Investissement et politique au QuŽbec Comportement des investisseurs en prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste par Daniel Charron 2 Table des mati•res IntroductionÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ Page 3 1. Le risque politiqueÊ: Žtat de la questionÉÉÉÉÉÉ.ÉÉÉÉÉÉÉÉ. 7 2. Cadre mŽthodologiqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 11 2.1 DŽfinitionsÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 2.1.1 Risque politiqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 2.1.2 Incertitude politiqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 2.2 Mod•le dÕanalyseÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 2.2.1 LÕinvestissement et la dŽcision dÕinvestirÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 2.2.2 Mondialisation et investissementÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 2.2.3 Investissement et gŽographie (localisation)ÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 2.2.4 Conditions du mod•leÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 3. Portrait de lÕŽconomie quŽbŽcoise depuis 1960ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 11 12 13 14 14 18 20 23 28 3.1 Le Produit intŽrieur brutÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 3.2 LÕemploi et ch™mageÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 3.3 Un portrait synthŽtique de la situation Žconomique et politique du QuŽbecÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.ÉÉÉÉÉÉ... 28 32 4. LÕŽvolution du portefeuille dÕinvestissementÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 40 5. Les cotations des agences dÕŽvaluation de crŽditÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 59 5.1 LÕindustrie du ÇÊcredit ratingÊÈÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 5.2 La notationÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 5.3 Le QuŽbec en cotesÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.. 59 64 68 37 ConclusionÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ 83 BibliographieÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ. 89 Annexes 3 Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas (Je le veux, je lÕordonne, que ma volontŽ tienne lieu de raison). - JuvŽnal Introduction LÕincertitude politique et Žconomique quÕaurait engendrŽ et quÕentretiendrait le mouvement indŽpendantiste constitue lÕune des principales prŽoccupations des opposants ˆ lÕindŽpendance du QuŽbec. Selon eux, ce climat dÕincertitude expliquerait les maux dont souffre lÕŽconomie quŽbŽcoise dans son ensemble. De lÕincertitude dŽcouleraient, entre autres, le niveau de ch™mage ŽlevŽ et la faible croissance Žconomique de cette province. Si elle prŽvaut, lÕincertitude agit sur le comportement de lÕinvestisseur. CÕest en affectant lÕinvestissement privŽ quÕelle a des effets sur lÕŽconomie. LÕincertitude et le risque politique reprŽsentent le lien entre la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste et lÕŽconomie quŽbŽcoise. Mais, il est permis de se questionner sur lÕexistence dÕun tel lien. Autrement dit, lÕincertitude politique liŽe ˆ une potentielle sŽcession entre le QuŽbec et le Canada est-elle suffisamment importante pour modifier le comportement des investisseurs vis-ˆ-vis du QuŽbec ? Cette Žtude vise ˆ vŽrifier si lÕidŽe dÕindŽpendance a toute lÕinfluence que plusieurs lui attribuent sur lÕinvestissement privŽ. Elle vise Žgalement ˆ vŽrifier si le comportement des investisseurs pris dans leur ensemble est diffŽrent face au QuŽbec selon quÕils soient canadiens ou Žtrangers. LÕopinion politique des investisseurs canadiens influence-t-elle leur comportement en tant quÕinvestisseurs au QuŽbec ? LÕaccession du QuŽbec ˆ la souverainetŽ entra”nerait des changements majeurs aux niveaux politique et institutionnel. Face ˆ cette ŽventualitŽ, les investisseurs adoptent probablement des comportements diffŽrents de ceux quÕils adopteraient si elle nÕexistait pas ou si elle sÕavŽrait improbable. Le comportement des investisseurs est 4 affectŽ par la ÇÊquestion constitutionnelleÊÈ. Mais est-il affectŽ de mani•re significative ? Et, celui des investisseurs canadiens lÕest-il davantage ? Nous distinguons deux groupes (deux ensembles) dÕinvestisseurs. DÕun c™tŽ, il y a les investisseurs quŽbŽcois et canadiens (investisseurs nationaux) qui sont touchŽs, voire impliquŽs dans le dŽbat sur lÕindŽpendance. De lÕautre, on retrouve les investisseurs Žtrangers (investisseurs internationaux), qui, a priori, ne sont aucunement touchŽs par ledit dŽbat. Dans le cas des investisseurs Žtrangers, leur comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec est le m•me que celui vis-ˆ-vis du reste du monde; il est fondŽ sur une logique purement Žconomique, sur la base dÕune stricte rationalitŽ dÕaffaires. Pris dans une perspective globale, le QuŽbec comme le Canada reprŽsente une zone ˆ faible risque pour les investisseurs.ÊLes investisseurs Žtrangers partent de ce constat dans leur processus de choix dÕinvestissement. Pour leur part, les investisseurs nationaux, Žventuellement guidŽs par des visŽes stratŽgiques, dŽfavorisent le QuŽbec dans leurs choix dÕinvestissement au Canada. En effet, leur implication dans le dŽbat et leur allŽgeance nationale affectent leurs dŽcisions. Vivement opposŽs au mouvement indŽpendantiste quŽbŽcois, les investisseurs canadiens se laissent influencer par leur opinion politique. Bref, dans leurs choix dÕinvestissement au Canada, les investisseurs nationaux investissent moins au QuŽbec que les investisseurs Žtrangers en proportion de leurs investissements au Canada. En effet, les perceptions face ˆ certains facteurs politiques dont le risque liŽ ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste jouent sur les dŽcisions dÕinvestissement. Ces perceptions jouent un r™le plus grand (et plus nŽgatif) chez les investisseurs canadiens, plus sensibles ˆ la question nationale et plus 5 facilement prŽoccupŽs par la situation quŽbŽcoise. Telles sont nos hypoth•ses principales. Ces diffŽrences de comportement se manifestent dans lÕanalyse de la proportion dÕinvestissements faits au QuŽbec par rapport ˆ lÕensemble du portefeuille dÕinvestissements rŽalisŽs au Canada. La proportion quŽbŽcoise devrait ainsi •tre plus faible pour les investisseurs nationaux par rapport aux investisseurs internationaux. ƒgalement, nous procŽderons ˆ une analyse des Žvaluations des agences de notation de crŽdit. Celle-ci devrait nous montrer que la perception de facteurs politiques (principalement due ˆ leur sensibilitŽ face ˆ la ÇÊquestion nationaleÊÈ) influencent lÕŽvaluation des agences nationales quant ˆ la qualitŽ des titres de crŽances Žmis par le gouvernement quŽbŽcois.1 Ainsi, une comparaison, ˆ crit•res standardisŽs, entre la notation de Canadian Bond Rating Services (CBRS), Dominion Bond Rating Service (DBRS) et des deux principales agences internationales (MoodyÕs et Standard & PoorÕs) rŽvŽlera des Žcarts dans les rŽsultats dÕŽvaluation (les cotes). Dans le cadre de ce travail de recherche, nous dŽveloppons un mod•le dÕanalyse sur le comportement des investisseurs nationaux et internationaux vis-ˆ-vis le QuŽbec. LÕŽlaboration dÕun tel mod•le est nŽcessaire puisque la littŽrature existante sur le risque politique sÕapplique mal ˆ la situation ŽtudiŽe. En effet, cette littŽrature sÕadapte difficilement au risque politique liŽ ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste ˆ lÕintŽrieur dÕune Žconomie dŽveloppŽe, moderne et libre-Žchangiste. Ce mod•le fait Les agences dÕŽvaluation de crŽdit peuvent •tre considŽrer comme des ÇÊguidesÊÈ pour les investisseurs. Il appara”t donc fondŽ, dans un souci de simplification, dÕassimiler leur comportement ˆ celui des investisseurs dans une Žtude comme la n™tre qui ne cherche non pas ˆ expliquer lÕinvestissement canadien et Žtranger au QuŽbec de mani•re individuelle ou particuli•re (se rapportant ˆ chaque investisseur pris individuellement) mais de mani•re gŽnŽrale ou agrŽgŽe. 1 6 ressortir que toute diffŽrence de comportement entre lÕensemble des investisseurs nationaux et lÕensemble des investisseurs internationaux ne peut sÕexpliquer que par une diffŽrence dans la perception quÕils ont de facteurs politiques, donc du risque politique. Bref, nous prŽtendons que lÕopinion politique influence le comportement des investisseurs nationaux et lÕŽvaluation des agences de notation de crŽdit nationales. Empiriquement, on observe un Žcart entre les investissements nationaux rŽalisŽs aux QuŽbec par rapport aux investissements internationaux rŽalisŽs dans cette m•me province en proportion des investissements (nationaux et internationaux) rŽalisŽs au Canada. De m•me, remarque-t-on un Žcart entre les notations attribuŽes aux obligations ˆ long terme Žmises par le gouvernement du QuŽbec par les agences nationales dÕune part et par les agences internationales dÕautre part. Nous cherchons donc ˆ comprendre ces Žcarts et ˆ interprŽter ces diffŽrences de comportement et dÕŽvaluation. Partant du constat que, en dŽfinitive, les investisseurs canadiens ne se distinguent des investisseurs Žtrangers que par leur ÇÊnationalitŽÊÈ, lÕexplication de ces Žcarts ne peut provenir que dÕune apprŽhension dissemblable de facteurs politiques; les investisseurs canadiens Žtant manifestement plus sensibles vis-ˆ-vis du nationalisme quŽbŽcois et du risque politique qui en dŽcoule. En effet, cÕest de leur pays dont il est question, ce qui nÕest pas le cas pour les investisseurs Žtrangers. Nous ne cherchons pas ˆ expliquer ou ˆ modŽliser le comportement individuel de lÕinvestisseur canadien ou Žtranger. Nous souhaitons simplement interprŽter le comportement de chaque groupe, de chaque agrŽgats dÕinvestisseurs, en les comparant lÕun ˆ lÕautre. La facture de ce travail est la suivante. Premi•rement, nous prŽsenterons un Žtat de la question sur le risque politique dans sa relation avec lÕinvestissement. 7 Deuxi•mement, nous allons prŽsenter le cadre mŽthodologique que nous utiliserons. Dans cette seconde partie, il sera nŽcessaire en premier lieu de dŽfinir certains concepts qui nous serons utiles. Par la suite, nous allons les insŽrer dans un mod•le dÕanalyse simple qui nous permettra de mettre en relations ces concepts. Troisi•mement, nous exposerons un portrait de la situation Žconomique quŽbŽcoise dans le contexte canadien depuis 1960. Quatri•mement, nous Žtudierons lÕŽvolution du portefeuille canadien dÕinvestissements dans le but de caractŽriser le comportement des investisseurs locaux et Žtrangers ˆ lÕŽgard du QuŽbec. Enfin, avant de conclure, nous nous attarderons au comportement des ÇÊlanternesÊÈ des investisseurs, cÕest-ˆdire les agences dÕŽvaluation de crŽdit. 1. Le risque politiqueÊ: Žtat de la question La littŽrature concernant le risque politique est riche mais, comme nous allons le voir, elle est peu signifiante pour l'analyse du risque politique au QuŽbec. Ceci justifie notre intention dÕŽlaborer et dÕutiliser un nouveau cadre dÕanalyse avec la construction dÕun mod•le. Les cadres existants font peu de cas d'exemples comme le QuŽbec ou le Canada et pour cause. Il s'agit d'Žconomies modernes et dŽveloppŽes (le Canada est entre autres membre du G7, de lÕOMC et le l'OCDE), qui favorisent le libre marchŽ et qui, en dŽfenseurs convaincus de la libŽralisation des Žchanges internationaux, s'int•gre aisŽment dans la nouvelle Žconomie mondiale. D'ailleurs, fortement intŽgrŽ ˆ l'Žconomie nord-amŽricaine gr‰ce notamment ˆ l'ALƒNA, le Canada, encouragŽ par le QuŽbec, travaille dŽsormais ˆ une intŽgration compl•te des Žconomies du continent amŽricain.2 Nous pensons Žvidemment ici aux pourparlers visant la crŽation de la Zone amŽricaine de libre-Žchange (ZLEA). 2 8 Bien que la prŽsence d'un mouvement indŽpendantiste d'importance au QuŽbec puisse, ˆ terme, provoquer d'importants changements aux niveaux politique et institutionnel tant au QuŽbec qu'au Canada, il y aurait peu ˆ craindre sur le plan Žconomique. Les leaders du mouvement indŽpendantiste quŽbŽcois ont, depuis les vingt derni•res annŽes du moins, constamment affirmŽ leur attachement ˆ des principes libŽraux, dŽmocratiques et pacifiques. De plus, il est clair que le Canada, dans l'ŽventualitŽ d'une sŽcession de la province de QuŽbec, aurait tout avantage (Žconomiquement du moins) ˆ assurer une pŽriode de transition harmonieuse, ce qui Žvidemment rŽduit l'incertitude et le risque.3 Cette th•se est Žgalement dŽfendue du c™tŽ du Canada anglais. Dans une analyse prŽsentant un scŽnario vraisemblable sur le dŽroulement de la transition advenant un vote positif lors dÕun prochain rŽfŽrendum, Robert A. Young, professeur au dŽpartement de science politique de lÕUniversitŽ Western en Ontario, soutient la th•se que dans lÕŽventualitŽ de la souverainetŽ du QuŽbec, le Canada acceptera la sŽparation et en nŽgociera rapidement les termes.4 Alan Freeman et Patrick Grady se sont Žgalement penchŽs sur les relations futures entre le QuŽbec et le Canada en cas de sŽcession.5 ÇÊLe Canada devrait Žgalement faire ce quÕil peut pour que la transition du QuŽbec du statut de province ˆ celui de nation se fasse le plus facilement possible, parce que nous sommes nous aussi sensibles aux bouleversements du QuŽbec. Nous devrions Lors des travaux organisŽs dans le cadre de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du QuŽbec, la Commission BŽlanger-Campeau, plusieurs experts ont ŽtŽ appelŽs ˆ se prononcer sur diverses questions d'ordre Žconomique. Ceci est rapportŽ dans un rapport intitulŽ ƒlŽments d'analyse Žconomique pertinents ˆ la rŽvision du statut politique et constitutionnel du QuŽbec, publiŽ en 1991. Plusieurs Žconomistes y ont soutenu la th•se selon laquelle le reste du Canada aurait intŽr•t ˆ maintenir l'espace Žconomique et monŽtaire existant. Voir entre autres Bernard Fortin (1991), Les options monŽtaires d'un QuŽbec souverain, p.283-302 et SecrŽtariat de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du QuŽbec (1991), L'acc•s du QuŽbec aux marchŽs extŽrieurs et ˆ l'espace Žconomique canadien, p.19-54. 4 Robert A. Young (1995), La sŽcession du QuŽbec et lÕavenir du Canada, QuŽbec, Presses de lÕUniversitŽ Laval. Il traite notamment des questions relatives au commerce, ˆ lÕŽconomie et ˆ la monnaie dans les chapitres 3 (ÇÊLes relations Žconomiques entre le Canada et le QuŽbecÊÈ) et 4 (ÇÊLa politique monŽtaireÊÈ) de cet ouvrage. 3 Alan Freeman et Patrick Grady (1995), QuŽbec CanadaÊ: les enjeux de la division, MontrŽal, ƒditions Hurtubise HMH. 5 9 donc offrir de maintenir les dispositions commerciales existantes pour une pŽriode pouvant aller jusquÕˆ trois ans et offrir Žgalement de faciliter lÕadmission du QuŽbec ˆ lÕALƒNA et au GATTÊÈ.6 Toutefois, comme nous le verrons plus loin, certains dŽveloppements demeurent incertains car il est impossible de prŽvoir les ŽvŽnements futurs avec prŽcision. Il ne serait pas vain de faire Žtat de recherches portant sur le risque politique dans sa relation avec l'investissement. Ce sont principalement les consŽquences Žconomiques de ce risque ainsi que son influence sur le comportement de certains agents Žconomiques qui intŽressent la prŽsente recherche. Nombre d'Žtudes traitent du risque politique dans sa relation avec l'investissement direct Žtranger (IDƒ). Parmi ces Žtudes, J. Saœl Lizondo en distingue deux catŽgories : 1) celles qui sont basŽes sur des enqu•tes faites aupr•s de firmes multinationales visant ˆ dŽcouvrir comment leur processus de dŽcision en mati•re d'investissement ˆ l'Žtranger est affectŽ par le risque politique et 2) celles qui utilisent des techniques ŽconomŽtriques telle que l'analyse de rŽgression pour Žvaluer l'effet qu'a le risque politique sur l'IDƒ.7 Paradoxalement, Lizondo soul•ve que ces Žtudes ne conduisent pas ˆ des rŽsultats semblables. Alors que la plupart des Žtudes basŽes sur des enqu•tes am•nent ˆ penser que le risque politique est un facteur important dans le processus de dŽcision relatif ˆ l'investissement Žtranger, les Žtudes utilisant des techniques ŽconomŽtriques ne sont pas aussi concluantes. Certaines montrent qu'il existe une relation nŽgative entre le risque politique et l'IDƒ (i.e. l'existence d'un risque politique provoque une baisse de la valeur de l'IDƒ). D'autres analyses, au contraire, n'arrivent pas ˆ dŽmontrer de liens statistiquement significatifs entre ces deux 6 7 Ibid., p.166. J. Saœl Lizondo (1990), Foreign Direct Investment, IMF working papers, WP/90/63, July, p.17-18. 10 variables.8 Toujours selon Lizondo, plusieurs raisons peuvent expliquer cette situationÊ: ÇÊFor one thing, it is difficult to measure political risk or political instability. Second, a given political event may give rise to different levels of risk depending on the country of origin of the investment, or on the type of industry in which the investment was made. Furthermore, some cross-country econometric studies did not allow for lags between the time when a change in risk is perceived and the time when the change in foreign direct investment takes place. Finally, some of the early studies did not include factors, other than political risk, as explanatory variables of foreign direct investmentÊÈ.9 Chase, Kuhle et Walther10 croient de leur c™tŽ que les dŽterminants Žconomiques jouent un r™le plus important dans la dŽcision dÕinvestir ˆ lÕŽtranger que les dŽterminants politiques. NŽanmoins, ils tentent de trouver une variable qui pourrait mesurer correctement le risque politique. Ils cherchent donc ˆ tester lÕutilitŽ de certains indices de risque politique (ÇÊpolitical risk indexÊÈ) offerts par quelques organismes. Ils ne sont toutefois pas arrivŽs ˆ dŽmontrer que le retour sur investissement dans le cas des IDƒ est plus ŽlevŽ dans les cas o• les pays prŽsentent un risque politique ŽlevŽ selon les indices de ces organismes. Le risque politique ne serait donc pas, selon leur analyse, liŽ ˆ la prime de risque. Il sÕagit lˆ dÕune analyse intŽressante car elle ne sÕattarde pas ˆ la valeur des investissements mais plut™t au lien entre le risque politique et la prime de risque. Leur Žtude am•ne ˆ croire que lÕinvestisseur Žtranger ne re•oit pas un rendement supŽrieur lorsquÕil y a risque politique dans un pays. Cela solidifie lÕhypoth•se soutenue par la plupart des auteurs en finance internationaleÊ: ÇÊthe decision process to invest abroad is fundamentally not different from the decision process to invest domesticallyÊÈ.11 Il sÕagit ici dÕun ŽlŽment tout ˆ fait important qui sera ˆ la base de la construction de notre mod•le sur le comportement des investisseurs nationaux et Žtrangers en prŽsence dÕun risque Ibid., p.18. Ibid. 10 C.D. Chase, J.L. Kuhle et C.H. Walther (1988), ÇÊThe Relevance of Political Risk in Direct Foreign InvestmentÊÈ, Management International Review, Vol. 28, no.3. 11 Ibid., p.31-32. 8 9 11 politique causŽ par la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste ˆ lÕintŽrieur dÕune Žconomie dŽveloppŽe et libre-Žchangiste. En outre, la mesure du risque politique reprŽsente une difficultŽ pour toute analyse traitant de la problŽmatique. SÕil est possible, comme nous le verrons, de dŽfinir cette variable, il en va autrement lorsque vient le temps de la mesurer parce que le risque politique repose sur de nombreux facteurs qualitatifs. On a vu plus t™t que Lizondo a soulevŽ ce probl•me de mesure alors quÕil tentait dÕexpliquer les diffŽrences entre les rŽsultats des certaines Žtudes. Il nÕest Žvidemment pas le seul ˆ lÕavoir fait. Parmi eux, Lars H. Thunell le soulignait dŽjˆ dans les annŽes 70Ê: ÇÊThe problem is, however, that even if the current political stability can be measured and estimated, it is very hard how this will affect political stability in the future. This means that it is extremely difficult to estimate political riskÊÈ.12 N ous avons su Žviter ce probl•me dans la construction de notre mod•le dÕanalyse. Il sÕagit lˆ dÕun aspect intŽressant du cadre mŽthodologique que nous dŽveloppons. La mesure du risque politique (variable indŽpendante) nÕest pas nŽcessaire ˆ lÕutilisation de ce mod•le. 2. Cadre mŽthodologique 2.1 DŽfinitions Il serait important de clarifier d•s maintenant la signification de quelques termes frŽquemment employŽs, ˆ tort, comme synonymes. ƒgalement, chacun de ces concepts sont quelques fois dŽfinis de mani•res diffŽrentes selon les auteurs. Il devient alors nŽcessaire dÕidentifier les dŽfinitions les mieux adaptŽes au cadre de notre recherche. LÕemploi des termes utiles pour la suite de ce travail sera fait en rŽfŽrence ˆ ces dŽfinitions. 12 Lars H. Thunell (1977), Political Risks in International Business, New York, Praeger Publishers, p.7-8. 12 2.1.1 Risque politique Cette notion de risque politique est pour le moins vague. Elle renvoie, pour plusieurs, ˆ des ŽvŽnements politiques prŽcis tels des coups dÕƒtat, des guerres, des rŽvolutions, etc. En fait, une telle conception du risque politique est fort incompl•te et, par consŽquent, peu utile. Le risque politique englobe une multitude de circonstances et cÕest pourquoi ce concept est difficile ˆ dŽfinir de mani•re dŽtaillŽe et compl•te. Tous les spŽcialistes sÕentendent cependant pour affirmer que le risque politique correspond ˆ des Ç consŽquences indŽsirŽes dÕactivitŽs politiquesÊÈ.13 De fa•on simplifiŽe, du point de vue dÕun investisseur, le risque politique peut •tre dŽfini comme une perte financi•re potentielle due ˆ un ŽvŽnement politique.14 Mais, il doit Žgalement •tre compris dÕune mani•re plus large. Bernard Marois dŽfinit le risque politique comme ÇÊle risque ou la probabilitŽ de matŽrialisation dÕun sinistre, rŽsultant du contexte Žconomique et politique dÕun ƒtatÊÈ.15 Selon lui, le sinistre peut •tre causŽ par lÕimmobilisation dÕactifs (confiscation de biens, blocage de fonds, moratoire ou rŽpudiation de dette), la perte dÕun marchŽ pour des raisons autres que commerciales ou par une atteinte ˆ la sŽcuritŽ des personnes. En outre, en ce qui concerne le contexte Žconomique et politique dÕun ƒtat, il peut sÕagir de mesures prises par le gouvernement, dÕŽvŽnements internes tels que des Žmeutes ou une rŽvolution, dÕŽvŽnements externes comme une guerre ou un boycott ou de situations particuli•res telles quÕune inflation en forte croissance ou un surendettement extŽrieur. 13Hac•ne Benmansour et Corinne, Vadcar (1995), Le risque politique dans le nouveau contexte international, Paris, Dialogues ƒditions, p.15. 14Plusieurs Žtudes utilise cette simple dŽfinition (voir entre autres Hefferman (1985) ou Calverley (1989)). Elle est incompl•te mais elle a lÕavantage dÕ•tre claire et tr•s facile ˆ utiliser. Nous prŽfŽrons toutefois une dŽfinition Žlargie car le risque politique est un phŽnom•ne complexe qui ne touche pas seulement ˆ la possibilitŽ dÕune perte financi•re. 15Bernard Marois (1990), Le risque-pays, Paris, Presses universitaires de France, p.5. 13 Cette dŽfinition rejoint celle avancŽe par William H. Overholt. Ce dernier se place cependant dans une perspective plus organisationnelle puisquÕil sÕintŽresse particuli•rement ˆ lÕŽvaluation du risque politique et aux mŽthodes permettant dÕy arriver. Cela le pousse ˆ adopter une dŽfinition Žlargie. Selon lui, la possibilitŽ quÕun ŽvŽnement de nature politique gŽn•re une perte de propriŽtŽ pour une organisation, force celle-ci, contre son grŽ, ˆ une rŽorganisation, menace ses intŽr•ts et la sŽcuritŽ de ses employŽs ou que cet ŽvŽnement risque de lui faire perdre un marchŽ de consommateurs reprŽsente Žgalement un risque politique. ÇÊAn organisation suffers if it loses some of its ownership, if it is forced to re-organise in undersired ways, if its employees or their interests are injured, if it cannot import the necessary technology or export capital, or if it loses custumers for political reasons. Such events can affect the flow of funds or not, but in either case the organisation suffers ; the possibility of such damage is political riskÊÈ.16 Le risque est dans ce cas-ci, comme pour Marois, dŽfini comme la probabilitŽ dÕun sinistre (ÇÊdamageÊÈ). Dans la construction de notre cadre dÕanalyse, nous adopterons une perspective identique. Au QuŽbec, la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste doit •tre considŽrŽe comme un risque car il entretient la probabilitŽ dÕune Žventuelle indŽpendance. Il entretient Žgalement de lÕincertitude qui, comme nous le verrons, est une constituante du risque. 2.1.2 Incertitude politique Le risque nÕest pas aisŽment mesurable17. Ainsi, nous sommes amenŽs ˆ parler dÕincertitude. LÕincertitude doit •tre distinguŽe du risque ; elle reprŽsente le degrŽ de doute dans lÕŽvaluation dÕun risque.18 16 William H. Overholt (1982), Political Risk, London, Euromoney Publications, p.15. risque correspond ˆ la variabilitŽ du rendement dÕun actif par rapport ˆ son rendement espŽrŽ. Lars H. Thunell (1977), op.cit., p.4. 17Le 18 Par consŽquent, elle diminue avec les 14 connaissances qui sont acquises sur les composantes de ce risque. ÇÊWhen the international manager makes a judgment of an uncertain political event in a host country he thereby converts a political uncertainty in political riskÊÈ.19 LÕincertitude est donc la part non mesurable du risque mais, elle demeure tout de m•me une composante du risque. Elle est alimentŽe par lÕimprŽvisibilitŽ de facteurs souvent qualitatifs. Dans le cas qui nous intŽresse, la possibilitŽ pour le QuŽbec dÕaccŽder ˆ lÕindŽpendance gŽn•re passablement dÕimprŽvisibilitŽ face ˆ lÕavenir. Le partage des actifs et des passifs du gouvernement fŽdŽral, aux choix monŽtaires quÕeffectuerait un QuŽbec indŽpendant, ˆ lÕadhŽsion du QuŽbec comme pays membre de lÕALENA, aux futures relations politiques et Žconomiques entre le QuŽbec et la Canada, ˆ la rŽaction des marchŽs Žtrangers et ˆ ses effets sur le dollar canadien et les taux dÕintŽr•t, ˆ la possibilitŽ de conflits sociaux, aux questions entourant lÕintŽgralitŽ du territoire figurent parmi les sujets imprŽvisibles. Bien entendu, plusieurs affirment que tout devrait •tre rŽglŽ rapidement et Žquitablement20 mais, lorsque de gros montants dÕargent sont en jeu, certains semblent (et avec raison) tr•s sensible face ˆ une situation pour le moins incertaine. LÕincertitude explique donc le comportement ÇÊdŽfensifÊÈ quÕadopte les investisseurs face au risque politique.21 2.2 Mod•le d'analyse 2.2.1 LÕinvestissement et la dŽcision dÕinvestir LÕinvestissement est sans doute le comportement le moins bien expliquŽ par la thŽorie Žconomique. En effet, la notion dÕinvestissement est difficile ˆ apprŽhender en raison des multiples dimensions quÕelle recouvre. La problŽmatique de lÕinvestissement Franklin R. Root (1972), ÇÊAnalysing Political Risk in International BusinessÊÈ dans A. Kappor et Phillip Grub (Žd.) Multinational Enterprise in TransitionÊ: Selected Readings and Essays, DŽtroit, Darwin Press. Repris Žgalement dans Thunell (1977), p.5. 20 Voir Commission sur lÕavenir politique et constitutionnel du QuŽbec (1991), op.cit., Young (1995), op.cit. ainsi que Freeman et Grady, op.cit. 19 15 diff•re selon le secteur dÕactivitŽs, la taille et la structure de lÕentreprise, la nature et la durŽe de vie dÕun projet, etc. Sans entrer dans les dŽtails, ajoutons que la notion dÕinvestissement varie selon quelle soit abordŽe par lÕŽconomiste, le comptable, le gestionnaire ou encore le strat•ge. LÕanalyse devient complexe car lÕinvestissement nÕest pas quÕun acte Žconomique, comptable ou stratŽgique. CÕest tout cela ˆ la fois. Il est impossible de dissocier les dŽcisions stratŽgiques et les dŽcisions dÕinvestissement. Aussi, ˆ tout investissement correspond un cožt financier. Notre mod•le sert ˆ expliquer et ˆ interprŽter les Žcarts entre le comportement des investisseurs nationaux et internationaux face ˆ une situation de risque politique liŽe ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste. Nous souhaitons Žviter la complexitŽ gŽnŽralement liŽe ˆ la problŽmatique de lÕinvestissement et du comportement des investisseurs en lÕabordant dÕun point de vue agrŽgŽ et en adoptant une perspective comparative. Ainsi, il devient possible dÕignorer tous les aspects spŽcifiques ˆ chaque investissement. Nous dŽvelopperons ceci un peu plus loin. DÕabord, il est nŽcessaire de prŽsenter bri•vement divers ŽlŽments thŽoriques liŽs ˆ lÕinvestissement et ˆ la dŽcision dÕinvestir. La prise de dŽcision en mati•re dÕinvestissement se fonde principalement sur deux objectifsÊ: la maximisation du rendement (sur la pŽriode considŽrŽe) et la minimisation du risque. Il y a recherche dÕŽquilibre entre ces deux objectifs. Selon une perspective microŽconomique, pour chaque investisseur, la dŽcision dÕinvestir dŽpendra du rendement anticipŽ (expected return) par celui-ci et de son degrŽ dÕaversion (ou de tolŽrance) au risque (risk aversion ou risk tolerance). Ainsi, lÕindividu ayant une forte aversion au risque sera moins enclin ˆ investir dans un projet 21 Bernard Marois (1990), op.cit., p.7. 16 comportant un fort degrŽ de risque m•me si cet investissement promet un rendement plus ŽlevŽ. En dÕautres termes, plus un investissement est considŽrŽ risquŽ par lÕinvestisseur, plus celui-ci exige un rendement ŽlevŽ. CÕest ce quÕon appelle le riskreturn trade-off.22 ÇÊInvestors face a trade-off between risk and expected returns. Historical data confirm our intuition that assets with low degrees of risk provide lower returns on average than those of higher riskÊÈ.23 Le risque dont il est question ici est le risque liŽ strictement ˆ lÕinvestissement lui-m•me, du fait que les bŽnŽfices sont futurs et donc incertains. Il ne faut pas confondre celui-ci avec le risque politique liŽ ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste qui est, lui, exog•ne. Le temps et le risque reprŽsentent donc des ŽlŽments de premi•re importance lorsque lÕon traite de lÕinvestissement. Au sens large, lÕinvestissement implique un sacrifice prŽsent dans le but de soutirer un bŽnŽfice futur. Le sacrifice est connu. Le bŽnŽfice est futur et, du coup, incertain. Le rendement correspond grossi•rement au prix de la patience de lÕinvestisseur. Le risque tient de la relative mŽconnaissance visˆ-vis de lÕavenir, m•me rapprochŽ. En plus du temps et du risque, Avinash Dixit et Robert Pindyck attribuent une troisi•me caractŽristique ˆ lÕinvestissementÊ: son irrŽversibilitŽ (totale ou partielle). Une dŽpense dÕinvestissement doit •tre considŽrŽe, au moins partiellement, comme un ÇÊcožt perduÊÈ, un sunk cost.24 Au niveau microŽconomique, chaque investissement est le rŽsultat dÕune dŽcision de lÕinvestisseur. ThŽoriciens et praticiens sÕefforcent tant bien que mal ˆ modŽliser ce processus dŽcisionnel en tentant de dŽfinir des choix optimaux en la 22 Zvi Bodie, Alex Kane et Alan J. Marcus (1998), Essentials of Investments, McGraw-Hill, 3• Ždition, pp.137-161. 23 Ibid., p.160. 24 Avinash K. Dixit et Robert S. Pindynk (1994), Investment under Uncertainty, Princeton University Press, p.135. 17 mati•re (calcul de la valeur actualisŽe nette (VAN), du dŽlai de rŽcupŽration, etc.). Au niveau macroŽconomique, on recherche plut™t ˆ lier lÕinvestissement ˆ dÕautres variables comme la croissance Žconomique, le niveau dÕemploi, les cožts salariaux, les taux dÕintŽr•t ou la fiscalitŽ.25 Mais, force est de constater que la t‰che est ardue. Daniel Fixari explique bien cette situation. ÇÊCes deux approches microŽconomique et macroŽconomique se heurtent, sur le plan thŽorique, ˆ la difficultŽ de prendre en compte lÕaspect majeur de lÕinvestissement quÕest le pari sur lÕavenir quÕil constitue. Comment rationaliser un comportement face au risque ou simplement le dŽcrire, d•s lors quÕen Žconomie on nÕest pas simplement confrontŽ ˆ de lÕalŽatoire (du type pile ou face), mais ˆ de lÕincertitude, o•, ˆ priori, rien nÕest probabilisable ? Une autre difficultŽ est que lÕon sait mal comment les entreprises choisissent en pratique leurs investissements. Si le flair du dirigeant, ses anticipations et son gožt du risque entrent en jeu, ce ne sont pas les seuls facteur. Les entreprises ont Žgalement des mŽthodologies de calcul pour guider leur choix, effectuer un tri prŽalable dans les projets soumis ensuite ˆ lÕarbitrage du sommet. Les calculs Žconomiques qui y sont menŽs, qui peuvent entretenir des rapports proches ou lointains avec ceux prŽconisŽs par la thŽorie, diff•rent dÕune entreprise ˆ lÕautre, et Žvoluent au fil du tempsÊÈ.26 Il est possible dÕŽtablir une typologie des investisseurs. Bodie, Kane et Marcus identifient six principales catŽgories dÕinvestisseursÊ: les investisseurs individuels, les investisseurs professionnels (trusts personnels et fonds mutuels), les fonds de pension, les compagnies dÕassurance-vie, les autres compagnies dÕassurance et les banques.27 Ces distinctions sont importantes car les objectifs (en termes de rendements exigŽs par rapport ˆ la tolŽrance au risque) et les contraintes varient dÕun type dÕinvestisseurs ˆ un autre. Parmi ces contraintes liŽes ˆ lÕinvestissement, les m•mes auteurs soulignent la liquiditŽ, lÕhorizon temporel, la lŽgislation (sans oublier les contraintes imposŽes par la loi aux investisseurs institutionnels), les considŽrations fiscales et les besoins spŽcifiques (liŽs par exemple ˆ lÕ‰ge, ˆ la santŽ, ˆ des considŽrations Žthiques, etc.).28 Cela complexifie Žvidemment toute tentative de thŽorisation du processus dŽcisionnel des investisseurs dans une perspective microŽconomique ou individuelle. CÕest 25 26 27 28 Daniel Fixari (1995), MŽthodologie de lÕinvestissement dans lÕentreprise, ƒditions La DŽcouverte, p.3. Ibid. Zvi Bodie, Alex Kane et Alan J. Marcus (1998), op.cit., pp.114-118. Ibid., pp.118-121. 18 pourquoi nous ne cherchons pas ˆ adopter une telle perspective ni ˆ comprendre spŽcifiquement la dŽcision dÕinvestir. Nous cherchons plut™t ˆ comprendre le comportement diffŽrenciŽ des investisseurs nationaux et internationaux au QuŽbec ˆ partir dÕobservations empiriques. En fait, nous allons le voir, il ne devrait pas, en principe, exister dÕŽcart entre lÕinvestissement canadien et lÕinvestissement Žtranger rŽalisŽ au QuŽbec; la part du QuŽbec dans le portefeuille dÕinvestissements faits au Canada par ces deux groupes dÕinvestisseurs devraient thŽoriquement •tre la m•me. Il en va de m•me en ce qui concerne les cotes attribuŽes au titres ˆ long terme du gouvernement du QuŽbec par les agences de notation nationales et internationales. Au sections 4 et 5, nous procŽderons ˆ une prŽsentation de nos observations. Nous vŽrifierons quÕelles rŽv•lent des Žcarts. Nous essayons donc, par la construction dÕun mod•le dÕanalyse, dÕŽtablir une grille de lecture pour interprŽter ces Žcarts. Ë partir de cette grille de lecture, il nous sera possible dÕexpliquer ces Žcarts par lÕopinion politique de lÕinvestisseur canadien, par sa plus grande sensibilitŽ vis-ˆ-vis de facteurs politiques. Rapidement, il serait maintenant important de discuter du lien entre mondialisation et investissement. Cela permettra de justifier et de valider la distinction faite entre investisseurs nationaux et internationaux. Nous verrons que, selon une lecture Žconomique, lÕinvestissement canadien et Žtranger fait au QuŽbec devrait •tre similaire (ou tendre ˆ lÕ•tre) en proportion de lÕinvestissement fait au Canada. 2.2.2 Mondialisation et investissement Les fronti•res nationales font de moins en moins obstacles aux mouvements de capitaux. Les espaces Žconomiques sÕint•grent et lÕinterdŽpendance sÕaccro”t ˆ un rythme graduel mais sžr. Kinichi Ohmae soutient m•me quÕil est devenu absurde de 19 tenter de comprendre lÕŽconomie mondiale selon une cartographie ÇÊonusienneÊÈ.29 Certes, cet auteur adopte un point de vue extr•me pour ne pas dire extrŽmiste, mais, en ce qui concerne les mouvements de capitaux et lÕinvestissement, son analyse nÕest certainement pas dŽpourvue de sens. ÇÊInvestment is no longer geographically constrainedÊÈ.30 Pour un AmŽricain, par exemple, il est dŽsormais aussi facile, dÕun strict point de vue Žconomique du moins, dÕinvestir en Pennsylvanie quÕau Manitoba. Selon Ohmae, tout est une question dÕopportunitŽ. Les opportunitŽs dÕinvestissement dans le monde ne se trouvent pas nŽcessairement o• lÕargent se trouve gŽographiquement. CÕest pourquoi une multitude de mŽcanismes ont ŽtŽ dŽveloppŽs afin que les capitaux puissent sÕaffranchir des fronti•res nationales. Alan Greenspan, prŽsident de la Banque fŽdŽrale amŽricaine, rejoint Ohmae sur ce point. ÇÊAs a result of very rapid increases in telecommunications and computer-based technologies and products, a dramatic expansion in cross-border financial flows and within the countries has emerged. (É) These technology-based developments have so expanded the breadth and depth of markets that governments, even reluctant ones, increasingly have felt they have little alternative but to deregulate and free up internal credit and financial maketsÊ(É) Complex financial instruments Ð derivated instuments, in one form or another Ð are being developed to take advantage of the gains in communications and information technologyÊÈ.31 De plus, les accords inter-Žtatiques tels que lÕALENA ou encore lÕUnion europŽenne favorisent une libre-circulation des capitaux sur les territoires des ƒtats signataires. Cependant, comme lÕindique Hanson, la longue histoire des Žchanges canado-amŽricain rend tr•s difficile lÕidentification dÕun quelconque impact de lÕAccord de libre-Žchange canado-amŽricain entrŽ en vigueur en 1989 ou de lÕALENA (1994) sur la localisation de lÕindustrie au Canada. Kinichi Ohmae (1995), The End of Nation State, Harper Collins Publishers. Dans cet ouvrage, lÕauteur essaie de dŽmontrer la non pertinence de lÕƒtat-nation comme unitŽ dÕanalyse dans lÕŽtude des relations Žconomiques internationales. En effet, il prŽtend que lÕƒtat-nation nÕa plus de contr™le sur les quatre fondements de la ÇÊnouvelle Žconomie mondialeÊÈ, les 4 IÊ: lÕInformation, lÕIndustrie, lÕIndividu et lÕInvestissement. Ce livre a ŽtŽ traduit en fran•ais sous le titre De lÕƒtat-nation aux ƒtats-rŽgions. 29 30 Ibid., p.2-3. 20 ÇÊThough the Canada-USA free-trade agreement was passed in 1989, the United States has exerted a strong pull on Canadian industry for more than a century. Perhaps for this reason, there has been little empirical work on how changes in Canadian economy trade policy have influenced industry location in the countryÊÈ.32 Maintenant que nous avons su montrer que le comportement dÕun investisseur ne devrait pas en thŽorie •tre altŽrer par son origine nationale Ð ce nÕest pas difficile et cÕest pourquoi il nÕest pas nŽcessaire dÕen traiter davantage Ð, nous souhaitons nous attarder aux aspects thŽoriques touchant la localisation de lÕinvestissement. 2.2.3 Investissement et gŽographie (localisation) LÕactivitŽ Žconomique est inŽgalement ÇÊdistribuŽeÊÈ entre les pays du monde et entre les rŽgions dÕun m•me pays. Ce constat pousse Žvidemment plusieurs chercheurs ˆ tenter dÕŽtablir un lien entre gŽographie et Žconomie. Les ÇÊthŽories de la localisationÊÈ peuvent nous aider ˆ expliquer la distribution gŽographique de lÕinvestissement. Si lÕexplication par les ÇÊavantages comparatifsÊÈ et la proximitŽ du marchŽ est utile, elle reste insatisfaisante. Une prŽsentation des principales approches thŽoriques sur la localisation devient alors nŽcessaire pour nous permettre dÕidentifier quelques dŽterminants de lÕinvestissement au QuŽbec. Marius BrŸlhart proc•de ˆ une catŽgorisation des thŽories de la localisation en distinguant trois grandes ŽcolesÊthŽoriques : la thŽorie nŽo-classique (neo-classical theory (NCT)), la nouvelle thŽorie des Žchanges (new trade theory (NTT)) et la nouvelle gŽographie Žconomic (new geographic economy (NEG)).33 Parce que tel nÕest pas lÕobjectif de la prŽsente recherche, nous ne prŽsenterons pas en profondeur chacune Alan Greenspan (1998), ÇÊThe Globalization of FinanceÊÈ, The Cato Journal, vol. 17, no. 3. Extraits dÕune allocution prŽsentŽe ˆ la Cato InstituteÕs 15th Annual Monetary Conference le 14 octobre 1997. (Obtenu sur le Web ˆ lÕadresse suivanteÊ: http://www.cato.org/pubs/journal/cj17n3-1.html). 32 Gordon H. Hanson (1998), ÇÊNorth American Economic Integration and Industry LocationÊÈ, Oxford Review of Economic Policy, vol.14, no.2., p.35. 33 Marius BrŸlhart (1998), ÇÊEconomic Geography, Industry Location and TradeÊ: The EvidenceÊÈ, The World Economy, vol.21, no.6, aožt, pp.775-801. 31 21 de ces approches.34 Nous sommes essentiellement intŽressŽs par les dŽterminants de lÕinvestissement et de la distribution gŽographique de celui-ci. Les Žcoles thŽoriques mettent lÕaccent sur diffŽrents dŽterminants en fonction de caractŽristiques propres (hypoth•ses thŽoriques ou postulats) ˆ celles-ci. BrŸlhart prŽsente clairement ces caractŽristiques ˆ lÕintŽrieur dÕun tableau que nous reprenons ici. Ensuite, nous pourrons nous concentrer sur les dŽterminants et poursuivre la construction de notre mod•le dÕanalyse. ThŽorie nŽo-classique Structure du marchŽ DŽterminants de localisation Localisation de lÕindustrie Nouvelle thŽorie des Žchanges Parfaitement Concurrence concurrentiel monopolistique DiffŽrences DegrŽ des technologiques rendements Dotation en croissants ressources naturelles SubstituabilitŽ des Dotations et produits diffŽrenciŽs intensitŽs factorielles Taille du marchŽ intŽrieur - Structure dÕŽchanges Distribution globale de lÕactivitŽ Žconomique (travailleurs) dŽterminŽs par une dotation donnŽe SpŽcialisation interindustrielle ƒquilibre unique ƒchanges interindustriels SourceÊ: Marius BrŸlhart (1998) - - Distribution globale de lÕactivitŽ Žconomique (travailleurs) dŽterminŽe de mani•re exog•ne SpŽcialisation inter et intra-industrielle ƒquilibre unique ƒchanges inter et intraindustriels Nouvelle gŽographie Žconomique Concurrence monopolistique ExternalitŽs pŽcuniaires (bassin de main-dÕÏuvre, relations inputoutput, etc.) ExternalitŽs technologiques Cožts de transaction Distribution globale endog•ne de lÕactivitŽ Žconomique (travailleurs) Forces centrip•des de lÕagglomŽration SpŽcialisation inter et intra-industrielle ƒquilibre multiple ÇÊu-curveÊÈ ƒchanges inter et intraindustriels Les dŽterminants de la localisation varient dÕune Žcole ˆ lÕautre. Mais notre objectif nÕest pas de sÕattarder ˆ ces diffŽrences car lˆ ne rŽside pas lÕexplication du comportement diffŽrenciŽ des investisseurs nationaux et internationaux au QuŽbec. Il est plut™t de comprendre lÕinvestissement ÇÊlocalisŽÊÈ au QuŽbec en adoptant un angle dÕanalyse bien spŽcifique. La prŽsentation de la thŽorie de la localisation nous a permis de faire ressortir les facteurs fondamentaux qui dŽterminent ÇÊspatialementÊÈ lÕinvestissement. On pourrait bien sžr tenter dÕappliquer tout cela au cas du QuŽbec. Pour cela, nous renvoyons le lecteur intŽressŽ ˆ M. Fujita, Paul Krugman et A Venables (1998), The Spatial EconomyÊ: Cities, Regions and International Trade, MIT Press. 34 22 Cependant, ce type de thŽorie a le dŽfaut dÕ•tre prŽsentŽe de mani•re trop gŽnŽrale et elle devient ainsi difficilement applicable.35 CÕest lˆ un des probl•mes majeurs pour toute analyse portant sur lÕinvestissementÊ: lÕinvestissement est le rŽsultat dÕune dŽcision et que le processus dŽcisionnel menant ˆ lÕaction dÕinvestir est difficilement gŽnŽralisable car particulier ˆ chacun. CÕest exactement ici quÕappara”t la pertinence de ce mŽmoire de ma”trise et de lÕintention de dŽvelopper un cadre dÕanalyse nouveau. En effet, en nous intŽressant ˆ des groupes dÕinvestisseurs, il est possible dÕignorer les ÇÊparticularitŽs dŽcisionnellesÊÈ et, en utilisant la comparaison (entre chaque groupe dÕinvestisseurs), dÕŽviter de sombrer dans la trop grande gŽnŽralisation associŽe ˆ la thŽorie de la localisation. Ainsi, nous sommes autorisŽs ˆ tenter dÕexpliquer lÕinvestissement au QuŽbec ˆ partir dÕune variable nouvelleÊ: lÕopinion politique. Car il est nŽcessaire de le rappeler, nous ne souhaitons pas expliquer le comportement individuel de lÕinvestisseur vis-ˆ-vis du QuŽbec ni expliquer la distribution canadienne de lÕinvestissement. Nous cherchons simplement ˆ comprendre pourquoi la part quŽbŽcoise est plus petite dans le portefeuille dÕinvestissements canadien des investisseurs nationaux par rapport ˆ celui des investisseurs internationaux. De m•me, nous cherchons ˆ comprendre pourquoi les cotes attribuŽes aux titres de crŽance du gouvernement du QuŽbec sont plus faibles lorsque les agences de notation de crŽdit sont nationales.36 Notre mod•le dÕanalyse sÕins•re donc entre la thŽorie de la prise de dŽcision en mati•re dÕinvestissement et la thŽorie de la localisation. Voyons maintenant de fa•on plus prŽcise ce mod•le dÕanalyse. 35 36 Marius BrŸlhart (1998), op.cit., p.779. Ces hypoth•se seront vŽrifier (ou infirmer) aux sections 4 et 5. 23 2.2.4 Conditions du mod•le Premi•rement, nous distinguons deux groupes dÕinvestisseurs au QuŽbec. DÕabord, il y a les investisseurs nationaux, cÕest-ˆ-dire les investisseurs canadiens (ce qui inclut les investisseurs quŽbŽcois). Ces derniers sont touchŽs, voire m•me impliquŽs dans le dŽbat sur lÕindŽpendance. Leur ÇÊallŽgeance nationaleÊÈ les conduit ˆ entretenir une opinion politique sur la question nationale, sur la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec.37 Ils sont tr•s majoritairement opposŽs ˆ tout projet dÕindŽpendance qui conduirait ˆ une sŽcession entre le QuŽbec et le Canada. Ensuite, il y a les investisseurs internationaux, cÕest-ˆ-dire les investisseurs Žtrangers qui, a priori, ne sont aucunement touchŽs par le dŽbat. Nous savons que tout ce qui diffŽrencie les investisseurs canadiens des investisseurs Žtrangers, cÕest leur nationalitŽ (et donc leur opinion politique). Les premiers sont plus sensibles ˆ la prŽsence dÕun mouvement remettant en question lÕintŽgritŽ politique et territoriale au Canada. Deuxi•mement, la dŽcision dÕinvestir est liŽe ˆ des objectifs (risk-return tradeoff) et ˆ des contraintes (liquiditŽ, horizon temporel, lŽgislation, considŽrations fiscales et besoins spŽcifiques). Ces objectifs et ces contraintes sont propres ˆ chaque investisseurs et ˆ chaque projet dÕinvestissement. Il devient alors difficile dÕy aller de gŽnŽralisations. Mais nous ne nous intŽressons pas quÕˆ la dŽcision dÕinvestir mais surtout ˆ lÕinvestissement. La taille de nos Žchantillons (investisseurs nationaux et investisseurs internationaux) nous permet de poser comme Žquivalents les objectifs et Nous sommes amenŽs ˆ parler dÕindŽpendantisme et non simplement de nationalisme car de nombreux QuŽbŽcois (dont lÕun des deux principaux partis politiques) sont indŽpendantistes en ce sens quÕils souhaitent la souverainetŽ du QuŽbec. Il ne sÕagit pas donc pas uniquement de nationalisme, ce qui, par ailleurs, en termes de risque politique, susciterait moins de crainte. Autrement dit, cÕest lÕindŽpendantisme qui am•ne ˆ parler de risque politique tel quÕon lÕa vu. 37 24 les contraintes dÕinvestissement de chaque groupe dÕinvestisseurs. Nous nous intŽressons au comportement dÕagrŽgats dÕinvestisseurs en fonction de montants totaux dÕinvestissements et non pas ˆ des comportements individuels dÕinvestisseurs canadiens ou Žtrangers ni ˆ des projets dÕinvestissement spŽcifiques. CÕest pourquoi nous nous sommes aussi intŽressŽs ˆ la thŽorie de la localisation car elle nous fournit des ŽlŽments propres ˆ comprendre ce qui dŽtermine lÕinvestissement au QuŽbec. Ces dŽterminants doivent •tre compris dÕune mani•re large et englobante car ils ne sÕappliquent pas ˆ diffŽrents investisseurs mais ˆ diffŽrentes rŽgions. La thŽorie ne distingue pas les investisseurs selon leur nationalitŽ. La localisation au QuŽbec des investissements canadiens et Žtrangers est dŽterminŽe par les m•mes variables, m•me si celles-ci peuvent varier selon que lÕon adopte telle ou telle approche thŽorique. LÕenvironnement Žconomique et lŽgal que reprŽsente le QuŽbec est le m•me pour chaque groupe dÕinvestisseurs. En effet, les ÇÊfondamentaux ŽconomiquesÊÈ tels que le niveau du produit intŽrieur brut et le taux de variation de celui-ci, le niveau dÕinflation, les taux dÕintŽr•t, le revenu par habitant, les finances publiques et la balance des paiements, la qualitŽ de la main-dÕÏuvre, le niveau technologique ou la taille du marchŽ existent objectivement, cÕest-ˆ-dire quÕelles touchent tout le monde de la m•me fa•on. Il en va de m•me en ce qui concerne les ÇÊfondamentaux lŽgauxÊÈ tels que la fiscalitŽ et les diverses rŽglementations et lŽgislations (travail, environnement, etc.) Les investisseurs au QuŽbec sont soumis aux m•mes contraintes lŽgales et rŽglementaires selon quÕils soient canadiens ou Žtrangers (nous nous situons toujours au niveau agrŽgŽ et, donc, nous nÕavons pas ˆ nous soucier dÕŽlŽments tels que le secteur dÕactivitŽs ou la valeur de lÕinvestissement). 25 LÕinvestissement est donc fonction dÕun environnement Žconomique et lŽgal. Ces variables Žconomiques et lŽgales (VEL) sont les m•mes pour les deux groupes dÕinvestisseurs que nous distinguons. LÕinterprŽtation de ces variables doit Žgalement •tre la m•me pour les deux groupes puisque quÕelle ne peut •tre fondŽe que sur des crit•res dÕŽvaluation objectifs. LÕŽcart entre lÕinvestissement canadien et Žtranger au QuŽbec ne peut donc •tre expliquŽ par ces variables ou par une diffŽrence dÕinterprŽtation de celles-ci. Conscients du caract•re polŽmique que pourrait rev•tir une intention de recherche comme la n™tre, il nous fallait •tre prudent et conservateur dans notre dŽmarche. Le lecteur attentif lÕaura compris. Cela a pour but de solidifier lÕanalyse et de lui confŽrer une certaine crŽdibilitŽ. En effet, lÕhypoth•se de lÕobjectivitŽ des ÇÊfondamentaux lŽgauxÊÈ a pour effet de favoriser les investisseurs nationaux en quelque sorte. Par exemple, la loi imposant le fran•ais comme langue de travail au QuŽbec touche moins les investisseurs nationaux ˆ environ 23% francophones (QuŽbŽcois). Les investisseurs Žtrangers, en grande majoritŽ AmŽricains, pourraient •tre plus rŽfractaires ˆ investir au QuŽbec en raison dÕune telle loi. Notre analyse introduit donc un biais favorable aux investisseurs canadiens par rapport aux investisseurs Žtrangers. Donc si nous arrivons ˆ dŽmontrer que les investisseurs nationaux investissent moins au QuŽbec en proportion de leurs investissements rŽalisŽs au Canada que les investisseurs internationaux, ce sera malgrŽ ce ÇÊtraitement de faveurÊÈ. Par analogie, en prenant lÕexemple dÕune course sur 100 m•tres, cÕest un peu comme si on donnait quelques m•tres dÕavance aux investisseurs canadiens. Par prudence et par conservatisme, nous nÕavons Žgalement fait aucune mention de la ÇÊspŽcificitŽÊquŽbŽcoiseÊÈ en AmŽrique du Nord en tant que sociŽtŽ de langue et de 26 culture fran•aise et rŽgit par un syst•me de droit civil. Il sÕagit, pour les m•mes raisons quÕexposŽes prŽcŽdemment, dÕun autre biais favorable aux investisseurs canadiens. Troisi•mement, en raison de la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste, en plus des variables Žconomiques, lÕinvestissement au QuŽbec est Žgalement dŽterminŽ par une autre variableÊ: le risque politique. Ici aussi, cette variable existe de mani•re objective. Le risque politique existe ou nÕexiste pas. LorsquÕil existe, ce qui importe, cÕest le comportement qui est adoptŽ vis-ˆ-vis celui-ci. LÕaccession du QuŽbec ˆ la souverainetŽ entra”nerait dÕŽnormes changements politiques et institutionnels, ce qui est tout ˆ fait exceptionnel. Devant cette ŽventualitŽ, les investisseurs adoptent certainement des comportements diffŽrents de ceux quÕils adopteraient si elle nÕexistait pas ou sÕil elle sÕavŽrait improbable. Compte tenu de ce qui prŽc•de, toute diffŽrence de comportement entre les investisseurs nationaux et internationaux vis-ˆ-vis le QuŽbec ne peut •tre expliquŽe que par une diffŽrence de comportement (due ˆ une diffŽrence de perception ou dÕattitude) face au risque politique prŽvalant dans cette province. En effet, puisque lÕon suppose quÕils ont le m•me comportement vis-ˆ-vis les m•mes variables Žconomiques et lŽgales38 et que le risque existe de la m•me fa•on pour les deux groupes dÕinvestisseurs, tout ce qui peut varier, cÕest lÕattitude face ˆ ce risque. Cette attitude ou ce comportement face au risque politique sera reprŽsentŽ par un coefficient de comportement ˆ lÕintŽrieur de nos fonctions dÕinvestissement pour chaque type dÕinvestisseurs. Le comportement face aux variables Žconomiques sera aussi reprŽsentŽ par un coefficient mais celui-ci sera le m•me dans les deux cas Fondant lÕanalyse sur le comportement dÕagrŽgats, il est permis de faire lÕhypoth•se de la rationalitŽ dans lÕanalyse des environnements Žconomique et lŽgal. Ainsi, nous croyons quÕau niveau gŽnŽral, il nÕy a pas de diffŽrence entre investisseurs nationaux et Žtrangers sur lÕinterprŽtation de ces environnements. 38 27 (investisseurs nationaux et internationaux). LÕencadrŽ suivant vise ˆ clarifier les propos prŽcŽdents. EncadrŽ 1Ê: PrŽsentation simplifiŽe du mod•le de comportement de lÕinvestisseur au QuŽbec utilisŽ dans le cadre de cette recherche 1) Nous distinguons deux groupes dÕinvestisseursÊ: les investisseurs nationaux et les investisseurs internationaux. 2) En mati•re dÕinvestissement, le QuŽbec reprŽsente un environnement Žconomique et un environnement lŽgal. Ces environnements sont les m•mes pour chaque groupe dÕinvestisseurs et lÕanalyse des variables Žconomiques et lŽgales (ÇÊfondamentaux ŽconomiquesÊÈ et ÇÊfondamentaux lŽgauxÊÈ) est similaire pour les deux groupes. 3) LÕinvestissement au QuŽbec est Žgalement fonction dÕune autre variableÊ: le risque politique. Le risque existe ou nÕexiste pas. Ce qui importe, cÕest lÕattitude adoptŽe face ˆ celui-ci. Les investisseurs nationaux, plus sensibles ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste, adoptent une attitude diffŽrente de celle des investisseurs nationaux face ˆ ce risque. CÕest tout ce qui peu expliquer les Žcarts de comportement dÕinvestisseur entre ces deux groupes qui devrait, autrement, •tre le m•me. 39 Le risque politique (RP), dans le cas qui nous intŽresse, reprŽsente la probabilitŽ que la souverainetŽ du QuŽbec se rŽalise (RP=P*S). Puisque la probabilitŽ (P) varie dans le temps, le risque politique varie Žgalement. Nous proposons une fonction dÕinvestissement tr•s simplifiŽe puisque, afin dÕisoler le comportement des deux groupes dÕinvestisseurs face au risque politique, nous avons regroupŽ toutes les autres variables.40 LÕutilisation dÕune approche plus mathŽmatique permet de faire appara”tre de fa•on simple les relations entre ces variables. RP=P*S Risque politique = ProbabilitŽ (de la rŽalisation de la souverainetŽ)*RŽalisation de la souverainetŽ o• 0< P <1 et S = 0 ou 1 IN = f (a*VEL,b*RP) fonction dÕinvestissement des investisseurs nationaux II = g (a*VEL,c*RP) fonction dÕinvestissement des investisseurs internationaux a est un coefficient de comportement par rapport aux variables Žconomiques (a est le m•me pour les deux types dÕinvestisseurs) b et c sont des coefficients de comportement (ou coefficient de sensibilitŽ) par rapport au risque politique. Plus b et c sont ŽlevŽs, plus le comportement des investisseurs est influencŽ par le risque politique. Ainsi, lÕhypoth•se de notre travail de recherche se rŽsume ˆ b>c (f>g apr•s transformations). Et, la relation entre b et IN et II est inverse, cÕest-ˆ-dire que plus b augmente, plus IN et II diminue. Voir Chase, Kuhle et Walther (1988), op.cit. souci de simplification et de concision, nous avons nŽgligŽ de dŽmontrer les transformations mathŽmatiques prŽalables aux fonctions dÕinvestissement prŽsentŽes ici. Celles-ci sont montrŽes sous une forme tr•s simple afin de faciliter la comprŽhension. Ceci nous am•ne ˆ nŽgliger volontairement certaines subtilitŽs mathŽmatiques qui ne feraient que complexifier inutilement notre propos sans amener davantage dÕexplications. 39 40Par 28 3. Portrait de lÕŽconomie quŽbŽcoise depuis 1960 Il serait utile de tracer un portrait gŽnŽral de la situation Žconomique quŽbŽcoise depuis 1960 afin de nous permettre de relativiser la suite de notre propos et de solidifier notre analyse. La prŽsentation du contexte Žconomique quŽbŽcois dans une perspective comparative et historique vise ˆ en faire ressortir certaines caractŽristiques structurelles de lÕŽconomie quŽbŽcoise. Un tel exercice effectuŽ sur le long terme est nŽcessaire pour comprendre la nature de lÕinvestissement au QuŽbec et lÕŽvolution de celui-ci. Par ailleurs, nous pourrons ainsi sÕŽloigner du caract•re conjoncturel des diverses fluctuations de certaines variables ou, du moins, dÕaccro”tre notre acuitŽ par rapport aux diffŽrents cycles Žconomiques. 3.1 Produit intŽrieur brut (PIB) Le produit intŽrieur brut est la mesure la plus utilisŽe pour mesurer la capacitŽ Žconomique dÕune entitŽ. La valeur du PIB est en elle-m•me peu signifiante. En fait, elle ne prend sens que lorsquÕelle est comparŽe, soit avec des valeurs passŽes, soit avec la valeur du PIB dÕune autre entitŽ. Comme point de comparaison avec le QuŽbec, nous allons utiliser lÕOntario. Cette autre province canadienne est relativement voisine du QuŽbec, non seulement par sa proximitŽ gŽographique mais Žgalement par la diversification de son Žconomie, la qualitŽ de sa main-dÕoeuvre, etc. Ces deux provinces reprŽsentent plus de 60% de lÕŽconomie canadienne. En fait, lÕOntario est la province avec laquelle il est le plus appropriŽ dÕeffectuer des comparaisons avec le QuŽbec. Les cycles Žconomiques entre ces deux provinces, sans •tre identiques, se ressemblent. Ceci est important dans une analyse comme la n™tre qui cherche, entre autres, ˆ sŽparer le ÇÊstructurelÊÈ du ÇÊconjoncturelÊÈ. Il faut toutefois se garder dÕexagŽrer lÕhomogŽnŽitŽ entre les Žconomies quŽbŽcoise et ontarienne, deux Žconomies ayant un secteur industriel tr•s concentrŽ, principalement aux abords du 29 fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs, sur lÕaxe gŽnŽralement appelŽ lÕaxe QuŽbecWindsor, qui relie notamment les villes de MontrŽal et de Toronto. Michel No‘l rappelle quÕil existe de fortes disparitŽs entre ces provinces du point de vue de la population active, du chiffre dÕaffaires total des entreprises, de la productivitŽ, de la valeur ajoutŽe, des principaux secteurs dÕactivitŽs et des emplois.41 Puisque lÕŽtendue de notre sŽrie chronologique nous permet de le faire, il serait Žgalement intŽressant de mettre en relation le cycle Žconomique et le cycle politique. On pourrait aisŽment •tre portŽ ˆ croire que lÕincertitude sÕaccro”t ˆ certains moments du cycle Žlectoral depuis 1960. En effet, les annŽes correspondant ˆ lÕŽlection dÕun gouvernement formŽ par le Parti quŽbŽcois devraient normalement avoir un effet sur lÕincertitude. Il en va de m•me avec les annŽes rŽfŽrendaires. Dans le m•me ordre dÕidŽes, il est permis de croire que lors dÕun retour au pouvoir du Parti libŽral, lÕincertitude sÕattŽnue. Le tableau suivant prŽsente le cycle Žlectoral et rŽfŽrendaire quŽbŽcois depuis 1960. Tableau 1Ê: Le cycle Žlectoral et rŽfŽrendaire au QuŽbec depuis 1960 1960 1962 1966 1970 ƒlectionsÊ: le Parti libŽral du QuŽbec (PLQ) de Jean Lesage prend le pouvoir ƒlectionsÊ: le PLQ est reportŽ au pouvoir ƒlectionsÊ: lÕUnion nationale de Daniel Johnson reprend le pouvoir ƒlectionsÊ: le PLQ de Robert Bourassa remporte (le Parti quŽbŽcois (PQ) arrive second quant au nombre de voix obtenues) ƒlectionsÊ: le PLQ conserve le pouvoir ƒlectionsÊ: Le PQ dirigŽ par RenŽ LŽvesque prend le pouvoir RŽfŽrendumÊ: OUIÊ: 40% ; NONÊ: 60% ƒlectionsÊ: le PQ est reportŽ au pouvoir (avec promesse de ne pas tenir de rŽfŽrendum sur la souverainetŽ) ƒlectionsÊ: le PLQ encore une fois dirigŽ par Robert Bourassa reprend le pouvoir ƒlectionsÊ: le PLQ est reportŽ au pouvoir ƒlectionsÊ: le PQ de Jacques Parizeau reprend le pouvoir RŽfŽrendumÊ: OUIÊ: 49% ; NONÊ: 51% 1973 1976 1980 1981 1985 1989 1994 1995 (En grasÊ: les moments les plus susceptibles dÕalimenter lÕincertitude) Le graphique 1 montre que le PIB ontarien a, depuis 1961, ŽtŽ constamment plus ŽlevŽ que le PIB quŽbŽcois. Bien que le PIB de chacune des provinces soit en 41Michel No‘l (1996), Les rŽgions canadiennes dans lÕŽconomie mondiale, MontrŽal, LÕHarmattan, p.37-40. 30 croissance, on remarque que le PIB ontarien tend ˆ cro”tre plus rapidement que le PIB quŽbŽcois et ce, d•s le commencement de la pŽriode retenue. Cette tendance sÕest accentuŽe entre les annŽes 1982 et 1989, durant les annŽes prŽcŽdant la rŽcession du dŽbut de la dŽcennie. Graphique 1:PIB (en termes de dŽpenses) QuŽbec-Ontario (en millions de $ courants) QuŽbec Ontario 1993 1989 1985 1981 1977 1973 1969 0 1965 150000 1961 PIB 300000 AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627 et 2628 Il est difficile de rŽvŽler un quelconque ÇÊeffet dÕincertitudeÊÈ ˆ partir dÕune analyse de ce graphique. Il est impossible dÕŽtablir des liens entre les cycles Žlectoral et rŽfŽrendaire et les fluctuations du PIB. CÕest pourquoi nous allons maintenant porter notre attention sur lÕŽcart entre les PIB quŽbŽcois et ontarien. Cette analyse plus fine fera ressortir plus clairement les variations. LÕŽcart calculŽ est prŽsentŽ en pourcentage du PIB quŽbŽcois pour nous permettre de relativiser cet Žcart tout en lui donnant une signification mieux adaptŽe ˆ lÕanalyse. 31 Graphique 2: ƒcart PIB QuŽbec-Ontario (en proportion du PIB quŽbŽcois) 90% ƒcart 80% 70% 60% 1994 1991 1988 1985 1982 1979 1976 1973 1970 1967 1964 40% 1961 50% AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627 et 2628 On remarque que lÕŽcart entre les PIB quŽbŽcois et ontarien exprimŽ en pourcentage du PIB quŽbŽcois est plus volatile. Apr•s sÕ•tre maintenu entre 55% et 60% entre 1961 et 1967, cet Žcart sÕest par la suite accentuŽ pour atteindre 71% en 1973. Il sÕest raffermi pour sÕŽtablir ˆ 59% en 1980. Il a ensuite repris une trajectoire ascendante jusquÕen 1989 o• il a atteint 86%. Depuis le dŽbut de la prŽsente dŽcennie, il sÕest maintenu entre 78% et 84%. Accuser lÕincertitude politique pour expliquer les variations de cet Žcart serait incorrect. En effet, les moments que nous avons identifiŽs comme potentiellement plus incertains ou risquŽs (1976, 1980, 1994 et 1995 et la pŽriode dÕune ou deux annŽes qui suit chacune de ces annŽes) ne se caractŽrisent pas par un accroissement significatif de lÕŽcart. Au contraire, cet Žcart sÕest raffermi entre 1976 et 1980 et sÕest relativement maintenu entre 1980 et 1983. Les pŽriodes o• cet Žcart sÕest accentuŽ le 32 plus correspondent ˆ des annŽes o• lÕUnion nationale42 et le Parti libŽral Žtaient au pouvoir (sauf entre 1983 1984 o• le PQ formait le gouvernement ˆ la suite, rappelonsle, dÕune promesse de ne pas tenir de rŽfŽrendum). Graphique 3 : Pourcentage de l'Žconomie canadienne 80% Pourcentage 70% 60% 50% Ontario 40% 30% QuŽbec 20% 1994 1991 1988 1985 1982 1979 1976 1973 1970 1967 1964 0% 1961 10% AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628 et 2622 Aussi, ˆ lÕaide du graphique 3, on remarque que la proportion du PIB quŽbŽcois par rapport au PIB canadien est plus stable que celle de lÕOntario depuis 1960, bien que cette proportion tende ˆ diminuer (26% en 1961 ˆ 22% en 1996). Dans le cas ontarien, cette proportion Žtait de 41% en 1961, elle a reculŽ ˆ 36% au dŽbut des annŽes 80 et est, par la suite, revenue ˆ un niveau dÕenviron 40% ˆ partir du milieu des annŽes 80 (cette proportion Žtait de 40% en 1996). 3.2 LÕemploi et le ch™mage LÕemploi constitue sans doute une variable davantage sujette ˆ des fluctuations dans une situation o• existent risque et incertitude politique; le PIB apparaissant Il est sans doute utile de rappeler que la fin des annŽes 60 a ŽtŽ particuli•rement difficile pour le QuŽbec sur le plan Žconomique. Apr•s une pŽriode dÕeuphorie correspondant aux annŽes de la RŽvolution tranquille, le QuŽbec subissait, d•s 1968, un important contrecoup. Voir entre autres, P. FrŽchette, R. Jouandet-Bernadat et J.-P. VŽzina (1975), L'Žconomie du QuŽbec, MontrŽal, ƒditions HRW, p.81-98. 42 33 comme une mesure trop globale pour osciller en fonction dÕune seule variable comme lÕaccroissement ou la diminution du risque ou de lÕincertitude politique. Par ailleurs, lÕemploi (et la crŽation dÕemploi) reprŽsente certainement lÕŽlŽment le plus susceptible de toucher directement les membres de la sociŽtŽ. Il est Žvident que toute prŽsentation de la situation de lÕemploi et de sa crŽation ne peut se faire en ignorant son triste complŽment, le ch™mage. La crŽation dÕemplois pour une annŽe se mesure par la diffŽrence entre lÕemploi total de lÕannŽe en question et celui de lÕannŽe prŽcŽdente. Le taux de crŽation dÕemploi sÕobtient par le quotient de cette diffŽrence et du nombre total dÕemplois de lÕannŽe prŽcŽdente.43 Une comparaison des taux de crŽation dÕemplois quŽbŽcois et ontariens entre 1966 et 1996 permet dÕobtenir des rŽsultats plut™t intŽressants. Graphique 4 : CrŽation d'emploi QuŽbec-Ontario 1966-1995 (variation de l'emploi total ( en %) par rapport ˆ l'annŽe prŽcŽdente) Taux de crŽation d'emploi 8% 6% 4% 2% 0% -2% -4% -6% 66 68 70 71 73 75 77 78 80 82 84 85 87 89 91 92 94 0,0 28 0,02 2 0,023 0,0 13 0,0 3 0,049 0,0 15 0,03 4 0,008 0,0 17 0,03 2 0,024 0,0 29 0,00 5 -0,01 0,0 04 0,01 5 Ontario 0,0 31 0,03 7 0,025 0,04 0,04 2 0,047 0,0 36 0,04 4 0,036 0,0 38 -0,0 03 -0,00 8 0,0 18 0,01 4 ƒcart -0,003 -0,0 15 -0,00 2 QuŽbec -0,027 -0,0 12 0,002 -0,021 -0,0 1 0,032 0,0 08 0,03 7 -0,02 4 0,0 09 -0,0 05 -0,01 2 -0,009 0,00 8 SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 6972 et 6973 43 (Nt2-Nt1)/Nt1 ; o• N = emploi total et t = temps (annŽe) -0,00 2 -0,013 0,00 1 34 LÕemploi total en Ontario a crž ˆ un rythme annuel moyen de 2,3% entre 1966 et 1995 comparativement ˆ 1,5% au QuŽbec (taux de crŽation dÕemploi annuel moyen). LorsquÕon observe les Žcarts entre les taux de croissance annuels, on remarque que lÕŽcart moyen sur les trente annŽes ˆ lÕŽtude a ŽtŽ de -0,8%, cÕest-ˆ-dire que le taux de crŽation annuel dÕemploi au QuŽbec a ŽtŽ en moyenne plus faible que celui de lÕOntario. Il sÕagit dÕun Žcart important qui doit cependant •tre interprŽtŽ en considŽrant la croissance plus rapide de la population en Ontario sur cette pŽriode. En effet, la population ontarienne a augmentŽ ˆ un rythme annuel moyen de 1,7% par rapport ˆ 0,9% pour celle du QuŽbec.44 MalgrŽ tout, comme nous le verrons un peu plus loin ˆ la suite de lÕanalyse des donnŽes sur le ch™mage, lÕOntario semble mieux sÕen tirer que le QuŽbec sur le plan de lÕemploi; la croissance de la population y est plus compensŽe par la crŽation dÕemploi que par une hausse du niveau de ch™mage. Cependant, ce qui devrait nous intŽresser davantage, ce sont les variations de cet Žcart et des taux de crŽation dÕemplois respectifs pour chaque province. Une analyse plus pointue permet Žgalement de faire certaines constatations intŽressantes. Compte tenu de ce qui avait ŽtŽ dit prŽcŽdemment, ce nÕest gu•re surprenant. Un examen graphique rapide permet de constater que lÕŽcart entre les taux de crŽation dÕemploi ontarien et quŽbŽcois varie en se maintenant cependant principalement entre 0% et 2% en faveur de lÕOntario entre 1966 et 1995 (graphique 4). La tendance des fluctuations est relativement similaire, ce qui est normal Žtant donnŽe la similaritŽ des cycles Žconomiques entre les deux provinces. LÕemploi est une variable tr•s liŽe au mouvement du PIB. Il faut toutefois remarquer que les variations du taux de crŽation dÕemploi sont plus accentuŽes au QuŽbec quÕen Ontario. En effet, 44 Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrice 599. 35 le niveau dÕemploi semble •tre plus volatile au QuŽbec, ce qui explique lÕapparence moins ÇÊlisseÊÈ de cette courbe sur le graphique. Un ÇÊeffet incertitudeÊÈ est-il perceptible ? Non, du moins il nÕest pas suffisamment significatif pour affecter lÕemploi. LÕaugmentation et la rŽduction de lÕemploi total au QuŽbec comme en Ontario est davantage fonction du cycle Žconomique que du cycle politique. Une diminution importante du nombre dÕemplois (5%) au QuŽbec est survenue entre 1980 et 1981, en pleine ÇÊturbulence rŽfŽrendaireÊÈ. En Ontario, cette diminution a ŽtŽ de 2% pour la m•me pŽriode. Toutefois, lÕŽconomie de ces deux provinces entrait ˆ ce moment dans une phase de rŽcession. Il nous est pratiquement impossible de dŽterminer si la plus forte diminution au QuŽbec est due davantage ˆ la pŽriode rŽfŽrendaire ou au fait que le QuŽbec ait ŽtŽ touchŽ plus durement par cette rŽcession. En ce qui concerne la rŽcession de la fin des annŽes 80 et du dŽbut des annŽes 90, on constate cette fois-ci que lÕOntario (nouvellement dirigŽe par les nŽo-dŽmocrates de Bob Rae) a ŽtŽ affectŽe plus fortement que le QuŽbec du point de vue de lÕemploi (-3,5% contre -2,3%). Par ailleurs, lÕŽlection du Parti quŽbŽcois en 1976 nÕa pas semblŽ affecter lÕemploi de mani•re significative. Le taux de crŽation est restŽ positif au QuŽbec entre 1976 et 1980 et lÕŽcart entre les taux ontariens et quŽbŽcois sÕest maintenu entre 1% et 2% sur cette pŽriode. En ce qui a trait au taux de ch™mage, les rŽsultats de lÕanalyse sont diffŽrents. Le taux de ch™mage au QuŽbec a fortement progressŽ entre 1966 et 1996Ê: de 4,1%, il est passŽ ˆ 11,8% (voir graphique 5). Sur la m•me pŽriode, on constate que le QuŽbec a toujours prŽsentŽ un taux de ch™mage supŽrieur ˆ celui de lÕOntario qui, lui, est passŽ de 2,6% ˆ 9% durant ces trente annŽes. De m•me, on remarque que lÕŽcart entre les taux de ch™mage ontarien et quŽbŽcois a sensiblement fluctuŽ, dans une fourchette 36 allant de 1,4% ˆ 4,4% sur la pŽriode. CÕest sur cet Žcart et sur les fluctuations de celui-ci quÕil serait maintenant intŽressant de se pencher. Graphique 5 : Taux de ch™mage QuŽbec-Ontario 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1966 1968 1969 1971 1973 1975 1976 1978 1980 1982 1983 1985 1987 1988 1990 1992 1994 1995 QuŽbec 4,1 5,6 6,1 7,3 6,8 8,1 8,7 10,9 9,9 13,9 14 Ontario 2,6 3,6 3,2 5,4 4,3 6,4 6,2 7,3 6,9 9,7 10,4 11,9 10,3 8,1 6,1 9,4 5 10,2 12,8 12,2 11,3 6,3 10,9 9,6 8,7 ƒcart 1,5 2 2,9 1,9 2,5 1,7 2,5 3,6 3 4,2 3,6 3,8 4,2 4,4 3,9 1,9 2,6 2,6 AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 6972 et 6973 Apr•s sÕ•tre maintenu sous la barre des 3%, lÕŽcart entre les taux de ch™mage ontarien et quŽbŽcois a atteint 3,3% en 1977. Par la suite, il est restŽ au-dessus de ce seuil jusquÕen 1991. Durant ces annŽes, il a m•me grimpŽ ˆ 4,4% (1989). Entre 1982 et 1990, il a oscillŽ entre 3,6% et 4,4%, ce qui est ŽlevŽ par rapport ˆ lÕensemble de la pŽriode et compte tenu de la ÇÊproximitŽÊÈ des deux provinces. La nature de la proximitŽ est ici prise au sens large et touche non seulement la gŽographie mais aussi lÕŽconomie (diversitŽ de la production, niveau technologique, qualitŽ de la maindÕoeuvre, niveau de vie de la population, etc.). De 1990 ˆ 1992, lÕŽcart est tombŽ de 3,9% ˆ 1,9% (comme on lÕa vu, lÕOntario a ŽtŽ davantage secouŽ par la rŽcession de la fin des annŽes 80 que le QuŽbec) et sÕest lŽg•rement relevŽ par la suite pour atteindre 2,8% en 1996. 37 Encore une fois, il sÕav•re difficile dÕŽtablir un lien entre le cycle politique (Žlectoral et rŽfŽrendaire) et les fluctuations de lÕŽcart entre les taux de ch™mage quŽbŽcois et ontarien. Certes, cet Žcart a commencŽ ˆ cro”tre rapidement apr•s lÕarrivŽe au pouvoir du Parti quŽbŽcois en 1976 mais cette tendance ˆ la hausse ne sÕest rŽsorbŽe vŽritablement quÕen 1991, six ans apr•s le retour des libŽraux au gouvernement. NŽanmoins, si lÕon ne tient pas compte du dŽbut des annŽes 80 o•, comme on le sait, la rŽcession a frappŽ plus durement le QuŽbec, les plus fortes hausses de lÕŽcart ont ŽtŽ enregistrŽes entre 1975 et 1976 et entre 1976 et 1977. En effet, lÕŽcart est passŽ de 1,7% en 1975 ˆ 2,5% en 1976 puis ˆ 3,3% en 1977. LÕarrivŽe au pouvoir des pŽquistes dirigŽs par RenŽ LŽvesque nÕest probablement pas Žtrang•re ˆ cette situation. Rappelons que m•me sÕils sont demeurŽs positifs lors de ces annŽes (1975-76-77), les taux de crŽation dÕemploi au QuŽbec sont restŽs infŽrieurs ˆ ceux de lÕOntario (-1% en 1976 et -2% en 1977). Il faut nŽanmoins noter quÕune hausse substantielle de lÕŽcart (0,9%) a ŽtŽ enregistrŽe entre 1968 et 1969 alors que la reprŽsentation politique du mouvement indŽpendantiste Žtait tr•s faible et que lÕUnion nationale de Daniel Johnson dirigeait le gouvernement. 3.3 Un portrait synthŽtique de la situation Žconomique et politique du QuŽbec Notre analyse dŽbute au dŽbut des annŽes 60. Trois raisons expliquent ce choix. Premi•rement, les donnŽes statistiques antŽrieures ˆ 1960 sont difficilement accessibles et ne sont pas toujours compatibles avec celles qui les ont suivies. Deuxi•mement, le dŽbut des annŽes 60 correspond ˆ la RŽvolution tranquille. Cette pŽriode est importante dans lÕhistoire rŽcente du QuŽbec et ne peut •tre ignorŽe par tout chercheur intŽressŽ ˆ lÕŽconomie du QuŽbec moderne. Les annŽes 60 marquent le point de dŽpart dÕun rapide dŽveloppement Žconomique et social. La RŽvolution 38 tranquille am•ne de profonds changements non seulement sur le plan Žconomique mais Žgalement sur les plans social, politique et culturel. Ce dŽploiement de la sociŽtŽ quŽbŽcoise est symbolisŽ par le cŽl•bre ÇÊMa”tres chez nousÊÈ, slogan du Parti libŽral dirigŽ par Jean Lesage. Cette Žpoque, reprŽsente un point tournant dans la perception des francophones du QuŽbec quant ˆ leur identitŽ et leur avenir. Troisi•mement, cette Žpoque est aussi celle o• le mouvement souverainiste sÕorganise et dŽbute son ascension en termes de popularitŽ. Parall•lement ˆ cela, on assiste, comme ailleurs en Occident, ˆ dÕimportants changements du point de vue dŽmographique. Ces changements sont toutefois tr•s marquŽs au QuŽbec. Ainsi, on observe une baisse importante du taux de natalitŽ, un vieillissement de la population et une transformation des structures familiales.45 On assiste ˆ une remise en question des QuŽbŽcois sur leur capacitŽ ˆ se dŽvelopper tant sur le plan Žconomique que social mais surtout sur leur capacitŽ ˆ protŽger et ˆ promouvoir la culture et la langue de la majoritŽ. Ces interrogations vont forcŽment les pousser ˆ reconsidŽrer leur place et m•me leur prŽsence dans la ConfŽdŽration canadienne.46 Les six annŽes de pouvoir du gouvernement libŽral de Jean Lesage (1960-1966) commencent avec un appel ˆ lÕŽgalitŽ mais sÕach•vent avec la qu•te dÕun statut particulier pour le QuŽbec. Tout cela selon un objectif bien prŽcis, celui dÕavoir un QuŽbec fort dans un Canada renouvelŽ.47 Ce dŽsir dÕune plus grande autonomie sÕaccompagne de la montŽe rapide du mouvement souverainiste quŽbŽcois, mouvement qui se consolidera au sein du Parti quŽbŽcois ˆ la fin de annŽes 60. CÕest 45John A. Dickinson et Brian Young (1992), Br•ve histoire socio-Žconomique du QuŽbec, Sillery, Septentrion, p.316-317. 46Brian OÕNeal (1995), La sociŽtŽ distincte: origine, interprŽtations, implications, Ottawa, Biblioth•que du Parlement, p.5. 47Alain-G. Gagnon et Mary Beth Montcalm (1992), QuŽbec: au-delˆ de la rŽvolution tranquille, MontrŽal, VLB Žditeur, p.218. 39 pourquoi il aurait ŽtŽ peu pertinent de reculer davantage notre analyse dans le temps. Toute comparaison aurait ŽtŽ futile et toute rŽfŽrence ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste crŽdible ou ˆ lÕexistence dÕun risque ou dÕune incertitude politique quelconque serait apparue tout ˆ fait insensŽe. LÕŽconomiste Pierre Fortin soutient que, depuis la RŽvolution tranquille, le QuŽbec a franchi trois pŽriodes Žconomiques distinctes.48 Premi•rement, entre 1961 et 1978, le niveau de vie (mesurŽ par le PIB par habitant) des QuŽbŽcois a augmentŽ en moyenne de 3,2% par an, ce qui est remarquable. Une deuxi•me phase, de 1978 ˆ 1988, est caractŽrisŽe par une croissance du niveau de vie deux fois infŽrieure ˆ celle de la premi•re phase. Enfin, la troisi•me phase, allant de 1988 ˆ 1997, correspond ˆ une pŽriode o• lÕon a assistŽ ˆ aucune croissance du niveau de vie.49 En proportion de lÕŽconomie canadienne, lÕŽconomie quŽbŽcoise reprŽsentait, en 1996, environ 22% de lÕactivitŽ Žconomique. Cette proportion tend ˆ diminuer puisquÕelle Žtait de 26% au dŽbut des annŽes 60, de 24% en 1975, de 22% en 1985 et de 23% en 1990. Cette tendance doit •tre mise en relation avec la dŽcroissance de la population du QuŽbec vis-ˆ-vis celle du Canada. En effet, au dŽbut des annŽes 50, le QuŽbec abritait encore pr•s de 29% de la population canadienne. En 1975, cette proportion atteignait 27,4%. La chute sÕest poursuivie par la suite puisquÕen 1985 le pourcentage passait ˆ 25,8% et quÕaujourdÕhui, les 7,4 millions de QuŽbŽcois forment environ 24,5% de la population canadienne.50 48 49 50 Pierre Fortin (1998), ÇÊUne remontŽe incontestableÊÈ, Forces, no.120, p.5. Ibid. Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrice 599. 40 4. LÕŽvolution du portefeuille dÕinvestissements Dans cette partie, il est question de montrer lÕŽvolution des investissements faits au QuŽbec par rapport ˆ ceux faits dans lÕensemble du Canada a) par les investisseurs canadiens et b) par les investisseurs Žtrangers. LÕexamen des portefeuilles dÕinvestissement au Canada permettra de dŽterminer si les deux groupes dÕinvestisseurs agissent de mani•re diffŽrente, si leurs choix dÕinvestissement au QuŽbec diff•rent. Nous souhaitons dŽmontrer que lÕŽvolution est diffŽrente pour chacun des deux groupes. La tendance devrait •tre la m•me (ˆ la baisse) mais accentuŽe dans le cas des investisseurs nationaux. Ainsi, de mani•re gŽnŽrale, nous pourrons affirmer que les investisseurs locaux investissent ˆ lÕextŽrieur du QuŽbec (cÕest-ˆ-dire ailleurs au Canada) et les investisseurs Žtrangers investissent, en proportion de leurs investissements au Canada, davantage au QuŽbec que les investisseurs canadiens. Telle est lÕhypoth•se spŽcifique ˆ cette section. Puisque la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste engendre de lÕincertitude (et par consŽquent accro”t le risque) et que lÕŽvaluation Žconomique des investissements est la m•me pour les investisseurs locaux et Žtrangers (lÕŽvaluation tient compte des m•mes variables), seule une attitude diffŽrente face au risque peut expliquer la diffŽrence entre les tendances. Or, cette diffŽrence ne peut quÕ•tre expliquŽe que par un prŽjugŽ politique dŽfavorable entretenu par les investisseurs canadiens ˆ lÕŽgard du QuŽbec. Ce prŽjugŽ tient ˆ leur plus grande sensibilitŽ ˆ lÕidŽe dÕune Žventuelle indŽpendance du QuŽbec. Bref, nous supposons quÕils sont en grande majoritŽ fermement opposŽs au mouvement indŽpendantiste quŽbŽcois. Leurs choix dÕinvestissement au Canada ont des visŽes stratŽgiques, le QuŽbec est dŽfavorisŽ 41 puisque per•u comme prŽsentant un niveau supŽrieur de risque et ce, m•me lorsque les perspectives Žconomiques de rendements sont identiques. Comme on lÕa vu, dans le cas des investisseurs Žtrangers, nÕŽtant pas directement impliquŽs dans le dŽbat constitutionnel canadien (et ne dŽfendant pas dÕopinion politique sur ce sujet), leur comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec est le m•me que celui vis-ˆ-vis du reste du monde; il est fondŽ sur une logique purement Žconomique, sur la base dÕune stricte rationalitŽ dÕaffaires. DÕun point de vue macroŽconomique, lÕinvestissement est certainement la composante la plus volatile du Produit intŽrieur brut. ƒvidemment plus faible en magnitude que la consommation, elle fluctue toutefois davantage. Selon Keynes, lÕinvestissement, contrairement ˆ la consommation, est la force motrice dÕune Žconomie. Il all•gue que ses fluctuations erratiques sont dues ˆ des changements au niveau des anticipations des firmes alors que la consommation rŽpond passivement ˆ une simple fonction de consommation.51 Toutefois, par la suite, avec les travaux de Dale Jorgenson52 entre autres, sur la prise de dŽcision en mati•re dÕinvestissement, on constate que lÕinvestissement rŽpond aux variations du revenu et de la production. ÇÊWhen investment rises, it may be the result, not the cause, of an increase in spendind elsewhere in the economy. Moreover, while investment decisions do depend on business expectations, these expectations are based on calculated estimates of future changes in demand and prices that businesses are likely to face.ÊÈ53 LÕinvestissement est le flux de capitaux productifs. Il peut •tre calculŽ selon plusieurs basesÊ: annuelle, trimestrielle, mensuelle, etc. Pour une Žconomie, Robert E. Hall et John B. Taylor (1993), MacroeconomicsÊ: theory, performance and policy Ð Forth Edition, New York, W.W. Norton & Compagny, p.308. 52 Dale Jorgenson (1963), ÇÊCapital Theory and Investment BehaviorÊÈ, American Economic Review, Vol. 53 (May), pp.247-259. 53 Robert E. Hall et John B. Taylor (1993), op. cit., p.308. 51 42 lÕinvestissement est le rŽsultat de la jonction entre trois facteursÊ: la demande dÕinvestissement, lÕoffre dÕŽpargne et lÕoffre dÕinvestissement.54 LÕinvestissement, qui comprend les dŽpenses en immobilisations et en rŽparations, peut •tre public ou privŽ. Par investissement public, nous entendons tout investissement gouvernemental quÕil soit fait directement ou par lÕintermŽdiaire dÕune administration publique quelle quÕelle soit. Il peut sÕagir dÕun investissement visant la rŽfection dÕune section du rŽseau routier, la construction dÕun Žtablissement scolaire, lÕagrandissement dÕun centre hospitalier, etc. LÕinvestissement privŽ quant ˆ lui peut prendre plusieurs formesÊ: la construction rŽsidentielle, la construction nonrŽsidentielle, lÕinvestissement en machines et matŽriel et lÕinvestissement en inventaire (stocks produits mais non vendus). Puisque nous nous intŽressons davantage aux investissements des entreprises plut™t quÕˆ ceux des particuliers, nous nous concentrerons principalement sur la construction non-rŽsidentielle et lÕinvestissement en machine et matŽriel. Dans lÕŽtat actuel de resserrement budgŽtaire ˆ tout niveau de gouvernement, il est difficile de croire qu'une croissance apprŽciable de l'investissement public est envisageable. Ce type d'investissement a d'ailleurs dŽcrž depuis le milieu des annŽes 60. En effet, comme le montre le graphique 6, l'investissement en capital fixe du secteur public en proportion du PIB a suivi une tendance baissi•re entre 1965 et 1996 et ce, aussi bien pour le QuŽbec, l'Ontario que pour le Canada dans son ensemble. Au QuŽbec, il est passŽ de 4,4% en 1965, ˆ 2,7% en 1980 pour atteindre 2,3% en 1996. En Ontario, pour les m•mes annŽes, cette proportion est passŽe de 3,4% ˆ 1,9% ˆ 1,7% tandis qu'au Canada, elle est passŽe de 4,3% ˆ 2,7% ˆ 2,1%. L'investissement 54 Ibid., p.310. 43 public au Canada et dans chacune des provinces ne reprŽsente donc plus qu'une faible part de l'activitŽ Žconomique au pays. Graphique 6: Investissement en capital fixe du secteur public en proportion du PIB 4% QuŽbec 3% Ontario 2% Canada 1994 1991 1988 1985 1982 1979 1976 1973 1970 1967 0% 1964 1% 1961 Proportion (en %) 5% AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628 et 2622 On pourrait croire que ce retrait des gouvernements a ŽtŽ compensŽ par le secteur privŽ. Or, ce n'est pas tout ˆ fait le cas. Il est pratiquement impossible de dŽgager une quelconque tendance en ce qui a trait ˆ la proportion de l'investissement privŽ par rapport au PIB et ce, aussi bien pour le QuŽbec, pour l'Ontario que pour le Canada. Cette proportion n'a cessŽ de varier entre 1960 et 1996. En 1996, lÕinvestissement privŽ reprŽsentait 13,8% du PIB quŽbŽcois, 13,9% du PIB ontarien et 15,4% du PIB de lÕensemble des provinces et des territoires canadiens. Depuis le dŽbut des annŽes 60, cette proportion a variŽ entre 13 et 21% au QuŽbec, entre 14 et 20% en Ontario et entre 16 et 21% au Canada. Cela montre clairement, dÕune part, la volatilitŽ de cette variable (i.e. sa sensibilitŽ vis-ˆ-vis des cycles 44 Žconomiques) 55 et, dÕautre part, la pertinence du choix de cette variable pour notre analyse portant sur les effets du risque politique sur lÕŽconomie quŽbŽcoise. Les fluctuations de lÕinvestissement privŽ affectent lÕensemble des autres variables Žconomiques et, ultimement, le niveau de vie de la population. De plus, Žtant donnŽe son importance, ses propres fluctuations dans le temps lÕaffectent elle-m•me. Si une baisse de lÕinvestissement privŽ entra”ne une baisse de lÕemploi, de la consommation et ensuite du PIB (ou, du moins, un ralentissement de la croissance de ces variables), cela viendra par la suite affecter le choix des investisseurs lors de la pŽriode suivante.56 Graphique 7: Investissement en cap. fixe privŽ par rapport au PIB 20% 18% QuŽbec 16% Ontario 14% Canada 1994 1991 1988 1985 1982 1979 1976 1973 1970 1967 10% 1964 12% 1961 Proportion (en %) 22% AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628 et 2622 LÕanalyse du graphique 7 fait ressortir que la proportion de l'investissement privŽ par rapport au PIB Žtait, dans les annŽes 60 et 70, nettement supŽrieure pour l'ensemble du Canada que pour l'Ontario et le QuŽbec. Cependant, ˆ partir du milieu des annŽes 80, les Žcarts se sont raffermis et les mouvements de la variable sont Soulignons ici que cÕest dÕune proportion dont il est question. Une proportion est normalement peu volatile, dÕautant plus que, dans ce cas-ci, la valeur du dŽnominateur (le PIB) inclut celle du numŽrateur (lÕinvestissement privŽ). 56 Pour une dŽmonstration plus compl•te, voir Robert E. Hall et John B. Taylor (1993), op.cit, chapitre 11. 55 45 remarquablement similaires dans les trois cas depuis 1987. Au QuŽbec, apr•s avoir glissŽ ˆ partir de 1964 pour atteindre un faible 13% en 1970, cette proportion s'est par la suite rapprochŽe rapidement de celle de l'Ontario. On l'a vu prŽcŽdemment, la fin des annŽes 60 a ŽtŽ particuli•rement difficile pour le QuŽbec sur le plan Žconomique ; il n'est pas surprenant de constater un tel mouvement de la part de l'investissement privŽ. Il sera possible d'Žtudier et d'analyser plus attentivement les fluctuations de l'investissement privŽ lorsque nous examinerons les variations annuelles de celui-ci pour chacune des annŽes de la pŽriode apr•s l'avoir fragmentŽ selon ses composantes (construction rŽsidentielle, construction non rŽsidentielle et investissement en machines et matŽriel). Par ailleurs, l'analyse de l'Žvolution de la part de l'investissement privŽ total dans le PIB ne rŽv•le pas de quelconque effet de la prŽsence d'un mouvement souverainiste sur le comportement des investisseurs. Comme on l'a vu, la tendance au QuŽbec est semblable ˆ l'Ontario et lÕon nÕassiste pas ˆ de fluctuations clairement attribuables ˆ l'existence d'une menace de sŽcession (forte baisse ou baisse importante enregistrŽe uniquement au QuŽbec) lors des Ç pŽriodes incertaines È identifiŽes plus t™t. Pour bien mesurer le comportement des entreprises lorsqu'il est question d'investissement, il est nŽcessaire de soustraire la construction rŽsidentielle de l'investissement privŽ total. Ainsi, l'investissement des entreprises se mesure essentiellement par l'addition de l'investissement dans la construction nonrŽsidentielle et de celui en machine et matŽriel. Les dŽpenses des entreprises en mati•re d'investissement ne rŽpondent pas aux m•mes considŽrations que celles reliŽes la construction rŽsidentielle ou encore que les dŽpenses en biens durables (biens consommŽs sur une longue pŽriode). Elles sont gŽnŽralement motivŽes par le 46 taux d'utilisation de la capacitŽ de production et les profits des entreprises. 57 Pour bien analyser le comportement des entreprises vis-ˆ-vis du QuŽbec, nous devrons porter attention ˆ deux ŽlŽments : les taux de croissance annuels de l'investissement des entreprises ainsi que l'Žvolution de la proportion de cet investissement au QuŽbec par rapport ˆ l'ensemble canadien. On pourra de cette fa•on observer la place qu'occupe le QuŽbec dans le portefeuille des investissements faits au Canada. Graphique 8: Taux de croissance de l'investissement des entreprises QuŽbec-Ontario 20% QuŽbec 10% 1994 1991 1988 1985 1982 1979 1976 1973 1970 1967 -10% 1964 0% Ontario 1961 rŽcŽdente 30% rapport ˆ l'annŽe Croissance (en %) par 40% -20% AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627 et 2628 Si la tendance de la croissance annuelle de lÕinvestissement des entreprises au QuŽbec ressemble ˆ celle de l'Ontario, on remarque toutefois que les mouvements sont davantage accentuŽs au QuŽbec, c'est-ˆ-dire que, sur la pŽriode 1961-1996, les taux de variation ont ŽvoluŽ dans un intervalle plus Žtendu au QuŽbec par rapport ˆ lÕOntario. Par exemple, le dŽbut des annŽes 70 marque une pŽriode o• ont ŽtŽ enregistrŽes de fortes augmentations. Durant cette pŽriode, les taux de croissance ont ŽtŽ nettement plus ŽlevŽs au QuŽbec qu'en Ontario. Les taux de variation d'une annŽe Maurice N. Marchon (1994), PrŽvoir l'Žconomie pour mieux gŽrer, MontrŽal, QuŽbec/AmŽrique, Collection Presses HEC, p.103. 57 47 ˆ l'autre varient ŽnormŽment. C'est pourquoi nous avons cru utile de calculer des taux de croissance annuels moyens pour des pŽriodes dŽterminŽes. De cette fa•on, il sera Tableau 2 : Croissance annuelle moyenne (en %) de l'investissement des entreprises PŽriode 1961-70 1970-75 1975-80 1980-85 1985-90 1990-96 1961-96 Const. non-rŽsidentielle QuŽbec Ontario 1,2% 9,9% 25,5% 11,3% 3,5% 6,7% 0,6% 5,8% 11,7% 9,5% -4,7% -8,0% 5,9% 6,5% Machines et matŽriel QuŽbec Ontario 7,9% 10,9% 16,4% 11,3% 10,3% 9,6% 4,6% 6,5% 7,3% 7,0% -1,3% 3,1% 8,3% 9,4% Total QuŽbec 4,6% 20,6% 7,0% 3,0% 9,1% -2,6% 7,1% Ontario 10,5% 11,3% 8,4% 6,2% 8,0% -0,1% 8,4% plus facile de procŽder ˆ l'analyse de l'investissement des entreprises. Source : compilation faite ˆ partir de donnŽes publiŽes par Statistique Canada, no. 13-213 au catalogue Entre 1961 et 1996, les investissements des entreprises au QuŽbec ont augmentŽ au rythme annuel moyen de 7,1%, comparativement ˆ 8,4% pour l'Ontario. Il s'agit d'un Žcart relativement important compte tenu de la durŽe de la pŽriode considŽrŽe. Jusqu'en 1975, la croissance de l'investissement des entreprises a ŽtŽ tr•s diffŽrente entre ces deux provinces. Les effets de l'apr•s-boom qui a suivi la RŽvolution tranquille ˆ la fin des annŽes 60 apparaissent clairement dans le tableau qui prŽc•de. Durant toute la dŽcennie 60, l'Žcart entre le QuŽbec et l'Ontario est considŽrable (pr•s de 6%). Bien entendu, le dŽbut des annŽes 70 marque un certain rattrapage au niveau de l'investissement des entreprises pour le QuŽbecÊ: une augmentation annuelle moyenne de pr•s de 21% sur cinq ans, et de plus de 25% en ce qui concerne la construction non-rŽsidentielle. Cette croissance et l'Žcart avec l'Ontario et le reste du Canada durant cette pŽriode seraient cependant dus en grande partie ˆ des conditions conjoncturelles particuli•rement favorables.58 Les augmentations ont par la suite P. FrŽchette, R. Jouandet-Bernadat et J.-P. VŽzina (1975), op.cit., p.88-89. Parmi les conditions favorables, les auteurs soulignent que le bas niveau atteint en 1970 ne pouvait se maintenir. La taille du 58 48 atteint des niveaux plus bas de sorte que l'Žcart avec les taux de croissance ontariens a diminuŽ. Notons Žgalement que la rŽcession de 1990-1991 a entra”nŽ une contraction notable de l'investissement des entreprises. Globalement, cette contraction a ŽtŽ davantage sentie au QuŽbec (-2,6% entre 1990 et 1996) mais la construction non-rŽsidentielle en Ontario a subi un recul de 8% en moyenne chaque annŽe durant ces annŽes. Il est un peu t™t pour prŽtendre ˆ un comportement diffŽrent (dž ˆ une perception dissemblable du risque politique) des investisseurs vis-ˆ-vis du QuŽbec en comparaison avec l'Ontario. L'Žcart entre la croissance de l'investissement des entreprises entre ces deux provinces est loin d'•tre nouveau. Une Žtude menŽe par AndrŽ Raynauld montre que l'Žcart entre la valeur de la production manufacturi•re est relativement maintenu entre 1870 et 1957.59 Par ailleurs, l'Žvolution d'une autre variable reste ˆ examiner : celle de la place des investissements faits au QuŽbec dans le portefeuille des investissements faits au Canada. marchŽ quŽbŽcois rendait nŽcessaire une impulsion de la construction non-rŽsidentielle. ƒgalement, ils soulignent l'effet d'entra”nement sur l'Žconomie dans son ensemble des investissements fait par le secteur public et para-public dans le domaine de la construction. 59 Repris de Ibid., p.85-86. Le texte de Raynauld s'intitule Croissance et structure Žconomiques de la province de QuŽbec et a ŽtŽ prŽparŽ pour le compte du Minist•re de l'Industrie et du Commerce du QuŽbec. 49 Graphique 9 : Investissement des entreprises, population et PIB (par rapport au Canada) 50% Inv . Entr . Ont/ Can PI B Ont./ Can 45% 40% 35% Popula tion Qc/ Can Pop. Ont/ Can 30% 25% 20% 15% PIB Qc/ Can Inv . Entr . Qc/C an 10% AnnŽes SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628, 2622 et 599 Le graphique 9 prŽsente en un coup d'Ïil, un portrait de la situation de l'investissement des entreprises au QuŽbec et en Ontario. Il est possible de relativiser (par rapport ˆ leur poids Žconomique et dŽmographique respectif) la place que chacune de ces provinces occupe dans le portefeuille de ce type d'investissements au Canada. Premi•rement, on constate la constance de l'Žcart entre le poids dŽmographique et le poids Žconomique du QuŽbec par rapport ˆ l'ensemble du Canada ; ces deux variables ont rŽgressŽ au m•me rythme entre 1961 et 1996. Ces deux courbes sont pratiquement parall•les ! Ce n'est pas du tout le cas en Ontario o•, par ailleurs, l'Žcart est inversŽ (i.e. le poids Žconomique de cette province au Canada est plus grand que son poids dŽmographique). Les fluctuations de ces deux variables sont beaucoup plus prononcŽes dans le cas ontarien et elles sont tr•s peu synchronisŽes depuis le dŽbut des annŽes 70. 50 Deuxi•mement, depuis 1961, la proportion des investissements des entreprises faits au QuŽbec est Žgalement plus stable qu'en Ontario. En effet, durant les quinze derni•res annŽes, cette proportion a variŽ en Ontario dans un large intervalle allant de 29% (1982) ˆ 48% (1987). Sur la m•me pŽriode, au QuŽbec cette proportion a fluctuŽ entre 17% (1982) et 25% (1992). Troisi•mement, on constate que depuis le milieu des annŽes 70, moment ˆ partir duquel les cycles Žconomiques ontarien et quŽbŽcois deviennent comparables, les tendances suivies par la proportion de l'investissement des entreprises au QuŽbec et en Ontario se ressemblent, ce qui n'est gu•re Žtonnant. Bien entendu, les fluctuations sont accentuŽes en Ontario comme l'exemple de la pŽriode 1982-1987 le montre bien. Toutefois, le QuŽbec, en ce qui concerne cette proportion, semble avoir ŽtŽ moins affectŽ par la rŽcession de la fin des annŽes 80 et du dŽbut de la prŽsente dŽcennie. Depuis ce temps, la part quŽbŽcoise de l'investissement canadien des entreprises se situe lŽg•rement au-dessus de son poids Žconomique et correspond davantage ˆ son poids dŽmographique, ce qui n'Žtait pas le cas auparavant. Afin de tenter de vŽrifier l'hypoth•se spŽcifique ˆ cette section, il serait maintenant appropriŽ d'examiner certaines donnŽes sur l'investissement Žtranger. Rappelons que, dans cette section, nous cherchons ˆ dŽmontrer que les investisseurs canadiens investissent ˆ lÕextŽrieur du QuŽbec (cÕest-ˆ-dire ailleurs au Canada) et les investisseurs Žtrangers investissent davantage au QuŽbec en proportion de leurs investissements au Canada que les investisseurs canadiens. Les premiers sont davantage impliquŽs dans le dŽbat constitutionnel canadien du fait de leur nationalitŽ et quÕen consŽquence leurs dŽcisions sont influencŽes par leur opposition ˆ lÕidŽe dÕune 51 Žventuelle indŽpendance du QuŽbec. Les investisseurs nationaux se laissent influencer par leur opinion politique dans leurs choix dÕinvestissement au Canada. Remarques sur la cueillette des donnŽes sur lÕinvestissement Žtranger S'il est relativement facile d'obtenir des donnŽes satisfaisantes sur l'investissement Žtranger pour le Canada dans son ensemble, il en va tout autrement en ce qui concerne l'obtention de telles donnŽes pour le QuŽbec et pour chacune des provinces prises sŽparŽment. Nous nous sommes aper•us au cours de nos recherches que les donnŽes relatives ˆ lÕinvestissement Žtranger au QuŽbec sont peu abondantes, souvent non officielles, disponibles sur une courte pŽriode de temps seulement et difficilement comparables. Cette situation est Žtonnante compte tenu de l'importance que rev•t de telles donnŽes sur la conduite de la politique Žconomique et sur l'importance de certains aspects reliŽs au contr™le et ˆ la propriŽtŽ des entreprises. En fait, un seul organisme, Investissement Canada, proc•de ˆ une ventilation provinciale des donnŽes sur l'investissement Žtranger qu'il recueille. D'autres organismes recueillent des donnŽes sur l'investissement Žtranger selon les aspects relevant de leurs prŽoccupations et leur mandat respectifs. La Division de la balance des paiements de Statistiques Canada est la seule ˆ fournir une mesure reconnue des mouvements d'entrŽe et de sortie de capitaux au pays. Cependant, ÇÊles chiffres publiŽs concernent le Canada dans son entier, sans ventilation par rŽgion, par province ou autre È.60 Des statistiques sur l'investissement Žtranger ventilŽes selon les provinces produites par cet organisme (Statistique Canada) et calculŽes selon ses dŽfinitions et 52 ses techniques de mesure auraient ŽtŽ idŽales. Elles auraient pu nous permettre de distinguer de mani•re relativement prŽcise lÕ ÇÊŽtrangerÊÈ du ÇÊcanadienÊÈ des chiffres relatifs ˆ l'investissement des entreprises publiŽs par cet organisme et utilisŽs plus t™t dans la prŽsente section. LÕorganisme a dŽjˆ publiŽ certaines statistiques sur lÕinvestissement Žtranger mais, elles sont anciennes et inutilisables.61 Les donnŽes compilŽes par Investissement Canada (organisme rattachŽ ˆ Industrie Canada) sont alors apparues comme les meilleures donnŽes disponibles.62 En plus de promouvoir lÕinvestissement au pays, lÕun des principaux objectifs d'Investissement Canada consiste ˆ examiner spŽcifiquement les investissements effectuŽs par les non-rŽsidents, un objectif qui diff•re sensiblement de ceux d'autres organismes comme Statistique Canada dont l'activitŽ principale est la collecte de donnŽes. Ainsi, les statistiques offertes par Investissement Canada ne refl•tent que les activitŽs relevant de la Loi sur Investissement Canada. Les donnŽes rassemblŽes ont trait ˆ la valeur des investissements prŽvus (ou annoncŽs), calculŽs sur la base d'avis d'investissement venant d'Žtrangers concernant la crŽation de nouvelles entreprises et la valeur des actifs acquis lors d'acquisitions devant faire l'objet d'un examen.63 Cependant, toutes les crŽations ou toutes les acquisitions d'entreprises ne doivent pas obligatoirement •tre examinŽes par lÕorganisme. Deux secteurs seulement sont concernŽs par une telle obligation : le secteur des ressources naturelles (pour des raisons de sŽcuritŽ d'approvisionnement) et celui des tŽlŽcommunications (pour des Investissement Canada (1992), L'investissement Žtranger au Canada : mesures et dŽfinitions, Document de travail no.12, aožt, p.i. 61 Michel No‘l (1996), op.cit., p.182. 62 Plusieurs intervenants dans le milieu de la recherche et de la statistique sur l'investissement Žtranger nous ont assurŽ qu'il s'agissait des meilleures donnŽes disponibles. Il s'agit de HŽl•ne Bilodeau d'Investissement QuŽbec, de Michel Nadeau du Bureau de la Statistique du QuŽbec, de Robert Lauzon du centre de coordination des projets Žconomiques (Minist•re du conseil exŽcutif du Gouvernement du 60 53 raisons liŽes ˆ la protection de la culture canadienne). En ce qui concerne les autres secteurs, un examen est nŽcessaire pour les investissements de plus de 5 millions de $ pour les firmes nouvellement implantŽes au Canada et, dans le cas dÕentreprises dŽjˆ installŽes au pays, cette barre est fixŽe ˆ 50 millions $.64 Ainsi, de nombreux projets dÕexpansion et dÕagrandissement ne sont pas pris en compte. Dans les autres cas, bien qu'Investissement Canada invite les Žtrangers dŽsireux d'investir au Canada ˆ prŽsenter un avis d'intention, ils ne sont pas tenus de le faire. C'est pourquoi les donnŽes recueillies ne reprŽsentent que partiellement l'investissement Žtranger total fait au Canada. D'autres considŽrations, d'ordre mŽthodologique cette fois-ci, doivent Žgalement •tre mentionnŽes mais il serait prŽfŽrable de le faire ˆ la suite de la prŽsentation des donnŽes. Les donnŽes offertes par Investissement Canada ne peuvent servir ni de donnŽes officielles sur le flux d'investissement Žtranger au Canada et dans chacune des provinces ni de base de comparaison avec les chiffres publiŽs par Statistique Canada. Elles peuvent nŽanmoins, sous certaines rŽserves, servir d'indicateur sur la destination (province) de l'investissement Žtranger au Canada. Elles permettent aussi de mesurer, de mani•re distincte, la frŽquence ˆ laquelle les Žtrangers acqui•rent ou crŽent des entreprises dans chacune des provinces. En effet, les donnŽes dont nous disposons sur l'investissement Žtranger concerne deux catŽgories de dŽpenses d'investissement : celles faites pour l'acquisition d'entreprises et celles faites dans de nouvelles entreprises. Le tableau suivant prŽsente QuŽbec) ainsi que de Peter Kaski de Statistique Canada. Par ailleurs, les donnŽes en question auraient ŽtŽ pratiquement impossible ˆ obtenir sans l'Žtablissement de contacts avec certains de ces intervenants. 63 Investissement Canada (1992), op.cit., p.17. 64 Michel No‘l (1996), op.cit., p.21. 54 de mani•re synthŽtique les donnŽes sur lesquelles se basera la suite de notre analyse. Cette donnŽes sont prŽsentŽes de mani•re plus compl•te et plus dŽtaillŽe ˆ lÕannexe 1. Tableau 3 : Investissements Žtrangers (% par rapport ˆ l'ensemble du Canada) Acquisitions d'entreprises AnnŽe QuŽbec Ontario Alberta C.-B. 1985-91 14,6% 56,0% 18,7% 7,6% 1992 14,8% 39,1% 31,6% 11,6% 1993 17,2% 41,0% 23,0% 8,6% 1994 10,4% 68,4% 13,6% 4,0% 1995 10,6% 62,6% 9,7% 5,2% 1996 13,4% 63,2% 12,7% 5,8% Nouvelles entreprises 1985-91 31,5% 17,7% 36,7% 9,4% 1992 1,7% 25,3% 68,5% 4,4% 1993 6,4% 17,0% 63,8% 12,8% 1994 2,8% 50,5% 26,3% 5,4% 1995 9,5% 78,8% 1,0% 10,7% 1996 22,7% 68,7% 4,6% 4,0% Total (Acquisitions + Nouvelles entreprises) 1985-91 15,7% 53,5% 19,9% 7,7% 1992 13,6% 37,9% 34,8% 10,9% 1993 16,4% 39,2% 26,0% 9,0% 1994 9,7% 66,9% 14,6% 4,1% 1995 10,6% 63,3% 9,3% 5,4% 1996 13,7% 63,4% 12,5% 5,7% Source: DonnŽes compillŽes par le Bureau de la statistique du QuŽbec (BSQ) ˆ partir de donnŽes fournies par Investissement Canada De 1985 ˆ 1991, le QuŽbec a accueilli 31,5% des investissements dans de nouvelles entreprises faits au pays. L'Alberta est la seule province a avoir fait mieux ˆ ce chapitre durant cette pŽriode. L'Ontario n'en a accueilli que 17,7%, ce qui est peu ŽlevŽ par rapport au poids Žconomique de cette province. Au QuŽbec, sur les 2,225,484,000$ investis par les Žtrangers dans l'acquisition de nouvelles entreprises, 1,978,609,000$ l'ont ŽtŽ dans le secteur de la fabrication, soit pr•s de 89%. En 55 Alberta, cette proportion n'atteignait que 31%, des investissements ayant ŽtŽ faits dans le secteur des ressources naturelles et des services (67,5%).65 En Ontario, les secteurs du commerce de gros et de dŽtail et des services constituent les secteurs les plus importants (55%). Cependant, on constate rapidement, ˆ la lumi•re des donnŽes, que l'importance des secteurs d'investissement varie ŽnormŽment d'une annŽe ˆ l'autre. Il serait donc inappropriŽ d'orienter davantage notre analyse vers les secteurs d'activitŽs. La bonne performance du QuŽbec en mati•re d'investissements Žtrangers se limite cependant ˆ cela. Sur la m•me pŽriode, en ce qui concerne l'investissement en acquisitions d'entreprises, beaucoup plus important que celui dans la crŽation d'entreprises en termes de dollars investis, la part recueillie par le QuŽbec par rapport ˆ l'ensemble du Canada ne reprŽsentait que 14,6%. Ainsi, entre 1985 et 1991, selon les donnŽes disponibles, sur l'ensemble des investissements Žtrangers faits au pays, la part quŽbŽcoise n'a ŽtŽ que de 15,7%, ce qui, tel que lÕa vu prŽcŽdemment, reprŽsente moins que la part quŽbŽcoise des investissements totaux des entreprises.66 La situation ne s'est gu•re amŽliorŽe depuis. En effet, les donnŽes nous indiquent que les investissements Žtrangers faits au QuŽbec, en proportion des investissements Žtrangers faits au Canada, ont dŽpassŽ 16% qu'une seule fois depuis 1991, soit en 1993. Cette proportion a toutefois glissŽ sous la barre des 10% l'annŽe suivante. Qu'il s'agisse d'investissements Žtrangers visant l'acquisition ou la crŽation d'entreprises, la situation du QuŽbec est peu reluisante. Les dŽpenses Žtrang•res en crŽation d'entreprises, pourtant fort ŽlevŽe ˆ la fin des annŽes 80, ont chutŽ dramatiquement par la suite. En 1992, elles ne reprŽsentaient m•me pas 2% de toutes Ces calculs ont ŽtŽ faits sur la base des m•mes donnŽes publiŽes par Investissement Canada. Pour une prŽsentation plus compl•te et exhaustive de ces donnŽes, voir lÕannexe 1. 65 56 les dŽpenses de ce type faites au pays ! Cette proportion n'a pas augmentŽ au-dessus de 10% avant 1996 o• elle reprŽsentait 22,7%. La part quŽbŽcoise dans les dŽpenses d'acquisition a ŽtŽ moins variable bien qu'elle ne se soit ŽlevŽe ˆ plus de 15% qu'une seule fois durant la pŽriode de cinq ans entre 1992 et 1996. Dans les cas ontariens et albertains, la situation est passablement diffŽrente. Cependant, nous allons voir un peu plus loin que les rŽsultats obtenus par chacune de ces provinces sur la base des chiffres disponibles doivent •tre nuancŽs car des facteurs autres qu'Žconomiques doivent •tre pris en compte pour les expliquer. L'Ontario recueille une Žnorme part de l'investissement Žtranger fait au Canada. Depuis 1994, plus de 60% des investissements Žtrangers au Canada (acquisition et crŽation d'entreprises) se dirigent vers la province la plus peuplŽe au pays. C'est largement supŽrieur ˆ son poids Žconomique ou dŽmographique. Pourtant, cette proportion avait chutŽ ˆ la suite de la derni•re rŽcession. Si cette proportion reprŽsentait en moyenne 53,5% entre 1985 et 1991, cette proportion a chutŽ ˆ moins de 40% en 1992 et 1993. En 1994, elle faisait un bond tout ˆ fait remarquable pour atteindre un peu moins de 67%. Comme dans le cas du QuŽbec, ces chiffres sont tr•s variables d'une annŽe ˆ l'autre et ce, tant pour l'acquisition que pour la crŽation d'entreprises. Cependant, dans le cas de l'Ontario, malgrŽ les variations, la performance en mati•re d'accueil des investissements Žtrangers surpasse gŽnŽralement (et de loin) son poids Žconomique. L'Alberta montre Žgalement des rŽsultats ŽlevŽs en mati•re d'investissement Žtrangers mais ses rŽsultats sont tr•s inŽgaux, notamment en ce qui concerne les 66 Sur la base des chiffres ayant servis ˆ la construction du graphique 9, entre 1985 et 1991, la proportion 57 dŽpenses dans des nouvelles entreprises. En 1995 et 1996, la valeur des investissements Žtrangers recueillie par cette province n'atteignait que 1% et 4% par rapport aux flux totaux d'investissement arrivŽ au pays, alors qu'elle reprŽsentait environ 65% en 1992 et 1993. Il devient difficile de tirer quelque conclusion que ce soit ˆ partir de chiffres semblables. La richesse de cette province en termes de ressources naturelles (pŽtrole et gaz naturel entre autres) explique certainement l'attrait que prŽsente cette province aux yeux des investisseurs Žtrangers. L'examen approfondi du portefeuille d'investissement au Canada ne nous permet pas de confirmer l'hypoth•se spŽcifique ˆ cette section. Au contraire, les rŽsultats obtenus nous poussent ˆ croire que les investisseurs Žtrangers accordent une place moins grande au QuŽbec dans leur portefeuille d'investissement au Canada puisque celle-ci est plus faible que la proportion de l'investissement total des entreprises (canadien et Žtranger) faite au QuŽbec par rapport ˆ l'ensemble du Canada. Selon notre mod•le d'analyse, cette divergence de comportement ne peut •tre expliquŽe que par une perception diffŽrente du risque politique au QuŽbec. Les investisseurs Žtrangers seraient alors plus sensibles au risque politique causŽ par la prŽsence d'un mouvement indŽpendantiste. Nous nous gardons cependant de tirer des conclusions h‰tives ˆ partir des rŽsultats obtenus. En effet, certains ŽlŽments mŽthodologiques relatifs ˆ ces donnŽes mŽritent dÕ•tre soulignŽs. DÕabord, il est important de mentionner que, selon ce qui nous a ŽtŽ dit par des employŽs de lÕorganisme, la raison principale pour laquelle Statistique Canada ne publie pas de statistiques sur lÕinvestissement Žtranger (autres que celles apparaissant dans la balance des paiements) est de nature mŽthodologique. moyenne des investissements faits au QuŽbec par rapport ˆ lÕensemble du Canada a ŽtŽ de 22,9%. 58 Il est difficile de dŽterminer ce quÕest une entreprise Žtrang•re. En effet, Ford Canada est-elle canadienne ou Žtrang•re ? Cela dŽpend Žvidemment des crit•res utilisŽs (propriŽtŽ, centre de dŽcision, centre dÕactivitŽ, etc.). Il semble que lÕon ne sÕentende pas sur les crit•res ˆ utiliser. Investissement Canada, dans sa collecte dÕinformations, utilise des crit•res mŽthodologiques qui ont certainement pour effet de gonfler les rŽsultats ontariens au dŽpens des rŽsultats de certaines provinces dont le QuŽbec. Dans la ventilation de ces rŽsultats, lÕorganisme attribue ÇÊla valeur enti•re de chaque investissement (É) au lieu o• se trouve la plus grande concentration du personnel concernŽ par lÕinvestissement. (É) De m•me, les statistiques industrielles se rapportent ˆ la principale industrie des investissements, m•me pour les compagnies dont lÕactivitŽ est diversifiŽeÊÈ.67 Dans le cas des entreprises dŽjˆ au pays, la valeur des investissements ultŽrieurs est Žgalement attribuŽe ˆ la province o• se trouve le centre dÕactivitŽ principal de lÕentreprise au Canada. Est-ce que les rŽsultats obtenus concernant les portefeuilles dÕinvestissement auraient ŽtŽ diffŽrents avec dÕautres donnŽes ÇÊmoins imparfaitesÊÈ ? Il est difficile de le savoir. Certes, la proportion dÕinvestissements Žtrangers recueillie par certaines provinces (Ontario et Alberta) serait sans doute moins forte. QuÕen serait-il de la part quŽbŽcoise ? DÕautres donnŽes nous auraient-elles permis de confirmer notre hypoth•se ? Il est malheureusement impossible de le savoir. Pour lÕinstant, il nous est difficile de tirer des conclusions dŽfinitives. Sous rŽserve, il semble que la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec repousse davantage les investisseurs Žtrangers. Cela pourrait peut-•tre sÕexpliquer par une crainte plus ŽlevŽe causŽe par 67Investissement Canada (1992), op.cit., p.iv. 59 un manque dÕinformation ou encore par une mauvaise information, les investisseurs Žtrangers Žtant naturellement moins renseignŽs sur la situation quŽbŽcoise que les investisseurs locaux. La suite de lÕanalyse, qui concerne les agences de notation, nous permettra peut-•tre de nous orienter par rapport aux conclusions que nous devons tirer. 5. Les cotations des agences dÕŽvaluation de crŽdit 5.1 LÕindustrie du ÇÊcredit ratingÊÈ La multiplication des acteurs sur les marchŽs et la complexitŽ accrue du secteur financier au niveau mondial ont favorisŽ le dŽveloppement du r™le des agences dÕŽvaluation de crŽdit tant au niveau international que national. LÕacquisition dÕinformation est dÕune importance capitale sur les marchŽs financiers. Le nombre de facteurs ˆ considŽrer et la multitude de joueurs rend toutefois pratiquement impossible ou, du moins, beaucoup trop cožteuse la cueillette des informations utiles ˆ lÕinvestisseur. De plus, le temps nŽcessaire ˆ cette acquisition est devenu trop long, compte tenu de la vitesse ˆ laquelle les dŽcisions doivent •tre prises. CÕest ainsi que lÕessor des agences de cotation de crŽdit peut •tre expliquŽ. Celles-ci, en fournissant lÕinformation indispensable aux intervenants, jouent un r™le primordial. Elles reprŽsentent en quelque sorte les phares par lequel les investisseurs sont ŽclairŽs dans leurs choix dÕinvestissement. ÇÊLes cotes [quÕelles accordent] existent pour donner de lÕinformation sur la qualitŽ du crŽdit ˆ la communautŽ des investisseursÊÈ.68 Citation de Mme Marie Cavanaugh, direcrice du service de la finance internationale chez Standard and PoorÕs repris de Mivile Tremblay (1996), Le pays en otage, MontrŽal, QuŽbec/AmŽrique (Collection Presses HEC), p.233. 68 60 Le mŽtier ÇÊdÕŽvaluateur de crŽditÊÈ existe depuis un bon moment. Il faut remonter au milieu du si•cle dernier pour retrouver les premi•res entreprises du genre. Tel que Richard Cantor et Frank Packer le constatent, les prŽcurseurs dans lÕindustrie de la cotation ont ŽtŽ les ÇÊmercantile credit agenciesÊÈ qui cherchaient ˆ Žvaluer la capacitŽ de certains commer•ants ˆ faire face ˆ leurs obligations financi•res.69 En 1841, la premi•re agence voit le jour ˆ New York, agence qui sera ensuite acquise par Robert Dun et qui publiera son premier guide de cotation en 1859. En 1849, John Bradstreet Žtablit une agence du m•me type qui publie son premier guide huit ans plus tard. Ces deux agences fusionneront plus tard, en 1933, pour devenir la cŽl•bre Dun & Bradstreet qui se portera acquŽreur, au dŽbut des annŽes 60, de la non moins connue MoodyÕs Investors Service, qui avait publiŽ ses premi•res cotes sur les U.S. railroad bonds en 1909 sous la direction de John Moody. Selon Cantor et Packer, cette publication de 1909 est ˆ la base de lÕŽvolution, pour ces agences de services, du ÇÊrating businessÊÈ vers le ÇÊsecurities ratingÊÈ70. Par ailleurs, Fran•ois Daulon souligne que si la notation a mis un certain temps ˆ sÕimposer ˆ lÕextŽrieur de son pays dÕorigine, les ƒtats-Unis, elle a connu une renaissance ˆ lÕintŽrieur m•me de ce pays ˆ partir des annŽes 70, suite ˆ une situation pour le moins paradoxaleÊ: ÇÊlÕŽchec de la seule agence de notation de lÕŽpoque ˆ remplir sa missionÊ: noter les Žmission de commercial paperÊÈ.71 Richard Cantor et Frank Packer (1994), ÇÊThe Credit Rating IndustryÊÈ, Federal Reserve Bank of New York Quaterly Review (Summer-Fall), p.1. Par ailleurs, nous empruntons ˆ ces auteurs le titre de la prŽsente section. 70 Ibid., p.1-2. 71 LÕauteur rappelle la faillite (laissant 80 millions de dollars dÕeffets ˆ court terme impayŽs), en juin 1970, de la Penn Central Transportation Compagny, premi•re entreprise de transport au monde, alors m•me que la National Credit Office (NCO) venait dÕaccorder sa meilleure cote (ÇÊPrimeÊÈ) ˆ ses billets de trŽsorerie. ÇÊLa dŽconvenue est totale. DÕautant plus que, animŽ alors par des Žmetteurs nombreux et de grand renom, le marchŽ du commercial paper est considŽrŽ depuis des dŽcennies comme pratiquement sans risque. Les seuls crit•res de bonnes rŽputation et de taille sont insuffisants ˆ mesurer lÕaptitude dÕun Žmetteur ˆ rŽgler ˆ bonne ŽchŽance capital et intŽr•ts dus, quelles que soient les conditions du marchŽ. En rŽaction, la Security and Exchange Commission (SEC), promulgue de nouvelles obligations dÕinformation publique; Fitch et Standard and PoorÕs commencent ˆ noter les Žmissions de commercial paper tout comme MoodyÕs qui vient dÕabsorber le NCO dŽfaillant. Les demandes et investigations des agences renforcent considŽrablement ˆ lÕŽgard des candidats ˆ la notationÊ: les investisseurs eux-m•mes deviennent plus exigeants et commencent ˆ souhaiter deux notations dŽlivrŽes par deux agences diffŽrentes et 69 61 AujourdÕhui, de nombreuses entreprises offrent aux investisseurs des services dÕŽvaluation de crŽdit. Celles-ci oeuvrent dans un Žventail plus ou moins Žlargi de secteurs. Par exemple, Thomson BankWatch se spŽcialise dans le domaine des institutions financi•res. DÕautres, comme les agences canadiennes Dominion Bond Rating Service et Canadian Bond Rating Service, se concentrent sur un pays en particulier. Enfin, les plus influentes, MoodyÕs et Standard & PoorÕs, prŽtendent offrir un service complet, cÕest-ˆ-dire quÕelles sÕintŽressent ˆ la plupart des pays et ˆ une majoritŽ des secteurs dÕactivitŽs.72 Ë lÕŽchelon mondial, ces deux agences (MoodyÕs et Standard and PoorÕs) dominent largement lÕindustrie de la notation de crŽdit.73 Le tableau prŽsentŽ ˆ lÕannexe 2 montre certaines caractŽristiques de dix agences considŽrŽes, par lÕincontournable Financial Times de Londres dans sa publication Credit Rating International, comme faisant partie des ÇÊworldÕs most influential rating agenciesÊÈ.74 Cette prŽsentation, en plus de fournir un Žclairage sur cette Ç industrie È qu'est la notation de crŽdit, vise ˆ montrer que le choix des quatre agences sur lesquelles nous concentrerons notre analyse par la suite (Standard and PoorÕs, MoodyÕs, Canadian Bond Rating Service et Dominion Bond Rating Service) est pertinent, Žtant donnŽ qu'elles font toutes quatre parties de ce club sŽlect. Dans lÕexercice de la notation, les crit•res dÕanalyse entre les diffŽrentes agences de cotation sont fondamentalement les m•mes bien quÕils soient difficilement comparables car rarement quantifiables. ÇÊAs a practical matter, however, it appears that market participants have historically viewed the MoodyÕs and the Standard and reconnuesÊÈ. Voir Fran•ois Daulon (1990), ÇÊActualitŽ de la notationÊÈ, Revue dÕŽconomie financi•re, No. 1213, printemps-ŽtŽ, p.126. 72 Ibid., p.2. 62 PoorÕs scales as roughly equivalent and that the other agencies have attempted to align their scales against those twoÊÈ.75 Comme nous venons de le voir, dans cette partie, nous comparerons principalement les cotations de quatre agences, deux canadiennes (nationales) et deux amŽricaines (Žtrang•res) ayant un important rayonnement international. Nous observerons lÕŽvolution et les diffŽrences entre les cotes accordŽes au QuŽbec par ces agences. ƒvidemment, lÕanalyse ne peut •tre compl•te que si lÕon se sert dÕun point de rŽfŽrence avec lequel il est possible dÕŽtablir certaines comparaisons. Nous nous servirons de lÕOntario. Pourquoi ne pas utiliser les Žvaluations faites sur le Canada dans son ensemble, plus dŽveloppŽes et plus facilement accessibles ? La raison en est bien simpleÊ: la contamination. Puisque le QuŽbec reprŽsente environ le quart de lÕactivitŽ Žconomique canadienne, lÕinfluence du QuŽbec sur les cotes accordŽes est assez importante. Ceci rendrait donc plus difficile les comparaisons puisquÕil est pratiquement impossible de cerner ÇÊlÕeffet QuŽbecÊÈ sur les cotes accordŽes au Canada. LÕOntario prŽsente Žgalement certaines similaritŽs avec le QuŽbec sur le plan Žconomique, du moins plus que nÕimporte quelle autre province. Cette partie vise ˆ donner une certaine signification aux rŽsultats obtenus dans la partie prŽcŽdente. Nous en saurons davantage sur les perceptions quÕentretiennent ces ÇÊpharesÊÈ (pour les investisseurs) vis-ˆ-vis de la situation quŽbŽcoise. Le comportement de lÕinvestisseur est affectŽ par la perception quÕil a du risque. Rappelons que nous soutenons que la diffŽrence entre le comportement des investisseurs nationaux et internationaux dans leurs choix dÕinvestissement ne peut •tre expliquŽe que par une diffŽrence dans cette perception, elle-m•me due ˆ une plus 73 74 75 Philippe Raimbourg (1990), Les agences de rating, Economica., p.33. Ibid. Richard Cantor et Frank Packer (1994), op.cit., p.13. 63 grande sensibilitŽ des investisseurs canadiens ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec. Bien entendu, les agences de notation nÕinvestissent pas. Et, de plus, contrairement aux investisseurs, elles nÕŽvaluent pas la ÇÊqualitŽÊÈ dÕun investissement mais plut™t, comme nous le verrons, la ÇÊqualitŽÊÈ dÕun titre de crŽance. Pourquoi alors dŽveloppons-nous un argument basŽ sur les agences de cotation de crŽdit ? Puisqu'il est impossible de conna”tre la perception qu'entretient chaque investisseur vis-ˆ-vis du risque politique au QuŽbec, nous devons poser lÕhypoth•se que la perception ainsi que lÕanalyse du risque au QuŽbec des investisseurs correspondent ˆ celles des grandes agences dÕŽvaluation de crŽdit. Ces agences analysent la situation financi•re et Žconomique des gouvernements en Žvaluant, entre autres, les obligations Žmises par ceux-ci et, de plus, elles sont payŽes par les investisseurs pour le faire. Leurs analyses sont reconnues et jouissent dÕune grande crŽdibilitŽ puisquÕelles sont consultŽes par un grand nombre dÕintervenants. Cette hypoth•se simplifie notre analyse sans toutefois la rendre moins valable. Puisque le risque est une affaire de perceptions, il devient alors indispensable dÕutiliser un solide point de rŽfŽrence. Le comportement des agences de notation nationales et internationales peut •tre ŽtudiŽ selon la perspective du mod•le que nous avons dŽveloppŽ pour analyser le comportement des investisseurs Ð et peut-•tre m•me de mani•re plus Žvidente puisque, comme nous allons le voir, leurs crit•res dÕŽvaluation sont fondamentalement similaires et chaque Žvaluateur jugent selon les m•mes crit•res chaque ŽvaluŽ.76 Toute Dans le cas des investisseurs, la situation nÕest Žvidemment pas la m•me puisquÕils nÕagissent pas de mani•re aussi systŽmatique. Toutefois, ce ÇÊprobl•meÊÈ a ŽtŽ rŽsolu par la taille de notre Žchantillon. En effet, nous avons adoptŽ un angle dÕanalyse gŽnŽral plut™t quÕindividuel. En appliquant notre mod•le aux investisseurs canadiens et Žtrangers au QuŽbec, nous ne cherchions pas ˆ interprŽter le comportement de tel ou tel investisseur en particulier mais dÕinterprŽter globalement le comportement de lÕensemble des 76 64 diffŽrence de comportement entre agences nationales et internationales vis-ˆ-vis du QuŽbec devra donc •tre interprŽtŽe par une perception diffŽrente de facteurs politiques. Aussi, faut-il ajouter quÕil peut sÕagir dÕune dŽmarche intŽressante sur le plan de lÕavancement des connaissances car peu dÕauteurs nÕont jusquÕˆ maintenant traitŽ des Žcarts dÕŽvaluation (de notation) entre les agences, notamment dans le cas de la notation du risque souverain.77 Cette situation tend cependant ˆ •tre corrigŽe gr‰ce principalement aux reproches dont ont ŽtŽ victimes certaines agences lors de la crise mexicaine de 1994 et de la rŽcente crise survenue rŽcemment quelques pays Žmergeants dÕAsie. 5.2 La notation Que font vŽritablement les agences de cotation ? Comment proc•dent-elles pour Žtablir les cotes de crŽdit qu'elles accordent ? RŽguli•rement, les quotidiens rapportent les rŽsultats d'analyses effectuŽes par les plus importantes agences de cotation. On nous rapporte, par exemple, une dŽcote des obligations ˆ long terme d'un gouvernement provincial ou du gouvernement fŽdŽral ou encore dÕun titre dÕune entreprise privŽe. Les agences de cotation ne sont donc pas inconnues du public, d'autant plus qu'il en est abondamment question ˆ la veille du dŽp™t de chacun des budgets des gouvernements. Si les noms de MoodyÕs, de Standard and PoorÕs et de certaines de leurs consoeurs sont familiers pour une majoritŽ (ne serait-ce que pour dŽsigner d'obscures et tr•s influentes sociŽtŽs situŽes sur Wall Street ou sur Bay Street), la nature exacte de leurs activitŽs et la signification des cotes qu'elles accordent le sont moins. C'est pourquoi nous jugeons nŽcessaire d'expliquer investisseurs nationaux et internationaux au QuŽbec. Il sÕagit lˆ dÕune nuance essentielle, cÕest pourquoi il importe de la rappeler. 77 La plupart des auteurs qui en font Žtat comme Cantor et Packer (1996) se contentent de mentionner et de prŽsenter ces Žcarts sans toutefois tenter de les expliquer. 65 synthŽtiquement ce que font ces agences et ce que signifient les cotes qu'elles accordent. Les cotes, qui rŽsultent de l'analyse effectuŽe pŽriodiquement par ces firmes, ÇÊrepresent an attempt to divide a continuum of risk into discrete risk classes based on an assessment of the capacity of the debt issuer to pay interest and repay the principal in accordance with the term of the issue È.78 Cette cote ne reprŽsente donc pas plus que la capacitŽ pour l'entreprise ou le gouvernement concernŽ ˆ faire face ˆ certaines de ses obligations financi•res. De plus, Ç les agences ne mesurent pas les risques de marchŽ qui font augmenter ou baisser la valeur dÕun placement, comme par exemple le risque de change; elles se limitent au risque de dŽfautÊ: la volontŽ et la capacitŽ de servir la dette ponctuellement et en accord avec les termes de l'Žmission È. 79 La volontŽ est associŽe au risque politique et la capacitŽ, quant ˆ elle, est reliŽe au risque Žconomique.80 Contrairement ˆ ce que l'on pourrait •tre portŽ ˆ croire, leurs activitŽs, en ce qui concerne sovereign rating, ne visent qu'indirectement ˆ poser un jugement sur la gestion budgŽtaire et financi•re et sur les choix de politiques Žconomiques des gouvernements. Toutefois, il faut se rendre ˆ l'Žvidence que la capacitŽ de faire face ˆ ses obligations financi•res pour un gouvernement dŽpend largement de la conduite de sa politique Žconomique et de la qualitŽ de la gestion des finances publiques.81 La Stella Cheung (1996), Ç Provincial Ratings in Canada: An Ordered Probit Analysis È, Document de travail 96-6, Banque du Canada, p.2. 79 Miville Tremblay (1996), op.cit. p.233. 80 David T. Beers et Marie Cavanaugh (1997), Sovereign Credit Rating: A Primer, Standard and PoorÕs, 16 avril, p.2-3. Obtenu sur le Web ˆ l'adresse suivante: http://www.rating.standardpoor.com/criteria/sovereigns/primer.htm. 81 Dans son ouvrage, Mivile Tremblay (1996), chercheur au CƒTAI, relate un aveu d'un ancien ministre quŽbŽcois de lÕIndustrie, du Commerce et de la Technologie, M. GŽrald Tremblay, qui laisse croire que la prise de dŽcision en mati•re budgŽtaire est fortement influencŽe par l'anticipation des dŽcideurs quant aux rŽactions des agences de cotation. Cet aveu du ministre Tremblay aurait ŽtŽ fait au printemps 1993, peu de temps avant le dŽp™t d'un budget important compte tenu de la conjoncture Žconomique. Ç Notre budget n'avait qu'un but : sauver la cote ; et on n'a pas rŽussi È. En effet, Standard and PoorÕs abaissait la cote du QuŽbec de AA- ˆ A+ peu de temps apr•s, c'est-ˆ-dire au mois de juin de la m•me annŽe. La citation est tirŽe de Mivile Tremblay (1996), op.cit., p.225-226. 78 66 particularitŽ de la notation utilisŽe par ces agences mŽrite que l'on s'y attarde quelque peu afin de faciliter notre comprŽhension. AujourdÕhui, la plupart des agences (dont celles que nous considŽrons) se servent de symboles alphabŽtiques pour Žvaluer les Žmetteurs. Cette mŽthode nÕa toutefois pas toujours ŽtŽ si rŽpandue. ÇÊMost of the rating agencies have long had their own symbol Ð some using letters, others using numbers, many both Ð for rating the credit risk default from extremely safe to highly speculative. Gradually, however, a rough correspondance amoung the major agenciesÕ ratings has emergedÊÈ.82 Ainsi, il ne sera pas nŽcessaire dÕexpliquer la notation de chacune des agences, ˆ lÕexception de certaines particularitŽs de portŽe mineure. Les grandes agences, les agences internationales comme Standard and PoorÕs et MoodyÕs, sont davantage gŽnŽreuses en termes de publications ayant trait ˆ la construction des cotes et ˆ la signification de celles-ci. Pour cette raison, dans cette partie o• le propos nÕest quÕexplicatif, ces deux agences nous serviront de principal point de rep•re. 82Richard Cantor et Frank Packer (1994), op.cit., p.3. 67 Tableau 4: La notation des agences de cotation S&P et Moody's InterprŽtation les autres AAA Aaa Titre et Žmetteur d'excellente qualitŽ; risque minime et tr•s forte capacitŽ de remboursement (capital et intŽr•t). AA Aa Titre de tr•s bonne qualitŽ avec tr•s bonne capacitŽ de remboursement; ne diff•re d'un titre cotŽ AAA (ou Aaa) que sur de petits dŽtails. A A Titre de bonne qualitŽ (classe moyenne supŽrieure); bonne capacitŽ de remboursement mais plus susceptible d'•tre affectŽ par des changements nŽgatifs sur les plans financier et Žconomique que les titres des catŽgories prŽcŽdentes. BBB Baa Titre de classe moyenne; capacitŽ de remboursement adŽquate mais la protection ˆ long terme est incertaine. BB Ba Placement ˆ risques o• l'on observe des caractŽristiques spŽculatives prŽdominantes; peu de protection quant ˆ la capacitŽ de remboursement. B B Titre vulnŽrable aux conditions Žconomiques et financi•res mais il existe tout de m•me une capacitŽ de remboursement. CCC Caa Titre ayant une vulnŽrabilitŽ perceptible face aux conditions Žconomiques et financi•res; probabilitŽ de dŽfaut tr•s forte car faible capacitŽ de remboursement. CC Ca Titre encore plus vulnŽrable que dans le cas prŽcŽdent. C C VulnŽrabilitŽ tr•s forte; risque tr•s ŽlevŽ; capacitŽ de remboursement pratiquement nulle. D D ƒmetteur actuellement en faillite ou en dŽfaut de paiement. Source: Cheung (1996), Tremblay (1996), Kantor et Packer (1994), Standard and Poor's (Ratings Definitions) et Moody's (Ratings Definitions) Les cotes sont classŽes selon deux catŽgories distinctesÊ: investissement (BBB et plus) et spŽculation (BB et moins). Cette distinction se rŽv•le importante. En effet, la rŽglementation amŽricaine sÕav•re contraignante pour les banques, les compagnies dÕassurances et les fiducies lorsquÕelles investissent dans des obligations ne faisant pas partie de la catŽgorie investment grade.83 83 Mivile Tremblay (1996), op.cit., p.234. En dehors des ƒtats-Unis, les 68 investisseurs institutionnels prennent rarement en considŽration des titres notŽs sous ÇÊAÊÈ.84 ÇÊLa classe des obligations spŽculatives comprend les ÇÊanges dŽchusÊÈ, mais aussi les titres qui ont ŽtŽ Žmis tels quels, soit les fameux junk bonds (ou high yield bonds) qui ont financŽ les OPA (offre publique dÕachat) hostiles des annŽes 80.Le marchŽ pour ces obligations pourries ou de pacotilles est considŽrable aux ƒtats-Unis, mais peu profond au Canada. Tout ce qui est BBB- et au-dessus est considŽrŽ de classe investissement, ce qui veut dire que nous sommes dÕavis que la dette sera servie ponctuellement. (É) LÕŽcart entre ÇÊBBBÊÈ et ÇÊAAAÊÈ dŽfinit la grosseur du coussin quÕa lÕinvestisseurÊÈ.85 Les agences compl•tent Žgalement ces cotes de signes (+ ou -, dans le cas de Standard ans PoorÕs et des autres) ou de chiffres (1, 2 ou 3, dans le cas de MoodyÕs).86 Cela permet de situer plus prŽcisŽment un titre dans une m•me classe de cote. Ainsi, un degrŽ supplŽmentaire de finesse est ajoutŽ ˆ la notation. Rapidement, il est intŽressant de mentionner au passage deux autres ŽlŽments touchant la notation de crŽditÊ: le ÇÊCredit WatchÊÈ et le ÇÊCredit OutlookÊÈ. Le ÇÊCredit WatchÊÈ est une mani•re de mettre une entreprise ou un gouvernement sous surveillance lorsquÕun grand changement est anticipŽ mais que lÕinformation nŽcessaire ˆ son apprŽciation nÕest pas encore disponible.87 Standard and PoorÕs accompagne sa cote (complŽtŽe dÕun symbole + ou -) dÕune perspective, dÕun ÇÊCredit OutlookÊÈ. Celle-ci peut •tre positive, nŽgative ou stable. Elle sert dÕindication quant ˆ la direction que la cote pourrait prendre au cours des prochaines annŽes si lÕanalyse est exacte et les tendances se maintiennent.88 5.3 Le QuŽbec en cotes Le gouvernement quŽbŽcois nÕŽchappe pas ˆ cette notation. DÕailleurs, en fournissant les informations nŽcessaires aux agences et en rŽpondant aux 84 85 86 87 Ibid. Ibid. Pour MoodyÕs, le ÇÊ1ÊÈ Žquivaut au ÇÊ+ÊÈ des autres agences et le ÇÊ3ÊÈ au ÇÊ- È. Ibid., p.236. 69 interrogations de celles-ci par la voix de son ministre des Finances ou de hauts fonctionnaires, le gouvernement participe dÕune certaine fa•on ˆ lÕexercice. QuÕen est-il des Žvaluations des titres Žmis par le gouvernement quŽbŽcois ? Ces Žvaluations sont tr•s significatives pour le gouvernement. Bien quÕil soit impossible de calculer prŽcisŽment le cožt dÕune dŽcote, les consŽquences dÕune telle situation sont sŽrieusesÊ: hausse du cožt de financement de la dette (frais dÕintŽr•t) et rŽduction du bassin dÕinvestisseurs susceptibles dÕacheter des obligations du gouvernement du QuŽbec (notamment les investisseurs institutionnels ne recherchant que des titres de grande qualitŽ).89 Le QuŽbec a ŽtŽ notŽ pour la premi•re fois en dŽcembre 1966. La firme Standard and PoorÕs a accordŽ une note ÇÊAAÊÈ aux obligations ˆ long terme Žmises par le gouvernement.90 Moins dÕune annŽe et demie plus tard, MoodyÕs accordait un ÇÊAÊÈ aux m•mes titres. Cette derni•re procŽdait ˆ une rŽŽvaluation en 1974 qui lÕa amenŽ ˆ accorder une note semblable (ÇÊAaÊÈ) ˆ sa consoeur new-yorkaise. Notons que Standard and PoorÕs nÕa pas modifiŽ son Žvaluation entre 1966 et 1982, annŽe o• elle a dŽvaluŽ la cote dÕun signe, la faisant passer ˆ ÇÊAA-ÊÈ. MoodyÕs a dŽvaluŽ le QuŽbec la m•me annŽe. Les agences canadiennes, plus jeunes, ont commencŽ plus tard ˆ noter le gouvernement du QuŽbec. La premi•re dÕentre elles, Canadian Bond Rating Service, accordait un ÇÊAÊÈ au QuŽbec en janvier 1982. En 1987, Dominion Bond Rating Service Žvaluait avec un ÇÊAÊÈ, complŽtŽ dÕune perspective positive (high), le crŽdit du gouvernement. Fait ˆ noter, le gouvernement du QuŽbec nÕa jamais obtenu de cote infŽrieure ˆ ÇÊA-ÈÊ (DBRS, depuis aožt 1995) de la part de lÕune ou lÕautre de ces quatre 88 Ibid., p.234. Ibid., p.232. Mentionnons quÕˆ ce moment cette agence nÕutilisait pas les signes + ou Ð pour situer le titre dans une m•me catŽgorie. 89 90 70 agences. LÕanalyse de lÕŽvolution des cotes sera reprise ˆ la suite de la prŽsentation du tableau comparatif suivant. Tableau 5 : Le QuŽbec en cotes S&P Moody's CBRS DBRS AnnŽe 1966 AA (dŽc.) 1968 A (avril) 1975 Aa (mai) 1982 AA- (juillet) A1 (juillet) A (janv.) 1986 Aa3 (juillet) 1987 AA (janv.) A (hi) (oct.) 1992 A+ (mars) 1993 A+ (juin) A1 (juin) A (juin) 1994 A (juin) 1995 A2 (juin) A (lo) (aožt) 1996 1997 1998 Source : DonnŽes fournies directement par les diffŽrentes firmes sauf dans le cas de Standard and PoorÕs o• elles ont ŽtŽ reprises de Cheung (1996). Ë premi•re vue, on remarque que Standard and PoorÕs est, si lÕon peut dire, moins active dans le cas du QuŽbec que les autres firmes. En douze ans, lÕagence nÕa modifiŽ la cote du QuŽbec que deux fois (dŽclassement en deux Žtapes de ÇÊAAÊÈ ˆ ÇÊA+ÊÈ). Si la dŽcote de 1982 sÕexplique par la rŽcession qui a durement touchŽ la province, celle de 1993 sÕexplique principalement par lÕinquiŽtude manifestŽe par lÕagence ˆ lÕŽgard des finances publiques.91 DÕailleurs, elle nÕest pas la seule ˆ avoir agi de la sorte lors de ces annŽes puisque MoodyÕs a rŽagi de la m•me fa•on et, qui plus est, au m•me moment. Les deux agences canadiennes ont Žgalement revu ˆ la baisse leur Žvaluation vis-ˆ-vis du QuŽbec au dŽbut de la prŽsente dŽcennie, soit en 1992 dans le cas de CBRS et en 1993 en ce qui concerne DBRS. 91 Miville Tremblay (1996), op.cit., p.227-228. 71 Une comparaison entre le comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec des agences internationales et canadiennes nÕest possible quÕˆ partir de 1982, annŽe o• CBRS, premi•re agence du genre ˆ voir le jour au Canada, a notŽ le QuŽbec pour la premi•re fois. Il en sera de m•me, plus loin, lorsquÕil sera question de lÕOntario. Il sÕagit tout de m•me dÕune pŽriode suffisamment longue pour nous permettre de procŽder au type dÕanalyse que nous souhaitons effectuer. Selon une analyse statistique effectuŽe par Cantor et Packer, les cotes accordŽes par les deux principales agences internationales, Standard and PoorÕs et MoodyÕs, sont, historiquement, Žquivalentes.92 Pour le QuŽbec, •a nÕa pas toujours ŽtŽ le cas bien que les Žcarts entre les deux firmes soient minces. Ces Žcarts, lorsquÕil y en a eu, nÕont en effet jamais dŽpassŽ lÕŽquivalent dÕun signe, ˆ lÕexception de la pŽriode allant de 1968 ˆ 1975 o• Standard and PoorÕs accordait ÇÊAAÊÈ au QuŽbec alors que MoodyÕs le cotait ˆ ÇÊAÈ (Žcart Žquivalent ˆ deux signes).93 Par ailleurs, les deux agences ont procŽdŽ simultanŽment ˆ des reclassements, en juillet 1982 et en juin 1993. Dans les deux cas, il sÕagissait dÕune dŽcote. Cette simultanŽitŽ est tr•s significative quant au rapprochement dans lÕŽvaluation de ces deux firmes internationales. Ceci facilitera la suite de lÕanalyse et, peut-•tre, solidifiera les conclusions que lÕon pourra en tirer. Le comportement des agences de cotation vis-ˆ-vis du QuŽbec diff•re selon quÕelle soit canadienne ou Žtrang•re. LÕŽvolution des cotes attribuŽes, depuis 1982 du moins, permet dÕy aller dÕune telle affirmation. Il faut ajouter cependant que CBRS semble adopter un comportement qui se rapproche davantage des agences amŽricaines que la DBRS. Par exemple, en ce moment, le QuŽbec est cotŽ ÇÊA-È (ou ÇÊA (low)È selon les symboles utilisŽs par cette agence) par DBRS alors que CBRS et MoodyÕs accordent 92 93 Richard Cantor et Frank Packer (1994), op.cit., p.14. Avant 1974, Standard and PoorÕs nÕutilisait pas les symboles ÇÊ+ et Ð È. 72 un ÇÊA È aux titres ˆ long terme du gouvernement (ÇÊA2È selon la mŽthode de notation de MoodyÕs). Standard and PoorÕs les Žvalue ˆ ÇÊA+È. Depuis le dŽbut des annŽes 80, sur les quatre agences retenues pour lÕanalyse, Standard and PoorÕs a ŽtŽ, dans lÕensemble, la plus favorable ˆ lÕŽgard du QuŽbec. DÕailleurs, en ce moment elle accorde la note la plus ŽlevŽe au QuŽbec parmi ce groupe dÕagences et ce, depuis juin 1993. Pareille situation prŽvalait jusquÕen 1987, annŽe o• CBRS procŽdait ˆ une forte recote des obligations de la province. Cette recote permettait ˆ la firme canadienne de prŽsenter lÕŽvaluation la plus favorable au QuŽbec avec un ÇÊAAÈ. Cette situation est demeurŽe inchangŽe jusquÕen mars 1992. Une telle situation (une agence canadienne plus favorable au QuŽbec que les agences internationales) ne sÕest pas reproduite. Il est intŽressant de remarquer que lÕattribution de cette cote (ÇÊAAÊÈ) par CBRS Žtait le rŽsultat dÕun reclassement tout ˆ fait impressionnant. La cote passait directement de ÇÊAÊÈ ˆ ÇÊAAÊÈ en janvier 1987 ! Un changement de classe Žquivalant ˆ une amŽlioration de trois signes. En mars 1992, la cote subissait un dŽclassement marquŽ pour atteindre ÇÊA+È. Il est tr•s rare dÕobserver de tels mouvements dans les cotes attribuŽes par ces agences. Le conservatisme adoptŽ par celles-ci dans leurs Žvaluations les pousse ˆ procŽder rŽguli•rement ˆ des mises ˆ jour, ce qui leur permet dÕapprŽhender lÕavenir de mani•re plus juste; leur crŽdibilitŽ aux yeux des investisseurs en dŽpend. Si lÕon exclut cet ÇÊŽpisode CBRS È, jamais nÕa-t-on assistŽ, au QuŽbec, ˆ un dŽclassement ou ˆ un reclassement de plus dÕun signe au m•me moment (voir tableau 5). Standard and PoorÕs et MoodyÕs ont toujours offert des cotes supŽrieures par rapport aux agences canadiennes, ˆ lÕexception de la pŽriode 1987-1992. Par ailleurs, 73 m•me durant cette pŽriode, elles attribuaient toutes deux la cote ÇÊAA-È au QuŽbec, ce qui est tout juste moins ŽlevŽ que le ÇÊAAÊÈ attribuŽ par CBRS. Quant ˆ lÕautre agence canadienne, DBRS, il sÕagit de la firme la plus sŽv•re vis-ˆ-vis le QuŽbec depuis un peu plus de onze ans. Elle nÕa jamais attribuŽ une cote supŽrieure ˆ ÇÊA+ÊÈ au QuŽbec depuis 1987. Rappelons quÕen ce moment, la cote attribuŽe par cette agence est de ÇA-È alors que celle de Standard and PoorÕs est de ÇÊA+È et celle de MoodyÕs et de CBRS est de ÇÊAÊÈ . Avant de conclure, il serait intŽressant de vŽrifier comment ces agences agissent avec lÕOntario. De cette mani•re, nous pourrons vŽrifier si nos constatations au sujet du comportement des agences observŽ dans le cas du QuŽbec (les agences internationales sont gŽnŽralement moins sŽv•res que les agences canadiennes) se rŽv•lent Žgalement vrai dans le cas de cette autre province canadienne. 74 Tableau 6 : L'Ontario en cotes AnnŽe 1958 1966 1977 1979 1982 1985 1986 1987 1988 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 S&P Moody's Aa (avril) CBRS DBRS AA (juil.) AAA (dŽc.) Aaa (fŽv.) AAA- (janv.) AA+ (nov.) AAA (janv.) AA (oct.) AAA (juil.) AA+ (juin) AA (mai) AA- (nov.) Aa2 (mai) AA+ (janv.) AA (janv.) AA (lo) (nov.) A (hi) (nov.) Aa3 (mai) Source : DonnŽes fournies directement par les diffŽrentes firmes sauf dans le cas de Standard and PoorÕs o• elles ont ŽtŽ reprises de Cheung (1996). La situation nÕest pas tout ˆ fait la m•me. Bien que DBRS soit, dans ce cas-ci Žgalement, la plus dŽfavorable dans sa cotation en ce qui concerne le cas ontarien, les agences internationales ne sont pas nŽcessairement les plus favorables dans leur cotation. Il semblerait m•me, quÕau contraire, la CBRS est gŽnŽralement moins sŽv•re dans son Žvaluation. Par exemple, en ce moment, celle-ci accorde une cote de ÇÊAAÊÈ aux titres ˆ long terme du gouvernement de cette province alors que Standard and PoorÕs et MoodyÕs accordent une cote deÊÇÊAA-È aux m•mes titres. En fait, la cote attribuŽe par la principale agence canadienne nÕa ŽtŽ infŽrieure ˆ celles des agences internationales quÕentre 1982 et 1986. Depuis ce temps, les cotes sont supŽrieures ou Žgales ˆ celles des deux grandes firmes new-yorkaises. De plus, CBRS nÕa pas imitŽ ces consoeurs amŽricaines qui ont procŽdŽ ˆ un dŽclassement en 1993 (S&P) et 1994 75 (MoodyÕs). Dans le cas du QuŽbec, au contraire, elle a lÕhabitude de devancer les dŽclassements des deux gŽantes. Suite ˆ cette prŽsentation gŽnŽrale de lÕŽvaluation du crŽdit des gouvernements quŽbŽcois et ontarien, attardons-nous plus spŽcifiquement aux Žcarts entre les cotes attribuŽes par les agences internationales et canadiennes. M•me si ces agences nÕutilisent que des symboles alphabŽtiques, il est possible de calculer lÕŽcart entre deux cotes. En effet, comme nous lÕavons fait prŽcŽdemment, nous nÕavons quÕˆ concevoir ces cotes comme des nombres et, pour calculer la diffŽrence entre deux cotes donnŽes, procŽder ˆ une diffŽrence dont le rŽsultat Žquivaudra au nombre de cotes les sŽparant. Par exemple, lÕŽcart entre ÇÊAA-ÊÈ et ÇÊAÊÈ Žquivaut ˆ deux et celui entre ÇÊA+ÊÈ et ÇÊAÊÈ ˆ un. Le tableau ci-dessous prŽsente les Žcarts entre les agences canadiennes et internationales. Lorsque le signe est positif, cela signifie que la cote accordŽe par lÕagence internationale est plus ŽlevŽe que celle accordŽe par lÕagence nationale. Lorsque ce signe est nŽgatif, cela signifie au contraire que lÕagence canadienne est plus favorable ˆ lÕŽgard de la province que de lÕagence internationale. 76 Tableau 7 : ƒcarts entre agences internationales et canadiennes QuŽbec Ontario S&P - Moody's - S&P - Moody's - S&P - Moody's - S&P - Moody's - CBRS +1 DBRS DBRS CBRS +1 CBRS +1 DBRS DBRS 1982 1983 CBRS +2 +2 1984 1985 +2 +2 +1 +1 1986 1987 1988 +2 +1 +2 +1 +1 -1 -1 -1 -1 -1 +1 +1 1989 1990 -1 -1 -1 -1 1991 1992 -1 +1 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1982 1983 +1 +1 1984 1985 +1 0 +1 +1 1986 1987 1988 -2 -2 0 0 0 +1 +3 +3 +3 +1 +1 +1 +1 1989 1990 0 0 0 0 +3 +3 +3 +3 -1 +1 +1 +1 +1 +1 1991 1992 0 0 -1 0 0 +1 +1 0 +1 0 +1 +1 +2 +1 +1 0 1993 1994 -1 -1 -1 0 -1 -1 +2 +1 +1 +1 +1 +1 +2 +1 +1 +1 0 0 +2 +2 +1 +1 -1 -1 -1 -1 +1 +1 +1 +1 +1 0 +2 +1 -1 -1 +1 +1 +1 +1 1995 1996 1997 1998 (Les chiffres en gras indiquent que les cotes se situent dans des classes diffŽrentes) Les rŽsultats prŽsentŽs au tableau 7 permettent de quantifier notre propos. LÕŽcart entre le comportement des agences canadiennes et internationales peut ainsi •tre dŽmontrŽ de mani•re plus fine. Au QuŽbec, sur la pŽriode allant de 1982 ˆ 1998, les cotes attribuŽes par Standard and PoorÕs ont ŽtŽ supŽrieures ˆ celles de CBRS onze annŽes sur dix-sept. Puisque les cotes des deux agences Žtaient Žquivalentes en 1993, lÕŽvaluation de lÕagence canadienne nÕa ŽtŽ supŽrieure que pendant cinq annŽes sur toute la pŽriode (entre 1987 et 1991 alors que les libŽraux Žtaient au pouvoir). Les cotes attribuŽes au gouvernement quŽbŽcois par MoodyÕs et CBRS ont ŽtŽ similaires cinq annŽes sur dix-sept entre 1982 et 1998. Cependant, au cours des douze autres annŽes, sept fois la cotation de MoodyÕs a ŽtŽ supŽrieure ˆ celle de CBRS. Par ailleurs, entre 1987 et 1998, les deux agences new-yorkaises ont toujours ŽvaluŽ le crŽdit du 77 QuŽbec plus favorablement que lÕautre agence canadienne, DBRS (ˆ lÕexception de lÕannŽe 1995 o• cette agence accordait la m•me cote que MoodyÕs). Dans le cas de lÕOntario, entre 1982 et 1998, CBRS et Standard and PoorÕs ont accordŽ la m•me cote cinq fois. Lors des douze autres annŽes, lÕagence internationale a ŽtŽ moins sŽv•re dans son Žvaluation seulement trois fois et ce, au dŽbut de la pŽriode considŽrŽe (en 1982, 1983 et 1984). Donc, depuis 1984, la cote accordŽe par lÕagence canadienne a ŽtŽ supŽrieure ˆ celle de Standard and PoorÕs neuf annŽes sur quatorze. Cette situation prŽvaut depuis 1993. La comparaison entre les cotes de CBRS et de MoodyÕs permet dÕen arriver ˆ des rŽsultats similaires quoique ces deux agences aient ŽvaluŽ pareillement le crŽdit ontarien sept fois sur la pŽriode. LÕagence internationale a ŽtŽ plus favorable dans son Žvaluation seulement lors des quatre premi•res annŽes de la pŽriode. Depuis 1985, la cote de CBRS a toujours ŽtŽ Žquivalente ou supŽrieure (six fois) ˆ celle de MoodyÕs. Une situation qui ne ressemble nullement ˆ celle prŽvalant au QuŽbec. Toutefois, en ce qui concerne les comparaisons avec DBRS, on constate que, comme au QuŽbec ˆ une exception pr•s, cette agence canadienne nÕa jamais attribuŽ au gouvernement provincial une cote Žquivalente ou supŽrieure ˆ celle de lÕune ou lÕautre des agences internationales. Notons toutefois que les Žcarts entre, dÕune part, Standard and PoorÕs et DBRS et, dÕautre part, entre MoodyÕs et DBRS sont davantage prononcŽs pour lÕOntario. Notre analyse permet de dŽgager une constante dans le comportement des quatre agences depuis 1982Ê: le crŽdit ontarien est invariablement mieux cotŽ que celui du QuŽbec. LÕŽcart entre la cotation de chacune des provinces tend cependant ˆ diminuer avec le temps.ÊLe tableau suivant prŽsente ces Žcarts. 78 Tableau 8 : ƒcarts Ontario-QuŽbec 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 S&P 4 4 4 2 2 2 4 4 4 2 1 1 1 1 1 1 1 Moody's 5 5 5 5 4 4 4 4 4 1 1 2 1 2 2 2 2 CBRS 5 5 5 5 6 3 3 3 3 1 2 2 3 3 3 3 3 DBRS 2 2 2 2 1 1 1 1 2 2 2 2 ƒcart moyen 1982-98 2,294 3,118 3,412 1987-98 1,917 2,417 2,667 1,667 (Les chiffres en gras indiquent que les cotes se situent dans des classes diffŽrentes) Entre 1982 et 1998, Standard and PoorÕs est lÕagence dont lÕŽcart moyen entre les cotations a ŽtŽ le plus faible ; CBRS celle dont lÕŽcart a ŽtŽ le plus ŽlevŽ. DÕailleurs, cet Žcart est de un depuis 1992 alors que, dans le cas de CBRS, il est de trois en ce moment et ce, depuis 1994. LÕŽcart moyen est une mesure utile puisquÕelle permet de montrer de fa•on synthŽtique la diffŽrence de comportement de chacune des agences vis-ˆ-vis du QuŽbec et de lÕOntario sur une pŽriode donnŽe. Lorsque lÕon rŽduit la pŽriode considŽrŽe afin dÕinclure DBRS dans lÕanalyse, on remarque que, depuis 1987, cette agence a conservŽ lÕŽcart le plus faible entre ces Žvaluations ontariennes et quŽbŽcoises. Compte tenu de ce qui avait ŽtŽ dit plus t™t, ce 79 nÕest gu•re Žtonnant. Cette jeune agence est, parmi les quatre agences, la plus sŽv•re dans sa notation et ce, tant avec lÕOntario quÕavec le QuŽbec. Entre les trois autres agences, le scŽnario est le m•me que celui de la pŽriode 1982-98, cÕest-ˆ-dire que CBRS prŽsente lÕŽcart le plus ŽlevŽ alors que Standard and PoorÕs le moins ŽlevŽ. Notons que lÕŽcart moyen est plus faible pour chacune des firmes sur cette pŽriode (1987-1998) raccourcie par rapport ˆ la prŽcŽdente (1982-1998). Si lÕon se situe ˆ un niveau gŽnŽral, il est possible dÕexpliquer la diffŽrence entre les cotes ontariennes et quŽbŽcoises. Stella Cheung94 et Paul Boothe95 identifient le ratio dette/PIB comme la principale variable affectant la cotation. Si on observe attentivement lÕŽvolution de ce ratio entre 1982 et 1998, on constate rapidement quÕun important Žcart sÕest creusŽ entre les deux provinces depuis le dŽbut de la dŽcennie 80. Le graphique ci-dessous prŽsente cette Žvolution. Stella Cheung (1996), op.cit. Paul Boothe (1993), ÇÊBond Rating and Provincial GovermentÊÈ, PEAP Study 93-3, Institute for Policy Analysis, University of Toronto. 94 95 80 Graphique 10 : Dette nette (en % du PIB nominal) QuŽbec-Ontario 50% 40% 30% 20% 10% 0% -10% 1970 1971 1973 1974 1975 1977 1978 1979 1980 1982 1983 1984 1986 1987 1988 1990 1991 1992 1993 1995 QuŽbec 0,075 0,073 0,075 0,069 0,067 0,093 0,108 0,117 0,136 0,148 Ontario 0,061 0,057 0,075 0,076 0,095 0,125 0,14 0,143 0,138 0,134 0,165 0,126 0,135 0,132 0,126 0,136 0,147 0,181 0,221 0,274 ƒcart 0,015 0,016 -0 -0,01 -0,03 -0,03 -0,03 -0,03 -0 0,3 0,269 0,319 0,308 0,287 0,292 0,293 0,33 0,371 0,445 0,014 0,135 0,143 0,184 0,176 0,162 0,156 0,146 0,149 0,15 0,171 SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 3206, 3207, 2627 et 2628 Au QuŽbec, entre 1982 et 1983, on a assistŽ ˆ une augmentation exceptionnelle de ce ratio. En effet, il est passŽ de 14,8% ˆ 30%. LÕŽcart avec lÕOntario sÕest donc creusŽ passant de 1,4% ˆ 13,5%. On comprend alors mieux le comportement de Standard and PoorÕs et de MoodyÕs qui ont procŽdŽ ˆ une dŽcote du crŽdit quŽbŽcois en juillet 1982. Par la suite, le ratio dette/PIB a continuŽ de cro”tre plus rapidement au QuŽbec quÕen Ontario. Ainsi, selon les plus rŽcents chiffres disponibles, ce ratio Žtait de 44,5% au QuŽbec en 1995 alors quÕil Žtait de 27,4% en Ontario la m•me annŽe. LÕŽcart entre les deux provinces ˆ ce chapitre a ŽtŽ relativement stable depuis le milieu des annŽes 80 variant entre 14 et 18%. Avant le dŽbut des annŽes 80, ce ratio Žtait pratiquement Žquivalent au QuŽbec et en Ontario. De m•me, Standard and PoorÕs a attribuŽ une cote identique (ÇÊAAÊÈ) ˆ chacune de ces provinces entre 1966 et 1977, annŽe o• le crŽdit ontarien a ŽtŽ recotŽ. MoodyÕs quant ˆ elle a agi de mani•re similaire puisque entre 1968 et 1975, lÕŽcart 81 entre les deux cotes Žtait de deux et que, de 1975 ˆ 1979, la m•me cote Žtait accordŽe ˆ ces deux gouvernements.96 Maintenant, nous sommes en mesure dÕaffirmer que le comportement des agences canadiennes vis-ˆ-vis du QuŽbec est diffŽrent de celui des principales agences internationales. Dans le cas de la DBRS, cette diffŽrence est pour le moins Žvidente. Les rŽsultats de ses Žvaluations sont toujours plus faibles que celles des autres agences. Toutefois, la situation est similaire dans le cas de lÕOntario. Elle semble donc adopter des crit•res gŽnŽraux dÕŽvaluation plus contraignants que les autres et le poids accordŽ ˆ chacun de ces crit•res dans son analyse doit •tre diffŽrent. CÕest du moins une explication possible quant ˆ son comportement. De plus, compte tenu quÕelle a dŽbutŽ ˆ Žvaluer le crŽdit des provinces canadiennes seulement en 1987, il est difficile de tirer de solides conclusions ˆ partir de son comportement. Le comportement de la CBRS nous permet de tirer des conclusions apparentŽes ˆ notre hypoth•se. Comme nous lÕavons vu, elle est gŽnŽralement moins gŽnŽreuse en termes de cotation que MoodyÕs ou Standard and PoorÕs vis-ˆ-vis du QuŽbec. Le fait quÕˆ lÕinverse elle soit plus gŽnŽreuse que les agences internationales dans le cas ontarien nous pousse ˆ croire que nos constatations peuvent •tre liŽes ˆ notre hypoth•se et ˆ notre mod•le dÕanalyse. Comment expliquer que la diffŽrence de comportement est inversŽe en Ontario ? Chacune des firmes prise individuellement utilise pourtant des crit•res dÕanalyse semblables dans lÕŽvaluation de chacune des provinces. Selon notre mod•le, cette diffŽrence de comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec ne peut •tre expliquŽe que par une perception dissemblable du risque politique 82 existant au QuŽbec. Ce nÕest pas simplement lÕŽcart entre les cotes accordŽes au QuŽbec entre la CBRS et les agences amŽricaines qui nous permet dÕen arriver ˆ ces conclusions, cÕest aussi lÕinversion de cet Žcart dans le cas ontarien. Si la diffŽrence Žtait due ˆ des facteurs strictement Žconomiques (les Žcarts entre le QuŽbec et lÕOntario en termes de cotes devraient sÕexpliquer principalement par un Žcart important du ratio dette/PIB), en Ontario lÕagence canadienne aurait Žgalement ŽtŽ moins gŽnŽreuse ou, du moins, son Žvaluation aurait convergŽ avec celle des firmes Žtrang•res. Puisque nous souhaitions continuer dÕadopter une approche conservatrice, nous avons nŽgligŽ de traiter les diffŽrences de classe entre les cotes de mani•re plus approfondie. Il est tout ˆ fait raisonnable de croire quÕun Žcart ˆ lÕintŽrieur dÕune m•me classe est moins significatif quÕun Žcart entre deux cotes qui se situent dans deux classes diffŽrentes. Par exemple, nous avons considŽrŽ Žquivalent lÕŽcart entre ÇÊA+È et ÇÊAÊÈ et celui entre ÇÊAA-È et ÇÊA+ÊÈ. Certaines discussions avec des analystes quelques investisseurs nous permettent de prŽsumer quÕil y aurait lieu dÕaccorder une importance accrue ˆ une diffŽrence entre classes. Pour se faire, nous aurions dž accorder des poids diffŽrents aux Žcarts ˆ lÕaide par exemple de coefficients. Or, m•me si cela avait certainement permis de renforcer la confirmation de notre hypoth•se, nous avons toutefois choisi de ne pas le faire compte tenu de la difficultŽ dÕun tel exercice qui nous aurait forcŽs ˆ poser plusieurs hypoth•ses secondaires. Bien que lÕon sÕentende pour affirmer quÕil existe des inŽgalitŽs entre certains Žcarts, il en va tout autrement pour confŽrer une pondŽration quantifiŽe ˆ ces disparitŽs. Il importe de soulignŽ ici que lÕutilisation de signes complŽmentaires (+ et Ð dans le cas de Standard and PoorÕs et 1,2 et 3 dans le cas de MoodyÕs nÕa dŽbutŽ quÕen 1982 dans le cas de lÕŽvaluation des titres gouvernementaux au Canada. 96 83 Conclusion Notre objectif Žtait de dŽfinir et dÕŽlaborer un cadre mŽthodologique utile ˆ lÕanalyse du comportement des investisseurs privŽs, nationaux et internationaux, au QuŽbec. Le comportement des investisseurs est fondŽ principalement sur deux variablesÊ: dÕune part, sur un ensemble dÕŽlŽments de nature Žconomique et lŽgale (environnements Žconomique et lŽgal) et, dÕautre part, sur le risque politique. Il est normal de croire que, dÕun point de vue agrŽgŽ, la perception vis-ˆ-vis de la premi•re variable est la m•me. Cependant, la perception du risque politique peut diffŽrer dÕun investisseur ˆ lÕautre. Les investisseurs canadiens, en raison de leur nationalitŽ, sont directement touchŽs par le dŽbat, ce qui nÕest pas le cas des investisseurs Žtrangers. Toute diffŽrence de comportement entre les investisseurs nationaux et les investisseurs internationaux au QuŽbec ne peut sÕexpliquer que par une diffŽrence dans la perception de facteurs politiques dont le risque politique liŽ ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste. Les investisseurs nationaux sont majoritairement opposŽs ˆ toute idŽe dÕindŽpendance du QuŽbec et sont plus sensibles ˆ au risque dÕune profonde remise en question de lÕunitŽ politique et territoriale de leur pays, le Canada. LÕopinion politique des investisseurs canadiens influence-t-elle leur comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec ? Les rŽsultats de nos recherches laissent croire que oui. Au cours des vingt derni•res annŽes, la population du QuŽbec a ŽtŽ appelŽe ˆ se prononcer deux fois sur sa volontŽ de faire sŽcession avec le Canada. Le rŽsultat serrŽ du dernier dÕentre eux, le 31 octobre 1995, ne laisse aucun doute de la force du mouvement souverainiste au sein de la sociŽtŽ. Le risque dÕune sŽcession est bien rŽel. Les effets Žconomiques que pourrait entra”ner cette possibilitŽ le sont, quant ˆ eux, beaucoup moins. En effet, le lien entre le risque politique, lÕinvestissement privŽ et 84 lÕŽconomie dans son ensemble nÕest pas tr•s apparent, contrairement au discours tenus par certains opposants au mouvement indŽpendantiste. Les flux d'investissement sont, dans le cas du QuŽbec, davantage influencŽs par les cycles d'expansion et de rŽcession Žconomique que par la prŽsence d'un mouvement indŽpendantiste. Ils sont peu influencŽs par le cycle politique et les Žcarts avec la province voisine (lÕOntario) sont loin dÕ•tre nouveaux. Il en va de m•me pour lÕemploi, le ch™mage et la croissance de lÕactivitŽ Žconomique. La part quŽbŽcoise dans le portefeuille des flux d'investissement au Canada est relativement stable d'une annŽe ˆ l'autre (c'est-ˆ-dire moins volatile), ce qui contraste avec le cas ontarien o• cette part varie tr•s rapidement sur de courtes pŽriodes. Le graphique 9 met en lumi•re cette situation. Ce m•me graphique nous permet Žgalement de constater combien les poids dŽmographique et Žconomique du QuŽbec au sein du Canada Žvoluent ˆ un rythme remarquablement similaire. Le dŽclin du poids Žconomique depuis 1960 sÕaccompagne dÕune baisse de lÕimportance de sa population par rapport au Canada dans son ensemble. Bien entendu, de telles remarques bien quÕillustrant la faiblesse de lÕŽconomie du QuŽbec ou, du moins, son manque de dynamisme nous Žloignent quelque peu de lÕobjet de notre recherche. Cependant, elles sont importantes dans le contexte de notre Žtude car, il faut le mentionner, ces discours sont pour ainsi dire ˆ la base de notre intention d'effectuer la prŽsente recherche. Aussi, est-il important de rappeler que les diffŽrences (ainsi que les causes de celles-ci) entre les Žconomies quŽbŽcoise et ontarienne, autrement dit les causes du retard Žconomique du QuŽbec, datent du si•cle dernier. Bien avant que ne devienne vraisemblable lÕŽventualitŽ dÕune sŽcession du QuŽbec ! Alain No‘l analyse la situation 85 du ch™mage et des salaires au QuŽbec dans une perspective historique.97 Il fait remarquer que les disparitŽs Žconomiques entre le QuŽbec, les provinces voisines, ˆ lÕexception des provinces maritimes, tiennent ˆ des facteurs historiques liŽs ˆ la structure Žconomique du QuŽbec qui remontent au XIX• si•cle. ÇÊLa pauvretŽ et le ch™mage sont des probl•mes politiques et sociaux complexes, enracinŽs dans lÕhistoire, les institutions et les politiques publiques. Au QuŽbec, comme ailleurs, les changements en ce qui concerne de telles questions rel•vent moins de la bonne volontŽ que de larges conflits politiques et sociaux ˆ propos de la croissance Žconomique, de la distribution des revenus et de lÕintervention de lÕƒtat. (É) Pendant plus dÕun si•cle, le QuŽbec a eu de plus bas salaires et de plus hauts taux de ch™mage que les provinces voisines (ˆ lÕexception des provinces atlantiques)ÊÈ.98 Comme lÕauteur lÕajoute lui-m•me, ÇÊun taux de croissance Žquivalant ne pouvait pas Žliminer lÕŽcart initial entre les deux provinces centrales [le QuŽbec et lÕOntario], et la division linguistique du travail propre au QuŽbec persistait ŽgalementÊÈ.99 On ne cherche aucunement ici ˆ exprimer une vision pessimiste de la situation Žconomique quŽbŽcoise passŽe et prŽsente ni ˆ prŽtendre que lÕhistoire Žconomique du QuŽbec est unique au monde et que la situation, ˆ lÕinstar dÕautres rŽgions, ne pouvait sÕamŽliorer. Nous ne cherchons pas non plus ˆ affirmer quÕil en sera toujours ainsi et que le retard Žconomique du QuŽbec ne pourra se rŽsorber. Ce que nous souhaitons, cÕest de dŽmontrer quÕon aurait tort de croire que le mouvement indŽpendantiste est lÕune des principales causes des probl•mes Žconomiques quŽbŽcois et des Žcarts avec lÕOntario. Le mod•le dÕanalyse que nous avons construit nous montre que toute diffŽrence de comportement entre les investisseurs nationaux et les investisseurs internationaux au QuŽbec ne peut •tre due quÕˆ une perception diffŽrente vis-ˆ-vis du risque politique. Parce quÕils sont canadiens, les investisseurs locaux sont touchŽs par le dŽbat sur lÕindŽpendance du QuŽbec. Leur opinion est gŽnŽralement dŽfavorable ˆ lÕŽgard du mouvement indŽpendantiste et pour cause ; lÕhomme dÕaffaires nÕaime Alain No‘l (1994), ÇÊLe ch™mage en hŽritageÊÈ, dans Gagnon, A.G., QuŽbec: ƒtat et sociŽtŽ, MontrŽal, QuŽbec/AmŽrique, chapitre 18. 98 Ibid., p.408. 97 86 habituellement pas que soit transformŽ ou du moins modifiŽ lÕenvironnement sociopolitique dans lequel son entreprise Žvolue. Cette opinion affecte leur comportement en tant quÕinvestisseur au QuŽbec ; lÕinvestissement peut •tre utilisŽ de mani•re stratŽgique. Ils invoquent dÕabord lÕincertitude politique pour justifier leur comportement pour ensuite lÕinvoquer de nouveau pour expliquer les probl•mes Žconomiques quŽbŽcois. On peut aisŽment prŽsumer que lÕinvestisseur anglais, fran•ais, italien, japonais, russe ou m•me amŽricain nÕa pas dÕopinion politique sur le dŽbat entourant lÕavenir constitutionnel du pays. Rappelons que lÕŽconomie du QuŽbec, prise dans une perspective mondiale, est moderne, dŽveloppŽe, diversifiŽe, ouverte et reprŽsente une zone ˆ faible risque pour y investir des capitaux ou pour y effectuer des opŽrations industrielles ou commerciales. Compte tenu de difficultŽs liŽes ˆ la collecte de donnŽes, il nous a ŽtŽ difficile de procŽder ˆ une analyse juste de la place du QuŽbec dans le portefeuille canadien des investisseurs canadiens et des investisseurs Žtrangers. Bien quÕil sÕagisse des meilleures donnŽes disponibles, les chiffres que nous dŽtenons sur lÕinvestissement Žtranger rŽv•lent trop de limites sur le plan mŽthodologique pour servir ˆ tirer des conclusions claires sur le comportement des investisseurs Žtrangers au QuŽbec comme dans le reste du Canada. De nouvelles recherches devront •tre entreprises sur la base de nouvelles donnŽes. JusquÕˆ maintenant, celles que nous avons rendent impossible la confirmation de notre hypoth•se ; ˆ la lumi•re de celles-ci il semble que la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec repousse davantage les investisseurs Žtrangers. Cela pourrait peut-•tre sÕexpliquer par une crainte plus ŽlevŽe causŽe par un manque de renseignements ou encore, par une mauvaise information. 99 Ibid., p.410. 87 La partie de lÕanalyse sur les agences dÕŽvaluation de crŽdit nous permet quant ˆ elle de tirer des conclusions plus prŽcises. LÕŽtude des cotes accordŽes par, dÕun c™tŽ, CBRS et DBRS et, de lÕautre, par Standard and PoorÕs et MoodyÕs rŽv•le que les agences canadiennes sont plus sŽv•res dans leur Žvaluation du crŽdit du QuŽbec que ne le sont les agences internationales. Et ce, alors que la situation est inversŽe dans le cas de lÕOntario. Cette divergence ne peut sÕexpliquer que par une perception diffŽrente du risque politique, leur analyse se basant toutes quatre sur la m•me situation Žconomique au QuŽbec (cela rŽf•re, dans notre mod•le dÕanalyse, aux variables Žconomiques et lŽgales (VEL)). Rien ne laisse croire que leur perception face au contexte Žconomique quŽbŽcois pourrait •tre diffŽrente, au contraire tout am•ne ˆ penser que devant les m•mes donnŽes le jugement des analystes oeuvrant dans ces firmes est le m•me. Ils proviennent des m•mes Žcoles et adoptent tous lÕapproche Žconomique dominante. Certes, une sŽcession entra”nerait des consŽquences au niveau Žconomique et sur le comportement des investisseurs. Les interrogations portent davantage sur lÕampleur de ces cožts. Il est cependant impossible de les Žvaluer pour le moment. Cependant, contrairement ˆ un mythe largement rŽpandu, la simple idŽe de faire lÕindŽpendance, cÕest-ˆ-dire la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste recueillant un appui significatif, nÕentra”ne pas dÕimportants cožts Žconomiques. Les retards Žconomiques du QuŽbec sÕexpliqueraient davantage par des facteurs dÕordre historique et dŽmographique. Les variations du poids Žconomique du QuŽbec au Canada correspondent ˆ celles de son poids dŽmographique. En amplifiant le risque liŽ ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec, les agences de cotation de crŽdit canadiennes traitent injustement cette province, ce qui a sans doute certaines consŽquences, quoique mineures, sur le plan Žconomique. 88 Dans le but de tester et dÕamŽliorer notre mod•le dÕanalyse, il serait extr•mement utile de complŽter cette recherche par un peu dÕanthropologie. Les marchŽs financiers sont des ÇÊterrainsÊÈ qui mŽriteraient dÕ•tre ŽtudiŽs de plus pr•s. Bien entendu, il faut avoir les moyens de le faire (temps et argent). JusquÕici, peu de chercheurs lÕont fait. CÕest dommage car, comme le dit si bien Javier Santiso, ÇÊLa vie des marchŽs financiers ne peut sÕapprŽhender quÕen pr•tant davantage attention au jeu des acteurs. Les marchŽs financiers ne sont ni les Far West de golden boys sans foi ni loi, ni le r•gne dÕune main invisible idŽalement rŽgulatrice. Des normes implicites ou explicites les gouvernent, o• le chiffres dÕaffaires importe autant que les jeux de la rŽputation et de la confiance. (É) Une vŽritable communautŽ ŽpistŽmique avec ses codes, ses r•gles, sa propre dynamique dÕopportunitŽs, de contraintes et dÕinterdits. Ë lÕinstar de Geertz se penchent sur les mythes et les rites des communautŽs du Maroc et dÕIndonŽsie, la vie des marchŽs financiers inviterait dans ce sens ˆ davantage dÕanthropologieÊÈ.100 Cette recherche devra Žgalement •tre insŽrŽe dans un cadre plus large. Elle pourrait •tre adaptŽe ˆ la problŽmatique touchant le nationalisme libre-Žchangiste (free-trade nationalism) et lÕintŽgration des espaces Žconomiques continentaux. Il serait fort pertinent de faire lÕanalyse du nationalisme quŽbŽcois sous lÕangle du risque; le rŽgime international que constitue lÕALENA pourrait-il permettre au QuŽbŽcois une indŽpendance sans risque ? De faire lÕindŽpendance sans en assumer les cožts ? La comparaison avec dÕautres cas comme celui de lÕƒcosse serait sans doute •tre Žclairante. Pour les indŽpendantistes, ÇÊmiser sur lÕinternationalÊÈ ne fait pas que diminuer le risque, cela pourrait permettre de ÇÊcontournerÊÈ le comportement des investisseurs nationaux. 100 Javier Santiso (1998), ÇÊTemps des ƒtats, temps des marchŽsÊ: retour sur la crise mexicaineÊÈ, Esprit, no.242, mai, pp.58-85. 89 Bibliographie Alexander, Gordon J. et William F. Sharpe (1989), Fundamentals of Investments, Englewood Cliffs (New Jersey), Prentice-Hall. 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SourceÊ: DonnŽes compilŽes par le Bureau de la Statistique du QuŽbec (BSQ) ˆ partir de donnŽes fournies par Investissement Canada (Industrie Canada). 95 ANNEXE 1 (suite) Investissements Žtrangers dans les acquisitions d'entreprises, par secteur, 1985-1996 Secteur Ressources primaires AnnŽe 85-91 1 92 93 94 95 96 n QuŽbec '000$ n 12 2 1 1 2 1 339 522 x x x x 2 057 737 Sous-total 18 Fabrication 85-91 231 92 36 93 16 94 26 95 23 96 54 Sous-total Ontario Alberta '000$ 44 8 1 4 2 3 9 603 623 198 13 717 848 43 1 709 221 45 3 068 989 13 x 38 1 580 999 11 23 735 36 903 759 4 x 33 1 082 372 4 x 52 1 451 596 3 348 452 70 434 47 752 x 96 242 x 329 74 58 48 44 65 26 640 097 4 848 644 1 628 751 927 494 2 783 070 1 451 596 62 12 146 282 402 21 805 563 78 696 447 618 40 910 113 1 348 096 108 2 974 154 1 572 44 556 824 1 078 572 7 75 557 153 3 210 786 x 9 539 354 108 3 164 792 96 870 5 35 634 121 3 187 091 285 589 17 397 123 147 7 104 804 x 12 255 947 191 4 016 894 386 12 869 274 1 523 44 265 928 120 3 473 774 158 4 277 769 2 292 67 109 796 1 606 255 89 256 384 583 276 222 218 343 181 221 598 87 46 72 90 89 5 155 037 1 130 206 x 1 105 403 x x Sous-total 262 2 755 880 982 9 741 674 138 Sous-total Autres services Sous-total Total 86 10 11 5 14 29 155 85-91 92 93 94 95 96 n 85 6 2 7 6 14 85-91 170 92 15 93 16 94 16 95 18 96 27 85-91 92 93 94 95 96 '000$ Canada '000$ '000$ Commerce de gros et de dŽtail Services C.B. n 9 696 818 1 077 29 789 645 341 412 98 1 715 245 282 518 76 2 336 830 458 660 74 2 372 700 946 137 95 5 475 955 1 143 729 103 2 575 553 n 58 8 7 7 6 8 94 923 942 461 x 38 x 54 55 301 56 428 522 61 543 937 76 2 078 125 746 853 737 217 988 374 17 980 283 25 x 35 86 660 18 x 46 3 007 999 358 3 940 441 458 619 488 856 1 664 886 1 506 956 1 493 510 96 8 3 8 13 10 61 4 4 9 8 17 2 232 803 x x 69 491 100 576 110 978 87 1 310 003 1 051 10 624 708 9 71 932 125 1 291 394 10 48 181 81 432 764 13 147 874 120 1 598 990 21 119 664 150 438 583 11 280 479 146 572 678 2 566 976 151 1 978 133 1 673 17 509 539 209 933 11 859 90 695 16 694 24 194 207 528 132 1 019 398 16 111 570 9 115 467 7 19 723 10 191 107 18 125 226 776 77 81 81 96 141 6 140 661 612 419 695 018 1 756 604 2 150 779 2 370 201 9 553 268 103 560 903 192 1 582 491 1 252 14 106 755 6 818 182 283 256 895 800 748 425 2 157 889 3 494 211 65 3 4 4 5 2 897 962 138 1 854 209 x 9 1 236 923 116 097 13 125 748 85 312 2 x 32 670 4 18 115 x 6 x 505 38 53 52 36 64 14 397 763 83 1 239 384 172 3 458 197 748 85-91 557 14 420 274 2 397 55 306 928 505 18 406 642 508 7 506 216 4 233 92 71 2 001 479 248 5 296 547 66 4 287 888 54 1 566 416 467 93 51 1 743 741 202 4 154 474 51 2 328 081 52 876 502 381 94 55 899 203 241 5 915 149 64 1 172 126 31 347 642 422 95 61 1 679 662 266 9 883 025 65 1 525 401 56 822 251 473 96 120 2 024 656 317 9 548 792 95 1 926 462 50 874 010 607 10 550 024 2 508 553 2 117 928 833 737 2 295 334 3 494 211 22 283 814 98 678 945 13 555 984 10 137 608 8 648 039 15 794 282 15 109 522 1. Comprend la pŽriode du 1er juillet 1985 au 31 dŽcembre 1991. SourceÊ: DonnŽes compilŽes par le Bureau de la statistique du QuŽbec (BSQ) ˆ partir de donnŽes fournies par Investissement Canada (Industrie Canada). 96 ANNEXE 2 Les principales agences dÕŽvaluation de crŽdit Agence dÕŽvaluation de crŽdit MoodyÕs Investors Service ("MoodyÕs") Fitch Investors Service ("Fitch") Standard and Poor's Corporation ("S&P") Canadian Bond Rating Service Premi•re annŽe de publication 1909 Pays dÕorigine Nombre dÕemployŽs101 PropriŽtŽ ƒtats-Unis 674 1922 ƒtats-Unis Plus de 200 Dun and Bradstreet IndŽpendante 1923 ƒtats-Unis Plus de 700 McGraw-Hill 1972 Canada 26 IndŽpendant Thomson BankWatch ("Thom") Japenese Bond Rating Institute ("JBRI") 1974 ƒtats-Unis 40 Thomson Company 1975 Japon 91 Dominion Bond Rating Service ("DBRS") IBCA ltd. ("IBCA") 1977 Canada 20 Japan Economic Journal (Nikkei) IndŽpendante 1978 50 IndŽpendante 1980 GrandeBretagne ƒtats-Unis 160 Duff and Phelps Corp. Service complet (pour le Canada) Institutions financi•res Service complet 1985 Japon 61 1985 Japon 70 Institutions financi•res japonaises Institutions financi•res japonaises Service complet (pour le Japon) Service complet (pour le Japon) Duff and Phelps Credit Rating Co. ("Duff") Japenese Credit Rating Agency ("JCRA") Nippon Investor Service Inc. ("NIS") Source : Richard Cantor et Frank Packer (1994). 101 Ces donnŽes sont Žvidemment sujettes ˆ modifications. Principaux champs dÕactivitŽs Service complet Service complet Service complet Service complet (pour le Canada) Institutions financi•res Service complet (pour le Japon)