CHAPITRE G THERAPIE GENIQUE PRINCIPES et APPLICATIONS EN UROLOGIE " Si toute invention physique ou chimique est un blasphème, toute invention biologique est une perversion… ` il n’en est guère qui, à l’origine, n’ait semblé indécente ou hors nature " J.B.S Haldane 1021 PLAN III. UTILISATION EN PATHOLOGIE VESICALE INTRODUCTION 1. STRATÉGIE CORRECTIVE 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE 3. STRATÉGIE ANTI-SENS 4. STRATÉGIE D’IMMUNOMODULATRICE A. PRINCIPES DE THERAPIE GENIQUE I. DEFINITION IV. UTILISATION EN PATHOLOGIE TESTICULAIRE II. MODALITES DE LA THERAPIE GENIQUE 1. THÉRAPIES V. UTILISATION EN PATHOLOGIE RENALE GÉNIQUES SOMATIQUE ET GERMI - NALE 2. STRATÉGIES DE THÉRAPIE GÉNIQUE 3. THÉRAPIES GÉNIQUES IN VIVO 4. VECTEURS DE THÉRAPIE ET EX VIVO GÉNIQUE 1. STRATÉGIE CORRECTIVE 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE 3. STRATÉGIE ANTI-SENS 4. STRATÉGIE IMMUNOMODULATRICE 5. MÉTHODES DE DÉLIVRANCE B. APPLICATIONS DE LA THERAPIE GENIQUE A LA CANCEROLOGIE UROLOGIQUE I. STRATEGIES THERAPEUTIQUES C.UTILISATION EN PATHOLOGIE BENIGNE I. PATHOLOGIE RENALE 1. POLYKYSTOSE RÉNALE 2. GLOMÉRULONÉPHRITES 3. INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE 1. STRATÉGIE CORRECTIVE ET PROTECTRICE 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE ET II. IMPUISSANCE SUICIDE 3. STRATÉGIE ANTI-SENS III. STENOSES URETERALE ET URETHRALE 4. STRATÉGIE D’IMMUNOMODULATRICE II. UTILISATION EN PATHOLOGIE PROSTATIQUE D. TRANSPLANTATION 1. STRATÉGIE CORRECTIVE 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE E. CONCLUSION 3. STRATÉGIE D’IMMUNOMODULATRICE 1022 THERAPIE GENIQUE PRINCIPES et APPLICATIONS en UROLOGIE A. PRINCIPES DE THERAPIE GENIQUE INTRODUCTION ¨Si l’on considère le but d’un médicament comme la restitution d’une fonction par ticulière du corps, alors l’ADN doit être tenu comme le médicament absolu.¨ [1]. Cet aphorisme a guidé le formidable développement de la thérapie génique, dont les champs d’application ne cessent de s’étendre et les protocoles cliniques de se multiplier. La thérapie génique est en passe actuellement de se constituer en spécialité à part entière. C’est en 1944 qu’eurent lieu les premières expériences de transfert de gènes (transduction), avec la transformation de bactéries par introduction d’un gène hétérologue. En 1968, les premières cellules de mammifères furent transformées par des gènes viraux alors qu’un congrès de thérapie génique consacré aux maladies génétiques (hémoglobinopathies e t maladie de LESCHNYHAN) se tenait dès 1971. En 1990, la thérapie génique acquit sa popularité auprès des médias généralistes avec le premier essai clinique pratiqué chez l’Homme, sous la coordination de W.F. ANDERSON [2]. A ce jour, près de 400 protocoles cliniques sont en cours, incluant plus de 3500 patients à travers le monde. Ces travaux ont mobilisé, uniquement aux Etats-Unis, 200 millions de dollars du secteur public et une somme équivalente du secteur privé [3]. Après en avoir rappelé les principes, nous passerons en revue les principales applications de la thérapie génique aux domaines de l’urologie. I. DEFINITION (FIG. 1) La thérapie génique est basée sur le transfert de gène. Cette technique consiste en l’introduction dans une cellule, dite cible, d’un matériel génétique constitué d’un gène sous la dépendance d’une séquence de régulation. Cette séquence de régulation est habituellement un promoteur. Le gène est introduit soit directement sous forme d’ADN nu, soit grâce à un vecteur, dans le génome duquel il est généralement inséré. L’expression de ce gène modifiera les propriétés fonctionnelles de la cellule, appelée alors cellule transduite. Cette expression, soit restaurera une fonction perdue ou altérée, soit lui fera acquérir une fonction nouvelle. II. MODALITES DE LA THERAPIE GENIQUE 1. THÉRAPIES GÉNIQUES SOMATIQUE ET GERMI - NALE L’attitude encore prévalente considère la thérapie génique somatique (le transfert de gène au seul patient et non à sa descendance) comme un mode 1023 Figure 1: Les acteurs de la Thérapie Génique: la thérapie génique suppose le transfert d’un gène dans une cellule. Ce gène sera alors exprimé dans la cellule transduite thérapeutique classique, dont il convient de déterminer le rapport entre ses risques et ses bénéfices. La thérapie génique germinale ou embryonnaire n’est pas encore validée, pour des considérations essentiellement éthiques. Toutefois, une demande récente d’approbation d’un protocole de thérapie génique fœtale humaine, aux U.S.A., risque de remettre en cause ce principe de précaution [4]. Ce protocole, dont le promoteur est cette fois encore W.F. ANDERSON, a pour but de soigner l’alpha-thalassémie et surtout le SCID (déficit immunitaire combiné par déficit en enzyme ADA), lequel a fait l’objet du premier protocole d’essai clinique humain. fonction cellulaire est moins spécialisée. Si la protéine anormale est, par exemple, sécrétée, son anomalie peut alors être corrigée à distance (c’est le cas des maladies lysosomales [5]). Ainsi deux types de protocoles peuvent-ils être grossièrement individualisés. a) Protocoles de marquage cellulaire (Fig.2) 2. STRATÉGIES DE THÉRAPIE GÉNIQUE De tels protocoles permettent, soit de suivre le devenir d’une cellule et de sa descendance, soit d’évaluer une voie d’administration, un vecteur ou la durée d’expression du transgène. Il s’agit donc de protocoles de compréhension, qui, in vivo, s’inscrivent uniquement dans le cadre d’essais de phase I. Il ne s’agit aucunement de protocoles à visée thérapeutique [6]. La thérapie génique consiste en la modification fonctionnelle d’une cellule, et certaines de ses applications sont d’une mise au point particulièrement délicate. Lorsque l’anomalie à corriger touche des cellules hautement différenciées, elles sont les seules cibles possibles. Par exemple, la correction de la ß-thalassémie ne s’entend que par l’implantation du gène de la ß-globine dans les pro-géniteurs hématopoïétiques. Il est des cas plus simples, où la Ils consistent à insérer un gène hétérologue, dit gène rapporteur, dans le génome de la cellule cible. La traduction de ce gène, en une protéine facilement repérable, marque la cellule transduite, “l’estampille” en quelque sorte, et permet de la détecter spécifiquement dans le temps ou l’espace. Outre les gènes de la luciférase et de la «green fluorescent protein» (GFP), le gène le plus couramment utilisé est lac-Z, le gène de la ß-galactosidase d’escherichia 1024 1 2 3 4 5 Figure 2 : Essai de thérapie génique en utilisant un gène rapporteur, la ß-galactosidase. Le marquage peut être spécifique des cellules épithéliales prostatiques (1 à 4) ou des fibroblastes. (5). 1025 Coli. Il transforme un substrat (ß-Gal) en un colorant bleu, qui peut rester confiné au noyau cellulaire lors de l’adjonction au gène d’un signal de localisation nucléaire (nls), augmentant encore la spécificité du marquage. b) Protocoles thérapeutiques Ils reposent sur l’introduction dans le génome de la cellule cible d’un gène hétérologue à prétention thérapeutique, dit gène effecteur. Avec les progrès du projet de séquençage du génome humain, leur nombre, déjà pléthorique, ne cesse de croître. La cancérologie est le terrain de prédilection de la thérapie génique, car il a été jugé éthique d’y tester, dans des protocoles cliniques, des techniques incomplètement validées. De plus, la rareté des modèles animaux, dans cette pathologie, explique que les études sur l’animal y aient été moins achevées que pour les formes galéniques traditionnelles. Les maladies génétiques héréditaires représentent historiquement le premier terrain d’application de la thérapie génique [1]. Treize pour cent des protocoles cliniques concernent les déficits enzymatiques héréditaires uniques (monozygotes). 3. THÉRAPIES GÉNIQUES IN VIVO ET EX VIVO (Fig. 3) La procédure in vivo consiste à administrer le matériel génétique directement dans le tissu cible au sein de l’organisme (comme pour la mucoviscidose). Sa simplicité n’est souvent qu’apparente et son inconvénient majeur est de risquer d’exposer la totalité de l’organisme au vecteur [7]. Dans la procédure ex vivo, les cellules cibles sont modifiées en dehors de l’organisme où elles sont ensuite réimplantées (dans le cas de la moelle osseuse par exemple). On attend de l’imposante lourdeur des manipulations alors nécessaires une transduction à la toxicité diminuée et au rendement augmenté. 4. VECTEURS DE THÉRAPIE GÉNIQUE a) Généralités Le gène doit être, en règle générale, véhiculé jusqu’à la cellule cible par un vecteur (Tableau 1). Celui-ci, viral ou inerte, doit être sûr et efficace, c’est à dire promouvoir l’interaction spécifique avec la cellule cible (ciblage cellulaire), la pénétration intra-cytoplasmique et le transport du gène jusqu’au noyau [8, 9, 10]. 2 1 3 4 Figure 3: La thérapie génique in vitro sert à valider le principe d’efficacité et de spécificité. Une fois cette étape franchie, l’op tion de thérapie génique in vivo suppose une mise en contact direct du vecteur avec l’organe cible, alors que l’option ex vivo pro pose une étape intermédiaire in vitro avant ré-implantation des cellules cibles. 1026 Tableau 1: Caractéristiques des principaux vecteurs de gènes (d’après F.W. Anderson et P. Moullier). TYPE YPEDE DEVECTEUR VECTEUR T RÉTROVIRUS ÉTROVIRUS R ADÉNOVIRUS DÉNOVIRUS A ADENOVIRUS DENOVIRUS A -- HERPES ERPESVIRUS VIRUS H LIPOSOMES IPOSOMES L ASSOCIATEDVIRUS VIRUS ASSOCIATED (AAV) (AAV) Taille maximale du gène transportable (en kilobases) Limitée (8 kb) 35 kb Limitée (4,8 kb) 30 kb Limitée TITRE DE FAIBLE. ELEVÉ. ELEVÉ. FAIBLE. ELEVÉ. Cellules cibles Seulemement en division active Quiescente ou en division Quiescente ou en division Quiescente ou en division Quiescente ou en division Administration ex vivo ou in vivo ex vivo ou in vivo ex vivo ou in vivo ex vivo ou in vivo ex vivo ou in vivo Expression du gène Stable Transitoire Probablement stable Transitoire Transitoire Taux d’expression du gène Modéré Elevé Modéré Modéré Modéré Risques Probablement mutagène Très immunogène Probablement mutagène Probablement mutagène, neuro-toxicité Néant Avantages - Pénétration efficace - Absence de séquence sauvage résiduelle - Peu immunogènes - Tropisme large. - Capacité de transport élevée - Titres de solution élevés - Non pathogènes - Absence de séquence sauvage résiduelle - Titres de solution élevés - Tropisme neurologique - Non toxiques - Non pathogènes - Titres de solution élevés Immunité pré-existante chez l’hôte Non Oui Oui Oui Non Recombinaison avec l’hôte Improbable Possible Improbable Possible Improbable Recombinaison avec un virus sauvage Improbable Possible Possible Possible Improbable LA SOLUTION . 1027 La pathologie guide le choix du vecteur. Une maladie héréditaire contraint à la correction à vie. Le vecteur se devra d’être efficace pour atteindre, soit un grand nombre de cellules matures à longue durée de vie (comme les hépatocytes), soit de rares cellules souches capables de reconstituer l’ensemble du tissu (comme les cellules souches hématopoïétiques). Il devra, de plus, permettre l’intégration dans le génome de la cellule hôte pour assurer une expression stable du gène transduit, longtemps après son transfert. En revanche, une maladie acquise ne peut nécessiter qu’une expression transitoire. Le vecteur doit remplir les mêmes conditions d’efficacité de transduction, mais son expression extra-chromosomique (episomale) est suffisante, dispensant théoriquement d’une intégration au génome hôte (une expression épisomale s’éteint progressivement, car elle ne se transmet qu’à une des deux cellules filles après division de la cellule infectée). d’amputation du génome viral (délétion) présente deux avantages. Premièrement, elle fournit de l’espace pour insére r le gène à transporte r. Deuxièmement, elle rend le vecteur défectif pour toute réplication en dehors de sa lignée d’encapsidation. Toutefois cette sécurité n’est pas absolue. Le vecteur peut retrouver ses capacités de multiplication, s’il infecte une cellule, déjà infectée par le virus sous sa forme sauvage. Ce risque, quoi que très faible, incite à tendre vers une délétion maximale du génome des vecteurs (Tableau 1). Enfin, quel que soit le vecteur, sa production industrielle doit être non seulement fiable, mais aussi rentable au regard du marché potentiel (Fig. 4). Ies rétrovirus sont les vecteurs choisis dans 37% des protocoles cliniques [11]. Ils sont généralement dérivés des rétrovirus de la leucémie murine (MLV), notamment le virus de MOLONEY [12]. Ce sont de petits virus à ARN simple brin. Ils sont délétés de la région “gag-pol-env” codant pour les protéines enzymatiques et structurales. Ils possèdent une propriété d’intégration obligatoire dans le génome de la cellule dans laquelle ils pénètrent, mais uniquement si celle-ci est en cours de division. Une fois le génome du virus intégré, la transcription du gène qu’ils portent peut fonctionner de manière autonome, si on lui a associé un promoteur spécifique [12, 13]. Tous ces objectifs sont, à l’évidence, difficiles à atteindre, car l’organisme humain a développé, depuis plusieurs milliers, voire millions d’années, un système de protection contre toute introduction d’ADN étranger dans son génome. Seuls les virus ont acquis la propriété de déjouer ce système, c’est pourquoi la majorité des vecteurs est issue de cette famille. Les vecteurs viraux utilisent les capacités naturelles des virus à pénétrer dans les cellules et à transférer dans le noyau leur matériel génétique. Les virus sauvages se multiplient et se propagent au détriment des cellules qu’ils infectent. Pour supprimer leur faculté délétère de multiplication, il a fallu les transformer, en substituant la région de leur gé nome indispensable à leur réplication. Parallèlement, cette région indispensable substituée, est introduite dans le génome d’une lignée cellulaire, choisie pour ses capacités à être infectée par le type de virus considéré (lignée dite permissive pour le virus). Cette lignée devient ainsi “transcomplémentaire” pour le génome viral modifié et sera appelée lignée d’encapsidation (c’est à dire que le virus y trouvera le complément de son génome tronqué). Elle sera utilisée pour assurer la production du vecteur, qui aura donc à sa disposition les protéines nécessaires à sa réplication, que son génome, amputé, n’est plus capable de traduire. Cette technique Il est à noter que le choix de la lignée d’encapsidation est essentiel, car les lignées d’origine murine produisent des vecteurs très immunogènes (car ils portent des protéines de Souris). Ils sont donc rapidement éliminés, contrairement aux vecteurs produits dans des lignées de primates ou humaines. b) Les Rétrovirus (Fig. 5a et 5d). Les avantages de ces virus sont une grande efficacité d’intégration et une stabilité d’expression, même après division de la cellule infectée. Leurs inconvénients sont nombreux, sans être rédhibitoires. L’impossibilité d’infe cter des c ellules quiescentes ou à renouvellement lent est un vrai handicap, que n’auraient pas les membres de la famille des lentivirus (dont les plus connus sont les VIH 1 et 2 [14]. Toutefois, aucun résultat probant en la matière n’a été publié [15]. Leur incapacité à véhiculer de longs inserts est en revanche en voie de solution [16], de même que leur production à des titres significativement élevés. En outre, toutes les cellules cibles, y compris en division, n’expriment pas toujours très fortement les récepteurs au MLV [17]. Des cellules situées sur leur voie d’administration peuvent, en revanche, exprimer ces mêmes récepteurs et 1028 Gène thérapeutique Virus amputé de son gène de réplication Cellule permissive Gène viral de réplication Cellule transduite VIrus THérapeutique Capsule virale vide Lignée d’encapsulation Production de virus thérapeutiques Figure 4: La production de virus thérapeutiques est réalisée in vitro et par complémentation afin de supprimer leurs propriétés pathogènes d’origine. 1029 ainsi “consommer” le vecteur si celui-ci les infecte. De plus, ils présentent une sensibilité particulière au complément sérique. Ces deux particularités expliquent, en partie, qu’ils soient surtout utilisés dans des protocoles ex vivo. Mais le risque majeur qu’ils présentent est l’induction d’une tumeur dans l’organisme qu’ils infectent. Deux mécanismes sont incriminés. Premièrement, si l’on utilise accidentellement un lot contenant un virus compétent, ou si le virus défectif se recombine avec un virus sauvage déjà présent dans la cellule [18], l’organisme hôte peut être soumis aux mêmes risques que ceux d’une infection sauvage. Mais ce risque est considéré comme très faible [19, 20]. Deuxièmement, l’intégration aléatoire du vecteur dans une région dite sensible du génome peut réactiver l’expression d’un oncogène, ou altérer celle d’un gène suppresseur de tumeurs. Ces éventualités, non seulement, n’ont jamais été observées expérimentalement,ce qui peut être expliqué par le fait que l’engagement dans la voie tumorale nécessite une accumulation de mutations [21]. c) Les Adénovirus (Fig. 5b, 5c) Les adénovirus sont utilisés dans 20% des protocoles cliniques [11]. Virus à ADN bicaténaire de grande taille, leur génome complexe est délété des régions nécessaires à la réplication (E1, E2, E3 et plus récemment E4 [22]). Leur production peut atteindre des quantités élevées, mais elle sera d’autant moins efficace que la délétion du génome sera étendue. De plus, certaines séquences du génome adénoviral masquent l’infection au système immunitaire, alors que d’autres séquences participent à la stabilité de l’ensemble du génome transduit dans la cellule hôte [23]. Malgré cela, la production d’adénovirus très remaniés permet de tendre vers le vecteur “idéal” [24, 25, 26, 27]. Leurs avantages reposent sur une grande capacité de transport, tant par la longueur des inserts, que par la grande variété des types cellulaires infectables, quelque soit leur état de prolifération. Leurs qualités en font des candidats de choix pour la thérapie génique in vivo. En revanche, si un grand nombre de types cellulaires sont permissifs pour les adénovirus, leur sensibilité à l’infection est faible, rendant nécessaire le recours à des titres de solutions virales élevés. Or les fortes concentrations virales sont toxiques (par l’intermédiaire de leur capsule) pour les cellules exposées. L’expression, par les cellules hôtes, de peptides viraux les rend responsables de l’acquisition d’une immunité humorale qui limitera la ré-administration du même type de vecteur [28, 29, 30]. Cet inconvénient majeur a conduit à produire des virus dits «gutless» [31], c’est à dire n’exprimant plus d’antigènes viraux. Les résultats sont très contradictoires chez l’animal (l’immunogénicité et la stabilité d’expression variant en fonction de l’origine exacte du vecteur, de la nature du tissu cible et de la nature de l’insert). Même ceux obtenus chez le primate sont peu transposables chez l’homme. Enfin, il a été attribué aux adénovirus recombinants la capacité d’induire l’apoptose (ensemble bien défini de phénomènes biologiques assimilables à la mort cellulaire par suicide) [32]. Cette immunogénicité des adénovirus a été responsable du premier et seul décès recensé en thérapie génique qui lui soit directement imputable . d) Les autres vecteurs viraux (AAV, Herpès virus, virus Hybrides). Les virus associés aux adénovirus (AAV) sont des Parvovirus, virus à ADN simple brin non pathogènes pour l’homme, que l’on estime présents dans 80% de la population. Ils sont utilisés dans 0,9% des protocoles cliniques et sont spontanément déficients pour la réplication. Pour toutefois mener celle-ci à bien, ils doivent être aidés par un adéno ou un herpès virus. Ils peuvent infecter des cellules quiescentes, mais alors ils ne s’y intègrent pas. Lorsqu’ils s’intègrent, à l’état sauvage, c’est dans une région constante du chromosome 19. Cette capacité est perdue par les AAV recombinants [33], qui s’intègrent avec une faible efficacité et dont l’activité du transgène est alors dépendante de facteurs exogènes, difficilement utilisables en clinique [34]. Les herpès virus sont surtout intéressants pour leur neurotropisme, mais ils sont d’un maniement difficile. Un gros potentiel réside, en fait, dans les systèmes hybrides, où un vecteur adénoviral, à la manière d’un cheval de Troie, serait utilisé pour transporter un vecteur rétroviral dans une cellule non permissive pour les rétrovirus [35]. e) Les vecteurs non viraux (Fig. 6) Ce sont les vecteurs chimiques et les liposomes [36, 37, 38, 39], qui, en se liant à l’ADN, provoquent sa condensation. Leur internalisation, ou pénétration intra-cellulaire, se fait par des mécanismes naturels 1030 Capside Enveloppe Capside ARN Figure 5a : Un rétrovirus. Virus à ARN avec envellope lipidique Figure 5c: Un adénovirus. Virus à ADN sans enve loppe Figure 5d : Rétrovirus recombinant Figure 5b: Constuction d’un adénovirus recombinant 1031 LES ADÉNOVIRUS SONT-ILS DANGEREUX ? Les circonstances du premier décès imputable directement à la thérapie génique, survenu en Septembre 1999, doivent être expliquées. Ce jeune patient était atteint d’un déficit congénital en ornitine carbamyl transférase ou OCT (enzyme hépatique du cycle de dégradation de l’azote). Il participait à un essai de phase I qui testait un adénovirus défectif porteur du gène de l’OCT. Il reçut, à cette occasion, la plus forte dose virale du protocole, ce qui déclencha une réaction immunitaire généralisée si intense qu’elle lui fut fatale en 72 heures. Cet accident fut à l’origine de la fermeture du centre universitaire où il eut lieu et de la défiance que subit, actuellement, la thérapie génique dans son ensemble. Un procès fut intenté, dont le jugement infligea de lourdes amendes au centre d’expérimentation. Les expérimentateurs furent reconnus coupables, premièrement, de ne pas avoir déclaré, chez deux patients précédant, l’élévation anormale des transaminases et, deuxièmement, d’avoir transgressé deux règles du protocole de recherche. En effet, ils avaient, tout de même, administré le virus, bien que l’amoniémie du patient fut au delà des normes définies. De plus, la solution ne fut pas injectée en intra-veineux, selon le protocole enregistré, mais directement dans l’artère hépatique afin, ironie du sort, d’en limiter la diffusion systémique. Si ce décès ne marque pas le coup d’arrêt des essais cliniques de thérapie génique, il a toutefois mis en évidence la fréquence des conflits entre les chercheurs et les industriels. De nombreux expérimentateurs institutionnels sont aussi salariés, actionnaires, voire présidents d’entreprises de bio-technologie. Il en résulte un risque de collusion, de confusion d’intérêts entre scientifiques et financiers, qui peuvent être préjudiciables à la rigueur avec laquelle sont menés certains protocoles. Ce risque est encore renforcé par le coût particulièrement élevé de ces expérimentations et la nécessité de trouver des fonds pour les mener à bien. Cet accident est déplorable, mais l’évaluation de ses conséquences doit être prudente. Il s’agit du tout premier événement sérieux enregistré, alors que plus de 3500 patients participent, ou ont participé à de tels pro- 1032 tocoles. Et ce chiffre serait à interpréter à la lumière des accidents déplorés lors des essais cliniques de médicaments “puissants”. De nombreux experts concluent qu’à l’avenir, non seulement, les expérimentations humaines de thérapie génique devront être plus sévèrement contrôlées, mais encore, que les patients inclus dans ces protocoles devront impérativement souffrir de pathologies extrêmement sévères et lourdement handicapantes, ou avoir une espérance de vie limitée. RÉFÉRENCES: - S. LEHRMAN. Virus treatment questioned after gene therapy death. Nature 1999; 401: 517. - P. SMAGLIK. Tighter watch urged on adenoviral vectors. Nature 1999; 402: 707. - V. BARBOUR. The balance of risk and benefit in gene-therapy trials. Lancet 2000; 355: 384. - M. BALTER. Gene therapy on trial. Science 2000; 288: 951. B. APPLICATIONS DE LA THERAPIE GENIQUE A LA CANCEROLOGIE UROLOGIQUE Figure 6 : Les vecteurs non viraux du type liposome. de la cellule hôte (endocytose non spécifique). Cette internalisation est médiée par un ligand naturel (transférine, asialoglycoprotéine). L’expression de leurs transgènes est transitoire car ils ne s’intègrent pas. Peu toxiques et produits en masse, ils sont très séduisants pour les administrations répétées et sont les vecteurs de 17% des protocoles cliniques [11]. Toutefois, ils atteignent difficilement le noyau et sont victimes d’une très forte captation hépatique [40]. Le développement de la thérapie génique nécessite la mise au point de modèles. Il s’agit, au mieux, d’animaux reproduisant la maladie humaine, issus de la sélection naturelle ou de manipulations génétiques (animaux transgéniques). Les gros animaux présentent l’avantage d’évaluer plus fidèlement la faisabilité d’un passage à l’homme en matière de toxicologie et de tester les risques associés à des voies de délivrance spé cifique s. Mais peu de modèles sont disponibles pour la pathologie cancéreuse (et pour le SIDA). L’extrapolation expérimentale est difficile pour ce qui concerne l’efficacité de la transduction et la réponse immunitaire de l’hôte. Les essais thérapeutiques les plus connus pour le traitement des maladies héréditaires sont les protocoles ex vivo contre le déficit en adénosine deaminase [46, 47] et contre l’hypercholestérolémie familiale par déficit en récepteur des LDL [48, 49] ainsi que les protocole in vivo contre la mucoviscidose [50]et, depuis peu, contre le SCID qui est le premier protocole clinique couronné de succès [51, 52]. 5. MÉTHODES DE DÉLIVRANCE Si les voies d’administration sont spécifiques de chaque organe, les méthodes de délivrances du gène doivent idéalement être les moins agressives possible s, à l’ima ge des technique s urologiques modernes. Plusieurs moyens physiques d’optimisation de la transfection ont été décrits: le canon à gènes [41], l’électroporation [42], la sonication [43] et le laser [44] et la transfection photo-chimique [45]. Toutefois, 27% des protocoles cliniques utilisent une injection intra-tumorale, 16,5% une injection intraveineuse et 12% sous-cutanée [11]. I. STRATEGIES THERAPEUTIQUES 1. STRATÉGIE CORRECTIVE ET PROTECTRICE Malgré l’identification d’anomalies génétiques dans les tumeurs urologiques (mettant en cause des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeurs) et le succès de protocoles in vitro, deux obstacles s’opposent à une approche par thérapie génique corrective exclusive. En effet, la multiplicité des altérations génétiques impliquées dans l’établissement des tumeurs spontanées, d’une part, et l’hétérogénéité génétique des différentes populations cellulaires composant une tumeur spontanée, d’autre part, 1033 nécessitent de transduire un très grand nombre de cellules au sein de ces tumeurs pour en enrayer l’évolution. La stratégie protectrice ne permet pas encore de prévenir l’entrée dans la voie de la cancérogénèse, mais peut déjà protéger des tissus normaux vis à vis des effets secondaires de traitements chimio-ou radiothérapeutiques [53]. 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE ET (FIG . 7) SUICIDE La thérapie génique cytotoxique intéresse 12% des protocoles cliniques. Elle est essentiellement basée sur la transduction de cellules malades par des gènes codant pour des enzymes capables de transformer une pro-drogue en une drogue cytotoxique. Ni le gène, c’est à dire l’enzyme, ni la prodrogue ne sont toxiques séparément. Les plus utilisés sont les gènes de la thymidine-kinase (TK) de l’herpès virus et celui de la cytosine deaminase d’escherichia Coli. Après son introduction dans une cellule cible du gène TK, le gancyclovir Cimevan“, administré par voie galénique classique, est métabolisé en un analogue purique qui s’incorpore à l’ADN cellulaire au cours de sa synthèse. Ceci bloque la réplication et provoque la mort cellulaire. Ce métabolite toxique se diffuse dans les cellules environnantes non infectées, qui en subissent alors les mêmes conséquences. Cet effet de voisinage (effet «by stander») amplifie indirectement le rendement de la transduction [54]. Le gène de la cytosine deaminase permettra, à la cellule dans laquelle il est introduit, de transformer le 5-Fluorocytosine non toxique en 5-Fluorouracil, avec, là aussi, un effet de voisinage [55]. Ce gène a surtout été utilisé pour détruire les métastases hépatiques, mais il semble qu’il induise aussi une résistance tumorale au 5Fluorouracil [56]. Cette stratégie cytotoxique peut être considérée comme spécifique, d’abord en ciblant les cellules tumorales avec le vecteur (par spécificité de liaison vecteur-cellule, ou par injection intra-tumorale) et ensuite en adjoignant au gène “suicide” un promoteur spécifique du tissu cible (par exemple le promoteur du PSA dans le cas de la prostate) [57, 58]. Une approche différente utilise un virus modifié, directement toxique pour les cellules qu’il infecte, si celles-ci présentent une mutation du gène “chef d’or- chestre” du suicide cellulaire (p53). Cette méthode a permis le premier succès de la thérapie génique en cancérologie. Cette voie, en cours de développement dans notre laboratoire, s’est montrée efficace in vitro sur des lignées de cancers prostatiques (résultats non publiés). 3. STRATÉGIE ANTI-SENS (FIG . 8) L’ADN est une double hélice faite de deux brins où chaque base nucléotidique est spécifiquement liée, en vis à vis, à sa base correspondante selon le code génétique. On appelle cela l’appariement. Ainsi, les deux brins sont dits complémentaires. Pour permettre la synthèse protéique, l’hélice d’ADN s’ouvre au niveau d’un gène. Les bases nucléotidiques de l’ADN vont alors s’appareiller à des bases complémentaires libres situées dans le noyau. Ces bases vont ainsi former un brin, unique et court, qui est complémentaire du gène intéressé; c’est la transcription de l’ADN en ARN messager. L’ARN messager sort du noyau vers les ribosomes où il va de nouveau s’appareiller, mais cette fois avec des nucléotides portant les différents acides aminés: c’est l’ARN de transfert. La transformation du code génétique de l’ARN en protéine s’appelle la traduction [59]. La stratégie anti-sens consiste à masquer le code génétique de l’ARN messager. On introduit, dans le noyau de la cellule cible, un nouveau gène, copie conforme en miroir du gène dont on veut inhiber l’expression. La transcription de ce gène “copie” fournira de l’ARN messager, lui aussi copie inverse de l’ARN à neutraliser, c’est à dire qu’il lui sera complémentaire. Il résulte de la présence concomitante de ces deux brins d’ARN complémentaires un appariement qui va masquer le code génétique du gène à inhiber. L’ARN ne peut alors plus être traduit en protéine [60]. 4. STRATÉGIE 9B) IMMUNOMODULATRICE (FIG. 9A , L’hypothèse thérapeutique a été construite à partir de l’obtention de “vaccins” anti-tumoraux chez l’animal [61]. Elle suppose que la sur-expression d’un antigène hétérologue par la tumeur, ou d’une cytokine dans le micro-environnement tumoral, pourraient aider le système immunitaire à reconnaître les antigènes tumoraux spécifiques et à éliminer ainsi la tumeur. 1034 ADENOVIRUS se objective n’a progressé pendant les 5 mois de surveillance. Ces résultats sont bien supérieurs à ceux obtenus avec la seule chimiothérapie. De plus, le virus ONYX-015 ne s’est répliqué que dans la tumeur; aucune trace n’en fut retrouvée dans aucun autre organe. E1B «A smart killer» Les Adénovirus sauvages détournent la synthèse protéique de la cellule qu’ils infectent, se répliquent et lysent cette cellule. La protéine régulatrice virale E1B se lie à la protéine cellulaire p53, afin de l’inactiver et de promouvoir la réplication virale. Sans la protéine E1B, un Adénovirus est incapable de se répliquer; cette caractéristique est utilisée pour construire les vecteurs adénoviraux. Ces résultats constituent le premier succès d’un protocole de thérapie génique en cancérologie. L’association de thérapeutiques classiques et d’un transfert de gène est une voie très prometteuse qui permet de potentialiser l’efficacité de deux stratégies d’action. L’avenir de la thérapie génique en cancérologie passe probablement par de telles associations, tout le moins, tant que durera la phase de mise au point de vecteurs performants. Des chercheurs ont étudié un Adénovirus présentant une mutation du gène de la protéine E1B. Ce virus est appelé ONYX-015; non seulement il peut se répliquer dans les cellules dont la protéine p53 est anormale, mais encore il est inoffensif pour les cellules dont la protéine p53 est normale. Ces observations ont été à la base du traitement expérimental de 30 patients en récidive d’un cancer épidermoïde de la sphère ORL. En effet, une mutation du gène p53 est mise en évidence dans 47 à 70% de ces tumeurs. Le protocole thérapeutique associait une chimiothérapie systémique (cisplatine et 5-fluorouracil) et une injection intra-tumorale unique du virus ONYX-015. RÉFÉRENCES. W.F. ANDERSON : Gene therapy scores against cancer. Nature Med 2000; 6: 862-3. F.R. KHURI, J. NEMUNAITIS, I. GANLY et col : A controlled trial of intratumoral ONYX-015, a selectively replicating adenovirus, in combination with cisplatin and 5-fluorouracil in patients with recurrent head and neck cancer. Nature Med 2000; 6: 879-85. Une réponse objective a été obtenue chez 63% des patients, avec 26,5% de réponses complètes. Des tumeurs jusqu’à 10 centimètres de diamètre ont totalement disparu. Aucun des patients ayant eu une répon- 1035 mais qui est soumise au médicament actif par effet de voisinage (effet “by stander”) Figure 7 : Stratégie suicide de thérapie génique. Le gène transduit code le plus souvent pour une enzyme de conversion d’un pro-médicament en médicament cytotoxique. 1036 Figure 8: Stratégie anti-sens de thérapie génique. Le gène transduit code pour un ARNm miroir (ou anti-sens) qui reconnait son image (ARNm sens) et bloque la traduction ou synthèse protéique. 1037 Figure 9a :Thérapie génique stratégie immunomodulatricepar sur-expression antigénique Figure 9b : Stratégie immunomodulatrice par production de cytokines 1038 La procédure consiste à prélever des cellules tumorales et à les cultiver. On y transfère ex vivo, à l’aide de rétro-virus, le gène thérapeutique [62], on les irradie (pour leur faire perdre toute capacité de réplication) et on les réinjecte (en sous cutané ou dans la tumeur) [63]. Ce protocole a initialement été utilisé pour traiter les mélanomes et les cancers du sein (puis les adénocarcinomes rénaux, vésicaux et prostatiques), permettant ainsi d’observer une diminution de la taille tumorale [64, 65]. Mais cette technique est d’une grande complexité [66]. En vue de la simplifier, donc de la fiabiliser, des protocoles in vivo, par injection intra-tumorale, ont été développés avec succès [67]. Des essais de phase I, pour la sur-expression de l’Il-2 et du GMCSF [68], ont montré l’absence d’effet secondaire dans les cancers du rein et de la prostate [69]. II. UTILISATION EN PATHOLOGIE PROSTATIQUE Plusieurs voies d’administration in vivo ont été testées, la meilleure rentabilité étant obtenue par injection intra-prostatique directe [70]. Les principales caractéristiques des protocoles cliniques sont rappelées dans le tableau 2. 1. STRATÉGIE CORRECTIVE. Le gène p53 est la clef de voûte du système de sauvegarde cellulaire en cas d’altération de l’ADN nucléaire, si bien qu’il est désigné comme le “gendarme” du génome. Il présente des mutations dans environ la moitié des tumeurs solides. En effet, 60% des lignées de cancer de prostate utilisées in vitro pour la recherche présentent de telles mutations [71]. Chez la Souris athymique (nude mouse), la transfection du gène p53 sauvage dans des xénogreffes de lignées p53 déficientes a résulté en une décroissance de tumorigénicité et de prolifération cellulaire [72]. Toutefois, 80% des formes sporadiques de cancer de prostate sont indemnes d’altérations de p53, tempérant ainsi l’interprétation de ces résultats. Ainsi, une étude s’est fixée pour but de corriger les altérations de p16, protéine impliquée dans le système de sauvegarde orchestré par p53. Elle a permis une diminution in vitro et in vivo, chez la Souris nude, de la prolifération cellulaire et de l’augmentation de survie des animaux traitées [73]. 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE . L’injection du gène thymidine kinase (TK), dans une tumeur sous-cutanée chez le Rat, a montré une inhibition de croissance tumorale [74]. La même procédure, dans un modèle de Souris, a mis en évidence l’inhibition de métastases pulmonaires, avec un effet immunomodulateur grâce aux cellules natural killer [75, 76]. Ces résultats ont justifié un essai de phase I pour tester l’injection intra-prostatique directe d’un adénovirus porteur du gène TK (Adv-HSV-TK) [68]. Cette méthode a prouvé sa sûreté pour les patients et le personnel soignant. L’isolement du promoteur du PSA [78, 79, 80] a permis de montrer son androgéno-dépendance et sa spécificité pour les cellules épithéliales prostatiques, in vitro et in vivo [58, 81, 82, 83]. Ainsi, a-t-on réalisé une construction PSA-HSV-TK, c’est à dire un gène TK dont l’expression, sous la dépendance du promoteur du PSA, est strictement confinée à l’épithélium prostatique. Cette construction, insérée dans un adénovirus (Adv-PSA-HSV-TK), a été délivrée dans des modèles murin sous-cutanés d’une lignée androgéno-dépendante (PC3), très agressive et d’une lignée mieux différenciée (LnCaP). Son efficacité a été prouvée sur la diminution de la croissance tumorale et l’augmentation de survie des animaux [84, 85]. Des protocoles de phase I sont en cours, où le promoteur du PSA régule l’expression intra-prostatique de gènes cytotoxiques (TK et cytosine deaminase entre autre) [86, 87, 88, 89]. L’un d’entre eux [89] est parvenu à démontrer l’inocuité d’une telle istratégie par injection intra-prostatique, chez des patients en récidive locale après irradiation. Trois patients ont vu leur taux de PSA décroître de 50% pendant 6 ou 12 mois. Par ailleurs, l’injection répétée d’un Adv-HSV-TK, en intra-prostatique chez 52 patients présentant un adénocarcinome localisé, ne s’est compliquée que d’effets secondaires transitoires [90]. D’autre s stra tégies mérite nt d’être citées, bien qu’elles ne se soient pas montrées probantes tant in vivo qu’in vitro. Un adénovirus a été modifié, afin qu’il ne puisse se répliquer que dans les cellules prostatiques, où il est cytolytique [91]. Une étude de phase I a testé, dans des métastases osseuses, un gène suicide sous le contrôle du promoteur de l’ostéocalcine [92] ou de la kallikréine 2 [93], ainsi que sous celui d’un promoteur sensible à la chaleur, permettant de commander l’expression du gène en chauffant le tissu infecté [94]. 1039 Tableau 2 : Protocoles cliniques de thérapie génique du cancer de prostate (selon M.S. Steiner). Phase du protocole Type de vecteur Gène transféré Mode de transfert Type stratégie Lieu de transfert I/II Rétrovirus GM-CSF Ex vivo Protectrice I/II Rétrovirus I 1-2 + INF- Ex vivo Immunomodulatrice I Rétrovirus myc anti-sens In vivo Intra-prostatique Anti-sens I Pox virus PSA In vivo Intra-dermique Immunomodulatrice I AAV et Liposome Il-2 Ex vivo Immunomodulatrice I Adénovirus HSV-TK In vivo Intra-prostatique Cytotoxique I Pox virus PSA In vivo Intra-dermique Immunomodulatrice I/II Pox virus PSA In vivo Intra-dermique Immunomodulatrice I Liposome Il-2 In vivo Intra-tumoral Immunomodulatrice I Adénovirus HSV-TK In vivo Intra-prostatique Cytotoxique I Adénovirus p53 In vivo Intra-tumoral Cytotoxique I/II Rétrovirus GM-CSF Ex vivo Protectrice I/II Adénovirus p53 In vivo Intra-prostatique Cytotoxique I/II Adénovirus HSV-TK In vivo Intra-prostatique Cytotoxique I/II Pox virus Il-2 Non précisé Immunomodulatrice I/II Adénovirus p16 In vivo Intra-prostatique Cytotoxique I Adénovirus HSV-TK sous la dépendance du promoteur de l’ostéocalcine In vivo Intra-tumoral Cytotoxique I Adénovirus Réplication virale lytique dans les cellules exprimant le PSA In vivo Intra-prostatique Cytotoxique 1040 3. STRATÉGIE IMMUNOMODULATRICE 1. STRATÉGIE CORRECTIVE Le gène de l’Interféron- , cytokine fortement impliquée dans les phénomènes inflammatoires, a été testé en transfection rétrovirale hétéro et orthotopique sur la lignée PC3, très métastatique. Il a été observé une réduction de l’indice de prolifération cellulaire, une diminution du potentiel métastatique de la tumeur et une diminution de la néo-angiogénèse, phénomènes accompagnés d’un effet “by stander“ [95]. Les cibles potentielles sont nombreuses [106]. Quant à la transfection adénovirale du gène du “Tumor Necrosis Factor ” (TNF- ) elle sensibilise les cellules PC3 à la radiothérapie [96]. Dans un modèle sous-cutané (lignée MatLyLu) chez le Rat Dunning (R3327), la transfection rétrovirale du gène de l’Il-2 ex vivo a permis la disparition de la tumeur et l’obtention d’une vaccination anti-tumorale [97]. Le GM-CSF s’est montré aussi efficace pour conférer une immunité anti-tumorale [98]. Toutefois, l’efficacité est moindre dans les modèles orthotopiques [99]. Un protocole de thérapie génique ex vivo est en cours de phase I; il consiste en l’injection de cellules d’une lignée prostatique humaine (LNCaP) irradiées et modifiées pour produire à la fois de l’IL-2 et de l’INF- [100]. Selon le même raisonnement, un protocole de phase I a obtenu une réponse lymphocytaire B et T après vaccination par des cellules prostatiques autologues irradiées et modifiées pour produire du GM-CSF [101]. L’essai, probablement le plus intéressant, a utilisé un adénovirus porteur du gène de l’interleukine 2 (Il-2), chez des Souris porteuses d’une tumeur orthotopique et de métastases pulmonaires. L’injection du virus dans la tumeur primitive a amené, non seulement une réduction de 50% de la tumeur primitive et un allongement de la survie des animaux, mais encore une disparition des métastases pulmonaires [102]. III. UTILISATION EN PATHOLOGIE VESICALE La voie d’administration intra-vésicale est simple, malgré l’importante quantité de vecteur qu’elle nécessite. Mais l’infection rétrovirale est faible [103] et les lignées tumorales n’expriment que peu de récepteurs membranaires aux adénovirus [104]. La récente obtention d’une amélioration du rendement de l’infection adénovirale reste à confirmer [105]. Des altérations du gène du rétinoblastome (Rb, gène suppresseur de tumeurs) sont impliquées dans le développement tumoral vésical [107, 108]. Ainsi, une stratégie de remplacement par un Adv-Rb, dans une lignée déficiente, a permis une diminution de la synthèse d’ADN et de la prolifération cellulaire. Mais certaines lignées transfectées avec le gène Rb restent malignes [109]. Ces observations sont en faveur du caractère tardif des altérations de Rb, qui ne seraient que les marqueurs d’une agressivité tumorale particulière, et par là même, n’en feraient pas des cibles idéales [110, 111]. En revanche, les altérations du gène p53 sont des événements précoces de la tumorigénèse vésicale [112]. Un Adv-p53 s’est montré efficace, non seulement in vitro, mais aussi en injection intra-tumorale, dans un modèle sous-cutané murin, sur la diminution de la croissance tumorale et sur l’augmentation de la survie [113]. La protéine p21, comme p16, est impliquée dans le système de sauvegarde cellulaire commandé par p53. Le gène p21 est exprimé de façon très hétérogène par les cellules vésicales tumorales. Ainsi, la surexpression de p21, porté par un adénovirus, a stoppé la croissance tumorale (sans toutefois induire de mort cellulaire) [114]. 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE . La transduction du gène TK a diminué d’un facteur dix le taille tumorale dans des modèles murins [115, 116]. Ces résultats ont été confirmés avec un AdvHSV-TK en administration orthotopique. Mais l’infection se limitait aux couches superficielles [117]. 3. STRATÉGIE ANTI-SENS L’expression de l’oncogène c-myc est responsable de la résistance au cisplatine. Elle est corrélée à la progression des tumeurs de vessie. La transfection du gène anti-sens de c-myc a permis de restaurer une sensibilité au cisplatine à une lignée cellulaire vésicale tumorale exprimant c-myc [118]. Ce protocole apparaît très prometteur. 4. STRATÉGIE IMMUNOMODULATRICE . Des travaux initiaux ont montré qu’un BCG modifié pouvait exprimer le gène de l’Il-2 [119, 120]. 1041 Depuis, des preuves de l’efficacité d’une combinaison d’immunothérapie intra-vésicale standard et de thérapie génique se sont accumulées [121, 122]. L’étude d’un modèle murin othotopique a fourni des résultats prometteurs. Le protocole consistait en la transduction ex vivo par des liposomes porteurs soit du gène de l’Il-2, soit du gène de la protéine B7 du complexe majeur d’histocompatibilité. Les cellules étaie nt ensuite réinjectées en intra-péritoné al. L’expression du gène de l’Il-2 doublait la survie des animaux. La co-expression des gènes de l’Il-2 et d’HLA-B7 obtenait 75% de rémission complète durable et la durée de survie des animaux était supérieure à celle observée lors de l’expression isolée du gène de l’Il-2 [123]. La production locale d’Il-2, par infection ex vivo avec un rétrovirus, présente un effet antitumoral sur un modèle murin de xénogreffe. Cet effet, potentialisé par la co-injection d’Il-18, serait médié par l’INF- [124]. L’administration intra-vésicale d’un Herpès virus-Il-2 a permis une infection efficace et l’obtention de taux urinaires élevés d’Il-2 [125]. Un essai de phase I, avec administration intra-vésicale de Pox virus, chez des patients devant subir une cystectomie, a confirmé l’absence de toxicité, l’efficacité de l’infection et l’importance de la réponse inflammatoire induite [126]. IV. UTILISATION EN PATHOLOGIE TESTICULAIRE En dépit des anomalies génétiques répertoriées dans les cancer testiculaires [127, 128, 129], la compréhension de leur tumorogénèse n’en est qu’à ses débuts. Si les protocoles de chimiothérapie permettent des taux de guérison élevés, ils sont grevés d’une toxicité médullaire notable. Or, l’introduction ex vivo du gène de résistance à la chimiothérapie (gène MDR1) dans des cellules souches hématopoïétiques peut prévenir de telles complications [86]. Pour autant, il n’est pas prouvé que l’utilisation de plus fortes doses améliorerait les résultats des chimiothérapies. De plus, l’absence de progrès à court terme dans la prévention de leurs autres complications reste un facteur limitant. V. UTILISATION EN PATHOLOGIE RÉNALE La complexité de l’organe autorise plusieurs voies d’administration des vecteurs: artérielle, veineuse rétrograde, urétérale rétrograde, sous-capsulaire et intra-parenchymateuse. L’administration systémique est, elle aussi, envisageable depuis l’identification de séquences spécifiques à l’endothélium rénal [130]. Il apparaît nécessaire de choisir la voie appropriée en fonction du type cellulaire choisi comme cible. Les techniques ex vivo sont l’apanage des études physiopathologiques, quel que soit le type de cellule considéré. L’injection intra-artérielle directe d’un liposome a permis la transfection de 15% des cellules glomérulaires [131]. Un liposome cationique, injecté par voie urétérale rétrograde, a faiblement infecté les cellules tubulaires [132, 133], suffisamment toutefois pour corriger transitoirement un déficit en anhydrase carbonique dans un modèle animal [134]. Si les rétrovirus n’ont montré aucune efficacité dans les reins normaux, les adénovirus s’y sont révélés, en revanche, très intéressants. Leur administration urétérale rétrograde fournit une infection tubulaire marquée [135]. L’injection artérielle sans clampage ne donne qu’une faible infection tubulaire, alors que le clampage avec réfrigération et utilisation de vasodilatateurs permet une infection des cellules de la médullaire externe [136]. Deux équipes ont utilisé une technique de perfusion continue de solution virale sur rein isolé, porcin pendant 12 heures et humain pendant 48 heures. L’infection a intéressé, chez le Porc, les cellules glomérulaires [137] et, chez l’Homme, les cellules tubulaires, surtout corticales [138]. 1. STRATÉGIE CORRECTIVE. Le cancer du rein est un modèle privilégié de thérapie génique corrective grâce aux progrès dans la compréhension des mécanismes moléculaires de sa cancérogénèse et à l’implication dans celle-ci des altérations du gène de la maladie de VON HIPPELLINDAU (gène VHL) [139, 140, 141]. Certaines mutations avérées de ce gène ne conduisent pas systématiquement au développement d’une tumeur [142]. Elles impliquent d’autres facteurs génétiques ou des facteurs épigéniques [143], qui restent tout de 1042 même fidèle au modèle de KNUDSON. Toutefois, l’inactivation fonctionnelle ou la perte des deux allèles du gène VHL sont observées dans la majorité des cancers du rein à cellules claires [144]. La perte d’hétérozygotie au locus VHL suggère que l’inactivation de la protéine du gène VHL est une étape précoce de l’établissement de ces tumeurs, conférant au gène VHL le rôle de gardien «gatekeeper» de la voie de la transformation (par analogie avec le rôle du gène APC dans la carcinogénèse colo-rectale). Le gène VHL est impliqué dans le développement et la différenciation des tubules rénaux. Il régule le niveau d’expression de nombreux facteurs de croissance (VEGF, le transporteur de glucose GLUT-1, PDGF, TGFß, …). Ces régulations expliquent le caractère hyper-vasculaire de ces tumeurs et permet de leur supposer un rôle dans la réponse au stress, comme le stress lié à une diminution de la pression partielle en oxygène. La production de haut niveaux de VEGF et de GLUT-1 en conditions normoxiques par les cellules ayant perdu les deux allèles VHL renforce cette hypothèse (R1). Seule la réintroduction de la forme sauvage du gène VHL dans ces cellules permet de retrouver une production de VEGF et de GLUT-1 inductible par l’hypoxie. L’ hypervascularisation de ces tumeurs résulterait bien de la production de ces facteurs angiogéniques, normalement induits par l’hypoxie sous le contrôle du gène VHL. De même, la réintroduction, au moyen d’un liposome, du gène VHL dans une lignée de cancer du rein déficiente a supprimé spécifiquement la croissance des cellules rénales cancéreuses [145]. Le gène p53 a aussi été impliqué dans la cancérogénèse rénale. Sa transduction par un liposome a, in vitro, diminué la croissance tumorale et a, in vivo dans un modèle de xénogreffe murine, diminué le nombre de métastases pulmonaires, sans qu’aucun effet sur la tumeur primitive ne soit mis en évidence [146]. L’administration systémique du liposome-p53 ne transduit pas significativement la tumeur primitive du fait d’une importante captation hépatique [147]. Un Adv-p53, injecté dans une tumeur (lignée Renca) chez le Rat, a diminué la prolifération cellulaire avec un effet «by stander» [148]. 2. STRATÉGIE CYTOTOXIQUE . Parce que le cancer du rein est très richement vascularisé, la stratégie cytotoxique est axée sur l’inhibition de l’angiogénèse tumorale. L’expression du gène de l’endostatine [149], dans un modèle de xénogreffe, s’est montrée efficace. Les cellules de la lignée humaine SN16PM6 sont très tumorigènes et très métasatiques lorsqu’elles sont utilisées en xénogreffes. Toutefois, après leur infection ex vivo par un rétrovirus porteur du gène NOS (codant pour l’enzyme productrice du monoxyde d’azote), cette lignée ne peut donner que de petites tumeurs ne métastasant pratiquement pas [150]. 3. STRATÉGIE ANTI-SENS . Le gène Pax-2 joue un rôle clé dans l’embryogénèse rénale et urétérale. L’inhibition de l’expression de Pax-2, in vitro, par un nucléotide anti-sens a diminué la prolifération d’une lignée tumorale rénale humaine [151]. 4. STRATÉGIE IMMUNOMODULATRICE . La voie de l’immunomodulation a été ouverte par l’administration de la protéine Il-2 en clinique humaine [152]. Une première approche, chez le Rat, montra l’inhibition de la croissance tumorale lors de la co-injection de cellules de lignées tumorales et de ces mêmes cellules transduites ex vivo par le gène de l’Il-2 [153]. L’efficacité était plus grande lors de la production intra-tumorale d’Il-2, que lors de sa sécrétion à distance. Une étude, de phase I/II, utilise un plasmide comme vecteur du gène de l’Il-2. Son administration dans des tumeurs primitives, ayant métastasé, a montré l’inocuité de ces injections. Deux patients sur 18 ont eu leur maladie stabilisée [154]). D’autre part, une équipe a, toujours lors d’un essai de phase I, obtenu, par leucophérèse, des lymphocytes T spécialisés dans la sécrétion de cytokines appelés cytokine induced killers (CIK). Ils les ont transformés à l’aide d’un plasmide afin qu’ils produisent de l’Il-2. Ils ont ensuite réinjecté ces CIK transformés dans le sang périphérique de patients porteurs de cancers rénaux métastatiques chez qui ils avaient été prélevés. Ils ont alors observé une augmentation des taux sériques d’INF- , de TGF-ß et de GM-CSF, ainsi qu’un accroissement des lymphocytes CD3+, sans effet secondaire [155]. Des approches de vaccinations anti-tumorales par Il4, HLA-B7 et INF- se sont toutes montrées prometteuses [156]. Un protocole de phase I chez l’Homme a montré l’absence de toxicité de la thérapie génique ex vivo par transfection rétrovirale du gène du GM-CSF dans des cellules de cancer de 1043 rein. De plus, une réponse partielle a été enregisrée chez un des patients [157]. Enfin, une étude mérite une attention toute particulière. Des tumeurs, établies chez la Souris à partir de la lignée Renca, ont été traitées par le gène de l’Il-12 porté par un vecteur non viral: un polymère de vinyl. L’expression d’Il-12 a entraîné l’augmentation de l’infiltration tumorale par des cellules natural killer, des lymphocytes CD4+ et CD8+, ainsi que la surexpression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité. Non seulement 50% des animaux traités ont rejeté leur tumeur, mais encore il fut alors impossible d’établir de nouvelles tumeurs Renca chez les Souris répondeuses. Elles étaient immunisées contre cette lignée cellulaire [158]. La fibrose interstitielle et glomérulaire observée dans les glomérulonéphrites chroniques reste non réversible malgré les différentes stratégies déployées [164]. 3. INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE. Le maintien d’un taux d’hématocrite de base satisfaisant peut être obtenu par thérapie génique corrective, en exprimant ex situ (dans le foie ou la moelle osseuse) le gène de l’érythropoïétine [165, 166, 167, 168, 169]. L’administration intra-musculaire du gène de l’érythropoïétine féline, porté par un AAV, augmente le taux d’hématocrite de chats normaux pendant 7 semaines [170]. II. IMPUISSANCE C.UTILISATION EN PATHOLOGIE BENIGNE Bien qu’aucune anomalie génétique spécifique ne soit impliquée dans les troubles de l’érection, la thérapie génique n’est pas pour autant exclue de leur prise en charge thérapeutique. I. PATHOLOGIE RENALE La verge, isolable temporairement de la vascularisation systémique par simple garrottage à sa base, est un organe facilement accessible à l’administration de solutions virales. Son faible débit sanguin augmente le temps de contact entre vecteur et endothélium et participe à une expression prolongée du transcrit. 1. POLYKYSTOSE RÉNALE. L’identification des gènes PKD 1 et 2 a suscité des espoirs de thérapie génique correctrice de la polykystose rénale [159, 160]. Mais la longueur du gène PKD 1 (13 Kb) et la nécessité d’une transfection stable et intense restent des obstacles non encore franchis. Le Rat Han:SPRD est un excellent modèle de polykystose rénale dominante [161]. Non seulement l’injection intra-artérielle d’un adénovirus est parvenue à y infecter certains kystes, mais encore, son administration urétérale rétrograde a permis une infection intense du parenchyme, prédominante dans les zones les plus touchées par la maladie [162]. Les protocoles ont pour but de rétablir l’équilibre entre la contraction et la relaxation musculaire. Ainsi, l’injection intra-caverneuse d’ADN nu, codant pour un canal potassique (hSlo), a permis l’augmentation significative de la pression intracaverneuse, pendant l’érection et ce pour une durée de 1 à 3 mois [171, 172]. L’injection intra-caverneuse, chez le Rat, de l’ADN nu du gène NOS a conduit à l’amélioration de la qualité des érections [173]. 2. GLOMÉRULONÉPHRITES . L’implication de médiateurs de l’inflammation et de cytokines dans la physiopathologie des glomérulonéphrites aiguë est établie. Parmi eux, le TGF-ß est prépondérant. Or la décorine est une protéine chélatrice, qui, fixant le TGF-ß libre, diminue ses effets biologiques. L’expression ex situ du gène de la décorine (dans la moelle osseuse) a eut un effet positif dans un modèle de glomérulonéphrite aiguë [163]. III. STENOSES URÉTÉRALE ET URÉTHRALE Le transfert, dans la paroi artérielle, de gènes inhibant l’hyperplasie intimale a ouvert une nouvelle voie dans le traitement de la re-sténose après dilatation des sténoses athéromateuses [174]. Or, le déve1044 loppement d’une fibrose exubérante, entravant la cicatrisation des fibres musculaires, est responsable des échecs (40 à 50%) du traitement endo-urologique des sténoses urétérales. Il est donc apparu que la production locale, par thérapie génique, de facteurs inhibant cette fibrose était une option de choix. Sur un modèle original de re-sténose urétérale chez le Porc [175], un adénovirus a été délivré par voie endo-urétérale au cours même de la dilatation de la sténose. Cette procédure a permis l’expression, dans des cellules stromales enserrées par la fibrose, du gène porté par l’adénovirus [176] Par analogie, sur un modèle original de sténose uréthrale chez le lapin, la même procédure a montré la faisabilité du transfert de gène au sein de la fibrose par un vecteur, adéno ou rétroviral [177]. Ces résultats laissent entrevoir des perspectives novatrices pour le traitement des processus fibrotiques pathogènes, tant urétéraux qu’uréthraux. D. TRANSPLANTATION La prévention du rejet par thérapie génique présente l’avantage de pouvoir produire la molécule in situ, limitant ses complications somatiques et réduisant les doses nécessaires [178]. La première stratégie a été de bloquer la réponse lymphocytaire T par sur-expression du ligand de Fas dans le transplant [179]. En effet, le gène Fas est activé au cours de l’activation lymphocytaire T. Dans ces conditions, la liaison de Fas avec son ligand est inductrice d’apoptose [180], alors que la co-expression de Fas et de son ligand, observée dans le rein normal, n’y induit pas d’apoptose [181]. Mais cette même co-expression, lorsqu’elle a lieu dans les îlots pancréatiques b, induit, cette fois encore, une apoptose [182]. De plus, l’expression isolée du ligand de Fas, dans les îlots pancréatiques, induit une infiltration neutrophilique massive qui les détruit [183]. Le blocage lymphocytaire T peut être obtenu par le blocage de leur co-stimulation. Cette co-stimulation est essentiellement induite par l’interaction entre la protéine HLA-B7, exprimée par les macrophages activés, avec la protéine CTLA4, exprimée par les lymphocytes T. Le masquage d’HLA-B7 par des protéines solubles, obtenues par fusion de CTLA4 avec une immunoglobuline, a prolongé la prise de greffes allo et xénogèniques [184]. Un foie allogénique, transfecté par le gène de la protéine de fusion CTLA4-immunoglobuline porté par un adénovirus, a été protégé du rejet [185]. Cette même stratégie a connu un succès semblable dans un modèle de transplantation pancréatique [186]. Une autre stratégie de tolérance consiste à faire exprimer chez le receveur, avant la transplantation, les protéines du CMH I ou II du donneur. La réinjection de fibroblastes, transfectés ex vivo par les gènes du CMH du donneur, a induit une suppression de la réponse immunitaire dans la transplantation cardiaque a llogénique c hez la Souris [187]. L’injection intra-thymique, chez le receveur, de myoblastes, transfectés par les gènes du CMH I du donneur, a permis une suppression immune spécifique lors de la transplantation allogénique chez le Rat [188]. Enfin, l’expression du gène du TGF-ß1, par un transplant cardiaque, a allongé significativement sa tolérance en allogreffe chez la Souris, sans altérer pour autant l’immunité systémique [189]. Cette stratégie a obtenu les mêmes résultats sur la survie de greffes d’îlots pancréatiques [190, 191]. E. CONCLUSION Cet aperçu confirme la place grandissante que prend la thérapie génique dans les domaines d’application de l’urologie. S’il est fréquent d’entendre qu’aucun protocole clinique de thérapie génique n’a prouvé d’efficacité thérapeutique, en dehors d’anecdotiques améliorations individuelles, il ne faut pas omettre de rappeler que plus de 77% de ces protocoles sont en phase I, c’est à dire, et par définition, des études de faisabilité, de pharmacocinétique et de toxicologie. Ils n’étaient donc pas élaborés en vue de prouver leur potentiel thérapeutique. Cependant, le premier succès semble bien avoir été obtenu par une équipe française [52]. Bien avant qu’un patient ait pu être guéri grâce à elle, la thérapie génique avait déjà largement participé à la compréhension de nombreux processus biologiques et l’un de ses mérites les plus remarquables est de rapprocher chercheurs fondamentalistes et cliniciens. 1045 Et les cliniciens auront, eux aussi, très bientôt à leur disposition cette nouvelle arme thérapeutique qui, si elle n’est encore qu’une forme galénique, est appelée à devenir, lorsque la régulation fine des gènes et la réparation de l’ADN seront maîtrisés, le véritable “médicament absolu”. REFERENCES 1. 2. W. APHOSIAN : Human gene therapy. Science 1970; 14: 987. M.R. BLAESE, K.W. CULVER, D.A. MILLER et col : T lymphocytes-directed gene therapy for ADA SCID: initial trial results after 4 years. Science 1995; 270: 475. 3. S,H, ORKIIN, A.G. MOTULSKY : Report and recommendations of the panel to assess the NIH investment in research on gene thera py. http//:www.nih.gov/news/panelrep. html. 4. E.D. ZANJANI, W.F. 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