Date: 19.12.2012
Le Temps
1211 Genève 2
022/ 888 58 58
www.letemps.ch
Genre de média: Médias imprimés N° de thème: 377.4
N° d'abonnement: 1082024Type de média: Presse journ./hebd.
Tirage: 42'433
Parution: 6x/semaine
Page: 16
Surface: 43'844 mm²
Observation des médias
Analyse des médias
Gestion de l'information
Services linguistiques
ARGUS der Presse AG
Rüdigerstrasse 15, case postale, 8027 Zurich
Tél. 044 388 82 00, Fax 044 388 82 01
www.argus.ch
Réf. Argus: 48327977
Coupure Page: 1/2
L'invité
La crise de la zone euro et le rôle des statistiques
Milad Zarin*
Depuis l'éclatement de la crise des dettes
souveraines, les responsables de l'Union euro-
péenne (UE) savent que, pour assurer la péren-
nité de la monnaie unique, ils doivent impérati-
vement améliorer les mécanismes de contrôle,
de prévention et de correction des déséquili-
bres des finances publiques. Ce suivi ne peut
être efficace que si l'autorité de contrôle dispose
de données fiables, établies de manière impar-
tiale sur la base des définitions et des méthodes
prescrites par l'Union. Or, l'expérience de la
zone euro, notamment dans le cas de la Grèce, a
révélé au grand jour les failles des statistiques
européennes, en particulier celles servant au
Ici aussi, la responsabilité
du dysfonctionnement
doit être attribuée à la fois
aux pays incriminés
et aux structures de l'UE
monitoring des budgets nationaux. Désormais,
il serait téméraire de continuer avec le même
système décentralisé pratiqué jusqu'ici, consis-
tant à confier aux pays membres le soin d'éla-
borer eux-mêmes, avec une grande autonomie,
des statistiques nationales pour le compte de
l'organisme européen de statistiques (Eurostat).
Rappelons qu'au moment de création de la
monnaie unique en 1999, l'adhésion de la Grèce
à la zone euro avait été retardée pour cause de
non-conformité aux critères de Maastricht, en
particulier celui exigeant un déficit public en
deçà de 3% du PIB. Finalement, le pays a pu se
joindre au club en 2001, ayant formellement
rempli les conditions sur la base de données
fournies à l'Eurostat et agréées par cet orga-
nisme. Ce revirement aussi vertueux que specta-
culaire, qui plus est dans un temps record, de la
part d'un pays peu habitué jusque-là au statut
de bon élève en matière de discipline budgé-
taire, aurait dû déjà attirer des soupçons. Il a
fallu attendre jusqu'en 2004 pour découvrir
que les statistiques relatives au déficit de l'Etat
et à la dette publique avaient été sciemment
faussées, en particulier le ratio du déficit au PIB,
qui se situait en réalité bien au-delà du seuil
limite de 3%. Par la suite, l'absence de sanctions
infligées au pays ayant ainsi triché et le carac-
tère insignifiant des mesures prises par l'Euros-
tat pour renforcer les mécanismes de contrôle
de qualité ont nui irrémédiablement à la crédi-
bilité des statistiques helléniques. Il va sans dire
que la crise de la dette grecque qui secoue
depuis 2009 toute la zone euro et au-delà a été
aggravée par la perte de confiance - hélas tar-
dive - des marchés financiers dans les indica-
teurs économiques de ce pays. A noter que les
agences de notation, censées s'interroger avant
les autres sur la qualité des données, ont leur
part de responsabilité dans cette affaire.
Comme pour l'ensemble de la crise de la
zone euro, ici aussi, la responsabilité du dys-
fonctionnement doit être attribuée à la fois aux
pays incriminés et aux structures de l'UE. Sur le
plan grec, les défaillances ont été nombreuses,
en particulier l'usage des méthodes comptables
et techniques statistiques inappropriées ainsi
que le manque de ressources et de compétences
au sein de l'organisme officiel chargé de l'élabo-
ration des statistiques. A cela s'ajoute toutefois
un élément plus grave, à savoir la manipulation
délibérée des chiffres suite à des pressions
politiques. Citons comme exemple la pratique
comptable liée aux transferts (subventions)
issus de VUE consistant à enregistrer ces som-
mes importantes comme des recettes publiques
au moment de leur réception mais comme des
opérations financières lors de leur utilisation.
Etant donné que, techniquement, ces dernières
n'entrent pas dans la définition de dépenses
publiques, il en résulte une sous-estimation du
déficit budgétaire. D'autres procédés compta-
bles douteux ont également été identifiés tels
que le recours aux comptes extrabudgétaires
pour les entités publiques déficitaires ou le
non-enregistrement de certaines dépenses
militaires pour des raisons de secret de défense.
Sur le plan européen, le problème réside
essentiellement dans le fait que le système
statistique sur lequel reposent les contrôles
relatifs à la gestion des budgets publics des
membres est basé sur le principe dit de subsi-
diarité. Selon ce principe, appliqué par l'UE
dans d'autres domaines également , une fonc-
tion n'est exercée par le niveau supranational
* Professeur
d'économie
politique
à l'Université
de Neuchâtel