Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XXI - n° 3-4 - mars-avril 2017
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Homocystinurie, challenges à l’âge adulte
formes syndromiques comme l’acromégalo-gigantisme.
À la différence de cette dernière affection, l’homocysti-
nurie partage avec la maladie de Marfan et le syndrome
de Klinefelter une morphologie disproportionnée (4).
Par ailleurs, elle ne s’associe pas à une dysmorphie,
contrairement aux syndromes génétiques de Sotos ou
de Wiedmann-Beckwith. La taille définitive de Mlle S. est
certes supérieure à la limite supérieure de la normale,
définie par la taille moyenne de la population féminine :
162 cm + 2 écarts types, soit 174 cm. Elle atteint donc
une taille proche de celle des actuelles Miss France,
mais ceci n’a pas de conséquences négatives sur la vie
quotidienne. C’est pourquoi aucune intervention médi-
cale concernant cet aspect n’a été envisagée, d’autant
que, dans ce cadre pathologique, l’axe somatotrope
est fonctionnellement normal (5) et que la patiente
avait des cycles menstruels réguliers depuis l’âge de
12 ans et demi.
Le risque thromboembolique est présent dès le plus
jeune âge et va croissant. Les accidents thrombotiques
sont pour moitié veineux, avec leur risque embolique
(pulmonaire, cérébral), et pour moitié artériels (AVC,
infarctus myocardiques, artériopathie des membres
inférieurs). Avant traitement, une thrombose est retrou-
vée chez 1 patient sur 4 (6). Ce risque justifie à lui seul le
dépistage d’autres facteurs de risque constitutionnels
(mutation de Leiden, par exemple), enquête qui s’est
révélée négative chez Mlle S. La prévention de ces
accidents doit être assurée par le meilleur contrôle
métabolique possible et l’éviction des facteurs favo-
risants. Pour cette dernière raison, la contraception
orale estroprogestative est contre-indiquée chez les
patientes homocystinuriques.
Mlle S., désormais presque trentenaire, vit avec son
compagnon dans un pavillon autonome. La question
de la contraception s’est donc très logiquement posée.
Compte tenu de la contre-indication des estroprogesta-
tifs oraux, les méthodes contraceptives devaient reposer
sur les moyens mécaniques ou sur la contraception
progestative. Aux microprogestatifs a été préférée une
contraception progestative par implant, en raison de sa
simplicité, qui permettait en outre d’écarter les risques
d’oubli ou de mauvaise observance d’un traitement
per os. Cette contraception s’est avérée efficace et
bien tolérée. Elle a induit une aménorrhée, traduction
clinique d’une conséquence normale, le blocage de la
production ovarienne d’estradiol. Dans une situation
à risque d’ostéo porose, il serait en effet préférable de
choisir les méthodes contraceptives ne freinant pas
la production endogène des estrogènes ou reposant
sur une association estroprogestative, afin de ne pas
supprimer leur effet bénéfique sur l’os. Vu le contexte,
cet objectif n’était pas atteignable. Il serait désormais
possible de proposer à Mlle S. la mise en place d’un
dispositif intra-utérin, évitant l’inconvénient osseux
de la méthode contraceptive actuelle.
L’ostéoporose précoce représente, en effet, un des
stigmates phénotypiques de l’homocystinurie. Elle est
retrouvée avant 50 ans chez 38 % des patients éva-
lués (7). Son dépistage fait donc partie de la prise en
charge des patients atteints d’homocystinurie. Mlle S.
a pu bénéficier d’une mesure de la densité minérale
osseuse qui a confirmé, dès l’âge de 20 ans, la présence
d’une ostéopénie modérée tant rachidienne que fémo-
rale (figure 2). Un bon contrôle de l’anomalie biologique
par l’association de règles diététiques (apport adapté
en protéines alimentaires), d’une supplémentation en
vitamines (folates, vitamines B6) et en bétaïne est l’ap-
proche qui a été proposée à notre patiente pour stabili-
ser le capital osseux. C’est donc un compromis incluant
une surveillance précise des paramètres métaboliques
et de la densité minérale osseuse (qui s’avère stable)
qui a été choisi. Le recours aux biphosphonates dans
une telle situation n’apparaît pas avoir été rapporté, à
ce jour, dans la littérature.
Figure 2. Résultats de l’ostéodensitométrie de la patiente alors âgée de 20 ans.
Cet examen objective une ostéopénie modérée tant au niveau du rachis que du col fémoral.