Date: 27.03.2016
Le Matin Dimanche
1001 Lausanne
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Genre de média: Médias imprimés
Type de média: Presse journ./hebd.
Tirage: 123'806
Parution: hebdomadaire
N° de thème: 525.004
N° d'abonnement: 1073491
Page: 62
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On souffre de dé-pence
qu'il y a quarante ans
Cerveau Des chercheurs américains sont arrivés à cette conclusion après avoir suivi 5000 personnes.
Mais le nombre croissant de gens âgés contrecarrera, à l'avenir, cette bonne nouvelle.
Alzheimer et taille du cerveau
La maladie d'Alzheimer se caractérise par une dégradation puis une destruction
des cellules du cerveau. Une des conséquences de cette disparition massive
de cellules est une diminution du volume (atrophie) cérébral.
Cortex
Il est, entre autres,
responsable
du langage et
du traitement
de l'information.
Hippocampe
Il est impliqué
dans la formation
de nouveaux
souvenirs.
Cerveau sain Cerveau atteint par l'Alzheimer
Circonvolution Cortex
L'atrophie des régions
associées à la pensée,
à la planifictation et
à la mémoire résulte
en un élargissement des
sillons entre les circon-
volutions cérébrales.
Ventricules
cérébraux
Du fait de l'atrophie
cérébrale, le volume
des ventricules
augmente.
Hippocampe
Il rétrécit énormément
dans les cas sévères
d'Alzheimer.
SOURCE ALZHEIMER'S ASSOCIATION
Alzheimer et taille du cerveau
La maladie d'Alzheimer se caractérise par une dégradation puis une destruction
des cellules du cerveau. Une des conséquences de cette disparition massive
de cellules est une diminution du volume (atrophie) cérébral.
Cortex
Il est, entre autres,
responsable
du langage et
du traitement
de l'information.
Cerveau sain Cerveau atteint par l'Alzheimer
Circonvolution
I Ion-.
Hippocampe
Il est impliqué
dans la formation
de nouveaux
souvenirs.
Cortex
L'atrophie des régions
associées à la pensée,
à la planifictation et
à la mémoire résulte
en un élargissement des
sillons entre les circon-
volutions cérébrales.
Ventricules
cérébraux
Du fait de l'atrophie
cérébrale, le volume
des ventricules
augmente.
Hippocampe
Il rétrécit énormément
dans les cas sévères
d'Alzheimer.
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Benoît Perrier
De quoi on parle
Les faits
Selon une étude américaine qui a porté sur
5000 habitants d'une ville de l'Etat du Massa-
chusetts entre la fin des années 1970 et le milieu
des années 2000, le nombre de démences
diagnostiquées a baissé de 44%.
Le bilan
Au niveau individuel, ces chiffres sont encoura-
geants: ils indiquent que chacun a moins de
risque de souffrir de démence qu'auparavant.
Mais une part toujours plus importante de per-
sonnes âgées dans la population augmentera
inexorablement le nombre de cas dans les dé-
cennies à venir.
est une bonne
nouvelle. Les nou-
veaux cas de dé-
mence, terme qui
regroupe diverses
pathologies men-
tales dont la plus
connue est la maladie d'Alzheimer (dégra-
dation progressive de la mémoire et du rai-
sonnement), se font plus rares. C'est ce qu'a
récemment conclu une équipe américaine
dans The New England Journal of Medicine.
«Leurs résultats confirment des observa-
tions précédentes», explique le professeur
Christophe Büla, chef du service de géria-
trie du Centre hospitalier universitaire vau-
dois (CHUV).
Pour arriver à cette conclusion, les scien-
tifiques ont utilisé les données d'une étude
qui a suivi une population durant plusieurs
décennies. Depuis 1948, en effet, des cher-
cheurs enregistrent de nombreux paramè-
tres de la santé de 5000 habitants de Fra-
mingham (lire ci-dessous), petite ville située
à trente kilomètres de Boston. A l'origine,
leurs recherches portaient sur «l'impact des
facteurs de risques cardiovasculaires, qui in-
fluencent les maladies du cur et des vais-
seaux», détaille Idris Guessous, médecin et
épidémiologiste aux Hôpitaux universitaires
de Genève (HUG) et au CHUV. Depuis 1975,
ils y ont ajouté la mesure du fonctionnement
cognitif. Et les résultats sont sans appel. Sur
une période de cinq ans - située à la fin des
années 1970 -3,6% des personnes de plus de
6o ans participant à l'étude ont développé
une démence. Au milieu des années 2000,
toujours sur cinq ans, elles n'étaient plus que
2%, soit une baisse de 44%.
L'hypertension abîme le cerveau
Comment expliquer ce recul important? En
trente-cinq ans, à l'exception du diabète et
de l'obésité, tous les facteurs de risque car-
diovasculaires - la pression sanguine, le
taux de cholestérol, le tabagisme, notam-
ment - ont diminué chez les habitants de
Framingham. «Or on sait qu'il existe un lien
entre ces facteurs et la survenue d'une dé-
mence», souligne le Dr Guessous. Leur di-
minution a donc probablement exercé un
effet protecteur sur le cerveau.
L'hypertension semble jouer dans ce ca-
dre un rôle particulièrement important.
«De manière insidieuse, reprend Christo-
phe Büla, elle cause des lésions microscopi-
ques dans les vaisseaux du cerveau, entraî-
nant la mort de neurones. On ne voit
d'abord aucune répercussion puis, quand
cette destruction se poursuit, apparaissent
des difficultés cognitives qui peuvent res-
sembler aux manifestations de la maladie
d'Alzheimer.»
De son côté, le Dr Guessous souligne
que la plupart des participants de l'étude de
Framingham ont une pression sanguine de
niveau très raisonnable pour leur âge, pro-
bablement meilleure que ce que l'on mesu-
rerait par exemple dans la population
suisse. Il faut dire que ces habitants du Mas-
sachusetts sont nombreux à être traités con-
tre l'hypertension. Pour l'épidémiologiste,
ces constats démontrent l'importance de la
prévention des maladies cardiovasculaires.
«Il y a des polémiques à propos de certains
traitements préventifs. On se demande sou-
vent si l'on n'en fait pas trop, par exemple
dans la prescription de médicaments anti-
cholestérol. Ces données de Framingham
fournissent des arguments pour affirmer
pourtant que, sur le long terme, cette pré-
vention est bénéfique.»
Il existe donc bien une diminution du ris-
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que de démence pour chaque personne qui
vieillit. Mais cette bonne nouvelle «ne sera
qu'un petit allégement» pour la société,
prévient le professeur Büla. Avec le vieillis-
sement de la population, toujours plus de
personnes arriveront à l'âge où surviennent
généralement les démences. Et donc le
nombre de cas continuera d'augmenter. Au-
jourd'hui, environ 120 personnes en
souffrent en Suisse. En 2050, selon les ex-
perts, on comptera entre 200 et
300 malades. Il faut donc prévoir des
structures de soin en fonction. Depuis l'an
dernier, cette maladie a d'ailleurs été dési-
gnée prioritaire par l'OMS.
Injustice sociale
Mais l'étude sur la population de Framin-
gham montre qu'un autre facteur influence
la survenue d'une démence. La réduction
des facteurs de risque cardiovasculaire n'a
diminué le risque individuel que chez les
titulaires d'un baccalauréat ou d'un di-
plôme de niveau supérieur. Sur le plan cé-
rébral, on observe là un phénomène
connu, celui de la «réserve cognitive»:
«Plus votre scolarité a été longue, plus vos
neurones ont établi de connexions, expli-
que Christophe Büla. Peut-être en avez-
vous deux fois plus, voire trois fois plus que
des personnes qui ont suivi une formation
intellectuelle plus réduite. Dans tous les
cas, cela permet de perdre davantage de
neurones avant de ressentir les effets de la
démence.» Une injustice de plus? Pour le
Dr Guessous, les personnes plus favorisées
bénéficient aussi plus tôt que la moyenne
des messages de prévention, adoptant
ainsi avant les autres des conduites bénéfi-
ques pour leur santé.
L'EPFL met au point un implant
pour soigner la maladie d'Alzheimer
Une des hypothèses qui expliquerait la
maladie d'Alzheimer est que, dans le cer-
veau, des plaques composées d'une certaine
protéine (la bêta-amyloïde, néfaste pour le
système nerveux) se forment autour des
neurones, ces cellules essentielles au fonc-
tionnement cérébral, avant de les détruire,
ce qui se traduit par des troubles cognitifs.
Les scientifiques cherchent donc des traite-
ments pour permettre au système immuni-
taire de cibler et supprimer cette protéine.
Mais le défi est de taille: on estime en effet
qu'un tel traitement ne sera efficace que s'il
débute dès les premiers signes de la mala-
die, puis poursuivi à long terme.
Parmi les recherches en cours, une
équipe du laboratoire de Patrick Aebischer,
à l'EPFL, utilise un implant placé dans le
cerveau. Il s'agit d'une capsule longue d'un
peu moins de 3 cm et épaisse de 1mm seu-
lement, qui renferme des cellules musculai-
res génétiquement modifiées pour produire
un anticorps de la bêta-amyloïde et stimuler
le système immunitaire.
Le procédé est séduisant pour deux rai-
sons: d'abord, les cellules contenues dans la
capsule, «nourries» par l'organisme, assu-
rent une production continue d'anticorps
durant plusieurs mois. Ensuite, ces cellules
peuvent provenir d'un donneur, sans crainte
de rejet par le système immunitaire, car el-
les sont protégées par une membrane. Ce
dispositif a été testé avec succès chez des
souris et ces résultats ont été publiés dans la
revue britannique Brain. La prochaine étape
consistera à l'adapter pour évaluer son effi-
cacité chez l'homme.
«Ces données
fournissent
desarguments
pour affirmer
que, sur
le long terme,
la prévention
des maladies
cardiovas-
culaires est
bénéfique»
Idris Guessous,
médecin
et épidémiologiste
aux HUG et au CHUV
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Le dispositif de I'EPFL a été pour l'instant testé avec succès sur des souris. Aebisher/EPFL
Deux recherches au long
cours à Genève et Lausanne
Suivre la santé d'une population pendant des
années comme le font des chercheurs à
Framingham depuis 1948 (qui examinent
dorénavant les petits-enfants des premiers
participants!), c'est réaliser ce que l'on appelle
une «étude de cohorte». De telles études,
menées sur une longue durée, permettent de
révéler des liens de cause à effet
insoupçonnés, comme par exemple celui
entre l'apparition de la démence et la
prévention cardiovasculaire.
En Suisse, deux études de ce type sont en
cours. A Genève, depuis1993, l'étude Bus
Santé examine chaque année par le biais d'un
questionnaire de nombreux paramètres de
santé chez un millier de nouveaux habitants. A
Lausanne, la CoLaus Study suit près de 7000
citoyens et s'intéresse, entre autres, à leur
sommeil et à leur santé mentale. De très
nombreuses études scientifiques émanant
des données récoltées par ces deux
recherches ont déjà été publiées.
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