1 UNIVERSITÉ DE PARIS-EST CRÉTEIL FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL ******** ANNÉE UNIVERSITAIRE 2012-2013 N° 1038 THÈSE POUR LE DIPLOME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE Discipline: Médecine Générale -----------présentée et soutenue publiquement le : à : CRETEIL (PARIS-EST CRÉTEIL) ------------ par : MAIGUY Avélina Née le 28 décembre 1985 à Chartres (28) -----------Titre: Prévalence des troubles du sommeil chez les militaires dans l'exercice de la médecine générale d'unité Directeurs de thèse: Le conservateur de la bibliothèque universitaire: Madame le Docteur Catherine VERRET Monsieur le Docteur Fabien SAUVET Signature des directeurs de thèse: Cachet de la bibliothèque universitaire: 2 3 REMERCIEMENTS A Monsieur le Médecin Général Inspecteur François PONS Directeur de l’Ecole du Val de Grace, Professeur Agrégé du Val de Grace Officier de la Légion d’Honneur Commandeur de l’Ordre National du Mérite Récompenses pour travaux scientifiques et techniques – échelon argent Médaille d’honneur du Service de Santé des Armées *** A Monsieur le Médecin Général Jean-Didier CAVALLO Directeur adjoint de l’Ecole du Val de Grace, Professeur Agrégé du Val de Grace Officier de la Légion d’Honneur Officier de l’Ordre National du Mérite Chevalier des Palmes Académiques Récompenses pour travaux scientifiques et techniques – échelon argent Médaille d’honneur du Service de Santé des Armées *** A Monsieur le Médecin Général Inspecteur Didier LAGARDE Directeur de l'Institut de Recherche Biomédicale des Armées *** A Monsieur le médecin chef des services hors classe René MIGLIANI Directeur du Centre d’Épidémiologie et de Santé Publique des Armées *** A Monsieur le Professeur Claude ATTALI Coordonnateur du Département Universitaire d’Enseignement et de Recherche en Médecine Générale de la Faculté de Médecine de CRETEIL *** 4 A mes maîtres de thèse: ◦ Catherine, pour vos conseils avisés (même sans voix...) à chaque étape de ce travail de thèse, pour m'avoir appris à décrypter les hiéroglyphes de l'épidémiologie ; ◦ Fabien, pour avoir écouté mes attentes concernant ce travail, pour avoir discuté sans vouloir imposer, pour m'avoir guidée et motivée. Aux médecin-chefs d'antenne, aux médecins adjoints et aux équipes médicales et paramédicales des antennes de Balard, des Célestins, de l’École Militaire, de La Pépinière, de l'HIA Bégin et de l'HIA Val-de-Grâce, pour avoir accepté que je réalise cette étude dans vos centres médicaux et pour votre participation active à la distribution et aux recueils des questionnaires. Une pensée particulière pour toute l'équipe de La Pép' parmi laquelle j'ai passé 6 mois mémorables: ce sujet a vu le jour parmi vous. A l'équipe du département du sommeil de l'IRBA, pour m'avoir accueillie dans vos murs et lors de vos pérégrinations cherbourgeoises; ce fut un plaisir. À nos futures collaborations. Au Docteur Patrice BAERT: cher ñass, merci pour tes enseignements, j'essayerai de me souvenir de tout, et désormais, je me rappellerai: « qui veut, peut »! A toute l'équipe du CMA de Cherbourg et de l'antenne de Caen, aux médecins pour m'avoir acceptée si facilement parmi eux, et à toute l'équipe pour votre gentillesse et votre bonne humeur; sans vous, cette dernière ligne droite aurait été bien plus longue! A tous les médecins que j'ai côtoyés durant ces longues années d'études, pour les enseignements prodigués, pour tous les conseils donnés, pour les avis partagés, pour m'avoir permise de découvrir quel médecin je m'emploierai à être (ou ne pas être....). Aux équipes médicales avec qui j'ai travaillé, vous avez, toutes et tous, contribué à celle que je suis aujourd'hui. A la mutuelle Unéo pour son aide financière. 5 A mes parents, pour m'avoir tous les jours soutenue et supportée depuis le début, chacun à votre manière, mais toujours de façon inconditionnelle; je vous aime. A mon petit ien-ien, reste celui que tu es: A2. A mon grand-père, à ma tante Flo. A mes deux amies: ◦ Alice : ma jumelle, peut-être le sang polonais, pas besoin de mots pour se comprendre.... ◦ Caro : mon yang, sans toi je ne serais pas entière, je te souhaite tout le bonheur que tu mérites. A mes co-internes d'enfer: Adrien, Aurore, Lionel; sans vous, cet internat aurait été bien différent.... et à tous les autres internes que j'ai croisés... A tous ceux de la LH, du Pryt', de l’École, de Bordeaux, de Paris, d'Argences,... que je n’énumérerai pas et qui se reconnaîtront. A ceux qui ont partagé les bons et les mauvais moments, à ceux qui les partagent encore et ceux qui les partageront toujours... Les chemins se croisent, se suivent et se décroisent; sans savoir de quoi la vie sera faite, continuons d'avancer. « Il faut toujours viser la lune car, même en cas d'échec, on atterrit dans les étoiles » (Antoine de SAINT-EXUPÉRY) 6 Table des matières Liste des Abréviations: ...................................................................................................7 Table des Figures ............................................................................................................8 Table des Tableaux .........................................................................................................8 INTRODUCTION..........................................................................................................9 PREMIÈRE PARTIE: GÉNÉRALITÉS ...................................................................... 11 1.1 Sommeil normal ................................................................................................. 11 1.1.1 Cycle veille-sommeil ................................................................................ 11 1.1.2 Régulation du sommeil ............................................................................13 1.2 Troubles du sommeil ..........................................................................................15 1.2.1 Diagnostic ...................................................................................................15 1.2.1.1 Insomnie ...............................................................................................15 1.2.1.2 Hypersomnie ........................................................................................17 1.2.1.3 Facteurs influençant les troubles du sommeil:.....................................18 1.2.2 Conséquences des troubles du sommeil......................................................19 1.2.2.1 Somnolence .........................................................................................19 1.2.2.2 Conséquences somatiques....................................................................20 1.2.2.3 Conséquences socio-professionnelles ..................................................21 1.3 Exploration des troubles du sommeil. ................................................................22 1.4 Objectifs de l'étude. ...........................................................................................25 DEUXIÈME PARTIE: MATÉRIELS ET MÉTHODES .............................................26 2.1 Population d'étude ..............................................................................................26 2.1.1 Critères d'inclusion et critères d'exclusion ..................................................26 2.1.2 Anomymat et liberté de participation .........................................................26 2.2 Modalités de recueil ...........................................................................................27 2.3 Questionnaire et données recueillies ..................................................................27 2.3.1 Données personnelles .................................................................................27 2.3.2 Données socio-professionnelles ..................................................................29 2.3.3 Données sur le sommeil et évaluation des troubles du sommeil ...............30 2.3.4 Retentissement diurne .................................................................................30 2.3.5 Dialogue avec le médecin ...........................................................................31 2.4 Analyses statistiques ..........................................................................................31 TROISIÈME PARTIE: RÉSULTATS ..........................................................................31 3.1 Caractéristiques générales de la population étudiée ..........................................31 3.1.1 Données biométriques et socio-professionnelles ........................................32 3.1.2 Données descriptives du sommeil ...............................................................33 7 3.1.3 Données médicales ......................................................................................34 3.2 Prévalence des troubles du sommeil et mise en évidence de leur répercussion diurne. .................................................................................................35 3.2.1 Prévalence des troubles du sommeil : Insomnies et Hypersomnies ...........35 3.2.2 Retentissement des troubles sur l'activité diurne: Hypersomnolence.........37 3.2.3 Apnée du sommeil ......................................................................................38 3.3 Facteurs de risque de troubles du sommeil. .......................................................39 3.3.1 Caractéristiques socio-démographiques .....................................................39 3.3.2 Caractéristiques médicales et habitus .........................................................39 3.3.3 Caractéristiques professionnelles ................................................................40 3.3.4 Lien entre troubles du sommeil et bien-être au travail: ..............................44 3.4 Description de l'impact de l'intervention ...........................................................45 3.4.1 Impact sur la prise de conscience des troubles du sommeil .......................45 3.4.2 Impact sur la déclaration au médecin .........................................................45 3.4.3 Impact sur la demande de formation...........................................................45 QUATRIÈME PARTIE: DISCUSSION ......................................................................46 4.1 Synthèse et discussion des principaux résultats .................................................46 4.1.1 Insomnie, hypersomnie et hypersomnolence. .............................................46 4.1.2 Facteurs de risques ......................................................................................47 4.1.3 Retentissement sur la santé .........................................................................49 4.1.4 Retentissement sur le travail .......................................................................50 4.1.5 Relation avec le médecin ............................................................................50 4.2 Pertinence de l'étude et de la méthodologie. ......................................................50 4.3 Problématiques connexes. ..................................................................................51 4.4 Perspectives ........................................................................................................52 CONCLUSION ............................................................................................................54 Bibliographie: ...............................................................................................................55 Annexes: .......................................................................................................................64 Annexe 1 : Note d'information accompagnant le questionnaire ......................64 Annexe 2 : Questionnaire.................................................................................65 Annexe 3 : Critères de diagnostique des troubles du sommeil .......................69 Résumé ........................................................................................................................70 Abstract .......................................................................................................................71 SERMENT D'’HIPPOCRATE ....................................................................................72 8 Liste des Abréviations: CIM : Classification Internationale des Maladies DAS : Durée Accumulée de Somnolence DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders EEG : Electro-encéphalogramme EMG : Electro-myogramme EOG : Electro-oculogramme ESPS : Enquête Santé Protection Sociale ESS : Epworth Sleep Scale EVA : Echelle Visuelle Analogique HAS: Haute Autorité de Santé HTA : Hyper-tension Artérielle ICD : International Classification of Diseases ICSD : International Classification of Sleep Diseases IMC : Indice de Masse Corporelle INPES : Institut National de Prévention et d'Education pour la Santé INSV : Institut National du Sommeil et de la Vigilance KSS : Karolina Sleep Scale OR : Odd-Ratio PSQI : Pittsburg Sleep Quality Index RATP : Régie Autonome des Transports Parisiens REM : Rapid Eye Movement RGO : Reflux Gastro-oesophagien SDE : Somnolence Diurne Excessive SSS : Standford Sleep Scale 9 Table des Figures Figure 1. Hypnogramme chez une personne sans trouble du sommeil (53) .............12 Figure 2. Effet de la caféine sur l'EEG nocturne après privation de sommeil (19) ..13 Figure 3. Taux de remplissage (en %) pour chaque site ...........................................32 Figure 4. Indice de masse corporel dans la population étudiée ...............................34 Figure 5. Prévalence des troubles du sommeil dans chaque plainte relative au sommeil ........................................................................................................................36 Figure 6. Résultats des scores à l'Echelle d'EPWORTH en pourcentage sur 432 répondeurs ....................................................................................................................38 Figure 7. Prévalence (%) des troubles du sommeil selon les facteurs socioprofessionnels. ..............................................................................................................41 Figure 8. Lien entre le ressenti des personnes et les troubles du sommeil. (Pourcentage de personnes présentant des troubles du sommeil dans chaque réponse.) .......................................................................................................................44 Table des Tableaux Tableau 1. Descriptif de la population. .....................................................................33 Tableau 2. Répartition des problèmes médicaux dans la population ( sur 101 personnes).....................................................................................................................34 Tableau 3. Variables "santé" (*ajustées sur l'âge, le genre, l'armée, le grade et le temps de sommeil) .......................................................................................................40 Tableau 4. Analyse multivariée .................................................................................43 10 INTRODUCTION Les troubles du sommeil sont extrêmement fréquents puisqu’ils touchent plus d’un tiers de la population française avec une répercussion diurne importante de ces troubles sur leur qualité de vie (40). Les sujets jeunes sont particulièrement touchés. En effet, les études réalisées sur la population française ont montré 18% d’hypersomnolence chez les 18-24 ans (69). La prise en charge des troubles du sommeil est un enjeu de santé publique majeur. En effet, ils sont associés à une augmentation du risque de survenue de diabète, d’obésité et de pathologies cardiovasculaires, métaboliques (47) et de cancer (103). Les troubles du sommeil induisent également une hypersomnolence diurne et une hypovigilance au volant, responsable d’un accident de la route sur cinq (93). Actuellement, le recours aux soins des patients présentant un trouble du sommeil est faible puisqu'un insomniaque sur deux n'a jamais abordé le sujet avec son médecin traitant et moins de 20% des insomniaques sévères ont déjà reçu un traitement (9). De plus, l'étude Enquête Santé Protection Sociale (ESPS) de 2008 retrouve des signes d'apnée du sommeil chez 4,9% de la population dont seulement 15,1% des personnes ayant bénéficié d'un enregistrement du sommeil (14, 43). Le médecin généraliste est en première ligne dans le dépistage, la prise en charge des troubles du sommeil et l’orientation éventuelle vers des services spécialisés (80). Les militaires sont particulièrement exposés aux troubles du sommeil du fait d’horaires de travail atypiques, du travail posté et du stress induit, notamment par les opérations en territoire hostile (108). Les troubles du sommeil sont le symptôme le plus fréquent chez les militaires américains dans les mois qui suivent le retour, après une opération extérieure (83). Une étude récente réalisée chez ces soldats américains a mis en évidence une prévalence 11 élevée des signes fonctionnels induits par un troubles du sommeil (16 % des personnels). Les troubles du sommeil (insomnie et apnée du sommeil) sont notamment associés aux antécédents de stress post-traumatique, de syndromes douloureux chroniques et à la dépression (84). Actuellement, la prévalence des troubles du sommeil chez les militaires français n’est pas connue. Il y aurait probablement un intérêt individuel et collectif à explorer de façon systématique les troubles du sommeil en visite d'aptitude afin de modifier les pratiques médicales, d’améliorer la formation des praticiens et de proposer des contre-mesures préventives adaptées. En effet, le médecin d'unité a, en plus de son rôle de soins, un rôle de prévention et de conseil au commandement. Il est en première ligne dans la détection et la prise en charge de ces troubles. L’objectif principal de cette étude était de quantifier la prévalence des troubles du sommeil chez les militaires lors de leur visite systématique chez le médecin généraliste militaire. Les objectifs secondaires étaient d'évaluer la proportion de troubles du sommeil non diagnostiqués et/ou non pris en charge ainsi que le retentissement de ces troubles sur la somnolence diurne et la qualité du travail et enfin d'identifier des facteurs de risque de troubles du sommeil dans la population étudiée. 12 PREMIÈRE PARTIE: GÉNÉRALITÉS 1.1 Sommeil normal Les effets du sommeil n'ont, à ce jour, pas été complétement identifiés. Ils sont le plus souvent appréhendés en étudiant les effets induits par la privation de sommeil. Ainsi, il a été constaté, en cas de perturbation du sommeil, une altération des capacités cognitives (mémoire, attention, apprentissage, humeur) et des troubles métaboliques, immuno-inflammatoires et cardiovasculaires (109). De plus, le manque de sommeil cumulé sur plusieurs jours aboutirait à une fatigue chronique et une baisse de la performance (61). Paquereau et coll. (91) ont par ailleurs montré que, chez le rat, la privation totale de sommeil sur 2 à 3 semaines était létale. Les travailleurs de nuit ou postés dont les horaires de travail imposent des heures de sommeil différentes de l'horloge biologique sont plus exposés aux troubles du sommeil et de la vigilance (66). Le risque d'accident est majoré (41). Les conséquences d’un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité sont à prendre en compte pour les professions dont les horaires sont non physiologiques et qui requièrent cependant une utilisation optimale des capacités cognitives ou physiques (agents de la force publique, secouristes, conducteurs…). Le sommeil permettrait à notre organisme de se régénérer par une augmentation nocturne de son métabolisme (divisions cellulaires, synthèse des protéines, consolidation de la mémoire...) et de compenser la fatigue de la journée (110). Le sommeil est donc un besoin vital pour l'organisme qui s'imposera à l'individu de plus en plus intensément au fur et à mesure que la dette de sommeil augmente et quelles ques soient les circonstances (23). 1.1.1 Cycle veille-sommeil L'être humain, comme tous les mammifères, présente un cycle veille-sommeil bien caractérisé au niveau comportemental, qui a pu être objectivé par des enregistrements électrophysiologiques au cours du XXème siècle, couplant électro-encéphalogramme (EEG), électro-oculogramme (EOG) et électro-myogramme (EMG) (101). 13 Ces travaux ont permis de mettre en évidence différentes séquences : L'éveil (ondes rapides), qui représente les deux tiers de la journée de l'être humain et qui met en activité ses capacités locomotrices, cognitives et comportementales. Cependant, l'éveil ne garantit pas une utilisation optimale de ces capacités puisqu'il peut y avoir une modification des performances en état d'"hypervigilance" ou d'"hypovigilance" (106). Le sommeil lent (à ondes lentes), qui comprend trois stades selon la classification polysomnographique (Manual for the Scoring of Sleep and Associated Events) : ▪ Non REM 1 (N1) = stade d'endormissement qui dure quelques minutes et pendant lequel le métabolisme de l'individu ralenti ; ▪ Non REM 2 (N2)= sommeil lent léger ; ▪ Non REM 3 (N3) = sommeil lent profond qui apparaît au bout de 20-30 minutes de sommeil et correspond à un ralentissement important de l'activité cérébrale. Durant ce stade, le réveil est plus difficile et associé à une confusion ("inertie de réveil"). Le sommeil paradoxal (REM, rapide eye mouvement) (à ondes rapides, mouvements oculaires rapides et atonie musculaire) (5,58). Cette phase est associée à l'activité onirique (48). Le sommeil nocturne est très organisé et divisé en cycles successifs "sommeil lent- sommeil paradoxal ", qui durent environ 90 minutes et se répètent quatre à cinq fois au cours de la nuit. Au fur et à mesure, la quantité de sommeil lent profond diminue et la durée de sommeil paradoxal augmente. Durant le sommeil, il y a des courtes phases d'éveil mais dont l'individu ne garde pas mémoire au réveil. (Figure 1) Figure 1. Hypnogramme chez une personne sans trouble du sommeil (53) 14 1.1.2 Régulation du sommeil Le rythme veille/sommeil est régulé par différents mécanismes (20): Régulation homéostatique ▪ La pression de sommeil augmente en fonction du temps passé éveillé et diminue lors de la survenue de sommeil (rebond de sommeil) . ▪ Cette régulation aurait une influence distincte sur les sommeils lent et paradoxal avec une régulation quantitative et qualitative du sommeil (ex. augmentation du sommeil lent après une privation de sommeil, sans effet sur le sommeil paradoxal). ▪ Les mécanismes sont encore mal compris mais l'adénosine pourrait être impliquée dans la régulation homéostatique du sommeil lent en interférant A1 et/ou A2a, ces derniers étant bloqués par la caféine, un agoniste du récepteur à l’adénosine, pour permettre de prolonger l'éveil (Figure 2) (60,98). ▪ Cependant, les études ont mis en évidence un polymorphisme des récepteurs de l'adénosine avec des sujets moins sensibles à la caféine et plus résistant à la privation de sommeil et des sujets plus sensibles à la caféine et moins résistants à la privation de sommeil. 15 Figure 2. Effet de la caféine sur l'EEG nocturne après privation de sommeil (19) Régulation circadienne ▪ L'homme a un rythme circadien d’éveil caractérisé par une alternance : éveil le jour et sommeil au cours de la nuit. Celui-ci est régulé par l'horloge centrale localisée dans les noyaux supra-chiasmatiques cérébraux (24). Bien qu'il existe également des variations inter-individuelles, cette pression circadienne de sommeil est maximale entre 1 heure et 5 heures du matin et à moindre degré entre 14 heures et 16 heures. Elle peut être à l'origine d'endormissements brutaux et sans prodrome, pouvant être responsable d'accidents (somnolence au volant,...) ou d'un temps de réaction plus lent et une augmentation des erreurs (34). ▪ La mélatonine est la principale hormone de régulation qui est synthétisée par la glande pinéale la nuit et qui a un effet hypnogène (27), anti-oxydant et antiinflammatoire. Un apport exogène de mélatonine aurait un effet accélérateur sur la resynchronisation du rythme circadien mais sans efficacité biologique prouvée (100). ▪ La lumière est le principal synchronisateur de l'horloge biologique puisqu'elle inhibe la synthèse de mélatonine et a un effet éveillant (20). Les activités biologiques (activité physique, digestion,...) et sociales ont également une influence à un moindre niveau. ▪ Le cortisol et la température centrale sont également soumis à un rythme circadien, peu dépendant de la mélatonine. Les aveugles ont, par exemple, des troubles du sommeil, mais un rythme circadien de température centrale 16 d’environ 25 heures, sans mélatonine. ▪ Cette régulation circadienne influe sur la qualité de sommeil puisque le sommeil paradoxal est fortement lié à l'horloge interne. Le sommeil nocturne est donc beaucoup plus facile et plus récupérateur que le sommeil diurne (107). Autres facteurs influençant le sommeil : ▪ la température ambiante, l'hygrométrie, le bruit (81); ▪ l'âge: la quantité totale de sommeil diminue jusqu'à l'âge adulte. A l'adolescence, le rythme circadien se décale (45). Même s'il se stabilise à l'âge adulte, le rythme circadien tend vers une diminution du sommeil lent profond au profit du sommeil léger (78); ▪ l'activité physique modérée qui favorise le sommeil, ou l'activité physique intense qui peut l’altérer (62); ▪ la prise alimentaire (116); ▪ la consommation de substances modifiant la vigilance, stimulantes ou favorisant l’endormissement (25,63); ▪ l’heure de coucher ou le décalage des heures de sommeil car le sommeil diurne est plus court et de moins bonne qualité que le sommeil nocturne (1,2). 1.2 Troubles du sommeil 1.2.1 Diagnostic Les troubles du sommeil peuvent avoir des origines diverses. Ils sont généralement classés parmi les troubles comportementaux et peuvent être le symptôme d’un déséquilibre, perçu ou non par la personne atteinte. L’insomnie et l’hypersomnie sont les troubles du sommeil les plus fréquents (53). 1.2.1.1 Insomnie Dans la récente Enquête Baromètre Santé de l'Institut National de Prévention et d'Éducation pour la Santé (INPES): 15,8% des 15-85 ans présentent une insomnie chronique, avec une fréquence plus élevée chez les femmes (19,3%) que chez les hommes (11,9%) 17 (p<0,001) (14). Dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 20 novembre 2012 consacré aux troubles du sommeil, l'Enquête Santé Protection Sociale (ESPS) de 2011 observe des symptômes d'insomnie chez un tiers des plus de 16 ans avec une somnolence diurne dans la population générale autour de 15-20% comme d'autres auteurs le rapportent (115). L’insomnie se définit le plus fréquement par les critères suivants de la 10ème révision de la Classification Internationale des Maladies (CIM-10) (International Classification Diseases: ICD-10) et la 2ème révision de la Classification Internationale des Troubles du Sommeil (International Classification of Sleep Disorders: ICSD-2) (54) : la sensation d'une quantité ou qualité de sommeil insuffisant, qui persiste sur une période supérieure à 1 mois et comprend une difficulté à l'endormissement, des réveils nocturnes, ou un réveil prématuré ; ces symptômes sont observés malgré des conditions de sommeil optimales ; le patient décrit des conséquences diurnes de son trouble du sommeil : fatigue ou malaise, troubles de la mémoire, de l'attention ou de la concentration, altération de la vie sociale ou des performances scolaires, troubles de l'humeur, somnolence, perte de motivation ou d'énergie, augmentation des erreurs professionnelles ou de conduite, apparition de troubles somatiques (HTA, céphalées, troubles gastro-intestinaux), inquiétude vis-à-vis du sommeil. La deuxième édition de la classification internationale des troubles du sommeil de 2005 permet de classer les formes d’insomnie en 12 catégories (54,73) : 1. l’insomnie aiguë transitoire associée à un stress identifiable avec nécessité d’adaptation [familial, social, physique (douleur physique, psychologique), environnemental (nuisance sonore, altitude), comportemental (télévision, ordinateur), facteur inhérent à la vie moderne (travail en horaires décalés, vols de longue durée)] ou insomnie d'ajustement (suite à un voyage, changement d'horaire,...) ; 2. l’insomnie subjective avec trouble de la perception du sommeil ; 3. l'insomnie idiopathique ; 4. l’insomnie chronique (> 3 mois) ; 18 5. l’insomnie liée à un trouble mental ; 6. l’insomnie due à une mauvaise hygiène du sommeil : consommation excessive de café, tabac, alcool, activité intellectuelle intense à l’approche du coucher, temps excessif passé au lit, variations trop amples des horaires de veille et sommeil, siestes ; 7. l’insomnie due à des maladies organiques : neurologiques (maladie neuro-dégénérative, insomnie fatale familiale, Chorée fibrillaire de Morvan, Locked-in-syndrom), cardiovasculaires (insuffisance cardiaque gauche, angor), broncho-pulmonaires (bronchopneumopathies chroniques obstructives: BPCO), gastro-duodénales (reflux gastro-oesophagien, douleur de l’ulcère duodénal), rénales (insuffisance rénale chronique), rhumatologiques (rhumatismes inflammatoires, fibromyalgie (79), endocrinienne (dysthyroïdie, diabète) ; 8. l’insomnie due à d’autres troubles du sommeil comme le syndrome d’apnée du sommeil, la narcolepsie avec cataplexie, le syndrome d’impatience des membres inférieurs et le syndrome de mouvements périodiques des membres ; 9. les insomnies liées à la grossesse, à la ménopause, à l’âge ; 10. les insomnies médicamenteuses ou liées à une substance ; 11. l'insomnie sans éthiologie retrouvée ; 12. l'insomnie physiologique. 1.2.1.2 Hypersomnie L'hypersomnie est plus rare, et se caractérise par une somnolence excessive, ou des attaques de sommeil pendant la journée qui ne peuvent s’expliquer par une quantité insuffisante de sommeil. Selon la CIM-10, ce trouble doit durer plus d’un mois, ou récidiver par périodes de plus longue durée, et entraîner un épuisement, ou amputer les performances sociales et professionnelles (112). L'hypersomnie d'origine centrale est la narcolepsie (ou Syndrome de Gélineau). Il s’agit d'accès de somnolence diurne irrépressible accompagnés ou non d'une cataplexie, d'un affaissement du sujet par relâchement du tonus musculaire. Ces accès peuvent aussi être associés à des paralysies du sommeil, des hallucinations sensorielles (31). La prévalence de la narcolepsie dans la population française est de 1 pour 2 000 personnes. 19 L'hypersomnie idiopathique a, semble-t-il, la même prévalence que la narcolepsie, mais elle est encore mal connue. Les autres causes fréquentes d'hypersomnies sont (52) : Causes respiratoires pendant le sommeil : le syndrome d'apnée du sommeil, qui concerne 10% des ronfleurs âgés de 30 à 60 ans, soit 2% des femmes et 4% des hommes de cette tranche d'âge (43) et le syndrome d'augmentation des résistances des voies aériennes supérieures ; Conséquences d'une autre pathologie : maladies responsables de toux chroniques, douleurs chroniques, prurit nocturne, reflux gastro-oesophagien, asthme, cancer, alcoolisme, ménopause, fibromyalgie (79) ; Parasomnies : bruxisme et myoclonus fragmentaire ; Causes psychiatriques : pathologie anxio-dépressive (104), schizophrénie ; Causes neurologiques : sclérose en plaque, épilepsie, traumatismes crâniens, maladies dégénératives ; Causes infectieuses : VIH, mononucléose, encéphalites ; Syndrome des jambes sans repos. 1.2.1.3 Facteurs influençant les troubles du sommeil: Produits influençant le sommeil : la caféine, les amphétamines, la cocaïne sont des produits stimulants du système nerveux central; l’alcool et les anti-dépresseurs sont, quant à eux, des dépresseurs du système nerveux central. Même si l’alcool aide initialement à s’endormir, il provoque des éveils nocturnes et un sommeil agité. Environnement : De nombreux facteurs environementaux ont été décrits comme influençant le sommeil (81): le bruit, la lumière, la température excessive, la literie inconfortable,... Stress au travail : Nasse et Legeron (85) définissent le stress comme « un état accompagné de plaintes ou 20 de dysfonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux, et qui résulte du fait que les individus se sentent inaptes à combler un écart avec les exigences ou les attentes les concernant. L’individu est capable de gérer la pression à court terme, qui peut être considérée comme pression positive, mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée à des pressions intenses. En outre, différents individus peuvent réagir de manière différente à des situations similaires et un même individu peut, à différents moments de sa vie, réagir différemment à des situations similaires. Le stress n’est pas une maladie, mais une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut causer des problèmes de santé » (30, 42, 49). Concernant la population militaire, peu d'études ont été réalisées mais l'armée américaine a réalisé une étude en 2012, qui montrait que les conditions de vie liées à la vie militaire et le stress occasionné influaient sur les troubles du sommeil (108). Mais il semble recevable que les impératifs de la fonction militaire (mutation, opérations extérieures, disponibilité, restrictions de sommeil,...) puissent influer sur les troubles du sommeil. Type de travail: Le type de travail et surtout les horaires atypiques ou irrégulières peuvent "dérégler le sujet". C'est le cas du travail posté où, pour avoir une permanence 24h/24h, les employés alternent sur des créneaux de quelques heures, qui ne sont pas toujours les mêmes. (surveillance, sécurité de bâtiment, gardes-côtes, pompiers...) (22,111). Exposition à la lumière naturelle: L'exposition à la lumière naturelle, si elle est trop restreinte, peut avoir aussi des conséquences sur le sommeil, comme c'est le cas des personnes qui travaillent en milieu cloîtré (6,66). Autres facteurs influençant le sommeil: Le contexte familial et environnemental ainsi que les variables inter-individuelles ont évidement aussi une influence sur le sommeil (17, 59, 82). 21 1.2.2 Conséquences des troubles du sommeil 1.2.2.1 Somnolence La somnolence est la plainte ressentie par le patient. C'est un état intermédiaire entre la veille et le sommeil, qui se caractérise par une diminution de l'activité cérébrale, un ralentissement de l'analyse des informations et une capacité d'éveil de plus en plus précaire. La somnolence est définie par "un état subjectif et objectif d’éveil physiologique abaissé, de propension au sommeil et d’assoupissement" (33). Elle est le résultat de l'interaction entre la régulation circadienne, la régulation homéostatique et les systèmes d'éveil. Elle peut être accentuée par l'ennui, le manque de motivation ou la position allongée et inhibée par l'hyper-activité mais, à moyen terme, la seule antidote est le sommeil (25). Elle peut être physiologique (fin de journée, privation de sommeil, rythme circadien) ou faire redouter un trouble du sommeil en cas de somnolence diurne excessive (SDE) (55). Il faut cependant la différencier de la fatigue, qui correspond à un état d'épuisement secondaire, à une activité physique ou mentale importante mais sans relation avec le manque de sommeil. Cet état de fatigue implique aussi une baisse des capacités physiques et cognitives, mais elle reste temporaire et tend vers la récupération (39). Quelle que soit l'origine de la privation de sommeil, le tableau symptomatique de somnolence est toujours le même : ▪ diminution du champ visuel (vision tunellaire) ; ▪ syndrome dysexecutif cognitif (altération de la prise de décision, et diminution de la flexibilité mentale et de l'inhibition) ; ▪ difficultés pour intégrer les informations (trouble majeur de la mémoire de travail) et altération de la mémoire à court terme (37). Les effets de l’absence de sommeil sur 27 heures ont montré les mêmes baisses de performance qu’une concentration d’alcool dans le sang de 1 % (34). 22 1.2.2.2 Conséquences somatiques Les troubles du sommeil sont corrélés à de nombreuses pathologies somatiques mais le lien de causalité est difficile à déterminer. Les pathologies cardio-vasculaires, l'obésité, les cancers peuvent être une cause ou une conséquence dans les troubles du sommeil. Différentes études ont montré que chez des travailleurs postés (3x8h, travail de nuit…), il y aurait un risque accru d'infarctus du myocarde (21,30) et que des femmes ayant des horaires décalés auraient un risque accru de cancer du sein (22). 1.2.2.3 Conséquences socio-professionnelles ▪ Conséquences sécuritaires La somnolence diurne excessive concerne près de 15-20 % de la population globale. Les répercussions sont importantes, le principal problème étant la sécurité au volant. Différentes études montrent que la fatigue au volant représente environ 20% des accidents de la route (26, 95). Par extension à la population générale, Philip et coll. (93) ont estimé à 90000 par an les accidents de la route liés à la fatigue en France. Ces accidents surviennent à 53,8% en ville, pendant de courts trajets et pendant la journée (84,6%). Etant donné l'impact sur la sécurité au volant, on peut imaginer les répercussions que la somnolence peut avoir sur tout autre mode de transport. ▪ Conséquences sociales On peut aisément imaginer les conséquences des troubles du sommeil et de l'hypersomnolence sur l'efficacité au travail, la prise de décision et les jugements moraux (6, 22, 90,111). L'étude de Bayon et Léger en 2008 montrait un taux d'accidents de travail de 8% chez les insomniaques contre 1% chez les bons dormeurs sur 12 mois (p=0,01) et que les arrêts de travail étaient plus fréquents chez les insomniaques que chez les bons dormeurs (31% versus 19% p=0,03)(10). Mais les troubles du sommeil peuvent aussi avoir une répercussion sur la sphère sociofamiliale, avec une altération des relations avec les autres (problèmes familiaux, insertion sociale difficile) Dans une étude réalisée sur l'évaluation des conséquences de l'insomnie par 23 les médecins généralistes, 84,3 % estiment que les insomniaques réduisent leur activité sociale (9). ▪ Conséquences en milieu militaire: Les conséquences individuelles sont les mêmes mais la particularité du milieu militaire augmente certains risques. Au niveau sécuritaire, les missions de surveillance et de maintien de l'ordre attribuées aux militaires nécessitent une attention et une capacité réactionnelle optimales, et le port d'arme souvent associé à ces missions n'en rend que plus dangeureux tout défaut d'attention (84). Ces postes sont pourvus de jour comme de nuit et il s'agit souvent de permanences irrégulières, qui déséquilibrent le quotidien de l'individu. Ce phénomène est d'autant plus présent lorsqu'il s'agit d'opérations extérieures à l'étranger de durée aléatoire où, en plus d'avoir des horaires irrégulièrs, le militaire est dans un milieu différent, stressant et dans des conditions de sommeil difficiles (promiscuité, bruit, chaleur…) qui peuvent rendre difficiles les moments de récupération (108). Au niveau somatique et social, les militaires bénéficient d'une surveillance rapprochée, surtout dans les professions à risque. La mise en évidence d'un problème de santé peut être faite par différentes voies : hiérarchique (en cas de fatigue, d’erreurs, d’agressivité…) ou médicale (à l’occasion de consultations ou de visites systématiques). Le médecin militaire en unité a des missions de médecine d’expertise (aptitude), de soins, d’hygiène et de prévention, lui permettant de détecter précocement un éventuel problème de santé et de le prendre en charge lorsqu’il est détecté. 1.3 Exploration des troubles du sommeil. Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), le diagnostic de l'insomnie est clinique, et l’indication des examens complémentaires spécialisés (polysomnographie ou polygraphie ventilatoire) est limitée à la suspicion d’apnée du sommeil, l’hypersomnie idiopathique (narcolepsie), la somnolence diurne excessive et les troubles du sommeil paradoxal. 24 Une étude par questionnaire menée auprès de médecins généralistes (9) montrait que ceux-ci avaient une bonne connaissance de l'insomnie, de son diagnostic et de ses conséquences. La plupart associe, à raison, l'insomnie aux troubles cognitifs ou à une pathologie anxio-dépressive et évoque la somnolence diurne comme l'une des conséquences principales. Mais l'insomnie évoque aussi pour le médecin généraliste, la difficulté à prendre en charge les troubles du sommeil (76) : d'une part pour le diagnostic, car il manque d'outils simples et rapides pour diagnostiquer et qualifier une insomnie, et d'autre part pour la prise en charge, qui nécessite souvent d'être pluridisciplinaire (97). C'est pourquoi certains médecins orientent rapidement leurs patients vers des centres spécialisés de prise en charge des troubles du sommeil, comme le réseau Morphée (71). Ce réseau, composé de médecins généralistes et spécialistes, s'occupe de l'évaluation, du diagnostic et de la prise en charge des patients présentant des troubles du sommeil en Ile-de-France. Dans les centres d'exploration du sommeil, les patients sont surveillés durant leur nuit de sommeil lors d'expériences sur volontaires sains ou sur des patients symptomatiques. Pour évaluer objectivement le sommeil et la somnolence des patients, l'enrengistrement vidéo et des appareils de mesures électo-physiologiques (électro-encephalogramme, électro-myogramme, électro-oculogramme) sont utilisés. Il s'agit d'explorations réalisées dans un cadre expérimental ou pour approfondir un trouble déjà objectivé et ces explorations ne peuvent être réalisées qu'en milieu spécialisé. Dans le cadre de la détection des troubles du sommeil, l'évaluation primaire, notamment en médecine générale, utilise les auto-questionnaires (3, 17)qui sont, de facto, des mesures subjectives. En Ile-de-France, le réseau Morphée utilise un agenda du sommeil que le patient remplit lui-même. Il permet de voir sur plusieurs jours le rythme de sommeil et ses perturbations éventuelles. Ce recueil est complété par questionnaire de Berlin qui explore l'apnée du sommeil (71). Le département d'exploration du sommeil de l'hôpital Hôtel-Dieu de Paris utilise le questionnaire de l'Hôtel-Dieu, établi et validé par le Professeur Léger. Il permet d'explorer le sommeil de façon qualitative et quantitative et les pathologies associées (apnée du sommeil (86), syndrome anxio-dépressif...). Il donne une orientation syndromique, contrairement aux autres questionnaires. Il comprend une version modifiée du Pittsburg Sleep 25 Quality Index (PSQI) et des items sur l'apnée du sommeil, la somnolence et les signes fonctionnels diurnes (18) (Annexe 3). Concernant la somnolence, le questionnaire d’Epworth fondé sur l’auto-évaluation de la fréquence des endormissements dans des situations de la vie courante ou l'échelle de durée accumulée de somnolence (DAS) sont souvent utilisés, mais le médecin peut aussi s'aider d'échelles analogiques (EVA) comme les échelles Standford Sleepiness Scale (SSS) et Karolinska Sleepiness Scale (KSS) (89). Il existe aussi des outils de mesure de somnolence comportementale par réponses motrices autogénérées ou commandées: le test du tapotement du doigt et le test de l’Osler (Oxford Sleep Resistance) (70). L’échelle de somnolence d’Epworth (Epworth Sleepiness Scale - ESS) (55) est fondée sur une auto-appréciation de la probabilité de s’endormir dans huit situations de la vie courante : (0: ne somnolerait jamais; 1: faible probabilité de s’endormir; 2: probabilité moyenne de s’endormir; 3: forte probabilité de s’endormir) assis en train de lire ; en train de regarder la télévision ; assis inactif dans un endroit public (au théâtre, en réunion) ; passager dans une voiture roulant sans arrêt pendant une heure ; allongé l’après-midi pour se reposer quand les circonstances le permettent ; assis en train de parler à quelqu’un ; assis calmement après un repas sans alcool ; dans une automobile immobilisée quelques minutes dans un enbouteillage. L’échelle a de bonnes caractéristiques psychométriques : l’analyse factorielle ne détecte qu’un seul facteur; elle a un bon plafond et un bon plancher (peu de personnes obtiennent un score à 0 ou à 24), une bonne cohérence interne et une bonne reproductibilité (77) Un score supérieur à 12 indique une hypersomnolence pathologique (88). Le score moyen chez des étudiants sains est de 7,6 ± 3,9 (56). Le seuil de normalité est inférieur à 11 en Australie et 10 en Angleterre (57). Cette échelle est sensible pour détecter une somnolence excessive dans le syndrome d’apnée-hypopnée du sommeil (50), la narcolepsie (8), l’hypersomnie idiopathique et le 26 syndrome des jambes sans repos (36). Les résultats de l'échelle varient avec les traitements (stimulants, sédatifs, pression positive continue, orthèse d’avancée mandibulaire). Dans la narcolepsie, pour un seuil supérieur à 10, l’échelle de somnolence d’Epworth a une sensibilité de 93,5 % et une spécificité de 100 % (57). Elle comporte cependant plusieurs limites. Elle n’évalue pas le risque d’endormissement en situation de conduite automobile ou dans d’autres situations actives où la somnolence peut être dangereuse (travail, conduite de machines) et involontaire. Le sujet, s’il n’y est pas exposé régulièrement, doit s’imaginer dans une de ces situations. Enfin, l’échelle est régulièrement sur-évaluée par les patients dépressifs ou porteurs du syndrome de fatigue chronique, et sous-évaluée par les sujets qui perçoivent mal leur endormissement, et qui sont donc potentiellement les plus dangereux au volant (75). Le médecin généraliste peut administrer ces échelles au patient en cabinet et commencer l'exploration des troubles du sommeil et leur prise en charge s'il est sensibilisé à cette question, mais il s'agit d'une exploration et d'une prise en charge qui demandent beaucoup de temps de la part du praticien et il peut adresser le patient en centre du sommeil (réseau Morphée ou Département du Sommeil d'un centre hospitalier). 1.4 Objectifs de l'étude L’objectif principal de cette étude était de quantifier, à l'aide d'un questionnaire, la prévalence des troubles du sommeil chez les militaires lors de leur visite systématique chez le médecin généraliste militaire. Les objectifs secondaires étaient d'évaluer la proportion de troubles du sommeil non diagnostiqués et/ou non pris en charge ainsi que le retentissement de ces troubles sur la somnolence diurne et la qualité du travail et enfin d'identifier des facteurs de risque de trouble du sommeil dans la population étudiée. 27 DEUXIÈME PARTIE: MATÉRIELS ET MÉTHODES 2.1 Population d'étude 2.1.1 Critères d'inclusion et critères d'exclusion L'étude a été réalisée dans les centres médicaux des Armées (CMA) de cinq sites de la région parisienne correspondant aux forces armées et services (santé, informatique, administration, essences…….). Les différentes forces armées et services représentés étaient : l'Armée de Terre, l'Armée de l'Air, la Marine, la Gendarmerie Nationale, le Services de Santé des Armées (SSA) et dans "autres" : les services des Commissariats aux Armées et la Direction Générale de l'Armement. Ces centres médicaux étaient : le site principal du CMA de l'Ecole Militaire pour l'Armée de Terre, l'antenne médicale (AM) de la Pépinière pour la Marine, l'AM de Balard pour l'Armée de l'Air, l'AM des Célestins pour la Gendarmerie, le service de médecine du personnel des Hôpitaux des armées (HIA) du Val-de Grâce et de Bégin pour le service de santé. Il s'agissait d'une étude descriptive prospective, par questionnaires (73) distribués aux militaires d'active de la région parisienne réalisant leur visite d’aptitude systématique annuelle (VSA) en infirmerie militaire de médecine générale sur les mois de janvier et février 2013. Etaient exclus les militaires venant consulter pour un autre motif que la visite systématique, les réservistes, les civils, et autres personnels consultant pour une pathologie, un retour de congésmaladie ou une visite d’aptitude autre que la visite systématique. 2.1.2 Anonymat et liberté de participation Chaque questionnaire était rempli de façon anonyme et pré-numéroté de 001 à 600 pour faciliter la saisie des données. Les personnes distribuant les questionnaires devaient informer le sujet du caractère anonyme de l'étude et de la possibilité de refus d'y participer. La feuille d'information jointe 28 expliquait l'intérêt de l'étude, son caractère anonyme et la possibilité de refus de participation. 2.2 Modalités de recueil Dans chaque site, 120 questionnaires ont été déposés, la consigne étant donnée au personnel de l'AM de les distribuer aux 120 premières VSA de militaires d'active sans exception. Une note d'information présentant l'étude (Annexe 1) et une enveloppe étaient jointes à chaque questionnaire (Annexe 2). Le questionnaire était distribué et rempli anonymement en même temps que les autres questionnaires habituels avant une visite systématique annuelle (VSA) (sport, habitus.....). Une fois renseigné, le questionnaire était inséré par le patient dans une enveloppe prévue à cet effet et cachetée, puis remis dans une urne placée au secrétariat de chaque centre avant la visite avec le médecin. Ce dernier n'avait donc pas la possibilité de consulter les réponses au questionnaire. 2.3 Questionnaire et données recueillies Le questionnaire (Annexe 2) était remis avec une enveloppe spécifique et une note d’information (Annexe 1). Le questionnaire comprenait : une partie biométrie (âge, sexe, mode de vie, poids, taille …) ; une partie sur l'environnement professionnel (armée, fonction, horaires, arrêt de travail, jours de permission...) ; une partie sur l'état de santé (antécédents, traitements, habitus,...) ; une partie sur l'exploration de la qualité de sommeil et une échelle de somnolence (Echelle d'Epworth) pour évaluer le retentissement des troubles du sommeil. 2.3.1 Données personnelles Le questionnaire comportait différentes données biométriques, qui permettaient de qualifier l'échantillon mais aussi d'explorer des facteurs de risque éventuels des troubles du sommeil (âge, sexe, poids, taille et calcul de l'indice de masse corporel, type de logement, statut matrimonial, nombre d'enfants dont moins de 4 ans et la présence de difficultés dans l'année précédente). 29 Etaient ensuite demandés l'état de santé ressenti, la présence de problèmes de santé et la prise d'un traitement, la consommation alcoolo-tabagique et la consommation en caféine (café, thé, coca-cola) et en boissons énergisantes. La question "avez-vous un (ou des ) problème(s) de santé?" avait été posée une première fois pour avoir une évaluation globale des troubles de santé dans la population, puis il avait été demandé aux personnes qui déclaraient avoir un trouble du sommeil si une cause médicale avait été identifiée; les réponses à ces deux questions ont ensuite été combinées pour évaluer la causalité entre un problème médical et les troubles du sommeil. Ces problèmes médicaux déclarés ont ensuite été regroupés en catégories : 1. causes cardio-vasculaires (cardiopathies rythmiques ou ischémiques, hyper-tension artérielle, accidents vasculaires cérébraux, hypercholesterolémie, insuffisance veineuse), 2. causes respiratoires (asthme, allergies, tuberculose, apnée du sommeil, bronchite chronique), 3. causes ostéo-articulaires ( rhumatisme, arthrose, traumatismes, douleurs cervicales, dorsales ou lombaires, hernies discales, sciatiques), 4. causes endocriniennes ( diabète, dysthyroïdie, surpoids), 5. causes digestives ( reflux gastro-oesophagien, recto-colite hémorragique, pancréatite chronique, polykystose hépato-rénale), 6. causes cutanées (psoriasis, eczéma), 7. causes néoplasiques ( cancers du sein, du rein, du pharynx, leucémie myéloide chronique), 8. causes neurologiques (migraines, épilepsie, impatience des membres inférieurs, névralgies, vertiges, troubles de la mémoire ), 9. causes psychiatriques (anxiété, dépression, burn-out ), 10. causes gynécologiques (grossesse, grossesse extra-utérine, syndrome climatérique, infertilité), 11. causes de la sphère oculaire ou ORL ( laryngite chronique, problèmes oculaires). 30 2.3.2 Données socio-professionnelles Les facteurs étudiés étaient l'armée ou service d'appartenance, le grade, le type d'unité, la sédentarité de l'emploi, le nombre de voyages hebdomadaires et le temps de trajet quotidien. Concernant les types d'unité, ont été regroupés sous le terme: "Etat-major" : les services de soutien (soutien au corps, informatique, chauffeur), les personnes travaillant dans les administrations, les ministères ou à la DGA; "unité opérationnelle": les gardes-républicains et postes de surveillance; "hôpital": les vétérinaires et les personnes travaillant au centre médical d'unité ou dans la recherche; "autres": les personnels en école, en formation, en détachement à l'Ecole de Guerre, les musiciens de la musique de la Garde Républicaine ou de l'Armée de l'Air, les personnes travaillant au cercle mixte ou en centre de recrutement. Les personnes interrogées devaient aussi informer de leur régime de travail et du nombre de nuits ou de week-end et jours fériés durant lesquels ils travaillaient. Il a été constaté certaines discordances entre la déclaration des régimes horaires (base normale, nuit, week-end et jour férié) et les nuits ou jours de week-end réalisés. Ce phénomène a donc été réajusté en considérant que toute personne déclarant un ou plusieurs régimes de travail était considérée comme telle mais toute personne ayant déclaré avoir fait une nuit ou un jour de week-end ou jour férié était attribué au régime horaire correspondant. Il a aussi été demandé, sur l'année précédente, le nombre de jours de permissions posées, s'il y a eu un arrêt de travail, une mutation ou un départ en OPEX. Dans le cadre de l'exploration du stress au travail et son retentissement éventuel sur la qualité du sommeil, des questions, formulées pour évaluer le bien-être au travail et son retentissement sur la personne, ont été posées (3, 22, 49) Les personnes estimant avoir des troubles du sommeil, devaient ensuite indiquer sur une Echelle Visuelle Analogique (EVA) où était située la part d'influence de la vie personnelle ou de la vie professionelle sur ces troubles. Le point indiqué était ensuite mesuré et le chiffre retrouvé sur 10 permettait de situer l'influence ressentie: entre 0 et 5, influence de la vie personnelle et entre 5 et 10, influence de la vie professionnelle (3). 31 2.3.3 Données sur le sommeil et évaluation des troubles du sommeil La partie sommeil interrogeait sur le temps de présence au lit et le temps d'endormissement grâce auxquels a été calculé secondairement le temps effectif de sommeil. Elle permettait aussi de recueillir les items nécessaires aux critères de troubles du sommeil définis par Léger (66): réveils nocturnes, sensation après la nuit (rafraichi(e), reposé(e), un peu fatigué(e), très fatigué(e)), ... La "dette de sommeil" a ensuite été calculée; Elle correspond à la différence de temps effectif de sommeil la semaine (temps de sommeil imposé par les horaires de travail) et le week-end (temps libre de sommeil). L'Échelle ou Test d'Epworth a été utilisée pour évaluer la somnolence diurne par autoappréciation de la probabilité de s’endormir parmi huit situations de la vie courante (17, 55).Pour évaluer le type de troubles du sommeil, les items reprenaient les définitions de la classification internationale des troubles du sommeil (ICSD-2) (54), de la 4ème révision du manuel diagnostique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4th revision – DSM IV) (38), de l'étude sur les travailleurs d'une compagnie de transport du Professeur Léger (66) et du Questionnaire de l'Hôtel-Dieu. Ces items ont ensuite été analysés et combinés selon le tableau de Léger (Annexe 3) pour mettre en évidence les personnes présentant une hypersomnie, une insomnie, une insomnie sévère ou une apnée du sommeil. Par la suite, la mention "troubles du sommeil" regroupe tous les patients présentant une hypersomnie ou une insomnie. La question "pensez-vous avoir des troubles du sommeil?" était posée en début et en fin de questionnaire pour évaluer, d'une part si les patients avaient un auto-évaluation correcte de leur troubles, et d'autre part pour voir si le fait de remplir le questionnaire permettait la modification de l'auto-évaluation. 2.3.4 Retentissement diurne L'hypersomnolence diurne était définie par un score supérieur à 10 dans l'Echelle d'Epworth et l’hypersomnolence diurne sévère par un score supérieur à 12. Il était aussi demandé aux patients s'ils avaient l'impression de ressentir des troubles récents de l'humeur, de la mémoire ou de la fonction sexuelle. 32 2.3.5 Dialogue avec le médecin Il était demandé aux patients si le médecin traitant était le médecin d'unité ou un médecin civil. S'ils déclaraient avoir des troubles du sommeil, il était demandé s'ils en avaient déjà parlé à leur médecin et si non, pourquoi. La question était de nouveau posée en fin de questionnaire pour évaluer si le questionnaire avait pu les faire changer d'avis. 2.4 Analyses statistiques La saisie de données a été réalisée par lecture automatique (reconnaissance de caractère) à l’aide du logiciel Sphinx®. Toutes les variables qualitatives de l'échantillon ont été d'abord analysées indépendamment et présentées sous forme d'effectifs (n) et d'une proportion dans la population [%]. Ces effectifs ont ensuite été rapportés aux troubles du sommeil (hypersomnie et insomnie: critères 5, 8 et 9) puis comparés en utilisant le test du Chi². Les variables quantitatives ont été présentées sous le forme de moyenne ± écart type. Pour finir une analyse multivariée par régression logistique a été réalisée afin de déterminer les facteurs associés à la survenue de troubles du sommeil. Tous les facteurs associés à la variable à expliquer (ici la présence de troubles du sommeil) en analyse univariée avec un degré de signifacation inférieur à 25% ont été retenus pour l'analyse multivariée. La sélection des facteurs a été réalisée selon la méthode pas à pas descendant. 33 TROISIÈME PARTIE: RÉSULTATS 3.1 Caractéristiques générales de la population étudiée Parmis les 600 questionnaires distribués, 510 ont été remplis, soit 85%. Le taux de remplissage variait selon le site d’inclusion, allant de 66,8% à 98,3% (Figure 3). Les sites d'inclusion sont présentés ici de façon anonymisée. Proportion de remplissage 0 20 40 60 80 A % 76,7 B Site d'inclusion 100 88,3 C D 95,8 65,8 E 98,3 Total 85,0 Figure 3. Taux de remplissage (en %) pour chaque site 3.1.1 Données biométriques et socio-professionnelles Les données biométriques et socioprofessionnelles sont présentées dans le tableau 1. L’échantillon de répondeur était principalement constitué de sujets jeunes (âge moyen : 37 34 ans), de sexe masculin (65,2%). Près de deux sujets sur trois étaient en couple (63,7%). Un militaire sur quatre était déjà parti en opération extérieur (25,8%) ou avait été muté (24,2%). Un répondeur sur deux déclarait avoir des horaires irréguliers (54,2%) ou effectuer des dépassements d’horaires (52,4%). Près d’un répondeur sur trois rapportaient un arrêt de travail (28,9%) ou des difficultés au cours de l’année passée (28,0%). VARIABLES N % OPEX oui non AGE < 30 30-39 >40 117 23,1 187 37 202 39,9 SEXE homme femme STATUT MARITAL célibataire en couple, marié, PACS célibataire géographique divorcé ou séparé ARME Armée de l'Air Armée de Terre Gendarmerie Marine SSA (1) SCA (2) et DGA (3) GRADE Militaire du rang Sous-officier Officier 321 65,2 171 34,8 108 21,3 323 63,7 62 12,2 14 2,8 84 96 128 103 72 25 16,5 18,9 25,2 20,3 14,2 4,9 54 10,9 283 57,2 158 31,9 126 25,8 363 74,2 MUTATION oui non HORAIRES IRREGULIERS oui non DEPASSEMENT HORAIRES jamais occasionnel >1fois/mois >1fois/semaine TEMPS DE TRAJET >1h30 oui non 120 24,2 375 75,8 268 54,2 226 45,7 25 5 178 35,5 36 7,2 263 52,4 91 18,3 406 81,7 ARRET DE TRAVAIL oui 141 28,9 non 346 71,1 DIFFICULTES AU COURS DE L'ANNEE PASSEE oui 143 28 non 367 72 Tableau 1. Descriptif de la population. (1) SSA = Service de Santé des Armées, (2) SCA = Service des Commissariats aux Armées, (3) DGA = Direction générale de l'Armement 3.1.2 Données descriptives du sommeil Sur les 489 sujets ayant répondu à la question, le nombre d'heures de sommeil en semaine était en moyenne de 7,2 heures (±1h) allant de 3,3 h à 11 h et le nombre d'heures de sommeil en week-end (soit temps nécessaire de sommeil) était de 8,5 heures (±1, dispersion 2,5 – 13 h). Sur 485 répondeurs, 205 personnes présentaient une dette de sommeil en semaine 35 (>1h30 ) (42,3 % [ IC 95% 37,8-46,8]) ; 48 avaient une durée de sommeil inférieure à 6 heures, pouvant être qualifiés de "petits dormeurs" (durée de sommeil > 6h) ( 9,9% [ IC 95% 7,212,6]) et parmi ceux-ci, 60% présentaient une dette de sommeil > 1h30 versus 40% dans ceux qui dormaient 6h ou plus (p<0,01). 3.1.3 Données médicales Au total, 101 personnes déclaraient avoir des problèmes médicaux (19,8%), principalement dominé par des troubles ostéo-articulaires (33 sujets) (Tableau 2 ). Tableau 2. Répartition des problèmes médicaux dans la population ( sur 101 personnes) Pathologie Effectif Pathologie Effectif Ostéo-articulaire 33 Gynécologique 4 Cardio-vasculaire 13 Digestive 4 Psychiatrique 10 Cutanée 3 Endocrinienne 10 Cancer 3 Neurologique 10 ORL - Oeil 2 Respiratoire 9 La plupart des sujets présentaient un indice de masse corporel normal (n=295), 31,2% étaient en surpoids et 6,6% étaient obèses. 36 100 90 80 Proportion 70 59,4 60 50 40 31,2 30 20 10 6,6 2,8 0 Maigre (IMC <19) (n=14) Normal (IMC 19-25) (n=295) Surpoids (IMC 25-30) (n=155) Obèse (IMC >30) (n=33) Catégorie de masse corporelle Figure 4. Indice de masse corporel dans la population étudiée Parmi les 163 sujets qui déclarent avoir des troubles du sommeil, seuls 37 sujets rapportaient une cause identifiée et prise en charge (18 pour trouble anxieux ou psychiatrique, 4 pour syndrome d'apnée du sommeil, 2 pour reflux gastro-oesophagien, bouffées de chaleur, 1 pour épilepsie, narcolepsie, impatience des membres inférieurs, dysthyroïdie, douleurs sciatiques, prurit, ronflement) et 34 non. Parmi ces 34 sujets dont aucune cause a été retrouvée, 14 ont bénéficié d'une prise en charge (dont 8 d'un traitement, 5 d'un bilan de sommeil et 1 d'une prise en charge psychologique) 3.2 Prévalence des troubles du sommeil et mise en évidence de leur répercussion diurne. 3.2.1 Prévalence des troubles du sommeil : Insomnies et Hypersomnies L'existence de troubles du sommeil (hypersomnie, insomnie et insomnie sévère) a été rapportée par 60 personnes : 48 hypersomniaques, 12 insomniaques dont 3 sévères. La prévalence des troubles du sommeil (hypersomnie et insomnie) pour l'échantillon était de 37 11,8% [ IC 95% : 9,1-14,9] et isolement celle des insomnies était de 2,4% [IC 95% ; 1,2-4,1]. Parmi les personnes interrogées, 135 personnes présentaient une difficulté à l'endormissement (temps entre l'extinction de la lumière et l'endormissement supérieur à 30 min) (26,5% [ IC 95% 22,7-30,5]. 69 personnes déclaraient se réveiller dans la nuit plus de 2 fois par semaine (13,8%) et 283 (56,5%) 1 à 2 fois par semaine. Les trois causes les plus fréquentes de réveil étaient l'envie d'uriner (26%), les enfants (22,4%) et le bruit (21,2%). Les plus représentés étaient les brulûres d'estomac, les cauchemars, les angoisses et idées noires, la sensation d'apnée et la difficulté à l'endormissement. Ceux-ci étaient liés au RGO, à l'anxio-dépression et au syndrôme d'apnée du sommeil. (Figure 5) Chez les hypersomniaques, 20,8% dormaient moins de 6 heures par nuit versus 8% chez les personnes n'ayant pas de trouble du sommeil (p<0,01). En revanche, il n'y avait pas de différence concernant la dette de sommeil. 38 Prévalence des troubles du sommeil 11,4 Vous av ez des cauchemars qui v ous empêchent de dormir (p=0,03) 27,3 11,1 Vous av ez des angoisses qui v ous empêchent de dormir (p=0,05) 20,4 11,1 Vous av ez des idées noires qui v ous empêchent de dormir (p=0,06) 20,4 12,8 Vous grincez des dents quand v ous dormez (p=0,17) 5,3 11,4 Vous v ous rév eillez en toussant ou av ec des brûlures d'estomac (p=0,01) 33,3 11,7 13,5 Une f ois rév eillé(e), v ous n'arriv ez plus à v ous endormir (p=NS) Au moins une fois par semaine Rarement ou jamais 11,9 En dormant, il v ous arriv e d'arrêter de respirer plusieurs secondes (p=NS) 18,7 12,1 12 Cela v ous arriv e de ronf ler (p=NS) 11,6 12,9 On v ous f ait remarquer que v ous ronf liez bruy amment (p=NS) La nuit, v ous v ous êtes déjà endormi au v olant (p=NS) 12,2 11,1 Vous av ez un sommeil agité (p=NS) 11,7 12,2 9,5 Vous v ous rév eillez trop tôt (p=0,02) 16,4 9,8 Vous av ez des dif f icultés à v ous endormir (p=0,01) 18 0 5 10 15 20 25 30 35 Figure 5. Prévalence des troubles du sommeil dans chaque plainte relative au sommeil 39 3.2.2 Retentissement des troubles sur l'activité diurne: Hypersomnolence Symptômes diurnes On retrouvait une relation significative entre les troubles du sommeil et les symptômes diurnes tels que l'altération de la mémoire, le trouble de l'humeur ou la modification de l'intérêt sexuel : 22,3% des personnes déclarant que leur mémoire s'était altérée présentaient des troubles du sommeil versus 7,9% (p<0,01), 20,3% des personnes déclarant que leur humeur avait changé versus 8,9% (p<0,01) et 25% des personnes déclarant que leur intérêt ou fonction sexuelle avait changé versus 8,9% (p<0,01). Hypersomnolence Les activités les plus à risque de s’assoupir observées sur l’échelle d’Epworth (ESS) étaient le fait de s’allonger dans l’après-midi (65%), d’être passager dans une voiture pendant plus d’une heure (53%) et de regarder la télévision (46,7%). Près de 37 % déclaraient un risque, au moins faible, de s'assoupir au volant. Parmi les répondeurs, 148 personnes présentaient une somnolence diurne définie par un score à l’échelle d'Epworth supérieur à 10 (30,2 % [ IC 95% 26,2-33,1]) et 94 personnes présentaient une hypersomnolence sévère avec un score de plus de 12 (18,4% [ IC 22,1]. (Figure 6) 95% 15,2- 40 0% 20% Assis en train de lire 11,7 En regardant la télévision Passager d'une voiture >1h 15,0 8,3 Assis inactif dans un lieu public 60% 80% 36,7 15,0 46,7 25,0 11,9 100% 36,7 30,0 15,0 1,7 40% 28,3 31,7 33,9 52,5 Forte chance de s'assoupir Chance moyenne de s'assoupir Faible chance de s'assoupir Aucun chance de s'assoupir Allongé dans l'après-midi 3,3 Assis en train de discuter avec quelqu'un Assis au calme après un déjeuner sans alcool 5,0 26,7 65,0 20,0 5,0 Au volant d'une voiture immobile quelques minutes 50,0 30,0 10,0 20,0 38,3 63,3 26,7 13,3 5,0 18,3 Figure 6. Résultats des scores à l'Echelle d'EPWORTH en pourcentage sur 432 répondeurs 3.2.3 Apnée du sommeil Parmi les personnes interrogées, 58 personnes (11,4% [ IC 95% 8,7-14,4]) présentaient les critères d'apnée du sommeil définis par les réponses positives à au moins une des propositions suivantes : "Je tombe de sommeil la journée pendant le travail, pendant que j’écoute la radio ou de la musique, pendant mes trajets ou en regardant la télé", "Ronflezvous ?", "Est-ce que quelqu’un vous a déjà dit que vous ronfliez fort?" . Chez les hypersomniaques, 72% présentaient une apnée du sommeil. Parmi les non-somnolents, une apnée du sommeil était retrouvée dans 5% des cas versus 37% chez les hypersomnolents (p<0,01). En revanche, il n'y a pas de différence concernant la dette de sommeil. Les quatre personnes, qui déclaraient avoir été diagnostiquées comme présentant une apnée du sommeil, ne rentraient pas dans les critères d'apnée du sommeil de cette étude. Les informations collectées n'ont pas parmis de documenter l'efficacité de la prise en charge de ces sujets. 41 3.3 Facteurs de risque de troubles du sommeil. 3.3.1 Caractéristiques socio-démographiques Les femmes présentaient plus de troubles du sommeil : 15,8% versus 9% chez les hommes (p=0,03). En tendance, les personnes ayant présenté une difficulté (financière, familiale ou autres) avaient plus souvent des troubles du sommeil (16,1% versus 10,1% p=0,07) Cependant, l'âge, le mode de vie (logement personnel ou chambre commune), le statut marital ou le nombre d'enfants (y compris moins de 4 ans) n'avaient pas de retentissement sur la présence de troubles du sommeil. 3.3.2 Caractéristiques médicales et habitus L'étude a montré que 18,3 % des personnes qui consommaient du Coca-Cola® quotidiennement, rapportaient des troubles du sommeil versus 10,2 % chez les nonconsommateurs (p=0,02). Aucun des 13 consommateurs de boissons énergisantes ne présentaient de troubles du sommeil (p=0,4). La consommation d'alcool, de caféine, de thé ou de tabac, ainsi que le poids, la sieste ou l'activité physique n'avaient pas d'influence sur la présence de troubles du sommeil. Concernant l'hygiène de sommeil, les personnes déclarant dormir moins de 6 heures par nuit rapportaient plus de troubles du sommeil que celles dormant plus de 6 heures ( 25% vs 11,1% p=0,01). En revanche, la dette de sommeil supérieure à 1 heure 30 n'impliquait pas plus de troubles du sommeil. Seules les causes respiratoires (asthme, allergie, tuberculose, apnée du sommeil, bronchite chronique) avaient une influence sur les troubles du sommeil: 33,3% versus 10,9% (p=0,05) (Tableau 3). Les causes médicales cardio-vasculaires, respiratoires, ostéo-articulaires, endocriniennes, neurologiques, psychiatriques et tout antécédent lié à un problème de sommeil ont été retenues pour l’analyse multivariée des variables santé. Les causes digestives, cutanées, néoplasiques, gynécologiques, oto-rhino-laryngologiques, ophtalmiques n'ont pas été retenues du fait du trop faible effectif. 42 A l’issue de l’étape pas à pas descendante, la seule variable montrant significativement un lien avec les troubles du sommeil était le fait d'avoir déjà présenté un trouble du sommeil avec un odd-ratio à 2,96 [ IC 95% : 1,4-6,24]. Les autres variables ne pouvaient être interprétées car tous les intervalles de confiance comprenaient 1. Tableau 3. Variables "santé" (*ajustées sur l'âge, le genre, l'armée, le grade et le temps de sommeil) Troubles du sommeil Analyse univariée Analyse ajustée * Oui OR OR Effectifs Variable Non IC 95% p n % n % Non 380 42 11,1 338 88,9 1,00 1,00 Oui 3 23,1 10 76,9 2,41 0,64 9,12 0,19 2,09 Non 384 42 10,9 342 89,1 1,00 1,00 Oui 3 33,3 6 66,7 4,07 0,98 16,9 0,05 3,90 Non 360 40 11,1 320 88,9 1,00 1,00 Oui 5 15,2 28 84,8 1,43 0,52 3,91 0,49 1,52 Non 383 44 11,5 339 88,5 1,00 1,00 Oui 1 10,0 9 90,0 0,86 0,11 6,92 0,88 0,79 Non 383 42 11,0 341 89,0 1,00 1,00 Oui 3 30,0 7 70,0 3,47 0,87 14 Non 383 42 11,0 341 89,0 1,00 Oui 3 30,0 7 70,0 3,47 0,87 14 IC 95% P Cardiovasculaire 13 0,48 9,19 0,33 Respiratoire 9 0,93 18,3 0,09 Ostéo-articulaire 33 0,5 4,62 0,46 Endocrinien 10 0,09 6,97 0,83 Neurologique 10 0,08 3,48 0,76 15,9 0,11 Psychiatrique 10 1,00 0,08 3,78 0,78 18,3 0,09 Antécédent lié à un problème de sommeil Non 315 28 8,9 387 93,3 1,00 1,00 Oui 17 21,8 61 78,2 2,86 1,47 5,54 0,01 2,96 78 1,4 6,24 0,01 3.3.3 Caractéristiques professionnelles Concernant le type d'affectation, la tendance montrait que les personnes travaillant en hôpital, en CMA, vétérinaire ou chercheur, présentaient plus de troubles du sommeil que les 43 personnes en unité opérationnelle, en état-major, administration, service de soutien, informatique, ministère, ou en école, école de guerre, formation, études, DGA, cercle-mixte, musique ou centre de recrutement. (p= 0,06). Concernant les entités militaires d'appartenance, les personnels du SSA étaient les plus sujets à des troubles du sommeil, puis ceux de la DGA ou les Commissariats aux Armées et de la Gendarmerie, et enfin la Marine, l'Armée de l'Air et l'Armée de Terre. (p= 0,02). (Figure 7) Type d'affectation (p=0,06) Hopital, CMA, vétérinaire, recherche 19,7 unité opérationnelle 14,3 état major, administration, services de soutien,, informatique, ministère 9,3 école formation, études, DGA, cercle mixte, musique, COMAR 8,3 0 Armée d'appartenance (p=0,02) SSA 20,8 DGA-Commissariats 16 Gendarmerie 14,8 Marine 10,6 Armée de l'Air 7,1 Armée de Terre Horaires de travail identique chaque jour (p=0,09) 5,2 0 Non 14,1 Oui 9,3 0 Mutation dans l'année (p=0,16) Non 13 Oui 8,3 0 OPEX dans l'année (p=0,18) Non Oui 13,2 8,7 Figure 7. Prévalence (%) des troubles du sommeil selon les facteurs socio-professionnels. Cependant, le grade, même pondéré à l'âge, n'avait pas d'influence sur les troubles du sommeil, de même que la sédentarité, les déplacements hebdomadaires ou le temps de trajet quotidien. En tendance, les personnes déclarant ne pas avoir les mêmes horaires de travail tous les jours rapportaient plus souvent des troubles du sommeil. En revanche, le dépassement des horaires de travail, le régime horaire de travail ou le nombre de nuits ou de week-ends étaient 44 sans influence sur les troubles du sommeil. Les personnes n'ayant pas fait l'objet, dans l'année, de mutation ou d'OPEX auraient plus tendance à avoir des troubles du sommeil (p=0,16). Les personnes déclarant avoir posé un ou plusieurs jours d'arrêt de travail auraient plus souvent des troubles du sommeil (10,1% versus 15,6%, p=0,09). Aucune différence significative concernant le nombre de jours posés n'était retrouvée. Les variables suivantes: âge, genre, statut matrimonial, armée, grade, la présence d'évènements graves, d'une OPEX, d'une mutation ou d'un arrêt de travail dans l'année précédente, des horaires de travail identiques tous les jours, une dette de sommeil supérieure à 1 heure 30, un temps de sommeil inférieur à six heures et un trajet quotidien de plus de 1 heure 30, ont été retenues pour l’analyse multivariée. A l’issue de l’étape pas à pas descendante, seules les variables suivantes ont été associées à la présence d’un trouble du sommeil : (Tableau 4) l’âge avec un odd-ratio (OR) de 1,52 pour les 30-39 ans par rapport aux moins de 30 ans et un risque de 3,04 pour les 40 ans et plus, le genre avec un OR de 2,1 pour femmes par rapport aux hommes, l'arme d'appartenance avec un OR de 1,89 pour l'Armée de l'Air par rapport à l'Armée de Terre et un risque de 5 pour la Gendarmerie, 5,31 pour la Marine, 7,45 pour le SSA et 13,14 pour la DGA et le SCA, le grade avec un OR de 1,47 pour les sous-officiers par rapport aux officiers et un risque de 5,93 pour les militaires du rang, le temps de sommeil inférieur à 6 heures avec un OR de 3,04 pour les petits dormeurs par rapport aux dormeurs normaux. Aucune interaction significative n’a été retrouvée. Le test d’adéquation du modèle n’était pas significatif (p=0,11), ne permettant pas de mettre en évidence une absence d’adéquation du modèle. 45 Tableau 4. Analyse multivariée N Variable Troubles du sommeil Oui Non n % n % Age <30 82 10 12,2 72 30-39 150 14 9,3 136 >= 40 161 21 13,0 140 Genre Homme 252 24 9,5 228 Femme 141 21 14,9 120 Statut matrimonial En couple 249 26 10,4 223 Célibataire 82 12 14,6 70 Célibataire géographique 51 6 11,8 45 Autre 11 1 9,1 10 Événements graves (difficultés) Non 280 29 10,4 251 Oui 113 16 14,2 97 Armée Armée de terre 78 3 3,8 75 Armée de l'air 70 5 7,1 65 Gendarmerie 88 12 13,6 76 Marine 77 10 13,0 67 SSA 60 11 18,3 49 Autre 20 4 20,0 16 Grade Officier 131 12 9,2 119 Sous-officier 223 25 11,2 198 Militaire du rang 39 8 20,5 31 Opération extérieure dans les 12 derniers mois Non 293 38 13,0 255 Oui 100 7 7,0 93 Mutation dans les 12 derniers mois Non 298 38 12,8 260 Oui 95 7 7,4 88 Horaires identiques tous les jours Non 179 25 14,0 154 Oui 214 20 9,3 194 Arrêt de travail dans les 12 derniers mois Non 277 28 10,1 249 Oui 116 17 14,7 99 Dette de sommeil de plus d'1h30 Non 225 28 12,4 197 Oui 168 17 10,1 151 Temps de sommeil < 6 h Non 352 35 9,9 317 Oui 41 10 24,4 31 Trajet de plus d'1h30 Non 319 39 12,2 280 Oui 74 6 8,1 68 Analyse univariée OR IC 95% p Analyse ajustée * OR IC 95% 0,58 87,8 90,7 87,0 1,00 0,74 1,08 90,5 85,1 0,07 0,31 1,75 0,48 2,42 1,00 1,52 3,04 0,54 4,27 1,04 8,89 0,00 1,66 0,98 3,11 1,00 2,10 1,00 4,44 89,6 85,4 1,00 1,47 0,71 3,07 1,00 - 88,2 90,9 1,14 0,86 0,45 2,94 0,11 6,97 - 89,6 85,8 1,00 1,43 0,74 2,75 96,2 92,9 86,4 87,0 81,7 80,0 1,00 1,92 3,95 3,73 5,61 6,25 90,8 88,8 79,5 1,00 1,25 2,56 0,61 2,58 0,96 6,81 87,0 93,0 1,00 0,50 0,22 1,17 0,11 1,00 - 87,2 92,6 1,00 0,54 0,23 1,26 0,16 1,00 - 86,0 90,7 1,00 0,63 0,34 1,19 0,15 1,00 - 89,9 85,3 1,00 1,53 0,80 2,91 0,2 1,00 - 87,6 89,9 1,00 0,79 0,42 1,50 0,47 1,00 - 90,1 75,6 1,00 2,92 1,32 6,46 0,01 1,00 3,04 87,8 91,9 1,00 0,63 0,26 1,56 0,32 1,00 - 0,44 1,07 0,99 1,49 1,27 0,11 0,77 0,29 0,09 0,05 1,00 0,02 1,00 1,89 5,00 5,31 7,45 13,10 8,36 14,50 14,10 21,10 30,70 p 0,41 1,25 1,33 1,89 2,31 8,76 20,00 21,20 30,30 74,79 0,15 0,03 1,00 1,47 5,93 0,60 3,58 1,55 22,60 1,3 7,09 0,01 46 3.3.4 Lien entre troubles du sommeil et bien-être au travail: Le ressenti des personnes sur leur bien-être au travail ou leur état de santé était relié à la présence de troubles du sommeil. Ainsi, les personnes qui ont rapporté un défaut de bien-être au travail ou un mauvais état de santé, présentaient bien plus de troubles du sommeil que les personnes ayant répondu positivement. (Figure 8) Il en est de même pour l'influence du travail sur la santé; cependant, il n'y avait pas de différence significative par rapport à l'année précédente. Proportion 0 5 10 15 20 25 30 35 40 Bien être au travail ressenti (p<0,01) Excellent 8,9 Bon 8,9 Passable 15,1 Mauvais 32,3 Influence du travail sur la santé estimée (p=0,03) Oui en mieux 5,8 9,8 Non 16,8 Oui en moins bien Etat de santé ressenti (p<0,01) Excellent Bon Passable 1,2 12,4 19,4 Mauvais 37,5 Figure 8. Lien entre le ressenti des personnes et les troubles du sommeil. (Pourcentage de personnes présentant des troubles du sommeil dans chaque réponse.) 47 3.4 Description de l'impact de l'intervention 3.4.1 Impact sur la prise de conscience des troubles du sommeil Avant de répondre au questionnaire, 9,4% (32/339) des personnes déclaraient ne pas avoir de troubles du sommeil alors que le questionnaire révélait des troubles du sommeil et 17,1% (28/163) des personnes qui déclaraient en avoir en avaient réellement (p=0,012). Huit des personnes qui déclaraient, en début de questionnaire, ne pas avoir de troubles du sommeil alors que l'étude de leurs réponses montrait qu'elles en avaient, déclaraient en avoir à l'issue du questionnaire. Par ailleurs, deux des personnes qui déclaraient avoir des troubles du sommeil en début de questionnaire et qui en avaient réellement, déclaraient ne plus en avoir en fin de questionnaire (p<0,01). Parmis les 159 répondeurs déclarant présenter des troubles du sommeil, la moyenne de cotation de l'EVA "cause personnelle ou professionnelle" était de 5,7 allant de 0 à 10, signifiant une tendance à rapporter plus souvent ces troubles à une cause professionnelle que personnelle. Ce phénomène était amplifié chez les personnes qui présentaient des troubles objectivés du sommeil, la moyenne était de 6,5 avec un score allant de 0,2 à 10 . Ainsi l'influence de la vie professionnelle était associée majoritairement aux troubles du sommeil d'autant plus lorsqu'ils étaient objectivés. 3.4.2 Impact sur la déclaration au médecin Sur 496 répondeurs, 170 déclaraient avoir pour médecin habituel leur médecin d'unité (34,3%). Parmi les 163 personnes déclarant avoir un trouble du sommeil, 36% seulement avaient évoqué à leur médecin leurs troubles du sommeil (sans différence significative entre troubles objectivés ou non), la majorité (82%) estimant cela "peu important". 3.4.3 Impact sur la demande de formation Sur 421 personnes ayant répondu à la question, seulement 22 sujets (5,2%) rapportaient avoir déjà reçu une formation sur la gestion du sommeil, et sur 417, 164 (39,3%) exprimaient le souhait de recevoir une formation pour apprendre à mieux gérer son sommeil. 48 QUATRIÈME PARTIE: DISCUSSION 4.1 Synthèse et discussion des principaux résultats Notre travail permet d’évaluer pour la première fois la prévalence des troubles du sommeil chez les militaires français. Celle-ci est élevée (11 %) et associée à une prévalence importante de l’hypersomnolence diurne (30,2 %) et de l’hypersomnie (9 %). Nous avons également mis en évidence des facteurs de risque de troubles du sommeil (durée de sommeil < 6 h, antécédents de pathologie du sommeil, sexe féminin, appartenance à certaines forces armées ou services, grade…) qui peuvent aider pour leur détection au cours de la visite systématique et la détermination de contre-mesures. 4.1.1 Insomnie, hypersomnie et hypersomnolence. Dans cette étude, nous montrons une prévalence de 2,4 % pour l’insomnie. Cette prévalence est très inférieure à celle observée dans la population française avec un questionnaire identique (19%) (67) et chez des travailleurs de la RATP (26%) (66). L'enquête baromètre santé de 2010 retrouvait une prévalence à 15,8 % pour l’insomnie chronique chez les 15-85 ans (14, 29) à 6,6 % en utilisant les critères du DSM IV. Cette prévalence, plus faible, peut être en partie expliquée par l’âge de notre population (moyenne de 37 ans), la prévalence de l’insomnie augmentant avec l’âge (14). Ce résultat est identique à celui observé chez des militaires (32). La prévalence de l’hypersomnie est de 9%. Avec un questionnaire identique, Léger et coll. (66) ont observé des résultats comparables chez des employés de la RATP (11%) et supérieurs chez ceux travaillant habituellement en sous-sol et non exposés à la lumière (15,5%). L’hypersomnie est associée à une augmentation du risque d’accident (11). Ce résultat est également comparable à celui observé chez des marins, 7,9 % (avec 6 % chez les personnels navigant et 10,8 % chez les techniciens) (32). 49 Dans notre travail, une hypersomnolence diurne (ESS > 10) est observée dans 30,2 % des cas et la prévalence de l’hypersomnolence diurne sévère est de 18,4 % (ESS>12). Ces résultats sont supérieurs à ceux habituellement observés dans la population générale. En effet, dans la population générale, la prévalence de la somnolence diurne excessive est proche de celle de l’insomnie, soit environ entre 17 et 20 % de la population générale (67,88). La récente enquête de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (40) réalisée sur un échantillon représentatif de la population française adulte de 1020 personnes, observe 19 % d’hypersomnolence (score ESS > 10). Cette proportion est comparable aux enquêtes antérieures en 2004 et 2005 avec environ 17 % de score ESS > 10 (16) ou à des études réalisées sur un échantillon de conducteurs routiers (105) avec 20 % de score ESS > 10. Cependant, la prévalence observée dans notre travail était comparable à celle des patients présentant un trouble du sommeil (55) ou chez les travailleurs postés (entre 13,7 et 15% d’ESS > 12 et entre 22 et 25 % d’ESS > 10 (66), ou les personnels navigants civils de moyen et long-courriers (28). Dans une étude réalisée en 2011 chez des marins, Coroenne (32) a observé une prévalence également similaire avec 32,7 % d’hypersomnolence diurne (ESS > 10) et 18,4 % d’ hypersomnolence diurne sévère (ESS > 12). Dans notre étude, 23,3 % reconnaissent une chance, moyenne ou forte, de s'assoupir au volant d’une voiture. En 2007, George a effectué une revue de littérature sur 10 autres études portant sur le risque d'accident de la route chez les patients présentant un syndrome d'apnée du sommeil. Ces patients, du fait de leur somnolence, présentent un risque accru d'accident avec un odd-ratio variant de 1,9 à 3,8 en fonction des études (46). La prévalence de l’apnée du sommeil (11,4 %) dans notre étude était supérieure à celle observée par Coroenne en 2011 chez des personnels de l’aéronavale (6,1 % pour les pilotes et 8,8 % pour les techniciens) (32) et également supérieure à celle observée dans la population française : 4,20 % d’une population jeune active et en bonne santé (97) et chez les militaires (7). 4.1.2 Facteurs de risques Dans notre travail, nous avons pu identifier plusieurs facteurs de risque de troubles du sommeil. 50 L’influence du sexe féminin a déjà été décrite (13, 29, 68). Nous observons un lien avec l'âge supérieur à 40 ans alors que dans l'étude baromètre INPES (13), c'était l'âge supérieur à 55 ans, et plus de 65 ans pour l’étude de la prévalence de l'insomnie de Léger (68). Ce résultat, qui peut paraître surprenant, est comparable à celui observé dans la population générale dans l'enquête InVS de 2011 (40). Dans cette étude, la proportion d’hypersomnolence est la plus forte (25%) chez les 25-44 et chez les 45-54ans. Cette proportion diminue après 55 ans. Cela est peut-être la conséquence de l’effet délétère de la vie active sur le sommeil. Chez les personnels navigants, Caubet et coll. (28) ne retrouvent, à leur grande surprise, aucune corrélation significative avec l’âge ou l’expérience aéronautique. Coroenne (32) retrouve une prévalence plus forte chez des militaires français âgés entre 25 et 35 ans. L’effet de l’armée d'appartenance et/ou du grade n’ont pas été décrits ou observés précédemment (32), mais nous avons un faible effectif de militaires du rang dans cette étude en comparaison avec l'effectif dans les Armées. Le temps de sommeil inférieur à 6 heures et la dette chronique de sommeil sont des facteurs de risque de troubles du sommeil déjà retrouvés dans différentes études (94, 105), en particulier dans l'étude sur le manque de sommeil de 2011, réalisée sur 1004 jeunes adultes (25-45 ans) (69). Dans notre étude, le temps de sommeil moyen (7,2 heures en semaine) était comparable à celui observé dans la population générale selon l'enquête INVS/MGEN de janvier 2011 (7,4 heures environ) (40). Par contre, la proportion de personnels dormant moins de 6 heures par nuit (9,9 % seulement de notre population) était très inférieure à la proportion observée dans la population française générale (entre 20 et 30 %- selon cette même enquête). Les principales causes de diminution du temps de sommeil observées dans d’autres études sont classiquement l’utilisation de la télévision et d’Internet qui altèrent la qualité du sommeil et favorisent l’éveil (40), mais ces facteurs n'ont pas été étudiés dans notre étude. Cependant, contrairement aux résultats de la littérature, les horaires de travail (10, 76), le temps de trajet (12) ne semblait pas avoir d'influence sur le sommeil dans notre étude et, contrairement à plusieurs études américaines (83, 108), nous n’avons pas non plus mis en évidence de lien entre la participation à une opération extérieure dans l’année et un trouble du sommeil, ce qui confirme les résultats de Coroenne chez des militaires français (32). 51 4.1.3 Retentissement sur la santé On retrouvait 11,4 % de personnes présentant des symptômes d'apnée du sommeil. Ce résultat était plus important que celui retrouvé dans l'étude sur l'apnée du sommeil publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de novembre 2012, soit 3 à 7 % chez les hommes et 2 à 5 % chez les hommes (43). De plus, à l'issue de l'analyse multivariée, on ne retrouvait pas de pathologie organique influençant les troubles du sommeil, le seul antécédent ayant une influence étant un précédent de troubles du sommeil. Les données ESPS de 2008 retrouvaient une corrélation entre les troubles du sommeil et les douleurs chroniques, les troubles coronariens, l'hypertension et les troubles métaboliques tels que l'obésité et le diabète (14). Chez le militaire, la seule étiologie organique associée aux troubles du sommeil était une pathologie spécifique. Du fait de leur âge et de leur sélection médicale, les militaires présentent peu de pathologies favorisant un trouble du sommeil. Les troubles du sommeil chez le militaire sont donc liés à leur activité professionnelle (travail de nuit, mission…..). C’est d’ailleurs pour cela que la prévalence de l’hypersomnie chez les militaires est identique à celle observée dans les populations de travailleurs de nuit. La prise en charge des troubles du sommeil chez le militaire consisterait principalement à renforcer l’hygiène du sommeil. L'objectif de ces campagnes d’hygiène du sommeil serait de faire diminuer cette proportion de « petits dormeurs ». En effet, Matthew et coll. ont montré que dormir moins de 6 heures dans les 24 heures précédant le vol est associé à une dégradation des performances opérationnelles et une augmentation du nombre d’erreurs sur une population de personnels navigants de l’aviation civile (74). A moyen et long termes, plusieurs études ont clairement établi un lien entre la faible quantité de sommeil et l’augmentation du risque d’obésité (44) et de diabète (51) qui devient 2,5 fois plus important par rapport à ceux qui dorment plus de 7 heures. La littérature retrouvait un lien avec la consommation d'alcool, de tabac et de boissons énergisantes que nous ne retrouvons pas dans cette étude (14,114). 52 4.1.4 Retentissement sur le travail On retrouvait, comme dans la littérature, une tendance à poser plus de jours d'arrêt de travail. Metlaine et Prévot annonçaient que " l'insomnie est le facteur prédictif de l'absentéisme" (76), de même que Philip et al., qui retrouvait déjà une association positive entre somnolence diurne et absentéisme (OR=2,2 [IC 95%: 13-3,8]) (96). Léger estime que 88 % du coût indirect de l'insomnie en France est à la charge de l'employeur, du fait de l'asbsentéisme ou des accidents de travail secondaires à une insomnie (84). Dans notre étude, 17 % des militaires interrogés estiment que leur travail influence leur santé en moins bien et la littérature retrouve 20% des insomniaques pour qui la cause de leur trouble est professionnelle (12). Cependant, ils différencient un gradient homme-femme où les hommes évoquent plutôt l'origine professionnelle et les femmes l'origine familiale. Nous n'avons pu faire cette différence du fait du trop faible effectif. Enfin concernant la relation entre les troubles du sommeil et le bien-être ressenti ou le bien-être au travail, on retrouve un relation très significative entre ces deux questions. Mais cela n'a pas été étudié dans la littérature. 4.1.5 Relation avec le médecin En ce qui concerne le recours aux soins, 36 % seulement des sujets présentant des troubles du sommeil en avaient parlé à leur médecin et la majorité estimait cela "peu important". Ce résultat rejoint ceux précédemment publiés. En effet, une étude a rapporté que 53 % des insomniaques sévères déclaraient avoir déjà consulté un médecin pour leur insomnie, mais seulement 18 % des insomniaques simples. Parmi ceux-ci, 47 % ont profité d'une consultation pour parler de leur problème de sommeil sans consulter spécifiquement pour celui-ci (65). 4.2 Pertinence de l'étude et de la méthodologie. En se basant sur l'auto-évaluation par questionnaire reconnue comme fiable (70), cette étude a permis d'étudier la prévalence des troubles du sommeil sur une population de militaires. L'originalité de cette étude était d'utiliser une population sans critère de risque particulier et 53 sans plainte formulée. La sélection des centres étudiés a été réalisée dans un souci pratique en région parisienne et a été répartie sur les cinq entités militaires mais sans tenir compte de la proportion de ces entités dans la population militaire française. Il y a donc des différences concernant le pourcentage de représentativité de chaque entité. Une pondération des troubles du sommeil sur la population militaire fançaise (effectifs 2012) a été réalisée, mais les résultats n'étaient pas significatifs du fait de la différence de proportion des différentes entités militaires dans l'étude en comparaison avec les effectifs nationaux. De surcroît, les effectifs exacts par catégorie pour l’Ile de France n'étant pas disponibles, la pondération n'a pu être réalisée pour estimer la fréquence dans la population source. Seuls les effectifs globaux selon l’armée, le sexe et l'âge étaient disponibles, mais la répartition de l’échantillon était trop différente de l’ensemble des forces armées. De plus, le caserne de Gendarmerie étudié était le quartier des Céléstins qui est constitué en majorité de gendarmes de la Garde Républicaine. Ces gendarmes sont une population plus jeune que l'ensemble du personnel de la Gendarmerie Nationale. En revanche, les antennes de la Pépinière, de l'Ecole Militaire et de Balard voient majoritairement dans leur population des personnes travaillant en état-major, ce qui constitue une population en moyenne plus âgée que la population nationale des militaires de la Marine, l'Armée de Terre ou de l'Air. L'effectif de l'étude, bien que suffisant pour l'étude de la prévalence des troubles du sommeil, rendait cependant certains résultats difficilement interprétables. Certaines souscatégories avaient notamment un effectif trop petit. 4.3 Problématiques connexes. Dans notre travail, nous n’avons pas pu abordé la question des anciens fumeurs et du temps de sieste, qui auraient une influence sur les troubles du sommeil (14). De plus, nous connaissons l'influence importante de la lumière sur le rythme circadien, mais cette problématique a été peu explorée dans cette étude. Le nombre de questions a été limité pour favoriser l'adhésion des participants à l'étude. La question des hypnotiques n'a pas été abordée directement et l'on a constaté qu'aucun militaire n'en consommait hors du cadre d'une pathologie psychiatrique traitée. Cependant, 54 dans la population française, 10 % de la population en consomme de façon régulière (65). Cette différence pourrait être expliquée par la forte proportion d'hommes dans notre population et la nécessité, pour le militaire, d'être opérationnel "en tout lieu et en tout temps". 4.4 Perspectives Les troubles du sommeil sont fortement corrélés au ressenti global de l'état de santé, à la sensation de changement de l'humeur, de la mémoire ou de la fonction et intérêt de la fonction sexuelle, ce qui pourrait constituer une piste d'interrogatoire pour la détection précoce des troubles du sommeil. Nous avons mis en évidence une relation importante entre la présence de troubles du sommeil et le ressenti des personnes sur leur état de santé ou leur bien-être au travail. A partir de ce constat, les réponses aux questions abordant le ressenti des personnes sur leur état de santé ou leur bien-être au travail pourraient être utilisées comme un outil de diagnostic précoce ou au moins de mise en garde concernant la personne qui répondrait " médiocre" à l'une de ces deux questions. Dans la littérature, il est relaté une sous-estimation et une sous-déclaration des troubles du sommeil. De plus, les personnes interrogées incriminent en majorité l'origine professionnelle de leurs maux. De ce fait et constatant aussi un manque d'information sur le sujet, il serait important pour le médecin d'unité et pour la hiérarchie, de mettre en place d'une information et /ou d'une formation systématique sur le sujet à tous les militaires. En effet, dans notre étude, seuls 5,2% des sujets avaient reçu une formation sur la gestion du sommeil et 39,3% avaient exprimé le souhait de recevoir une formation pour apprendre à mieux gérér leur sommeil. Une formation à l'hygiène du sommeil permettrait de prévenir ou de détecter des troubles plus précocement. Au niveau du médecin d'unité, la formation et l'information sur les troubles du sommeil devraient donc devenir une priorité. La prévention primaire avec la formation à l'hygiène du sommeil et la collaboration avec la hiérarchie concernant l'environnement professionnel, permettrait d’éviter l'apparition des troubles. Cette information permettrait peut-être une consultation à un stade plus précoce et donc de prendre en charge un trouble du sommeil avant qu'il n'ait trop de répercussions diurnes. 55 On peut envisager, pour lutter contre cette somnolence diurne excessive, différentes contre-mesures : la mise en place ou le respect de la réglementation en vigueur dans le cadre des professions à risques (horaires décalés, privation de sommeil,..), notamment la récupération, ou l'instauration de moments de siestes récupératrices (92,117) ; la formation des personnels sur les règles hygiéno-diététiques de sommeil: des horaires réguliers, un rituel du coucher, une absence d’exercice physique deux heures avant le coucher, ni tabac ni café ni autre boisson stimulante dans la soirée, une absence de prise d’alcool, une pièce confortable calme et obscure, un lever 30 minutes après le réveil (4). l'évaluation régulière par le médecin d'unité, le médecin du travail ou le médecin traitant de l'état de sommeil et de somnolence des patients. De plus, des études américaines décrivent une relation forte entre les troubles du sommeil et l'état de stress post-traumatique (102). L'état de stress post-traumatique est considéré comme un facteur de risque d'insomnie. Il serait donc aussi important de surveiller plus spécifquement les militaires au retour d'intervention pour surveiller l'apparition de troubles du sommeil et/ou d'un état de syndrome de stress post-traumatique. Dans notre étude, la faible consommation d'hypnotiques pourrait être liée au fait que le nombre d'insomniaques est réduit dans la population étudiée. Lors d'un épisode passager de troubles du sommeil (endormissements, réveils,... ), la prescription d'hypnotiques pourrait être indiquée le temps de passer la "mauvaise période" en accord avec les recommandations en vigueur (102). Il faut souligner que la prise en charge des troubles du sommeil est pluridisciplinaire et que la place de la thérapie cognitivo-comportementale dans la prise en charge de l'insomnie n'est plus à démontrer (97,113). 56 CONCLUSION Dans la population militaire étudiée, exposée à de nombreux facteurs influençant le sommeil, la prévalence de l'hypersomnie et de l'hypersomnolence diurne était importante, avec de conséquences diurnes importantes sur la santé, le bien-être et l'aptitude à la conduite. Par contre, la prévalence de l'insomnie était moins importante que dans la population générale. Notre travail a permis de décrire pour la première fois les facteurs de risque de troubles du sommeil dans une population militaire française. Comme attendu, le recours aux soins est faible. La population étudiée est de petit effectif et n'est pas représentative de l’ensemble de la population militaire française. Il y aurait un intérêt à refaire cette étude à plus grande échelle. Les exigences du métier de militaire impliquent des capacités d’éveil optimales. Le rôle du médecin d'unité est de s'en assurer. Les militaires en ont conscience puisque la plupart, y compris ceux qui ne présentent pas de troubles du sommeil, expriment la demande de recevoir une formation à ce sujet. Une exploration systématique des troubles du sommeil serait nécessaire dans les armées, ainsi qu'une sensibilisation des praticiens et des militaires et la proposition des contre-mesures préventives. Cette étude a permis d’ouvrir une réflexion sur l’utilisation d’un outil de diagnostic rapide des troubles du sommeil pour le médecin d’unité, basé sur le ressenti du patient. 57 Bibliographie: (1) Abe T, Hagihara A, Nobutomo K. Sleep patterns and impulse control among Japanese junior high school students. J Adolesc. 2010;33(5):633-41. (2) Adachi K, Nishijo K, Abo T. 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Effets d'une sieste avant une garde aux urgences sur les performances mentales des internes de médecine.Faculté de Marseille. 2012. 66 Annexes: Annexe 1 : Note d'information accompagnant le questionnaire Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées Institut de recherche biomédicale des armées 69 Avenue de Paris – 94163 Saint Mandé Cedex BP 73 – 91223 Brétigny sur Orge Tel. 01 43 98 59 49 Tel. 01 69 23 77 60 Questionnaire Prévalence des troubles du sommeil dans les unités Madame, Monsieur, Les activités militaires peuvent induire des altérations du rythme veille/sommeil qui diminuent la performance et la vigilance des personnels . Cela peut avoir un impact important sur leur capacités et leur disponibilité au travail. Dans ce cadre, l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et le Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées (CESPA) réalisent une enquête afin d’évaluer la présence de troubles du sommeil chez les personnels militaires d'active dans des unités de la région parisienne. Ce questionnaire est strictement anonyme. L’exploitation des questionnaires sera effectuée de manière confidentielle par l’IRBA. Vous restez néanmoins libre de ne pas répondre. Votre participation ou non n’aura pas d’incidence sur la consultation à venir. Toutefois, votre participation est nécessaire pour garantir les enseignements qui seront tirés de cette enquête. Nous vous remercions par avance de bien vouloir consacrer quelques minutes pour répondre à ce questionnaire et de le glisser dans la boite qui se trouve au secrétariat de votre centre médical. Médecin en chef Catherine VERRET Médecin principal Fabien SAUVET CESPA Saint Mandé IRBA Brétigny-sur-Orge En application de l’article 27 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifié 67 par la loi 2004-801 du 6 aout 2004, il vous est précisé que vous restez totalement libre de ne pas répondre à cette enquête 68 Annexe 2 : Questionnair 69 70 71 72 Annexe 3 : Critères de diagnostique des troubles du sommeil (16, 66) Items utilisés pour définir un trouble du sommeil Item A Question Réponse Critères utilisés pour définir un trouble du sommeil Combien de minutes vous faut-il pour vous endormir Combien de fois vous réveillez vous chaque nuit « Une fois que je suis réveillé je ne peux pas me rendormir » « Après une nuit normale de sommeil, je me sens… Je tombe de sommeil la journée pendant le travail, pendant que j’écoute la radio ou de la musique, pendant mes trajets ou en regardant la télé » Il semble que ma mémoire a soudainement empirée ESS (Epworth) > 30 minutes Critère 0 Avez-vous un troubledu sommeil >2 Critère 1 (A ou B) et (C et D) Toutes les nuits ou toutes les semaines Critère 2 Un peu fatigué ou très fatigué Toutes les jours ou toutes les semaines Critère 3 Trouble du sommeil depuis plus d’un mois E ou F Critère 4 Utilisation régulière de sédatif oui Critère 5 Hypersomnie : E et G > 12 Critère 6 Item I Est-ce que quelqu’un vous a déjà dit que vous ronfliez fort oui Critère 7 Item H Ronflez-vous ? Souvent ou toutes les nuit Critère 8 Apnée du sommeil : E et H et I Arrêt de la respiration pendant plusieurs secondes pendant le sommeil Insomnie : critère 0 et critère 1 et (critère 2 ou 3) Insomnie sévère : (critère 0 et critère 1 et 3) ou critère 4 Apnée observée et critère 7 et item E Item B Item C Item D Item E Item F Item G Critère 9 Critère 10 Critères pour définir les troubles du sommeil basés sur le DSM-IV et ICSD classification criteria. Les item A à H sont associés pour évalués les critères les plus commun de troubles du sommeil (5 à 10). 73 RÉSUMÉ : Introduction. Les troubles du sommeil touchent plus d'un tiers de la population générale française et peuvent retentir sur l'activité professionnelle, la vigilance au volant, la qualité de vie et l'état de santé. Cependant, la prise en charge de ces troubles est faible et souvent tardive. Les militaires sont particulièrement exposés aux troubles du sommeil notamment du fait d’horaire de travail atypiques. Objectifs. L'objectif principal de cette étude était de déterminer la prévalence des troubles du sommeil dans une population militaire. Les objectifs secondaires sont d’évaluer la proportion de troubles non prise en charge, leur répercussion diurne et d’identifier des facteurs de risque. Matériels et méthode. Cette étude, prospective par questionnaire, a été menée sur les militaires des différentes armées de la Région Parisienne se présentant en visite systématique annuelle (VSA) entre Janvier et Mars 2013. Les troubles du sommeil, la qualité du sommeil et la somnolence ont été évalués en utilisant la version française du Sleep disorder questionnaire et de l’Echelle de somnolence d’Epworth (ESS). Résultats. 510 questionnaires ont été exploités. La prévalence des troubles du sommeil était de 11,8 %, de l’hypersomnie de 9%, de l’insomnie 2,4% et de signes cliniques d'apnée du sommeil de 11,4%. Une hypersomnolence diurne (ESS > 10) était observée dans 30,2 % des cas. Au total, 23,3 % reconnaissent une chance, moyenne ou forte, de s'assoupir au volant d’une voiture. La prévalence était supérieure chez les sujets présentant une altération de la mémoire, de troubles de l'humeur, d’une modification de l'interêt sexuel et d’un « mal-être » ressenti au travail. Les principaux facteurs de risque de troubles du sommeil étaient : une durée habituelle de sommei inférieure à 6 heures, des antécédents de troubles ou de pathologies du sommeil, un âge supérieur à 40 ans, le sexe féminin, le statut de militaire du rang et l'appartenance au Service de Santé, à la Marine ou à la Gendarmerie. Seuls 36% des sujets présentant un trouble du sommeil en avaient déjà parlé au médecin et 39% exprimaient un besoin de formation sur le sommeil. Conclusion. L’hypersomnie et de l’hypersomnolence diurne avaient une prévalence importante, comparable à celles observées dans les populations en travail posté, avec un fort retentissement diurne. L’exploration systématique des troubles du sommeil est donc nécessaire dans cette population, accompagnée d’une sensibilisation des praticiens et des militaires et de propositions de contre-mesures préventives. 74 ABSTRACT: Introduction. More than a third of French people shows sleep disorders which may impact their professional activity, driving attention, life quality and health. Most of the time, these disorders are under evaluated and treated late. Servicemen are the most exposed to sleep disorders because of their irregular working hours. Targets. The main target of this study was to determine the prevalence of sleep disorders in military people, then evaluate the part of uncared disorders and their daytime impact, and reveal associated risk factors. Settings and methods: This prospective study was prospective and questionnary-led between January and March 2013, including the military people belonging to different services from the Parisian area, who consulted for the systematic annual medical examination. Sleep disorders, sleep quality and sleepiness were evaluated with the french version of the Sleep disorder questionnaire and the Epworth Sleepiness Scale (ESS). Results: 510 questionnaires were received. The prevalence of sleep disorders was 11,8 %, hypersomnia 9%, insomnia 2,4% and clinic signs of sleep apnea syndrome 11,4%. 30,2 % of people suffer from daytime sleepiness (ESS > 10). Finally, 23,3 % admitted that they may fall asleep while driving. We showed more sleep disorders between people who presented memory trouble, mood changes, sexual disinterest and unease at work. The main risk factors associated to sleep disorders were : short sleep duration (under 6 hours), previous sleep disorder, more than 40 years of age, female gender, basic military status and belonging to the Medical Corporation, Navy, or to the Gendarmerie. Only 36% of people who suffer from sleep disorders have referred to their doctor. 39,3 % of those surveyed asked for sleep instructions. Conclusion: Hypersomnia and daytime sleepiness had the same important prevalence as for service workers, with a huge impact on their daytime activity. The exploration of sleep disorders with each military patient would be necessary, with an improvement of military doctors and people's knowledge and preventives measures. 75 SERMENT D'’HIPPOCRATE En présence des Maîtres de cette école, de mes chers condisciples et devant l’effigie d’Hippocrate, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent, et n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail. Je ne permettrai pas que des considérations de religion, de nation, de race, viennent s’interposer entre mon devoir et mon patient. Admis dans l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe. Ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les moeurs, ni à favoriser le crime. Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j’ai reçue de leur père. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses, que je sois couvert d'opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque.