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Cancer On peut désormais
«apprendre» au corps à se défendre
contre une tumeur. Le professeur
du CHUV George Coukos veut faire
profiter les Romands de ces progrès.
Camille Krafft
Vous dites que la médecine
peut aujourd'hui
«apprendre au corps
à se défendre lui-même»
contre le cancer.
Comment?
L'immunothérapie est une in-
tervention médicale visant à
fortifier le système immunitaire
en lui apprenant à reconnaître
les envahisseurs et à les élimi-
ner. On sait aujourd'hui que le
système immunitaire joue un
rôle de protection contre le can-
cer. Lorsqu'il est affaibli, certai-
nes tumeurs peuvent l'envahir,
et il faut le rééduquer pour qu'il
se défende.
Avec quelles armes?
Les thérapies actuelles se con-
centrent principalement sur les
cellules dites «T», qui luttent
contre l'envahisseur. Chez les
patients qui développent une
réponse immunitaire sponta-
née, ces cellules sont déjà pré-
sentes dans la tumeur. L'une
des approches est un vaccin thé-
rapeutique permettant de les
activer. Aujourd'hui, on peut
utiliser ces vaccins durant la
première phase de la thérapie,
en complément de la chirurgie,
de la chimio ou de la radiothéra-
pie. Ils pourraient permettre de
prévenir une récidive, qui tou-
che jusqu'à 50% des patients
pour certains cancers.
Est-ce que tout le monde
sera traité avec
l'immunothérapie
dans quelques années?
Je suis sûr que l'immunothéra-
pie va jouer un rôle de plus en
plus significatif dans le traite-
ment contre le cancer. Durant la
dernière décennie, nous avons
également développé des subs-
tances qui combattent le micro-
environnement de la tumeur.
Combinées au vaccin, ces subs-
tances vont jouer un rôle essen-
tiel à l'avenir.
On ne va donc pas, à terme,
laisser tomber la chimie
pour des traitements
«naturels»?
C'est peu probable, mais nous
sommes de plus en plus intelli-
gents dans notre manière de con-
cevoir les médicaments. Ils peu-
vent désormais cibler la tumeur
de façon très spécifique avec des
effets secondaires réduits.
Y a-t-il des limites
aux vaccins?
Oui, parce qu'il faut du temps
pour que le corps construise une
réponse appropriée, et beau-
coup de patients ne disposent
pas de ce temps. Nous dévelop-
pons donc une nouvelle appro-
che en multipliant des cellules T
en dehors du corps. En gros, on
sort les cellules immunitaires du
patient et on les place en labora-
toire, où on les rééduque, on les
fortifie et on les multiplie avant
de les réinjecter. Nous savons
aujourd'hui comment les modi-
fier en y introduisant des gènes
qui leur permettent d'être de
bien meilleurs soldats. Nous
avons les connaissances suffi-
santes pour créer en laboratoire
de véritables armées de cellules
T, capables de reconnaître la tu-
meur et de la vaincre. Il y a dix
ans, c'était un rêve, mais aujour-
d'hui, c'est la réalité.
Ce traitement a-t-il déjà été
testé sur des patients?
Oui, avec des résultats suffisam-
ment positifs pour que les gens
commencent à y croire. Notre
espoir, c'est que dans un avenir
proche nous puissions traiter de
cette manière beaucoup de pa-
tients présentant des tumeurs
métastatiques ou récidivantes.
Pour la première fois de l'histoi-
re, la médecine peut donner un
espoir de guérison à ces mala-
des. Dans quelques années,
après avoir retiré une tumeur,
vous pourrez l'amener en labo-
ratoire pour multiplier les cellu-
les T, puis les réinjecter dans le
corps du patient.
Cette nouvelle approche
a notamment permis
une avancée majeure dans
le traitement de la leucémie.
Comment?
Des cibles spécifiques ont été
identifiées dans les cellules can-
«Pour la première
fois de l'histoire,
la médecine peut
donner un espoir
de guérison à des
malades souffrant
de tumeurs