Grande Conférence de la Santé Recueil de positions de la FAGE sur l’organisation des études en santé Introduction La Grande Conférence de la Santé, vient conclure plusieurs mois d’échanges sur l’avenir de l’exercice des professions de santé et par conséquent sur l’évolution des formations en santé. La Fédération des Associations Générales Etudiantes – FAGE – a pris part activement aux réflexions menées dans ce cadre afin de promouvoir une réforme ambitieuse visant à faire évoluer les formations de santé de sorte qu’elles répondent tant à des besoins sociaux relevant du statut d’étudiant qu’à l’impératif de santé publique d’avoir des professionnels de santé qualifiés et coordonnés. Consciente que seule une réforme prenant en considération ces deux impératifs pourra renforcer le contrat social et répondre aux impératifs auxquels la santé fait face, la FAGE a tenu à mettre en exergue des défaillances des formations en santé ainsi que les leviers employables pour y répondre. L’évolution des pratiques, si elle ne peut être pleinement anticipée, se voit marquée par de multiples tendances et doivent donc être prises en considération en vue de l’élaboration d’une réforme visant à organiser les études de santé de manière pérenne. Des enjeux sociaux… La diversité des formations en santé est une richesse en ce qu’elle permet des activités complémentaires pour accompagner les patients. Pour autant, elle est également source de multiples écueils. Force est de constater que les formations sanitaires et sociales, de par leur organisation incarnent un enseignement supérieur à deux vitesses. Ces formations, dont l’offre de formation initiale est définie, et répartie par les Régions se retrouvent avec des centres de formation parfois situés sur des zones inadéquates en ce qu’elles sont vues comme des outils de développement territorial ou comme un simple levier politique. Les étudiants au sein de ces sites « délocalisés » se retrouvent ainsi privés de services dispensés par ailleurs par le réseau des œuvres comme la restauration étudiante ou une offre de logement appropriée à leur situation. Si l’on note l’absence ou la faiblesse de l’impact de ces mesures au niveau du développement territorial, elles ont des répercussions directes sur les conditions de vie et d’études de ces étudiants. Par ailleurs, la répartition territoriale des lieux de formation ne saurait être justifiée par les besoins de santé des territoires, dans la mesure où les jeunes diplômés sont sujets d’une grande mobilité régionale, nationale voire internationale. En outre, la multiplicité des statuts des centres d’enseignement (universitarisés/non-universitarisés, public/privé à but lucratif ou non) constitue une forte source de disparités. L’absence de cadrage des frais d’inscriptions pour une partie de ces formations a entrainé un réel décalage entre les formations dispensées au sein de l’université dont les frais d’inscription sont cadrés et celles qui sont en dehors. Ce faisant on observe un frein à l’accès à ces formations sur la base du capital économique dont disposent les étudiants qui sont amenés à s’endetter afin de financer leur formation, dont l’apport sociétal est pourtant incontestable. En outre, les étudiants de ces instituts sont amenés à payer des frais à l’université quand il est conventionné en vue d’accéder à tout ou partie des services dispensés par l’université. Outre l’inégalité incarnée par le paiement à deux reprises de frais d’inscription, on observe une inégalité d’accès aux services universitaires (ressources documentaires, sport, culture, santé, etc.). L’intégration des formations de santé au sein de composantes santé des universités ou des regroupements d’universités et d’établissements apparait comme un levier s’il est adossé à un encadrement des frais d’inscription pour répondre à ces problèmes. Elle permettrait en outre une évolution de la gouvernance. A l’heure actuelle, les décisions relèvent d’un pouvoir central dévolu au seul directeur d’institut ou d’école. Avec un mode de gouvernance « universitaire », il y a moins de place aux décisions arbitraires de par la collégialité des décisions qui y sont prises ainsi que par la possibilité d’en faire appel. Enfin, cela permettrait une représentation de ces étudiants au sein des conseils centraux, organes décisionnels des universités, où est notamment discutée la politique en matière de vie étudiante et dont les représentants nationaux sont amenés à discuter de leur maquette de formation. … à l’impératif de préparer les professionnels de santé de demain La Grande Conférence de la Santé s’impose comme un moyen de permettre une réforme de l’architecture des formations de santé en vue de répondre à de multiples enjeux. La configuration de l’offre de formation en santé ne permet pas une lisibilité optimale des différentes formations ni des exercices professionnels associés. Considérant que l’orientation est profondément biaisée en fonction du bagage culturel, ou financier des lycéens, une démarche d’orientation active et de réorganisation des formations serait de nature à permettre de mettre un terme à ces biais, ou du moins, de les limiter. On observe également une absence de connaissance réciproque de l’activité des différents professionnels de santé. Le développement d’enseignements communs aux différentes formations de santé, voire l’émergence d’un tronc commun serait de nature à répondre à de multiples enjeux. Elle permettrait une spécialisation progressive, permettant une orientation construite dans la durée, par la maturation d’un projet professionnel et la découverte des activités correspondantes. L’articulation des formations au sein de cursus universitarisés permet en outre le développement d’activités de recherche dont la finalité permettra de dynamiser l’innovation médicale et de prise en charge des patients. Ces mutualisations permettraient le développement de passerelles entrantes et sortantes, de sorte que les études soient appréhendées sous différents regards et en vue de transférer les compétences développées dans les études de santé au sein d’autres domaines d’activité et inversement. Cet objectif doit également s’inscrire dans une démarche d’actualisation des savoirs et de développement perpétuel des compétences des professionnels. Il convient ainsi de préparer le développement de la formation tout au long de la vie ainsi que le développement professionnel continu, que les universités sont les plus à même d’accompagner en tant qu’actrices de recherches transférables dans le domaine de la santé et permettant de former les professionnels de santé suivant l’état de l’art. Cette spécialisation progressive et l’objectif du développement de l’interprofessionnalité apparaissent comme incompatibles avec la notion de concours dont l’existence met les professionnels de santé en compétition entre-eux et crée une forme de hiérarchisation des professions de santé alors qu’ils sont à l’inverse amenés à coopérer au cours de leur exercice. La promotion de l’interdisciplinarité des enseignements favorisera en ce sens une meilleure connaissance réciproque des champs de compétence des professionnels de santé et permettra aux étudiants de travailler dans une logique coopérative au service du patient plutôt que dans un contexte de concurrence. En outre, cela ôte d’autant les biais sociaux relatifs à l’organisation d’un concours et renforce en ce sens le contrat social. On rappellera à cet égard que le numérus clausus ne permet pas de répondre à la question d’une régulation de la démographie des professionnels de santé, du fait de la multiplicité des facteurs dont elle dépend, ainsi que l’indiquait l’ONDPS dans son rapport de 2013. Dans un contexte de développement de l’espace européen de l’enseignement supérieur, et à l’heure où la France assure le secrétariat de la prochaine conférence interministérielle du processus de Bologne, son maintien parait d’autant plus difficilement concevable. On rappellera que sa régionalisation ne viendrait que déplacer le problème, dans la mesure où l’installation ne dépend pas du lieu d’études. L’interdisciplinarité permet le développement d’une interprofessionalité au service d’un accompagnement efficient du patient. Si la formation est adossée à des évolutions pédagogiques, cela permet de répondre à l’enjeu de démocratisation de l’enseignement par leur réorganisation. Le numérique apparait comme un outil pour permettre de diffuser certains enseignements plus largement, une adaptation des rythmes d’apprentissage, et des simulations. En outre, l’approche par compétences, ainsi que le développement d’approche par projets permet non seulement une meilleure compréhension des compétences attendues pour l’exercice mais également de mettre en situation des futurs professionnels sur l’accompagnement d’un patient autour de mises en situation. Conclusion La Fédération des Associations Générales Etudiantes est profondément attachée à répondre à la fois aux problèmes rencontrés par les étudiants et aux enjeux multiples qui attendent l’organisation des soins de demain. A cette fin, il convient d’entamer une intégration universitaire des formations de santé. Celle-ci permet de répondre à de multiples enjeux sociaux. L’accès à ces formations ne se verrait ainsi plus conditionné à un capital financier ou à un endettement des étudiants. Dans ces conditions, ils pourraient se voir dispenser les mêmes aides sociales que les autres étudiants, ainsi que l’accès aux services de l’université, sans avoir à payer à la fois les frais d’inscription dans leur institut de formation et ceux de l’université. Enfin, le transfert de ces formations sous un mode de gouvernance tel qu’il est conçu au sein des universités limiterait l’impact de décisions arbitraires au profit de décision collégiales avec des voies de recours. En outre, l’organisation en Composante Santé d’une université ou d’un regroupement universitaire permettrait un dialogue entre les différents départements de façon à faire émerger des synergies qui seraient au bénéfice de la formation en santé. L’évolution de l’organisation des formations serait également propice à une meilleure orientation des lycéens, par une amélioration de la lisibilité des parcours. La construction d’un parcours d’études et professionnel au moyen d’une spécialisation progressive et éclairée permet également de mettre un terme à l’orientation par défaut ou en décalage avec les réalités de l’exercice ultérieur dans la mesure où elle s’opère par la maturation d’un projet dans des conditions propices qui ne sont pas permises dans le cadre d’un concours. La mutualisation d’enseignements, l’interdisciplinarité, est conçue comme un réel vecteur d’une meilleure connaissance réciproque entre futurs professionnels de santé et de leur exercice ultérieur. Elle apparait donc comme une réelle opportunité d’améliorer l’interprofessionalité, et par conséquent l’accompagnement des patients. L’interprofessionalité est d’autant plus développée si elle est adossée à une évolution pédagogique, avec l’emploi d’une approche par compétence et d’un apprentissage par projets, valorisant les compétences développées dans les différentes formations de santé. Enfin, l’universitarisation des formations de santé apparait comme une réelle opportunité pour développer l’accès à la recherche des différents professionnels de santé et ainsi comme un levier pour améliorer la prise en charge des patients et les innovations. Elle apparait particulièrement importante dans le contexte où la France se doit d’une exemplarité dans ses formations alors qu’elle se voit assumer la mission du secrétariat de la prochaine conférence interministérielle du Processus de Bologne. Alexandre Leroy Tarek MAHRAOUI Président Vice-président en charge des affaires académiques 06 86 63 41 44 [email protected] 06 33 41 13 53 [email protected]