Traumatisme rénal fermé : la rupture du fascia de Gerota

Traumatisme rénal fermé :
la rupture du fascia de
Gerota permet-elle de prédire la
nécessité d’une embolisation ?
Analyse faite par Thomas Sanzalone, Service de Radiologie, Hôpital E Herriot
Evaluation of need for angioembolization in blunt renal injury:
discontinuity of Gerota’s fascia has an increased probability of
requiring angioembolization
Fu CY, Wu SC, Chen RJ, Chen YF, Wang YC et al. Am J Surg. 2010; 199(2): 154-159
Introduction :
La majorité des traumatismes du rein sont actuellement pris en
charge de manière conservatrice, afin de préserver au maximum la
fonction rénale. La chirurgie d’hémostase en urgence reste rarissime et
limitée aux traumatismes majeurs avec hémodynamique précaire.
L’embolisation radiologique percutanée est un traitement efficace
lorsqu’un saignement actif est détecté au scanner, mais ses conséquences
sur la fonction rénale à long terme sont mal connues. Cependant, le
saignement actif tecté au scanner n’est parfois pas retrouvé lors de
l’artériographie, et l’embolisation n’apparait donc plus nécessaire. Le
fascia de Gerota délimitant l’espace péri-rénal pourrait, du fait de sa
tension et son élasticité, tamponner spontanément certains saignements
actifs. Ainsi, en présence d’un saignement actif au scanner, des critères
scanographiques supplémentaires pourraient permettre de préciser
l’indication d’embolisation.
Question évaluée :
Quels critères peuvent permettre de prédire la nécessi d’une
embolisation dans les traumatismes rénaux de haut grade ?
En question secondaire : Evaluation des complications du
traumatisme rénal associées à l’embolisation à long terme.
Type d'étude :
Etude rétrospective, monocentrique, dans un centre hospitalier
universitaire de Taiwan.
Critères d’inclusion :
Patients présentant un traumatisme rénal avec saignement actif au
scanner.
Critères d’exclusion :
Instabilité hémodynamique, définie comme une pression artérielle
systolique inférieure à 90 mmHg ;
Hémopéritoine détecté lors de l’échographie à la prise en charge.
Méthode :
Les patients inclus étaient traités selon l’algorithme de prise en
charge du centre hospitalier. Les patients présentant une instabilité
hémodynamique ou un hémopéritoine à l’échographie étaient
systématiquement opérés en urgence. Les autres patients présentant un
traumatisme nal avec saignement actif au scanner bénéficiaient d’une
artériographie diagnostique. En présence d’un saignement actif à
l’artériographie, une embolisation hémostatique était alisée. En
l’absence de saignement actif à l’artériographie, l’embolisation n’était pas
réalisée et le patient était surveillé en réanimation.
Des critères démographiques (âge et sexe), le score AIS
(abbreviated injury scale), le score ISS (injury severity score), la quantité
de produits sanguins utilisés pendant les premières 24 heures, le bilan de
coagulation (TP et INR), l’excès de bases et la nécessité d’une
embolisation étaient évalués.
Une surveillance régulière pendant 3 mois était réalisée sous la
forme de dosages biologiques (urée sanguine et créatininémie), de
mesures de tension artérielle, et de surveillance morphologique rénale par
scanner ou échographie.
Les complications majeures étaient définies comme les effets
indésirables potentiellement létaux (saignement post-procédural, abcès).
Les complications mineures étaient définies comme les effets indésirables
non critiques ou sans menace vitale.
Résultats essentiels :
26 patients ont été inclus durant la période d’étude de 53 mois. Les
patients présentaient tous un saignement actif au scanner, et ont tous
bénéficié d’une artériographie. 14 patients présentaient un saignement
actif à l’artériographie, et étaient tous traités par embolisation.
Les patients ayant nécessité une embolisation présentaient des
scores AIS et ISS significativement plus élevés (respectivement 4,0 ± 0,6
et 26,1 ± 9,3) que les patients non embolisés (3,3 ± 0,8 et 14,6 ± 5,8).
De plus, la discontinuité du fascia de Gerota avec hématome para-rénal
expansif était significativement plus fréquente sur les scanners des
patients traités par embolisation (78.6%, p= 0,0005) que pour ceux non
traités (2,3%). Il n’y avait pas de différence significative entre les patients
traités par embolisation et ceux non traités en ce qui concerne la quantité
de produits sanguins, le bilan de coagulation, l’excès de bases, ou la
fonction rénale observée durant le suivi.
Le taux global de complications était de 19,2 % (5 patients sur 26) :
4 patients ont présenté une complication majeure, et un patient une
complication mineure. Parmi les 4 complications majeures, il y avait 2
récidives hémorragiques après embolisation, traitées avec succès par une
deuxième embolisation. Les deux autres complications majeures étaient
l’apparition d’abcès rétro-péritonéaux, survenus chez un patient embolisé
et un patient non embolisé. La seule complication mineure était la
survenue d’un infarctus rénal visible sur le scanner de suivi 3 mois après
embolisation. Aucune différence statistiquement significative n’était
relevée entre la survenue de complication et le traitement par
embolisation. Aucune hypertension rénale post-traumatisme n’était
détectée.
Commentaires :
Il n’existe pas de consensus sur la prise en charge thérapeutique
des traumatismes rénaux. Récemment, une tendance s’est développée
vers le traitement le plus conservateur possible, non chirurgical,
particulièrement pour les patients stables. L’embolisation des
traumatismes naux de haut grade semble être un traitement efficace
des saignements actifs artériels. L’artériographie est indiquée en cas de
saignement actif noté au scanner. Cependant, chez certains patients, le
saignement actif peut être visible sur le scanner initial mais pas sur
l’artériographie, suggérant une occlusion de l’artère par auto-
tamponnement.
Le fascia de Gerota est un tissu dense, collagénique et élastique,
enfermant lerein et sa capsule adipeuse. Il est clairement visible sur les
scanners de patients normaux. Un saignement actif peut s’arrêter seul
quand l’effet de tamponnement survient à l’intérieur du fascia de Gerota.
Cependant, quand le fascia de Gerota est traumatisé et rompu, le
tamponnement peut ne pas survenir, et l’hématome s’étendra dans
l’espace para-rénal. Dans cette série, 78,6% des patients (11 sur 14) avec
une discontinuité du fascia de Gerota et un hématome para-rénal expansif
ont nécessité une embolisation. D’un autre côté, 91,7% des patients (11
sur 12) avec un saignement actif et un fascia de Gerota intact au scanner
initial ont bénéficié d’une artériographie mais sans embolisation nécessaire
car le saignement actif n’était pas retrouvé à l’artériographie. Ces patients
pourraient être traités de manière conservatrice. Au total, la perte de
continuité du fascia de Gerota et un hématome para-rénal expansif
semblent être associés avec la cessité d’une embolisation chez
les patients avec traumatisme rénal de haut grade.
De même le recours à l’embolisation est significativement plus
important chez les patients les plus graves comme les plus hauts scores
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