UE8 – De l'agent infectieux à l'hôte
JJH
Date : 31/03/2017 Plage horaire : 17h15-18h15
Promo : P2 2016/2017 Enseignant : JJH
Ronéiste : Drouet Priyanka
Les encéphalopathies spongiformes trasmissibles (EST),
maladies à prion (PRP)
I. Les maladies à prions
1. Généralités
2. Les différentes maladies à prions
3. Caractéristiques clinico-biologiques de ces pathologies
4. Autres faits historiques
II. La protéine prion : Transformation et Transmission
1. Neuropathologie
2. Nature de l'agent infectieux : hypothèse et contre-hypothèse
3. Deux formes de la protéine
4. Mutation et polymorphisme
III. Protéine prion normale
1. Caractéristiques moléculaires
2. Fonctions physiologiques
3. Distribution
IV. Protéine Prion résistante
1. Mécanismes pathologiques
2. Rôle du système immunitaire
V. Screening et Diagnostic
Introduction :
Le prion va faire partie d’une nouvelle classe d’agents infectieux totalement différents de ceux qu’on connaît déjà
(bactéries, virus, parasites, champignons…). Cette nouvelle catégorie s’appelle les agents transmissibles non
conventionnels (ATNC) et ne comprend pour l’instant qu’un seul membre : l’agent responsable de la maladie dite « à
prions », correspondant à des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST ou ESST).
I. Les maladies à prions :
1. Généralités :
Les maladies à prion correspondent à des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) = Transmitted
spongiform encephalopathy (TSE).
Il s'agit d'affections neurodégénératives du SNC :
- regroupant des maladies animales (Encéphalopathie Spongiforme Bovine = ESB = « Vache folle ») et sa variante chez
l’humain (Maladie de Creutzfeldt-Jakob = CJD) avec le même type de symptômes
- toutes systématiquement mortelles, pas de traitement actuellement et même le diagnostic ne peut se faire que post-
mortem chez l’homme (chez l’animal on peut avoir accès à des tissus plus facilement)
- liées à une protéine prion que l’on a tous et qui est codée par le gène prion, exprimé dans plusieurs tissus et en
particulier les neurones.
Le problème est que la protéine normale PRPC va adopter, pour des raisons encore mystérieuses, une conformation
anormale PRPSC résistante à la digestion par certaines enzymes, notamment la protéinase K.
- avec accumulation de la protéine anormale (avec une configuration anormale) dans les tissus, formant notamment des «
trous » dans le cerveau entrainant la mort des neurones (aspect spongieux).
A noter :
PRPC = forme cellulaire (forme normale ou sensible, produite essentiellement par le système nerveux central)
PRPSC = forme « scrapie » (car entraîne des symptômes de tremblements, liés à la dégénérescence des neurones) ou
«résistante » (anormale, pathologique, toxique)
Cette conformation anormale PRPSC forme un nouveau groupe d'agents infectieux : les Agents transmissibles non
conventionnels (ATNC)
2. Les différentes maladies à prions
Ces maladies sont très anciennes. En effet, elles ont été mises en évidence très tôt chez les animaux :
1. Tremblante du mouton et chèvre (ovins, 1732)
2. Maladie du dépérissement chronique des ruminants sauvages
3. Encéphalopathie spongiforme féline
4. Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB, 1986) ou maladie de la vache folle : BSE « mad cow disease »
Chez l’homme :
1. Kuru (première EST décrite, en 1956)
2. Maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ ou CJD, 1920)
3. Syndrome Gertsmann-Straüssler-Scheinker (GSS) -> probable composante génétique
4. Insomnie Familiale Fatale (IFF) -> probable composante génétique
5. Nouvelle variante de la Maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ, 1996)
Ces maladies ont beaucoup fait parler d’elles dans les années 80-90 notamment parce que la nvMCJ est apparue
immédiatement à la suite de l’apparition de l’ESB qui a sévi notamment au Royaume-Uni et dans l’Europe du nord et a
entraîné l’abattage massif du cheptel bovin. Or la consommation de viande bovine est à l’origine de la nvMCJ chez
l’homme.
Ce sont toutes des pathologies qui touchent le système nerveux central mais les études post-mortem ont montré qu’elles
n’affectent pas toujours les mêmes régions du cerveau.
Ex : la maladie du Kuru et le syndrome GSS touchent le cervelet et la moelle épinière
La MCJ va toucher le cerveau et le thalamus tandis que la nvMCJ va toucher le cervelet et le thalamus
A. Le KURU :
En 1957 : Première description : dans une tribu de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui se trouvait affectée d’une maladie
appelée Kuru (le terme kuru signifiant « trembler » dans la langue des membres de la tribu).
Etude épidémiologique et description par le virologiste Carleton Gajdusek qui observe que cette tribu pratique le
cannibalisme (= manger le cerveau des défunts).
Des tissus sont envoyés aux USA et les études neuropathologiques révèlent des atteintes du cerveau avec une forme
spongieuse.
Le fait que la maladie touche plusieurs membres d’une famille, faisait penser à une origine génétique mais on s’est rendu
compte plus tard que la transmission se faisait par la consommation de cerveau et qu’il y a eu ainsi un passage entre
individus.
B. La SCRAPIE, ou tremblante du mouton :
1959, William Hadlow, vétérinaire britannique, décrit une pathologie similaire chez les moutons : ils se grattent avec
excès aux barreaux des cages/clôtures (se gratter = to scrape) : maladie dénommée scrapie.!
Comme le kuru, cette maladie est mortelle et le cerveau présente des trous mais sans composante inflammatoire.!
Gajdusek démontre que cette maladie touche également l’homme : c’est la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
La conclusion a donc été l'existence d'un agent commun entre ces trois encéphalopathies spongiformes transmissibles,
l'Agent Scrapie (Sc), difficile à mettre en évidence
3. Caractéristiques clinico-biologiques de ces pathologies :
- Maladie chronique à incubation longue : plusieurs années (3 à 30 ans) avant l’apparition des premiers symptômes.
- C’est donc une évolution très lente et sans aucune possibilité de rémission.
Néanmoins, dès que les premiers symptômes apparaissent, le décès survient très rapidement (2 à 5ans après l’apparition
des symptômes) avec une accumulation de lésions au niveau du SNC mais aussi au niveau du SNP et du système
lymphoïde. => maladie mortelle sans remède.
- Au niveau physiologique : pas de signe inflammatoire ni immunitaire dans le cerveau ( différent d’un virus, d’une
bactérie)
- Pas de démyélinisation (donc pas d'infiltration des cellules de la réponse immunitaire, ce n’est pas une maladie auto-
immune comme la sclérose en plaques qui fait intervenir des auto-anticorps)
-Pas d’indicateurs biochimiques ou cellulaires (dans le sang ou le LCR -> différent des encéphalites)
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Généralement, face à une atteinte du SNC on ponctionne du LCR entre la 3e et 4e lombaire,
dans l’espace sous arachnoïdien grâce à un trocart. Ce liquide est censé être limpide (image ci-
contre) et en cas d’infection (bactérienne ou fongique), on va récupérer un liquide qui n’est
plus clair et surtout au niveau microscopique une infiltration de leucocytes (principalement
neutrophiles pour les infections bactériennes ou lymphocytes pour les infections virales.
Au niveau des tissus, en cas de réaction inflammatoire on trouve dans les coupes du SNC des infiltrations leucocytaires et
la cellule microgliale notamment va répondre à cette inflammation : c’est un macrophage du SNC mis en évidence par un
marqueur membranaire (une surexpression de la molécule du CMH de classe 2 : le HLA Dr). Or en l’occurrence pour ce
type de pathologies, on ne voit absolument pas ça donc pas d’infiltration leucocytaire et quasiment pas d’activation
microgliale. La seule chose que l’on peut voir éventuellement est l’activation astrocytaire (cellules de soutien du SNC) ->
augmentation du marqueur de la GFAP qui témoigne donc tout de même d’une réponse du SNC.
Conclusion : Absence de contexte inflammatoire donc origine non-microbiologique.
4. Autres faits historiques
1966 : Démonstration du caractère transmissible du Kuru au chimpanzé.
1967 : Alper et Pattison suggèrent que l'agent infectieux a une taille très petite, inférieure à celle des virus (hypothèse
virale pas totalement abandonnée aujourd’hui)
Si c’était de nature fongique, bactérienne ou parasitaire, on l’aurait vu facilement. On a donc d’abord supposé que ça
serait de nature virale mais alors ce serait des virus plus petits que ceux que l’on connaissait à l’époque. (on ne voulait
pas encore admettre que ce soit une nouvelle classe d’agent infectieux)
Certaines études ont donc cherché à voir si on inactivait la partie protéique est ce qu’on gardait toujours un aspect
infectieux et si on inactivait les acides nucléiques, est-ce que la transmission se faisait ou non ?
1967 : Griffith émet l’hypothèse que l’un des composants essentiels à l’infection est un composant protéique (« protein
only ») qui présenterait potentiellement un repliement anormal (défaut de folding). Mais pas de preuves tangibles...
1982 : Prusiner (LE nom à retenir dans la découverte de la maladie à prion) et ses collègues montrent que :
- Les traitements physiques et chimiques détruisant les acides nucléiques sont incapables d'inactiver l'agent infectieux.
- A l'inverse, tous les procédés qui détruisent ou détériorent les protéines entraînent une inactivation importante de l'agent
infectieux.
Prusiner suspecte donc fortement que l’agent infectieux est de nature purement protéique et que les acides nucléiques
n’interviennent pas dans cette pathologie.
-> Il propose d'introduire un nouveau terme pour désigner ce nouveau type d'agent infectieux : le Prion.
-> Remise en question du paradigme médical de trois sortes d’agents infectieux : virus, microbes et parasites
Rq : il y a encore des gens dans la communauté scientifique qui remettent en cause le fait que les EST soient dû à de
simples protéines et soutiennent toujours qu’il s’agit de petits virus.
II. La protéine prion : Transformation et Transmission
1. Neuropathologie
Le prion est une protéine normale (PRPC) exprimée par les neurones du SNC mais aussi un agent infectieux en
passant sous une forme anormale (PRPSC, protéine de « scrapie »).
Quand on fait des coupes de ces tissus pour détecter la présence de la protéine de prion, on observe que cette forme
pathologique PRPSc va constituer des plaques neurotoxiques par accumulation et dépôts dans le cerveau (car PRPsc
insolubles) (un peu comme dans Alzheimer où on a des plaques de protéines β-amyloïdes).
Ces protéines, en s’accumulant dans le cytoplasme, vont déclencher l’apoptose des neurones en y formant des cavités :
elles ont donc une cytotoxicité cellulaire.
De plus, ces protéines sous forme de plaques sont libérées par les neurones à leur mort et vont alors activer les cellules
gliales : on observe alors des glioses avec des phénomènes de prolifération et d’hypertrophie des cellules gliales
Ces maladies à prion sont considérées comme transmissibles mais non contagieuses (ce qui est rassurant).
En revanche, transmission par consommation de broyats de cerveaux infectés ou de viandes animales contagieuses.
(Quelqu’un atteint de « vache folle » ne peut pas vous transmettre la maladie comme ça à moins que vous lui mangiez la
cervelle...)
Rq : le problème se pose en clinique, lorsqu’un patient subit une chirurgie du SNC ou SNP : est-ce que le matériel de soin
est suffisamment décontaminé pour qu’il n’y ait pas de transmission d’un patient à l’autre ?-> durcissement des règles de
stérilisation.
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Neuropathologie post-mortem :
- Cerveau normal : tissu homogène
- EST : Aspect spongiforme
-> Grosses vacuoles blanches au sein des neurones qui entrent en apoptose et laissent des espaces vides
-> Désordres neurologiques induits par la perte de neurones, puis décès du porteur.
Formation d’une spongiose et une activation des astrocytes (marqueur GFAP) avec accumulation de protéines
de prions dans les tissus.
GFAP = Glial Fibrillary Acidic Protein (filaments intermédiaires des cellules gliales) = marqueur post-mortem de
l’activation des cellules gliales
L’accumulation des prions autour des zones de perte de neurones est mise en évidence grâce à des anticorps mais on ne
peut pas distinguer PRPC de PRPSC.
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2. Nature de l'agent infectieux : hypothèse et contre-hypothèse
En 1982, Prusiner a émis l'hypothèse de « la protéine infectieuse seule ».
Mais il restait cependant extrêmement prudent en disant que cet agent était probablement de nature protéique mais qu’il
n’excluait néanmoins pas une possible cause virale : « virus non conventionnel » ou « particules virus-like ». Tout ce qu’il
indiquait au niveau des prions, c’est que ce sont des particules infectieuses de type protéiniforme avec potentiellement
des acides nucléiques dedans, mais sans qu’on en soit sûr.
Les discussions sont loin d’être closes sur le sujet et encore aujourd’hui, des personnes comme Laura Manuelidis
s'opposent farouchement à cette hypothèse en observant de petites particules intracellulaires de l'ordre de 25 nm, qu'elle
estime proches des virus. La contre-hypothèse du virus (et non pas « une protéine infectieuse ») est donc toujours
d'actualité.
3. Deux formes de la protéine
PRPC: normale = PRPS (sensible)
PrP pathologique : PrPSc (scrapie) = PrPres (résistante à la protéinase K)
!
Des modifications biochimiques distinguent la forme normale de la forme scrapie.
On observe pour la forme anormale PRPSc :
- une diminution de la solubilité dans les détergents (insoluble)
- une résistance à la digestion par la Protéinase K +++ du fait du changement conformationnel -> Diagnostic
- une résistance au clivage par la PI-PLC (phosphatidylinositol phospholipase C) -> d’où l’accumulation de la protéine au
niveau cellulaire
NB : la protéine prion PRP normale est fixée à la membrane cytoplasmique par une ancre GPI clivée par une PI-PLC
spécifique qui va la rendre soluble.
Lorsqu’elle change de conformation, la protéine PRP ne pourra plus être clivée et va ainsi s’accumuler au niveau des
membranes cytoplasmiques mais aussi en intracellulaire car elle ne pourra pas être dégradée lors du recyclage. Dans le
cas de la pathologie, la libération dans le milieu extérieur, ne se fera que lors de l’apoptose des neurones.
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