M Homocystinurie, challenges à l’âge adulte Homocystinuria: adulthood challenges

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XXI - n° 3-4 - mars-avril 2017
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Cas clinique
* Service d’endocrinologie,
CHU de Rouen.
Homocystinurie,
challenges à l’âge adulte
Homocystinuria: adulthood challenges
Jean-Marc Kuhn*
M
lle S. est vue pour la première fois en consul
-
tation d’endocrinologie adulte à l’âge de
17 ans. Cette première consultation constitue
le relais de sa prise en charge pédiatrique. Un retard
de son développement psychomoteur a en effet attiré
l’attention dès ses premières années de vie et a amené
à établir le diagnostic d’homocystinurie à l’âge de 2 ans.
Un traitement est alors mis en route, qui contribue à pré-
venir l’apparition de complications. Cette maladie rare
associe, dans sa forme classique et complète, atteintes
ophtalmologique, squelettique, neuro psychique et
vasculaire.
Sans remettre en cause le diagnostic d’homo cystinurie,
biologiquement prouvé, nombre de pièces du tableau
clinique classique s’avèrent manquer chez Mlle S. Alors
qu’une ectopie cristallinienne inférieure (iridodonésis)
est un signe cardinal de l’homocystinurie, la surveillance
ophtalmologique régulière montrera que ses cristallins
restent toujours en place. Ne seront observées aucune des
manifestations squelettiques fréquentes de la maladie :
scoliose, arachnodactylie ou genu valgum. Son retard
intellectuel, d’intensité relativement modérée, n’a pas
empêché l’acquisition de la lecture et de l’écriture.
Aux travaux de ménage et de jardinage qu’elle assure,
elle associe des activités musicales et des randonnées
régulières. Enfin, aucune thrombose vasculaire n’a été
observée, et les résultats du bilan de surveillance cardio-
vasculaire se sont toujours révélés normaux.
Cette maladie rare, sous-tendue par des mutations très
majoritairement privées des gènes CBS (Cystathionine-
Beta-Synthase, 80 % des cas) ou MTHFR (Methylene Tetra-
Hydro Folate Reductase) [1] a, en effet, une expression
phénotypique très variable d’un individu à l’autre.
Certaines formes sont même susceptibles de ne se
révéler qu’à l’âge adulte (2), notamment par des acci-
dents thromboemboliques (3). La prise en charge
endocrinienne et métabolique à l’âge adulte doit donc
être centrée, comme chez l’enfant, sur le maintien du
meilleur contrôle biologique possible et le dépistage
des complications.
Dans le cas particulier de Mlle S., la prise en charge a dû
tenir compte de difficultés particulières : la croissance
staturale, le risque thrombotique, la contraception et
l’ostéoporose.
À l’âge de 17 ans, Mlle S., à l’aspect longiligne, suit
un traitement par acide folique 1,2 mg/j et citrate
de bétaïne 6 g/j. Une supplémentation préalable par
vitamine B6 n’a entraîné aucune baisse du taux des
marqueurs biologiques et a été par conséquent inter-
rompue. Le traitement actuel a permis d’obtenir la sta-
bilité des taux plasmatiques de méthionine (739 μmol/l
[10 ≤ N ≤ 28]) et d’homocystéine (137 μmol/l [N < 15]).
La pression artérielle est mesurée à 120/70 mmHg, et le
reste de l’examen cardiovasculaire ne détecte aucune
anomalie. La patiente pèse 56 kg et mesure 176 cm,
chiffre proche de ce que sera sa taille définitive (179 cm).
Durant sa croissance, ce chiffre est toujours resté supé-
rieur à la frontière de la moyenne + 2 écarts types pour
l’âge correspondant (figure 1). L’homocystinurie s’inscrit
en effet parmi les causes de grande taille dont on peut
distinguer les formes génétiques (homocystinurie, syn-
drome de Marfan, syndrome de Klinefelter, etc.) et les
Figure 1. Courbe de croissance staturale de la patiente, de l’âge de 8 ans et 6 mois à l’âge adulte.
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Homocystinurie, challenges à l’âge adulte
formes syndromiques comme l’acromégalo-gigantisme.
À la différence de cette dernière affection, l’homocysti-
nurie partage avec la maladie de Marfan et le syndrome
de Klinefelter une morphologie disproportionnée (4).
Par ailleurs, elle ne s’associe pas à une dysmorphie,
contrairement aux syndromes génétiques de Sotos ou
de Wiedmann-Beckwith. La taille définitive de Mlle S. est
certes supérieure à la limite supérieure de la normale,
définie par la taille moyenne de la population féminine :
162 cm + 2 écarts types, soit 174 cm. Elle atteint donc
une taille proche de celle des actuelles Miss France,
mais ceci n’a pas de conséquences négatives sur la vie
quotidienne. C’est pourquoi aucune intervention médi-
cale concernant cet aspect n’a été envisagée, d’autant
que, dans ce cadre pathologique, l’axe somatotrope
est fonctionnellement normal (5) et que la patiente
avait des cycles menstruels réguliers depuis l’âge de
12 ans et demi.
Le risque thromboembolique est présent dès le plus
jeune âge et va croissant. Les accidents thrombotiques
sont pour moitié veineux, avec leur risque embolique
(pulmonaire, cérébral), et pour moitié artériels (AVC,
infarctus myocardiques, artériopathie des membres
inférieurs). Avant traitement, une thrombose est retrou-
vée chez 1 patient sur 4 (6). Ce risque justifie à lui seul le
dépistage d’autres facteurs de risque constitutionnels
(mutation de Leiden, par exemple), enquête qui s’est
révélée négative chez Mlle S. La prévention de ces
accidents doit être assurée par le meilleur contrôle
métabolique possible et l’éviction des facteurs favo-
risants. Pour cette dernière raison, la contraception
orale estroprogestative est contre-indiquée chez les
patientes homocystinuriques.
Mlle S., désormais presque trentenaire, vit avec son
compagnon dans un pavillon autonome. La question
de la contraception sest donc très logiquement posée.
Compte tenu de la contre-indication des estroprogesta-
tifs oraux, les méthodes contraceptives devaient reposer
sur les moyens mécaniques ou sur la contraception
progestative. Aux microprogestatifs a été préférée une
contraception progestative par implant, en raison de sa
simplicité, qui permettait en outre d’écarter les risques
d’oubli ou de mauvaise observance d’un traitement
per os. Cette contraception s’est avérée efficace et
bien tolérée. Elle a induit une aménorrhée, traduction
clinique d’une conséquence normale, le blocage de la
production ovarienne d’estradiol. Dans une situation
à risque d’ostéo porose, il serait en effet préférable de
choisir les méthodes contraceptives ne freinant pas
la production endogène des estrogènes ou reposant
sur une association estroprogestative, afin de ne pas
supprimer leur effet bénéfique sur l’os. Vu le contexte,
cet objectif nétait pas atteignable. Il serait désormais
possible de proposer à Mlle S. la mise en place d’un
dispositif intra-utérin, évitant l’inconvénient osseux
de la méthode contraceptive actuelle.
Lostéoporose précoce représente, en effet, un des
stigmates phénotypiques de l’homocystinurie. Elle est
retrouvée avant 50 ans chez 38 % des patients éva-
lués (7). Son dépistage fait donc partie de la prise en
charge des patients atteints d’homocystinurie. Mlle S.
a pu bénéficier d’une mesure de la densité minérale
osseuse qui a confirmé, dès l’âge de 20 ans, la présence
d’une ostéopénie modérée tant rachidienne que fémo-
rale (figure 2). Un bon contrôle de l’anomalie biologique
par l’association de règles diététiques (apport adapté
en protéines alimentaires), d’une supplémentation en
vitamines (folates, vitamines B6) et en bétaïne est l’ap-
proche qui a été proposée à notre patiente pour stabili-
ser le capital osseux. C’est donc un compromis incluant
une surveillance précise des paramètres métaboliques
et de la densité minérale osseuse (qui s’avère stable)
qui a été choisi. Le recours aux biphosphonates dans
une telle situation n’apparaît pas avoir été rapporté, à
ce jour, dans la littérature.
Figure 2. Résultats de l’ostéodensitométrie de la patiente alors âgée de 20 ans.
Cet examen objective une ostéopénie modérée tant au niveau du rachis que du col fémoral.
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Cas clinique
1. Kraus JP, Janosík M, Kozich et al. Cystathionine beta-synthase
mutations in homocystinuria. Hum Mutat 1999;13(5):362-75.
2. Quéré I, Simorre B, Ruivard M et al. L’homocystinurie à l’âge
adulte. Rev Med Interne 2001;22 Suppl 3:347s-355s.
3. Glueck CJ, Goldenberg N, Budhani S et al. Thrombotic
events after starting exogenous testosterone in men with
previously undiagnosed familial thrombophilia. Transl Res
2011;158(4):225-34.
4. Hindmarsh PC, Brook CGD. Tall stature. In: Brook CGD, ed.
Clinical Paediatric Endocrinology. 3rd ed. Oxford: Blackwell
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5. Topaloglu AK, Sansaricq C, Snyderman SE. Influence
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to cystathionine B-synthase deficiency. Pediatr Res
2001;49(6):796-8.
6. Mudd SH, Skovby F, Levy HL et al. The natural history of
homocystinuria due to cystathionine beta-synthase deficiency.
Am J Hum Genet 1985;37(1):1-31.
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density is a common finding in patients with homocystinuria.
Mol Genet Metab 2016;117(3):351-4.
Références
Le praticien prenant en charge le patient adulte atteint
d’une homocystinurie est donc confronté à plusieurs
challenges qui imposent une attitude pragmatique et
L’auteur déclare ne pas
avoir de liens d’intérêts.
la recherche d’un compromis dans lequel l’objectif du
meilleur contrôle métabolique possible de la maladie
est essentiel.
Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état
actuel de la recherche ; ainsi, les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises
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Orlando, 1er-4 avril 2017
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