, enfin, selon les séquences immédiates entourant les bases où siègent les mutations. S. Nik-Zainal et al. (7) ont décrit le profil mutationnel de 21 carcinomes mammaires parmi lesquels une tumeur survenant dans un contexte de mutation héréditaire de BRCA1, et une autre, dans un contexte de mutation héréditaire de BRCA2. Ces tumeurs associées aux mutations héréditaires de BRCA1 et BRCA2 ont un profil mutationnel spécifique. Dans les cancers du sein sporadiques, les mutations surviennent le plus souvent à proximité de réarrangements chromosomiques (gain, amplification ou perte de régions chromosomiques) dans un mécanisme nommé “kataegis”, ou “orage ; pluie forte”, ce qui traduit le fait que les mutations sont fortement concentrées à un endroit précis du génome au lieu d’être réparties régulièrement. De plus, un grand nombre de muations touchant les cytosines a été observé. La séquence entourant la cytosine mutée était beaucoup plus fréquemment une thymine, formant donc un îlot TpC. Cette séquence particulière à proximité immédiate de la mutation, ainsi que la mutation d’une cytosine en thymine par un processus de désamination, suggère l’intervention possible d’une enzyme de la famille des APOBEC, qui sont des désaminases. Dans les cancers du sein, 5 types de signatures mutationnelles sont identifiées (figure 2). Impact thérapeutique Les informations les plus intéressantes obtenues par le séquençage massif sont probablement celles qui permettent de mieux ajuster les traitements choisis ou qui ouvrent la perspective de nouvelles stratégies de traitement ciblé. Les mutations de GATA3 permettent-elles de prédire la réponse aux antiaromatases ? L’analyse (par séquençage du génome entier ou des séquences codantes) de 77 échantillons de tumeurs du sein RE+ de patientes traitées dans le cadre d’un essai d’hormonothérapie à base d’antiaromatases en néo-adjuvant a mis en évidence le fait que GATA3 était plus souvent muté dans les tumeurs présentant une réponse aux antiaromatases (évaluée par la diminution du KI67 sur la pièce d’exérèse après hormonothérapie). Ce travail montrait également l’existence de mutations de MAP3K1 ou de MAP2K4 dans 15,5 % des tumeurs Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2014 NGS dossier analysées, souvent des tumeurs de type luminal A de faible grade et de faible prolifération. Il a aussi permis l’identification de mutations de gènes connus pour être plutôt mutés dans des maladies hématopoïétiques, tels que RUNX1, CBFB, MYH9, MLL3 et SF3B1, et proposait une signature mutationnelle des carcinomes luminaux B avec TP53, RB1, RUNX1 et MALAT1 (8). Les mutations activatrices de HER2 permettentelles de prédire la réponse aux inhibiteurs de tyrosine kinases anti-HER2 ? La mise en évidence de mutations situées dans le domaine tyrosine kinase de HER2 dans des carcinomes RE+ (8) et des carcinomes lobulaires infiltrants (9) ouvre la perspective de thérapies ciblées anti-HER2 en dehors du contexte de l’amplification de HER2. Des essais avec des inhibiteurs de tyrosine kinase de HER2 (nératinib) sont en cours. Mutations d’ESR1 Deux articles (10, 11) publiés dans le même numéro de la revue Nature en décembre 2013 ont montré que, sous la pression du traitement antihormonal par tamoxifène ou par antiaromatases, des cancers du sein métastatiques présentaient des mutations essentiellement localisées dans le domaine de liaison du ligand, entre les acides aminés 534 et 538, selon une fréquence de 22 % (20 cas sur 91). Les mêmes auteurs ont montré que les mutations d’ESR1 n’étaient présentes dans aucune tumeur triple-négative (sur 80 cas) et étaient présentes dans 0 % (sur 390 cas [11]) à 3 % (dans l’essai BOLERO [10]) des cas de carcinomes luminaux avant toute thérapie antihormonale. De plus, ces mutations déclenchent l’activation du récepteur en l’absence de tout ligand, ce qui pourrait expliquer l’apparition de la résistance aux inhibiteurs de l’aromatase. Même si les formes mutées du récepteur sont encore capables de fixer les antiestrogènes, de plus fortes doses que celles utilisées en clinique sont nécessaires pour inhiber l’activité du récepteur muté. Les mutations entraînent des changements conformationnels des récepteurs mutés, ce qui pourrait permettre le développement et la mise au point de nouvelles thérapies antihormonales. La détection dans le sang de la présence des molécules d’ADN circulant muté offre également des possibilités de suivi personnalisé intéressantes pour les patientes sous hormonothérapie. thématique Amplification de MCL1 et JAK2 après ­chimiothérapie néo-adjuvante des carcinomes triple-négatifs L’équipe dirigée par C. Arteaga, du Vanderbilt-Ingram Cancer Center, de Nashville, a réalisé un séquençage combiné à une analyse transcriptomique des reliquats après chimiothérapie de 74 carcinomes triple-négatifs. Les principaux résultats indiquent que 89 % de ces carcinomes présentent une mutation de TP53 – résultat identique aux données de séquençage obtenues avant chimiothérapie –, et une amplification du gène MCL1 dans 54 % des cas analysés, contre seulement 19 % des tumeurs triple-négatives basal-like analysées par le TCGA (p = 0,0006) et une fréquence élevée de perte de PTEN et d’amplification de JAK2. Les auteurs concluent que, dans 90 % des cas analysés, des anomalies “actionnables”, c’est-à-dire soit cibles thérapeutiques, soit paramètres de définition du pronostic, étaient observées après le séquençage massif parallèle des tumeurs triple-négatives après une chimiothérapie (12, 13). Conclusion Le séquençage parallèle massif des carcinomes mammaires a considérablement amélioré notre compréhension de la biologie des cancers du sein. Et ces progrès devraient s’amplifier dans les mois à venir. Les résultats accessibles à la communauté scientifique dans des bases de données internationales vont être interprétés sous différents angles et contribuer ainsi à ouvrir d’autres pistes pour la prise en charge des patientes. La détection de l’ADN circulant, comme outil de suivi et d’efficacité thérapeutique, est déjà mise en pratique dans des centres spécialisés. La meilleure prédiction de la réponse aux thérapies ciblées ainsi que l’évaluation après traitement du statut mutationnel des tumeurs permettront une personnalisation plus exacte des traitements. Enfin, la plupart des tumeurs du sein analysées jusqu’à présent étaient des carcinomes de type non spécifique (canalaires sans autre indication). Les autres types histologiques sont en train d’être séquencés. Ces analyses permettront certainement d’améliorer encore la classification des carcinomes mammaires et d’affiner les stratégies de traitement proposées aux patientes. ■ Références 1. Banerji S, Cibulskis K , Rangel-Escareno C et al. Sequence analysis of mutations and translocations across breast cancer subtypes. Nature 2012;486(7403):405-9. 2. Cancer Genome Atlas Network. Comprehensive molecular portraits of human breast tumours. Nature 2012; 490(7418):61-70. 3. Shah SP, Roth A, Goya R et al. The clonal and mutational evolution spectrum of primary triple-negative breast cancers. Nature 2012;486(7403):395-9. 4. Stephens PJ, Tarpey PS, Davies H et al. The landscape of cancer genes and mutational processes in breast cancer. Nature 2012;486(7403):400-4. 5. Shah SP, Morin RD, Khattra J et al. Mutational evolution in a lobular breast tumour profiled at single nucleotide resolution. Nature 2009;461(7265):809-13. 6. Nik-Zainal S, Van Loo P, Wedge DC et al. The life history of 21 breast cancers. Cell 2012;149(5):994-1007. 7. Nik-Zainal S, Alexandrov LB, Wedge DC et al., Mutational processes molding the genomes of 21 breast cancers. Cell 2012;149(5):979-93. 8. Ellis MJ, Ding L, Shen D et al. Whole-genome analysis informs breast cancer response to aromatase inhibition. Nature 2012;486(7403):353-60. 9. Bose R, Kavuri SM, Searleman AC et al. Activating HER2 mutations in HER2 gene amplification negative breast cancer. Cancer Discov 2013;3(2):224-37. 10. Toy W, Shen Y, Won H et al. ESR1 ligand-binding domain mutations in hormone-resistant breast cancer. Nat Genet 2013;45(12):1439-45. 11. Robinson DR, Wu YM, Vats P et al. Activating ESR1 mutations in hormone-resistant metastatic breast cancer. Nat Genet 2013;45(12):1446-51. 12. Balko JM, Giltnane JM, Wang K et al. Molecular profiling of the residual disease of triple-negative breast cancers after neoadjuvant chemotherapy identifies actionable therapeutic targets. Cancer Discov 2014;4(2):232-45. 13. Jeselsohn R, Yelensky R, Buchwalter G et al. Emergence of constitutively active estrogen receptor-α mutations in pretreated advanced estrogen receptor positive breast cancer. Clin Cancer Res 2014 [Epub ahead of print]. L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts concernant cet article. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2014 23