Article du Prof. Milad Zarin dans Le Temps du 19.12.2012: La crise de la zone euro et le r le des statistique s

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L'invité
La crise de la zone euro et le rôle des statistiques
Milad Zarin*
Depuis l'éclatement de la crise des dettes
souveraines, les responsables de l'Union européenne (UE) savent que, pour assurer la pérennité de la monnaie unique, ils doivent impérativement améliorer les mécanismes de contrôle,
de prévention et de correction des déséquilibres des finances publiques. Ce suivi ne peut
être efficace que si l'autorité de contrôle dispose
de données fiables, établies de manière impartiale sur la base des définitions et des méthodes
prescrites par l'Union. Or, l'expérience de la
zone euro, notamment dans le cas de la Grèce, a
révélé au grand jour les failles des statistiques
européennes, en particulier celles servant au
Ici aussi, la responsabilité
du dysfonctionnement
doit être attribuée à la fois
aux pays incriminés
et aux structures de l'UE
faussées, en particulier le ratio du déficit au PIB,
qui se situait en réalité bien au-delà du seuil
limite de 3%. Par la suite, l'absence de sanctions
infligées au pays ayant ainsi triché et le caractère insignifiant des mesures prises par l'Eurostat pour renforcer les mécanismes de contrôle
de qualité ont nui irrémédiablement à la crédibilité des statistiques helléniques. Il va sans dire
que la crise de la dette grecque qui secoue
depuis 2009 toute la zone euro et au-delà a été
aggravée par la perte de confiance - hélas tardive - des marchés financiers dans les indicateurs économiques de ce pays. A noter que les
agences de notation, censées s'interroger avant
les autres sur la qualité des données, ont leur
part de responsabilité dans cette affaire.
Comme pour l'ensemble de la crise de la
zone euro, ici aussi, la responsabilité du dysfonctionnement doit être attribuée à la fois aux
pays incriminés et aux structures de l'UE. Sur le
plan grec, les défaillances ont été nombreuses,
en particulier l'usage des méthodes comptables
* Professeur
d'économie
politique
à l'Université
de Neuchâtel
et techniques statistiques inappropriées ainsi
que le manque de ressources et de compétences
au sein de l'organisme officiel chargé de l'élaboration des statistiques. A cela s'ajoute toutefois
un élément plus grave, à savoir la manipulation
monitoring des budgets nationaux. Désormais, délibérée des chiffres suite à des pressions
il serait téméraire de continuer avec le même
politiques. Citons comme exemple la pratique
système décentralisé pratiqué jusqu'ici, consis- comptable liée aux transferts (subventions)
tant à confier aux pays membres le soin d'élaissus de VUE consistant à enregistrer ces somborer eux-mêmes, avec une grande autonomie, mes importantes comme des recettes publiques
des statistiques nationales pour le compte de
l'organisme européen de statistiques (Eurostat). au moment de leur réception mais comme des
Rappelons qu'au moment de création de la opérations financières lors de leur utilisation.
monnaie unique en 1999, l'adhésion de la Grèce Etant donné que, techniquement, ces dernières
à la zone euro avait été retardée pour cause de n'entrent pas dans la définition de dépenses
non-conformité aux critères de Maastricht, en publiques, il en résulte une sous-estimation du
déficit budgétaire. D'autres procédés comptaparticulier celui exigeant un déficit public en
bles douteux ont également été identifiés tels
deçà de 3% du PIB. Finalement, le pays a pu se
que le recours aux comptes extrabudgétaires
joindre au club en 2001, ayant formellement
pour les entités publiques déficitaires ou le
rempli les conditions sur la base de données
non-enregistrement de certaines dépenses
fournies à l'Eurostat et agréées par cet orgamilitaires pour des raisons de secret de défense.
nisme. Ce revirement aussi vertueux que spectaSur le plan européen, le problème réside
culaire, qui plus est dans un temps record, de la essentiellement dans le fait que le système
part d'un pays peu habitué jusque-là au statut statistique sur lequel reposent les contrôles
de bon élève en matière de discipline budgérelatifs à la gestion des budgets publics des
taire, aurait dû déjà attirer des soupçons. Il a
membres est basé sur le principe dit de subsifallu attendre jusqu'en 2004 pour découvrir
diarité. Selon ce principe, appliqué par l'UE
que les statistiques relatives au déficit de l'Etat dans d'autres domaines également , une foncet à la dette publique avaient été sciemment
tion n'est exercée par le niveau supranational
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que si elle ne peut pas l'être de manière satisfaisante au niveau national. Ainsi, les statistiques sont élaborées à la base de manière autonome par les pays membres, selon les normes
fixées au niveau européen. Or ce principe
s'appuie sur celui de la bonne foi, une condition qui est loin d'être réalisée lorsque le pays
est directement intéressé par les chiffres élaborés. D'autant plus que, dans certains pays, les
institutions productrices de statistiques officielles ne sont pas totalement autonomes par
rapport au gouvernement et peuvent faire
l'objet de pressions politiques. Imaginons un
instant que, dans notre système fédéraliste en
Suisse, on laisse aux cantons la responsabilité
d'élaboration des indicateurs tels que le revenu
cantonal, qui seraient ensuite utilisés par la
Confédération pour déterminer les montants à
recevoir ou à verser dans le cadre de la péréquation financière.
Ce qui est arrivé à la Grèce peut théoriquement arriver dans d'autres pays membres. Il est
donc primordial de remédier à la situation en
agissant à deux niveaux. Au niveau des pays
membres, la mesure la plus urgente serait de
conférer une autonomie de jure - via la Constitution- et de facto à l'institution chargée d'élaborer les statistiques officielles. A plus long
terme, on pourrait créer une autorité compétente, indépendante du gouvernement, capable
d'analyser en toute impartialité les indicateurs
économiques du pays. Au niveau de l'UE, il faut
sérieusement revoir le champ d'application du
principe de subsidiarité, en plaçant par exemple des observateurs d'Eurostat au sein des
organismes statistiques des pays membres. A
plus long terme, il va falloir aller au-delà des
critères de Maastricht, en basant les mécanismes de contrôle sur un véritable tableau de
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bord d'indicateurs plus économiques que
comptables. Enfin, last but not least, il faut
prévoir et appliquer des sanctions sévères en
cas de manipulation frauduleuse des statistiques officielles.
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