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A son tour, ce pessimisme conduit à l'une ou l'autre des deux conclusions
suivantes. Pour certains méthodologues les économistes doivent adapter
leur pratique aux principes de l’activité scientifique (tels que les voient
ces méthodologues). Pour d'autres, les économistes peuvent continuer à
faire ce qu’ils font mais on doit cesser d'interpréter leur activité comme
scientifique.
Je crois qu'il faut refuser cette alternative, mais il y a plusieurs
façons de le faire. Celle que je voudrais défendre ici consiste dans un
programme de recherche méthodologique et épistémologique reposant sur
trois principes euristiques.
Premièrement, il faut partir du postulat selon lequel, dans ses
grandes lignes, la démarche suivie par les économistes (telle qu'elle
s’exprime par exemple dans le contenu des grandes revues scientifiques)
est appropriée ou correcte, ce qui signifie qu'il faut exclure tout appel à un
changement de pratique. Ce postulat n’est pas nécessairement la
conséquence d'une définition de la méthodologie (on peut vouloir la définir
comme normative), ni le reflet d'une croyance dans le caractère approprié
de ce que font les économistes (on peut souhaiter qu'ils se comportent
autrement). Il est fondé sur le pari stratégique qu'en le respectant on aura
une meilleure chance de découvrir des choses nouvelles et éclairantes. En
cela, il est semblable à la stratégie du situationnisme logique préconisée
par Popper: postulons la rationalité et faisons varier autant que nécessaire
les caractéristiques attribuées à la situation (cf. Hands [1985], et sa
bibliographie). Il y a deux raisons d’entretenir l'espoir que cette stratégie
sera féconde. D’abord, de façon générale il paraît toujours préférable de
comprendre avant de critiquer. Ensuite, jusqu'à maintenant, on a surtout
fait l’inverse, ce qui a, je crois, conduit à des rendements décroissants de
la réflexion méthodologique sur l'économique. On peut espérer que le
respect du postulat la fera entrer au moins pendant un certain temps dans