Date: 19.12.2012 Le Temps 1211 Genève 2 022/ 888 58 58 www.letemps.ch Genre de média: Médias imprimés Type de média: Presse journ./hebd. Tirage: 42'433 Parution: 6x/semaine N° de thème: 377.4 N° d'abonnement: 1082024 Page: 16 Surface: 43'844 mm² L'invité La crise de la zone euro et le rôle des statistiques Milad Zarin* Depuis l'éclatement de la crise des dettes souveraines, les responsables de l'Union européenne (UE) savent que, pour assurer la pérennité de la monnaie unique, ils doivent impérativement améliorer les mécanismes de contrôle, de prévention et de correction des déséquilibres des finances publiques. Ce suivi ne peut être efficace que si l'autorité de contrôle dispose de données fiables, établies de manière impartiale sur la base des définitions et des méthodes prescrites par l'Union. Or, l'expérience de la zone euro, notamment dans le cas de la Grèce, a révélé au grand jour les failles des statistiques européennes, en particulier celles servant au Ici aussi, la responsabilité du dysfonctionnement doit être attribuée à la fois aux pays incriminés et aux structures de l'UE faussées, en particulier le ratio du déficit au PIB, qui se situait en réalité bien au-delà du seuil limite de 3%. Par la suite, l'absence de sanctions infligées au pays ayant ainsi triché et le caractère insignifiant des mesures prises par l'Eurostat pour renforcer les mécanismes de contrôle de qualité ont nui irrémédiablement à la crédibilité des statistiques helléniques. Il va sans dire que la crise de la dette grecque qui secoue depuis 2009 toute la zone euro et au-delà a été aggravée par la perte de confiance - hélas tardive - des marchés financiers dans les indicateurs économiques de ce pays. A noter que les agences de notation, censées s'interroger avant les autres sur la qualité des données, ont leur part de responsabilité dans cette affaire. Comme pour l'ensemble de la crise de la zone euro, ici aussi, la responsabilité du dysfonctionnement doit être attribuée à la fois aux pays incriminés et aux structures de l'UE. Sur le plan grec, les défaillances ont été nombreuses, en particulier l'usage des méthodes comptables * Professeur d'économie politique à l'Université de Neuchâtel et techniques statistiques inappropriées ainsi que le manque de ressources et de compétences au sein de l'organisme officiel chargé de l'élaboration des statistiques. A cela s'ajoute toutefois un élément plus grave, à savoir la manipulation monitoring des budgets nationaux. Désormais, délibérée des chiffres suite à des pressions il serait téméraire de continuer avec le même politiques. Citons comme exemple la pratique système décentralisé pratiqué jusqu'ici, consis- comptable liée aux transferts (subventions) tant à confier aux pays membres le soin d'élaissus de VUE consistant à enregistrer ces somborer eux-mêmes, avec une grande autonomie, mes importantes comme des recettes publiques des statistiques nationales pour le compte de l'organisme européen de statistiques (Eurostat). au moment de leur réception mais comme des Rappelons qu'au moment de création de la opérations financières lors de leur utilisation. monnaie unique en 1999, l'adhésion de la Grèce Etant donné que, techniquement, ces dernières à la zone euro avait été retardée pour cause de n'entrent pas dans la définition de dépenses non-conformité aux critères de Maastricht, en publiques, il en résulte une sous-estimation du déficit budgétaire. D'autres procédés comptaparticulier celui exigeant un déficit public en bles douteux ont également été identifiés tels deçà de 3% du PIB. Finalement, le pays a pu se que le recours aux comptes extrabudgétaires joindre au club en 2001, ayant formellement pour les entités publiques déficitaires ou le rempli les conditions sur la base de données non-enregistrement de certaines dépenses fournies à l'Eurostat et agréées par cet orgamilitaires pour des raisons de secret de défense. nisme. Ce revirement aussi vertueux que spectaSur le plan européen, le problème réside culaire, qui plus est dans un temps record, de la essentiellement dans le fait que le système part d'un pays peu habitué jusque-là au statut statistique sur lequel reposent les contrôles de bon élève en matière de discipline budgérelatifs à la gestion des budgets publics des taire, aurait dû déjà attirer des soupçons. Il a membres est basé sur le principe dit de subsifallu attendre jusqu'en 2004 pour découvrir diarité. Selon ce principe, appliqué par l'UE que les statistiques relatives au déficit de l'Etat dans d'autres domaines également , une foncet à la dette publique avaient été sciemment tion n'est exercée par le niveau supranational Observation des médias Analyse des médias Gestion de l'information Services linguistiques ARGUS der Presse AG Rüdigerstrasse 15, case postale, 8027 Zurich Tél. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01 www.argus.ch Réf. Argus: 48327977 Coupure Page: 1/2 Date: 19.12.2012 Le Temps 1211 Genève 2 022/ 888 58 58 www.letemps.ch Genre de média: Médias imprimés Type de média: Presse journ./hebd. Tirage: 42'433 Parution: 6x/semaine que si elle ne peut pas l'être de manière satisfaisante au niveau national. Ainsi, les statistiques sont élaborées à la base de manière autonome par les pays membres, selon les normes fixées au niveau européen. Or ce principe s'appuie sur celui de la bonne foi, une condition qui est loin d'être réalisée lorsque le pays est directement intéressé par les chiffres élaborés. D'autant plus que, dans certains pays, les institutions productrices de statistiques officielles ne sont pas totalement autonomes par rapport au gouvernement et peuvent faire l'objet de pressions politiques. Imaginons un instant que, dans notre système fédéraliste en Suisse, on laisse aux cantons la responsabilité d'élaboration des indicateurs tels que le revenu cantonal, qui seraient ensuite utilisés par la Confédération pour déterminer les montants à recevoir ou à verser dans le cadre de la péréquation financière. Ce qui est arrivé à la Grèce peut théoriquement arriver dans d'autres pays membres. Il est donc primordial de remédier à la situation en agissant à deux niveaux. Au niveau des pays membres, la mesure la plus urgente serait de conférer une autonomie de jure - via la Constitution- et de facto à l'institution chargée d'élaborer les statistiques officielles. A plus long terme, on pourrait créer une autorité compétente, indépendante du gouvernement, capable d'analyser en toute impartialité les indicateurs économiques du pays. Au niveau de l'UE, il faut sérieusement revoir le champ d'application du principe de subsidiarité, en plaçant par exemple des observateurs d'Eurostat au sein des organismes statistiques des pays membres. A plus long terme, il va falloir aller au-delà des critères de Maastricht, en basant les mécanismes de contrôle sur un véritable tableau de Observation des médias Analyse des médias Gestion de l'information Services linguistiques N° de thème: 377.4 N° d'abonnement: 1082024 Page: 16 Surface: 43'844 mm² bord d'indicateurs plus économiques que comptables. Enfin, last but not least, il faut prévoir et appliquer des sanctions sévères en cas de manipulation frauduleuse des statistiques officielles. >> Sur Internet Retrouvez sur notre site de nouvelles contributions d'invités extérieurs, ainsi que l'ensemble des articles écrits dans cette page par des invités www.letemps.ch/forum_eco ARGUS der Presse AG Rüdigerstrasse 15, case postale, 8027 Zurich Tél. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01 www.argus.ch Réf. Argus: 48327977 Coupure Page: 2/2