MISE AU POINT L’essentiel de la cardiologie du sport en 2017 Sport’s cardiology, the main points in 2017 F. Carré*, F. Schnell* A lors que notre société est submergée par une vague d’inactivité physique et de sédentarité qui fait le lit des maladies chroniques, en particulier de l’athérosclérose, et que les bienfaits − préventifs et curatifs − de l’activité physique et sportive sont formellement prouvés, proposer une mise au point sur la cardiologie du sport peut surprendre. Pourquoi cet article ? Les cardiologues qui témoignent d’un intérêt croissant pour la cardiologie du sport rencontrent de plus en plus de sportifs lors de leurs consultations, et ils peuvent être interpellés par leurs adaptations cardiaques. Bien que rare, le risque d’un accident cardiovasculaire (CV) plane, et sa prévention préoccupe le praticien. Les accidents CV liés à la pratique sportive et leur prévention sont l’objet de cette mise au point. Caractéristiques de la mort subite liée au sport * Service de médecine du sport, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes, Inserm U I099. La mort subite liée au sport (MSS) est un événement dramatique, toujours mal compris par les médias et la population, qui comprennent mal comment un sujet a priori en “bonne santé” peut mourir en pratiquant une activité elle-même décrite comme bénéfique. Si les bienfaits à long terme du sport sont prouvés, il est aussi vrai que pendant une pratique sportive intense, le risque d’accident CV est transitoirement majoré. Dans la population générale française, l’incidence des accidents CV est estimée à 6,5/100 000, pour un âge moyen de 45 ans (1). Dans la population sportive, la collecte médiocre des données, pour le numérateur (nombre de MSS) et le dénominateur (nombre de sportifs, en particulier de loisir), et l’oubli de la prise en compte des MSS réanimées expliquent la variabilité et l’imprécision de l’incidence de la MSS selon les études (1-3). Dans la population générale française, deux études prospectives estiment que son incidence est comprise entre 1,5 et 1,9/100 000 (1, 2). Dans la population 26 | La Lettre du Cardiologue • N° 506 - juin 2017 sportive, les incidences proposées sont de 1/50 000 et de 1/25 000 pratiquants, respectivement avant et après 35 ans (3, 4). La MSS est donc un événement exceptionnel et, rapporté au nombre global de MS, le rapport bénéfice/risque de la pratique d’une activité sportive, en particulier après 35 ans, est très favorable à la poursuite de cette pratique (5, 6). La MSS, qui est classiquement attribuée au jeune compétiteur, touche en réalité surtout les pratiquants masculins de sports de loisir de plus de 45 ans (selon les études, il y a 5 à 9 hommes qui meurent pour 1 femme) [1-3]. L’intensité de la pratique, et surtout le niveau d’entraînement semblent corrélés au risque de MSS, en particulier après 35 ans (6). Chez le jeune compétiteur, elle serait plus fréquente chez l’Afro-Caribéen et dans certains sports comme le basket-ball (4), mais le rôle aggravant de la compétition est discuté (2). La MSS, qui survient dans plus de 50 % des cas dans une enceinte sportive (2), révèle le plus souvent une cardiopathie méconnue mais précédée dans plus d’un tiers des cas de symptômes minimisés, quelques jours avant l’accident (5, 6). Après 35 ans, la cause principale de la MSS est la maladie coronaire (6), et avant 35 ans, les maladies CV héréditaires ou congénitales prédominent devant les hypertrophies ventriculaires gauches idiopathiques, les myocardites, la maladie coronaire − dont la prévalence augmente chez les jeunes − et le rare commotio cordis (3, 4). La variabilité méthodologique des autopsies explique que l’ordre hiérarchique de ces pathologies reste discuté (3). La réalisation des autopsies par un cardiologue anatomopathologiste suit un protocole incluant une description macroscopique, l’analyse histologique des cavités, des coronaires et du tissu de conduction ; la réalisation de tests toxicologiques a été recommandée (3). Des tests génétiques, à la recherche des syndromes les mieux connus, réalisés systématiquement au moins avant 35 ans, devraient donner une réponse étiologique dans au moins 20 à 30 % des MSS inexpliquées, avec tout le bénéfice secondaire qui en résulterait pour la famille (3). Points forts »» Le sport est globalement bénéfique pour la santé et sa pratique doit être recommandée. »» Les accidents cardiaques liés au sport sont rares et touchent surtout les hommes d’âge moyen, pratiquants de loisir. »» Une pratique d’endurance très intense peut chez de rares sportifs favoriser l’apparition de signes d’intolérance cardiaque et essentiellement des arythmies supraventriculaires. »» La prévention de ces accidents repose sur une bonne éducation des pratiquants, un bilan cardiovasculaire efficace avec une interprétation adaptée aux signes du cœur de sportif et une formation de la population aux gestes de réanimation. Les inconnues et imprécisions qui persistent sur la MSS retentissent sur la qualité de sa prévention et méritent des études ciblées spécifiques. Prévention des accidents cardiovasculaires liés au sport De nouvelles recommandations en Amérique du Nord pour les sujets porteurs de pathologies CV désireux de pratiquer un sport en compétition viennent d’être proposées (7). Leur but est de prévenir l’aggravation d’une pathologie CV et/ou d’un accident grave, sans interdire injustement la pratique sportive par crainte médicolégale. Elles reposent encore principalement sur des consensus d’experts, mais sont globalement plus permissives que celles de 2005. La nécessité d’impliquer le sportif et son entourage dans la décision finale est fortement soulignée (7). Les recommandations principales sont proposées dans le tableau, pp. 28-29. D’un point de vue éthique, social et médical, il paraît justifié pour les sujets a priori sains de proposer aussi une prévention des accidents CV liés au sport. Elle repose sur 3 actions principales : la visite médicale de non contre-indication (VNCI) à la pratique sportive, l’éducation du pratiquant, et la formation aux gestes de premier secours. La nécessité de la VNCI et le contenu de son bilan CV font l’objet d’un débat animé. La plupart des pays qui recommandent ou imposent légalement une VNCI la limitent aux compétiteurs. Dans le cadre des recommandations, les compétiteurs se limitent aux sujets qui s’entraînent de manière structurée pour réaliser la meilleure performance possible. En France, depuis 2017, la loi impose une VNCI tous les 3 ans avec délivrance d’un certificat médical valable pendant 1 an et obligation pour le sportif de remplir de manière annuelle un questionnaire comprenant 9 items les 2 années suivantes. Toute réponse positive à une question impose une nouvelle VNCI. Un groupe international d’experts s’est récemment réuni pour proposer un consensus raisonnable sur les examens CV à inclure dans la VNCI pour le sport en compétition (8). L’association interrogatoire, examen physique et ECG de repos a une potentialité diagnostique indéniablement supérieure à l’examen clinique seul. Le principal reproche fait à l’ECG réside dans le nombre de faux positifs observés chez l’athlète. Une nouvelle classification internationale de l’ECG adaptée à l’athlète a très récemment été proposée (figure, p. 30) [9]. Elle se fonde sur le risque potentiel d’aggravation ou d’accident induit par la pratique sportive intense sur une possible pathologie cardiovasculaire. L’absence de risque des particularités ECG classées comme ne nécessitant pas de bilan CV a été confirmée par des études menées chez des athlètes (9). La nécessité d’une formation adaptée des praticiens concernés par la VNCI pour l’analyse de l’ECG doit aussi être soulignée (8). L’ajout systématique d’examens d’imagerie ne représente pas un apport diagnostique substantiel (8). De même, la réalisation d’une épreuve d’effort (EE), en particulier après 35 ans, ne doit pas être systématique mais ciblée (6), en se fondant sur la symptomatologie éventuelle, le niveau d’entraînement et celui du risque CV du demandeur, estimé surtout en fonction de l’âge, du bilan lipidique et du tabagisme, et sur les caractéristiques du sport désiré (10). L’EE est toujours justifiée pour les sujets symptomatiques, porteurs d’une cardiopathie connue, présentant au moins 2 facteurs de risque, désireux de reprendre un sport intense après une longue interruption (6, 10). Cette EE doit être épuisante et non limitée à l’obtention de la fréquence cardiaque maximale théorique, souvent dépassée par les sportifs qui sont peu limités mus­culairement. La détection de la maladie coronaire est la cause principale de l’indication préventive de l’EE chez le sportif. Sa limite est une faible détection du risque de rupture de plaque malgré une bonne détection de l’angor ; cette limite doit être connue des praticiens et clairement expliquée au sportif, qui peut à tort considérer une EE normale comme une “assurance tous risques”. In fine, la décision d’une VNCI obligatoire au niveau d’une population reste une décision gouvernementale. Les désaccords sur son contenu CV, essentiellement pour l’ECG, s’expliquent par des différences culturelles et sociales et par des contraintes juridiques spécifiques aux pays. Hors de ces contraintes légales, une VNCI devrait être proposée aux pratiquants d’activités sportives intenses et régulières avec information sur ses avantages et ses limites (8). Les circonstances de survenue des accidents − ­ symptômes non pris en compte et non-prise en compte des facteurs favorisants −, et la population (âge, Mots-clés Cardiologie du sport Mort subite Visite de non-contreindication au sport Highlights »»Sport is good for health and its practice should be recommended. »»Sport-related cardiac events are rare and concern mostly middle-aged men during leisure-time sport practice. »»In few athletes, a very intense endurance practice can favor the occurrence of cardiac abnormalities and mainly supraventricular arrhythmias. »»The prevention of these events and deleterious effects is based on a good education of the athletes, on an effective cardiovascular assessment with a specific interpretation of the athlete’s heart signs, and on a training of the general population for cardiopulmonary resuscitation. Keywords Sport’s cardiology Sudden death Pre-participation evaluation for sport La Lettre du Cardiologue • N° 506 - juin 2017 | 27 MISE AU POINT L’essentiel de la cardiologie du sport en 2017 Tableau. Résumé des nouvelles recommandations américaines concernant la pratique sportive en compétition des sujets présentant une pathologie cardiovasculaire. Les pathologies cardiovasculaires congénitales ne sont pas abordées (D’après B.J. Maron et al. [7]). Pathologie cardiovasculaire Pratique sportive Classification de Mitchell Conservée avec ses limites : – Tenir compte du niveau maximal de l’effort si variable entraînement/per-compétition – Rôle de l’environnement et du niveau d’acclimatation – Impact psychologique de la compétition – E n cas de traitement anticoagulant, les sports avec chocs sont contre-indiqués, quelle que soit la pathologie en cause. Le cas des antiagrégants n’est pas traité Après récupération d’un commotio cordis Un bilan cardiologique, en particulier rythmologique, est justifié. S’il est normal, aucune restriction sportive Hypertension artérielle – Aucune restriction sportive si pré-hypertension ou HTA de grade 1 sans atteinte d’organe – Si HTA de grade 2, attendre contrôle tensionnel, surtout si sports statiques (classés III) Maladie coronaire – Après accident, bilan classique avec échographie de repos et EE sous traitement (capacité physique, ischémie, arythmies) – Traitement et équilibre des facteurs de risque, surtout hypercholestérolémie – Discussion avec le patient sur la balance bénéfices/risques du sport intense – Aucune restriction sportive si coronarien asymptomatique avec FEVG > 50 %, sans ischémie ni TDR – Autres cas : restriction aux sports IA et IIA. Interdiction de compétition au moins 3 mois après revascularisation ou si aggravation des symptômes et/ou ischémie Cardiomyopathies CMH probable ou certifiée : quels que soient les critères de gravité et le traitement, autorisation pour sports IA – CMH génotype+ phénotype– sans antécédent MS familial par CMH : aucune restriction sportive – Pas de traitement anti-arythmique ni DCI pour autoriser sport intense – NCVG asymptomatique et FEVG normale, sans TDR ventriculaires complexes : aucune restriction sportive – Autres cas NCVG : autorisation pour la pratique des sports IA – Cardiomyopathie dilatée, restrictive primaire ou infiltrative : parfois autorisation pour la pratique sports IA – MAVD certifiée, probable ou possible : parfois autorisation pour la pratique sports IA Myocardites Arrêt de tout sport intense 3 à 6 mois. Normalisation totale : aucune restriction sportive, sinon pas de sport en compétition. Si rehaussement tardif persistant asymptomatique : pas de restriction sportive et surveillance Péricardites – Aiguës ou chroniques : aucun sport – Si récupération complète : aucune restriction TDC – BAV complet congénital asymptomatique : aucune restriction – Si symptomatique : QRS > 120 ms, FC repos < 40 bpm. PM indiqué et sport adapté. Restriction adaptée après EE. TDRSV – FA faible risque bien tolérée et arrêt spontané : aucune restriction sportive. Ablation traitement de choix. – Flutter ablation. – TSV ablation recommandée. – Pré-excitation asymptomatique, EEP avec ablation si nécessaire. – Après ablation efficace, pas de restriction 28 | La Lettre du Cardiologue • N° 506 - juin 2017 MISE AU POINT Pathologie cardiovasculaire Pratique sportive TDRV – ESV isolées ou complexes asymptomatiques sur cœur sain, pas de restriction – Si symptôme : traitement et ablation si traitement inefficace – Si cardiopathie, sport IA ou aucun sport. – TVNS sur cœur sain disparaissant à l’EE : pas de restriction, discussion ablation – TVNS effort sur cœur sain : limitation sports IA. Après traitement, EE et EEP : discussion autres sports. – TVNS et cardiopathie : limitation aux sports IA – TVS monomorphes et cœur sain : traitement et/ou essai ablation. Si EE et EEP normal : pas de restriction – TVS monomorphes et cardiopathie : limitation aux sports IA – ACR sur TV ou FV et cardiopathie : DCI, si cardiopathie réversible, reprise sport après 3 mois Syncope, PM, DCI – Syncope neurologique : aucune restriction – PM permanent sans cardiopathie : sport sans collision, sauf si protection adaptée – PM et cardiopathie : sport selon cardiopathie – DCI : pas de sport pendant 3 mois, limitation aux sports IA ou selon cardiopathie, discussion avec patient et autorisation autre sport possible au cas par cas Canalopathies – Avis spécialisé – Canalopathie génotype+ phénotype– : aucune restriction sportive. Respect règles de sécurité et si possible DEA personnel et entourage formé – Brugada : aucune restriction sauf si port de DCI – QT long traité asymptomatique > 3 mois : pas restriction sportive sauf natation pour LQT1 et sauf si DCI– – TV polymorphe catécholergique : aucun sport, exception possible après avis spécialisé Valvulopathies – Toujours EE au mieux avec VO2 : adaptations, capacité physique, arythmies, segment ST. Suivi annuel. – Sténose aortique : minime, pas de restriction ; modérée : limitation sports IA, IB, IIA ; serrée : aucun sport. – Fuite aortique : minime-modérée ou sévère, dilatation VG absente ou modérée, FEVG normale : pas de restriction. Sévère et symptôme et/ou EE anormale et/ou dilatation marquée : aucun sport. Si dilatation aorte minime à modérée, pas de sport avec collision. – Sténose mitrale, si minime : pas de restriction ; si sévère : aucun sport ou limitation aux sports IA. – Fuite mitrale : si minime-modérée et rythme sinusal, VG non ou peu dilaté, FEVG normale sans HTAP, pas de restriction ; si sévère, sinusal, FEVG normale, et dilatation VG : restriction IA, IIA, IB ; si sévère, VG dilaté, HTAP, FEVG anormale : aucun sport ou IA. – Valvulaire opéré : bioprothèses aorte ou mitrale, fonctions valves et VG normales, restriction aux sports IA, IB, IC, IIA. Dilatation percutanée ou commissurotomie mitrale, sport selon sévérité résiduelle. Chirurgie sténose mitrale ou valvulopathie aortique sans fuite résiduelle et fonction VG normale, restriction aux sports IA, IB, IIA avec faible risque collision cas par cas. – Valves mécaniques. Fonctions valves et VG normales : restriction aux sports IA, IB, IIA et pas sport avec risque collision Pathologies de l’aorte – Bicuspidie : non compliquée, pas de restriction. Aorte 40-42 mm hommes (H) et 36-39 mm femmes (F) , Z-score 2-3,5 sans sténose ni fuite : sports IA, IB, IC, IIA, IIB, IIC sans collision. Aorte 43-45 mm, Z score > 3,5 : sports IA sans collision. Aorte > 45 mm : aucun sport. – Aorte saine : Z-score 2-2,5, 40-41mm H, 35-37 mm F : pas de restriction. Dilatation plus marquée, bilan complet ± génétique, autorisation sportive au cas par cas, attention aux sports à contrainte statique élevée – Dissection aortique chronique ou anévrisme ou dissection autre artère : aucun sport. Anévrisme ou dissection opérés avec succès : sport IA. Trait drépanocytaire Pas de restriction sportive. Respect hydratation et des contraintes environnementales (chaleur et haute altitude). Information entourage sportif ACR : arrêt cardiorespiratoire, BAV : bloc atrioventriculaire, CMH : cardiomyopathie hypertrophique, DCI : défibrillateur cardiaque implantable, DEA : défibrillateur automatique, EE : épreuve d’effort, EEP : exploration électrophysiologique, ESV : extrasystole ventriculaire, FA : fibrillation atriale, FEVG : fraction d’éjection du VG, FV : fibrillation ventriculaire, HTA : hypertension artérielle, HTAP : hypertension artérielle pulmonaire, LQT1 : syndrome du QT long type 1, MAVD : maladie arythmogène du ventricule droit, NCVG : non-compaction du VG, PM : pacemaker, TDC : troubles de la conduction, TDR : troubles du rythme, TDC : troubles de la conduction, TDRSV : troubles du rythme supraventiculaire, TSV : tachycardie supraventriculaire, TVS et TVNS : tachycardies ventriculaires soutenues et non soutenues, VG : ventricule gauche. La Lettre du Cardiologue • N° 506 - juin 2017 | 29 MISE AU POINT L’essentiel de la cardiologie du sport en 2017 Normal chez l’athlète – Bradycardie sinusale et/ou arythmie respiratoire – Rythme jonctionnel ou ectopique – BAV degré 1 BAV degré 2 Mobitz 1 – Amplitude de QRS avec critères d’HVG ou HVD – BBD incomplet Limite chez l’athlète – RP ou élévation ST – Axe QRS anormal – ST surélevé en dôme avec ondes – T négatives V1-V4 chez athlètes A-C – Hypertrophie atriale électrique – T négatives V1-V3 avant 16 ans – BBD complet Pas de bilan CV complémentaire si athlète asymptomatique sans antécédent familial de cardiopathie héréditaire ni de mort subite cardiaque 1 signe avant 50 ans Aspects anormaux – Bradycardie majeure < 30 bpm – ≥ 2 extrasystoles – Tachyarythmies supraventriculaires – PR ≥ 400 ms – BAV degré 2 Mobitz 2 – BAV degré 3 – Pré-excitation ventriculaire – Ondes Q pathologiques – BBG complet – QRS ≥ 140 ms – Sous-décalage ST – T négatives sauf avR, D3, V1 – QTc prolongé (> 470 ms H, 480 ms F) – Aspect Brugada type 1 – Onde epsilon Bilan CV complémentaire justifié pour détecter une pathologie CV ≥ 2 signes à risque d’accident grave lors du sport Figure. Critères d’interprétation de l’ECG de repos de l’athlète (≥ 4 h/sem. de sport) [d’après Sharma S et al. (9)]. A-C : Afro-Caribéens ; BAV : bloc atrioventriculaire ; BBD, BBG : bloc de branche droit ou gauche ; CV : cardiovasculaire ; F : femmes ; H : hommes ; HVG ou HVD : hypertrophie électrique ventriculaire gauche ou droite ; QTc : durée QT corrigée par la formule de Bazett ; RP : repolarisation précoce. niveau de préparation) concernée (3, 6) montrent qu’une éducation sur la bonne pratique des activités sportives pourrait diminuer significativement l’incidence des MSS dans la population générale. Soulignons l’absolue nécessité de consulter en cas de symptômes évocateurs, de s’abstenir de pratiquer un sport intense en cas de fièvre et/ou de syndrome viral et, pour les fumeurs invétérés, de s’abstenir de fumer dans les 2 heures précédant et suivant la pratique sportive. La simplicité et le faible coût de cette action éducative plaident pour sa diffusion et son utilisation. Dans plus de 90 % des cas, l’accident CV survient en présence de témoins ; des gestes de premiers secours efficaces et la présence d’un trouble du rythme choquable représentent les 2 principaux facteurs pronostiques en cas d’arrêt cardiorespiratoire (3). Une éducation aux gestes de réanimation la plus large possible dans le monde sportif doit donc être réalisée. Le sport intense peut-il devenir délétère pour un cœur sain ? En 2011, la Haute Autorité de santé (HAS) a reconnu l’activité physique et sportive comme une thérapeutique non médicamenteuse. Mais cette poly- 30 | La Lettre du Cardiologue • N° 506 - juin 2017 pill pourrait-elle avoir des effets délétères en cas d’excès ? On sait que la pratique sportive intense, par les modifications environnementales cellulaires qu’elle induit, peut déclencher des arythmies graves en cas de foyer arythmogène sous-jacent. L’endurance intense peut aussi aggraver des cardiopathies arythmogènes héréditaires comme la maladie arythmogéne du ventricule droit (7, 11). Le sport intense pratiqué en période infectieuse, surtout virale, augmente le risque d’arythmies en cas de localisation myocardique inflammatoire. La question de savoir si la pratique effrénée d’un sport d’endurance peut à long terme créer un foyer arythmogène reste très débattue (11, 12). La notion de fatigue cardiaque est ancienne. Dès les années 1970, des études rapportaient une baisse de la fonction systolique, une dilatation cavitaire et des signes radiologiques de surcharge pulmonaire transitoires chez des athlètes asymptomatiques à l’arrivée d’un marathon. Les moyens d’exploration actuels ont affiné ces observations. En bref, après un effort intense d’endurance, 50 % des participants environ présentent des signes de fatigue myocardique avec, à l’échographie, une dilatation et une baisse des fonctions diastolique et systolique plus nettes sur le ventricule droit et, à l’analyse biologique, une élévation de la troponine et du BNP. Ces anomalies très transitoires (normalisation ≤ 24 heures) concernent des athlètes toujours cliniquement asymptomatiques et sans anomalie ECG ou tissulaire à l’IRM associée. Ces adaptations sont donc actuellement considérées comme physiologiques. De plus, le très faible nombre d’accidents CV (0,54 MSS/100 000) lors des semi-marathons et marathons et la longévité prolongée de 4 à 6 ans des athlètes, surtout endurants, de haut niveau par rapport à la population générale, sont des éléments rassurants. Il est néanmoins justifié d’étudier le retentissement potentiel à long terme des effets myocardiques de ces épreuves, surtout si elles sont répétées et pratiquées par des sportifs d’âge moyen (de plus de 40-45 ans). Le risque de fibrillation atriale (FA), favorisée par une longue pratique de l’endurance, reste le mieux documenté. Les caractéristiques cliniques et physiopathologiques de la FA de l’athlète ont été très récemment revues (13). La FA concerne les vétérans (45-65 ans) masculins pratiquant un sport d’endurance à haute intensité depuis plusieurs années, et exempts des facteurs de risque classique de la FA. Les femmes semblent protégées. La FA est surtout paroxystique MISE AU POINT et de type vagal, au moins au début, ce qui rend difficile pour l’athlète l’acceptation du lien entraînement-arythmie. L’échographie ne montre le plus souvent qu’un cœur d’athlète aux fonctions normales ou supra-normales qui se démarquent de la classique FA isolée. La poursuite du sport au même niveau favorise le passage à la FA permanente. Les mécanismes physiopathologiques, pour certains encore spéculatifs, de la FA du vétéran endurant, paraissent différents de ceux rapportés chez le non-athlète. Les relations entre entraînement et remodelage pro-arythmogénique atrial sont les plus étudiées. La dilatation atriale liée à l’endurance d’origine volumétrique est associée à une fonction hémodynamique normale. Le rôle d’une fibrose atriale marquée chez l’endurant est discuté. Les perturbations de la balance autonomique expliqueraient la prédominance des FA de type vagal. Sur le plan électrophysiologique, le remodelage du nœud sino-atrial classique de l’endurant associe une bradycardie nette, en partie par baisse de la fréquence cardiaque intrinsèque, un remodelage des canaux ioniques et/ou des protéines impliquées dans le stockage calcique. La libération de micro-ARN (miR-1 et miR-133) impliqués dans le remodelage pro-arythmogénique atrial dans la population générale est accrue après un effort d’endurance. Enfin, la prévalence des extrasystoles des veines pulmonaires semble majorée chez l’athlète. L’athlète hyper endurant pourrait présenter un risque accru d’arythmies ventriculaires. La possibilité d’un remodelage pro-arythmogène ventriculaire droit est proposé depuis plusieurs années. Une étude récente (14) a montré que les arythmies proviennent le plus souvent d’une cicatrice sous-épicardique dans la chambre de chasse du ventricule droit qui diffère de la localisation sous-tricuspidienne observée dans la maladie arythmogène du ventricule droit et dans les autres cardiomyopathies inflammatoires (14). Au niveau du ventricule gauche, la fréquence des cicatrices fibrotiques (5 à 6 %) chez les endurants est augmentée (11). Les cicatrices sous-endocardiques ischémiques (25 à 30 %) sont plus fréquentes que les sous-épicardiques septales ou au niveau de la zone de jonction septum-ventricule droit. Ces dernières ne paraissant pas arythmogènes (11). Mais d’autres études récentes ne confirment pas ce risque accru de cicatrices fibrotiques non ischémiques chez l’endurant (12). Conclusion Actuellement, il ne nous paraît pas justifié de déconseiller la pratique d’une activité d’endurance libre à un sujet au cœur sain. Notons cependant que les données a priori rassurantes sur cette pratique sont issues uniquement d’études transversales. Seule une étude longitudinale de bonne qualité méthodo­ logique pourra répondre précisément à la question de savoir si la pratique répétée de l’endurance favorise chez des sujets, peut-être prédisposés, la survenue de foyers arythmogènes. ■ F. Carré déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. F. Schnell n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts. Références bibliographiques 1. 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