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Investissement et politique au QuŽbec
Comportement des investisseurs en prŽsence
dÕun mouvement indŽpendantiste
par
Daniel Charron
2
Table des mati•res
IntroductionÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
Page
3
1. Le risque politiqueÊ: Žtat de la questionÉÉÉÉÉÉ.ÉÉÉÉÉÉÉÉ.
7
2. Cadre mŽthodologiqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
11
2.1 DŽfinitionsÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
2.1.1 Risque politiqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
2.1.2 Incertitude politiqueÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
2.2 Mod•le dÕanalyseÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
2.2.1 LÕinvestissement et la dŽcision dÕinvestirÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
2.2.2 Mondialisation et investissementÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
2.2.3 Investissement et gŽographie (localisation)ÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
2.2.4 Conditions du mod•leÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
3. Portrait de lÕŽconomie quŽbŽcoise depuis 1960ÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
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14
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3.1 Le Produit intŽrieur brutÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
3.2 LÕemploi et ch™mageÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
3.3 Un portrait synthŽtique de la situation Žconomique
et politique du QuŽbecÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.ÉÉÉÉÉÉ...
28
32
4. LÕŽvolution du portefeuille dÕinvestissementÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
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5. Les cotations des agences dÕŽvaluation de crŽditÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
59
5.1 LÕindustrie du ÇÊcredit ratingÊÈÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
5.2 La notationÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
5.3 Le QuŽbec en cotesÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ..
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68
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ConclusionÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ
83
BibliographieÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ.
89
Annexes
3
Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas
(Je le veux, je lÕordonne, que ma volontŽ tienne lieu de raison).
- JuvŽnal
Introduction
LÕincertitude politique et Žconomique quÕaurait engendrŽ et quÕentretiendrait le
mouvement indŽpendantiste constitue lÕune des principales prŽoccupations des
opposants ˆ lÕindŽpendance du QuŽbec. Selon eux, ce climat dÕincertitude expliquerait
les maux dont souffre lÕŽconomie quŽbŽcoise dans son ensemble. De lÕincertitude
dŽcouleraient, entre autres, le niveau de ch™mage ŽlevŽ et la faible croissance
Žconomique de cette province. Si elle prŽvaut, lÕincertitude agit sur le comportement de
lÕinvestisseur. CÕest en affectant lÕinvestissement privŽ quÕelle a des effets sur
lÕŽconomie. LÕincertitude et le risque politique reprŽsentent le lien entre la prŽsence
dÕun mouvement indŽpendantiste et lÕŽconomie quŽbŽcoise. Mais, il est permis de se
questionner sur lÕexistence dÕun tel lien. Autrement dit, lÕincertitude politique liŽe ˆ
une potentielle sŽcession entre le QuŽbec et le Canada est-elle suffisamment
importante pour modifier le comportement des investisseurs vis-ˆ-vis du QuŽbec ?
Cette Žtude vise ˆ vŽrifier si lÕidŽe dÕindŽpendance a toute lÕinfluence que
plusieurs lui attribuent sur lÕinvestissement privŽ. Elle vise Žgalement ˆ vŽrifier si le
comportement des investisseurs pris dans leur ensemble est diffŽrent face au QuŽbec
selon quÕils soient canadiens ou Žtrangers. LÕopinion politique des investisseurs
canadiens influence-t-elle leur comportement en tant quÕinvestisseurs au QuŽbec ?
LÕaccession du QuŽbec ˆ la souverainetŽ entra”nerait des changements majeurs
aux niveaux politique et institutionnel. Face ˆ cette ŽventualitŽ, les investisseurs
adoptent probablement des comportements diffŽrents de ceux quÕils adopteraient si elle
nÕexistait pas ou si elle sÕavŽrait improbable. Le comportement des investisseurs est
4
affectŽ par la ÇÊquestion constitutionnelleÊÈ. Mais est-il affectŽ de mani•re significative ?
Et, celui des investisseurs canadiens lÕest-il davantage ?
Nous distinguons deux groupes (deux ensembles) dÕinvestisseurs. DÕun c™tŽ, il y
a les investisseurs quŽbŽcois et canadiens (investisseurs nationaux) qui sont touchŽs,
voire impliquŽs dans le dŽbat sur lÕindŽpendance. De lÕautre, on retrouve les
investisseurs Žtrangers (investisseurs internationaux), qui, a
priori, ne sont
aucunement touchŽs par ledit dŽbat. Dans le cas des investisseurs Žtrangers, leur
comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec est le m•me que celui vis-ˆ-vis du reste du monde;
il est fondŽ sur une logique purement Žconomique, sur la base dÕune stricte rationalitŽ
dÕaffaires. Pris dans une perspective globale, le QuŽbec comme le Canada reprŽsente
une zone ˆ faible risque pour les investisseurs.ÊLes investisseurs Žtrangers partent de
ce constat dans leur processus de choix dÕinvestissement.
Pour leur part, les investisseurs nationaux, Žventuellement guidŽs par des
visŽes stratŽgiques, dŽfavorisent le QuŽbec dans leurs choix dÕinvestissement au
Canada. En effet, leur implication dans le dŽbat et leur allŽgeance nationale affectent
leurs dŽcisions. Vivement opposŽs au mouvement indŽpendantiste quŽbŽcois, les
investisseurs canadiens se laissent influencer par leur opinion politique. Bref, dans
leurs choix dÕinvestissement au Canada, les investisseurs nationaux investissent
moins au QuŽbec que les investisseurs Žtrangers en proportion de leurs
investissements au Canada. En effet, les perceptions face ˆ certains facteurs politiques
dont le risque liŽ ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste jouent sur les
dŽcisions dÕinvestissement. Ces perceptions jouent un r™le plus grand (et plus nŽgatif)
chez les investisseurs canadiens, plus sensibles ˆ la question nationale et plus
5
facilement prŽoccupŽs par la situation quŽbŽcoise. Telles sont nos hypoth•ses
principales.
Ces diffŽrences de comportement se manifestent dans lÕanalyse de la proportion
dÕinvestissements faits au QuŽbec par rapport ˆ lÕensemble du portefeuille
dÕinvestissements rŽalisŽs au Canada. La proportion quŽbŽcoise devrait ainsi •tre plus
faible pour les investisseurs nationaux par rapport aux investisseurs internationaux.
ƒgalement, nous procŽderons ˆ une analyse des Žvaluations des agences de
notation de crŽdit. Celle-ci devrait nous montrer que la perception de facteurs
politiques (principalement due ˆ leur sensibilitŽ face ˆ la ÇÊquestion nationaleÊÈ)
influencent lÕŽvaluation des agences nationales quant ˆ la qualitŽ des titres de
crŽances Žmis par le gouvernement quŽbŽcois.1 Ainsi, une comparaison, ˆ crit•res
standardisŽs, entre la notation de Canadian Bond Rating Services (CBRS), Dominion
Bond Rating Service (DBRS) et des deux principales agences internationales (MoodyÕs
et Standard & PoorÕs) rŽvŽlera des Žcarts dans les rŽsultats dÕŽvaluation (les cotes).
Dans le cadre de ce travail de recherche, nous dŽveloppons un mod•le dÕanalyse
sur le comportement des investisseurs nationaux et internationaux vis-ˆ-vis le QuŽbec.
LÕŽlaboration dÕun tel mod•le est nŽcessaire puisque la littŽrature existante sur le
risque politique sÕapplique mal ˆ la situation ŽtudiŽe. En effet, cette littŽrature sÕadapte
difficilement au risque politique liŽ ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste ˆ
lÕintŽrieur dÕune Žconomie dŽveloppŽe, moderne et libre-Žchangiste. Ce mod•le fait
Les agences dÕŽvaluation de crŽdit peuvent •tre considŽrer comme des ÇÊguidesÊÈ pour les investisseurs. Il
appara”t donc fondŽ, dans un souci de simplification, dÕassimiler leur comportement ˆ celui des
investisseurs dans une Žtude comme la n™tre qui ne cherche non pas ˆ expliquer lÕinvestissement
canadien et Žtranger au QuŽbec de mani•re individuelle ou particuli•re (se rapportant ˆ chaque
investisseur pris individuellement) mais de mani•re gŽnŽrale ou agrŽgŽe.
1
6
ressortir que toute diffŽrence de comportement entre lÕensemble des investisseurs
nationaux et lÕensemble des investisseurs internationaux ne peut sÕexpliquer que par
une diffŽrence dans la perception quÕils ont de facteurs politiques, donc du risque
politique.
Bref, nous prŽtendons que lÕopinion politique influence le comportement des
investisseurs nationaux et lÕŽvaluation des agences de notation de crŽdit nationales.
Empiriquement, on observe un Žcart entre les investissements nationaux rŽalisŽs aux
QuŽbec par rapport aux investissements internationaux rŽalisŽs dans cette m•me
province en proportion des investissements (nationaux et internationaux) rŽalisŽs au
Canada. De m•me, remarque-t-on un Žcart entre les notations attribuŽes aux
obligations ˆ long terme Žmises par le gouvernement du QuŽbec par les agences
nationales dÕune part et par les agences internationales dÕautre part. Nous cherchons
donc ˆ comprendre ces Žcarts et ˆ interprŽter ces diffŽrences de comportement et
dÕŽvaluation. Partant du constat que, en dŽfinitive, les investisseurs canadiens ne se
distinguent des investisseurs Žtrangers que par leur ÇÊnationalitŽÊÈ, lÕexplication de ces
Žcarts ne peut provenir que dÕune apprŽhension dissemblable de facteurs politiques;
les investisseurs canadiens Žtant manifestement plus sensibles vis-ˆ-vis du
nationalisme quŽbŽcois et du risque politique qui en dŽcoule. En effet, cÕest de leur
pays dont il est question, ce qui nÕest pas le cas pour les investisseurs Žtrangers. Nous
ne cherchons pas ˆ expliquer ou ˆ modŽliser le comportement individuel de
lÕinvestisseur canadien ou Žtranger. Nous souhaitons simplement interprŽter le
comportement de chaque groupe, de chaque agrŽgats dÕinvestisseurs, en les comparant
lÕun ˆ lÕautre.
La facture de ce travail est la suivante. Premi•rement, nous prŽsenterons un
Žtat de la question sur le risque politique dans sa relation avec lÕinvestissement.
7
Deuxi•mement, nous allons prŽsenter le cadre mŽthodologique que nous utiliserons.
Dans cette seconde partie, il sera nŽcessaire en premier lieu de dŽfinir certains
concepts qui nous serons utiles. Par la suite, nous allons les insŽrer dans un mod•le
dÕanalyse simple qui nous permettra de mettre en relations ces concepts.
Troisi•mement, nous exposerons un portrait de la situation Žconomique quŽbŽcoise
dans le contexte canadien depuis 1960. Quatri•mement, nous Žtudierons lÕŽvolution
du portefeuille canadien dÕinvestissements dans le but de caractŽriser le comportement
des investisseurs locaux et Žtrangers ˆ lÕŽgard du QuŽbec. Enfin, avant de conclure,
nous nous attarderons au comportement des ÇÊlanternesÊÈ des investisseurs, cÕest-ˆdire les agences dÕŽvaluation de crŽdit.
1. Le risque politiqueÊ: Žtat de la question
La littŽrature concernant le risque politique est riche mais, comme nous allons
le voir, elle est peu signifiante pour l'analyse du risque politique au QuŽbec. Ceci
justifie notre intention dÕŽlaborer et dÕutiliser un nouveau cadre dÕanalyse avec la
construction dÕun mod•le. Les cadres existants font peu de cas d'exemples comme le
QuŽbec ou le Canada et pour cause. Il s'agit d'Žconomies modernes et dŽveloppŽes (le
Canada est entre autres membre du G7, de lÕOMC et le l'OCDE), qui favorisent le libre
marchŽ et qui, en dŽfenseurs convaincus de la libŽralisation des Žchanges
internationaux, s'int•gre aisŽment dans la nouvelle Žconomie mondiale. D'ailleurs,
fortement intŽgrŽ ˆ l'Žconomie nord-amŽricaine gr‰ce notamment ˆ l'ALƒNA, le
Canada, encouragŽ par le QuŽbec, travaille dŽsormais ˆ une intŽgration compl•te des
Žconomies du continent amŽricain.2
Nous pensons Žvidemment ici aux pourparlers visant la crŽation de la Zone amŽricaine de libre-Žchange
(ZLEA).
2
8
Bien que la prŽsence d'un mouvement indŽpendantiste d'importance au QuŽbec
puisse, ˆ terme, provoquer d'importants changements aux niveaux politique et
institutionnel tant au QuŽbec qu'au Canada, il y aurait peu ˆ craindre sur le plan
Žconomique. Les leaders du mouvement indŽpendantiste quŽbŽcois ont, depuis les
vingt derni•res annŽes du moins, constamment affirmŽ leur attachement ˆ des
principes libŽraux, dŽmocratiques et pacifiques. De plus, il est clair que le Canada,
dans l'ŽventualitŽ d'une sŽcession de la province de QuŽbec, aurait tout avantage
(Žconomiquement du moins) ˆ assurer une pŽriode de transition harmonieuse, ce qui
Žvidemment rŽduit l'incertitude et le risque.3
Cette th•se est Žgalement dŽfendue du c™tŽ du Canada anglais. Dans une
analyse prŽsentant un scŽnario vraisemblable sur le dŽroulement de la transition
advenant un vote positif lors dÕun prochain rŽfŽrendum, Robert A. Young, professeur
au dŽpartement de science politique de lÕUniversitŽ Western en Ontario, soutient la
th•se que dans lÕŽventualitŽ de la souverainetŽ du QuŽbec, le Canada acceptera la
sŽparation et en nŽgociera rapidement les termes.4 Alan Freeman et Patrick Grady se
sont Žgalement penchŽs sur les relations futures entre le QuŽbec et le Canada en cas
de sŽcession.5
ÇÊLe Canada devrait Žgalement faire ce quÕil peut pour que la transition du QuŽbec du
statut de province ˆ celui de nation se fasse le plus facilement possible, parce que
nous sommes nous aussi sensibles aux bouleversements du QuŽbec. Nous devrions
Lors des travaux organisŽs dans le cadre de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
QuŽbec, la Commission BŽlanger-Campeau, plusieurs experts ont ŽtŽ appelŽs ˆ se prononcer sur diverses
questions d'ordre Žconomique. Ceci est rapportŽ dans un rapport intitulŽ ƒlŽments d'analyse Žconomique
pertinents ˆ la rŽvision du statut politique et constitutionnel du QuŽbec, publiŽ en 1991. Plusieurs
Žconomistes y ont soutenu la th•se selon laquelle le reste du Canada aurait intŽr•t ˆ maintenir l'espace
Žconomique et monŽtaire existant. Voir entre autres Bernard Fortin (1991), Les options monŽtaires d'un
QuŽbec souverain, p.283-302 et SecrŽtariat de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
QuŽbec (1991), L'acc•s du QuŽbec aux marchŽs extŽrieurs et ˆ l'espace Žconomique canadien, p.19-54.
4 Robert A. Young (1995), La sŽcession du QuŽbec et lÕavenir du Canada, QuŽbec, Presses de lÕUniversitŽ
Laval. Il traite notamment des questions relatives au commerce, ˆ lÕŽconomie et ˆ la monnaie dans les
chapitres 3 (ÇÊLes relations Žconomiques entre le Canada et le QuŽbecÊÈ) et 4 (ÇÊLa politique monŽtaireÊÈ) de
cet ouvrage.
3
Alan Freeman et Patrick Grady (1995), QuŽbec CanadaÊ: les enjeux de la division, MontrŽal, ƒditions
Hurtubise HMH.
5
9
donc offrir de maintenir les dispositions commerciales existantes pour une pŽriode
pouvant aller jusquÕˆ trois ans et offrir Žgalement de faciliter lÕadmission du QuŽbec ˆ
lÕALƒNA et au GATTÊÈ.6
Toutefois, comme nous le verrons plus loin, certains dŽveloppements demeurent
incertains car il est impossible de prŽvoir les ŽvŽnements futurs avec prŽcision. Il ne
serait pas vain de faire Žtat de recherches portant sur le risque politique dans sa
relation avec l'investissement. Ce sont principalement les consŽquences Žconomiques
de ce risque ainsi que son influence sur le comportement de certains agents
Žconomiques qui intŽressent la prŽsente recherche.
Nombre d'Žtudes traitent du risque politique dans sa relation avec
l'investissement direct Žtranger (IDƒ). Parmi ces Žtudes, J. Saœl Lizondo en distingue
deux catŽgories : 1) celles qui sont basŽes sur des enqu•tes faites aupr•s de firmes
multinationales visant ˆ dŽcouvrir comment leur processus de dŽcision en mati•re
d'investissement ˆ l'Žtranger est affectŽ par le risque politique et 2) celles qui utilisent
des techniques ŽconomŽtriques telle que l'analyse de rŽgression pour Žvaluer l'effet
qu'a le risque politique sur l'IDƒ.7 Paradoxalement, Lizondo soul•ve que ces Žtudes ne
conduisent pas ˆ des rŽsultats semblables. Alors que la plupart des Žtudes basŽes sur
des enqu•tes am•nent ˆ penser que le risque politique est un facteur important dans
le processus de dŽcision relatif ˆ l'investissement Žtranger, les Žtudes utilisant des
techniques ŽconomŽtriques ne sont pas aussi concluantes. Certaines montrent qu'il
existe une relation nŽgative entre le risque politique et l'IDƒ (i.e. l'existence d'un risque
politique provoque une baisse de la valeur de l'IDƒ). D'autres analyses, au contraire,
n'arrivent pas ˆ dŽmontrer de liens statistiquement significatifs entre ces deux
6
7
Ibid., p.166.
J. Saœl Lizondo (1990), Foreign Direct Investment, IMF working papers, WP/90/63, July, p.17-18.
10
variables.8 Toujours selon Lizondo, plusieurs raisons peuvent expliquer cette
situationÊ:
ÇÊFor one thing, it is difficult to measure political risk or political instability. Second, a
given political event may give rise to different levels of risk depending on the country of
origin of the investment, or on the type of industry in which the investment was made.
Furthermore, some cross-country econometric studies did not allow for lags between the
time when a change in risk is perceived and the time when the change in foreign direct
investment takes place. Finally, some of the early studies did not include factors, other
than political risk, as explanatory variables of foreign direct investmentÊÈ.9
Chase, Kuhle et Walther10 croient de leur c™tŽ que les dŽterminants
Žconomiques jouent un r™le plus important dans la dŽcision dÕinvestir ˆ lÕŽtranger que
les dŽterminants politiques. NŽanmoins, ils tentent de trouver une variable qui
pourrait mesurer correctement le risque politique. Ils cherchent donc ˆ tester lÕutilitŽ
de certains indices de risque politique (ÇÊpolitical risk indexÊÈ) offerts par quelques
organismes. Ils ne sont toutefois pas arrivŽs ˆ dŽmontrer que le retour sur
investissement dans le cas des IDƒ est plus ŽlevŽ dans les cas o• les pays prŽsentent
un risque politique ŽlevŽ selon les indices de ces organismes. Le risque politique ne
serait donc pas, selon leur analyse, liŽ ˆ la prime de risque. Il sÕagit lˆ dÕune analyse
intŽressante car elle ne sÕattarde pas ˆ la valeur des investissements mais plut™t au
lien entre le risque politique et la prime de risque. Leur Žtude am•ne ˆ croire que
lÕinvestisseur Žtranger ne re•oit pas un rendement supŽrieur lorsquÕil y a risque
politique dans un pays. Cela solidifie lÕhypoth•se soutenue par la plupart des auteurs
en finance internationaleÊ: ÇÊthe decision process to invest abroad is fundamentally not
different from the decision process to invest domesticallyÊÈ.11 Il sÕagit ici dÕun ŽlŽment
tout ˆ fait important qui sera ˆ la base de la construction de notre mod•le sur le
comportement des investisseurs nationaux et Žtrangers en prŽsence dÕun risque
Ibid., p.18.
Ibid.
10 C.D. Chase, J.L. Kuhle et C.H. Walther (1988), ÇÊThe Relevance of Political Risk in Direct Foreign
InvestmentÊÈ, Management International Review, Vol. 28, no.3.
11 Ibid., p.31-32.
8
9
11
politique causŽ par la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste ˆ lÕintŽrieur dÕune
Žconomie dŽveloppŽe et libre-Žchangiste.
En outre, la mesure du risque politique reprŽsente une difficultŽ pour toute
analyse traitant de la problŽmatique. SÕil est possible, comme nous le verrons, de
dŽfinir cette variable, il en va autrement lorsque vient le temps de la mesurer parce
que le risque politique repose sur de nombreux facteurs qualitatifs. On a vu plus t™t
que Lizondo a soulevŽ ce probl•me de mesure alors quÕil tentait dÕexpliquer les
diffŽrences entre les rŽsultats des certaines Žtudes. Il nÕest Žvidemment pas le seul ˆ
lÕavoir fait. Parmi eux, Lars H. Thunell le soulignait dŽjˆ dans les annŽes 70Ê:
ÇÊThe problem is, however, that even if the current political stability can be measured
and estimated, it is very hard how this will affect political stability in the future. This
means that it is extremely difficult to estimate political riskÊÈ.12
N ous
avons su Žviter ce probl•me dans la construction de notre mod•le
dÕanalyse. Il sÕagit lˆ dÕun aspect intŽressant du cadre mŽthodologique que nous
dŽveloppons. La mesure du risque politique (variable indŽpendante) nÕest pas
nŽcessaire ˆ lÕutilisation de ce mod•le.
2. Cadre mŽthodologique
2.1 DŽfinitions
Il serait important de clarifier d•s maintenant la signification de quelques
termes frŽquemment employŽs, ˆ tort, comme synonymes. ƒgalement, chacun de ces
concepts sont quelques fois dŽfinis de mani•res diffŽrentes selon les auteurs. Il devient
alors nŽcessaire dÕidentifier les dŽfinitions les mieux adaptŽes au cadre de notre
recherche. LÕemploi des termes utiles pour la suite de ce travail sera fait en rŽfŽrence ˆ
ces dŽfinitions.
12
Lars H. Thunell (1977), Political Risks in International Business, New York, Praeger Publishers, p.7-8.
12
2.1.1 Risque politique
Cette notion de risque politique est pour le moins vague. Elle renvoie, pour
plusieurs, ˆ des ŽvŽnements politiques prŽcis tels des coups dÕƒtat, des guerres, des
rŽvolutions, etc. En fait, une telle conception du risque politique est fort incompl•te et,
par consŽquent, peu utile. Le risque politique englobe une multitude de circonstances
et cÕest pourquoi ce concept est difficile ˆ dŽfinir de mani•re dŽtaillŽe et compl•te. Tous
les spŽcialistes sÕentendent cependant pour affirmer que le risque politique correspond
ˆ des Ç consŽquences indŽsirŽes dÕactivitŽs politiquesÊÈ.13
De fa•on simplifiŽe, du point de vue dÕun investisseur, le risque politique peut
•tre dŽfini comme une perte financi•re potentielle due ˆ un ŽvŽnement politique.14
Mais, il doit Žgalement •tre compris dÕune mani•re plus large. Bernard Marois dŽfinit le
risque politique comme ÇÊle risque ou la probabilitŽ de matŽrialisation dÕun sinistre,
rŽsultant du contexte Žconomique et politique dÕun ƒtatÊÈ.15 Selon lui, le sinistre peut
•tre causŽ par lÕimmobilisation dÕactifs (confiscation de biens, blocage de fonds,
moratoire ou rŽpudiation de dette), la perte dÕun marchŽ pour des raisons autres que
commerciales ou par une atteinte ˆ la sŽcuritŽ des personnes. En outre, en ce qui
concerne le contexte Žconomique et politique dÕun ƒtat, il peut sÕagir de mesures prises
par le gouvernement, dÕŽvŽnements internes tels que des Žmeutes ou une rŽvolution,
dÕŽvŽnements externes comme une guerre ou un boycott ou de situations particuli•res
telles quÕune inflation en forte croissance ou un surendettement extŽrieur.
13Hac•ne
Benmansour et Corinne, Vadcar (1995), Le risque politique dans le nouveau contexte
international, Paris, Dialogues ƒditions, p.15.
14Plusieurs Žtudes utilise cette simple dŽfinition (voir entre autres Hefferman (1985) ou Calverley (1989)).
Elle est incompl•te mais elle a lÕavantage dÕ•tre claire et tr•s facile ˆ utiliser. Nous prŽfŽrons toutefois une
dŽfinition Žlargie car le risque politique est un phŽnom•ne complexe qui ne touche pas seulement ˆ la
possibilitŽ dÕune perte financi•re.
15Bernard
Marois (1990), Le risque-pays, Paris, Presses universitaires de France, p.5.
13
Cette dŽfinition rejoint celle avancŽe par William H. Overholt. Ce dernier se place
cependant dans une perspective plus organisationnelle puisquÕil sÕintŽresse
particuli•rement ˆ lÕŽvaluation du risque politique et aux mŽthodes permettant dÕy
arriver. Cela le pousse ˆ adopter une dŽfinition Žlargie. Selon lui, la possibilitŽ quÕun
ŽvŽnement de nature politique gŽn•re une perte de propriŽtŽ pour une organisation,
force celle-ci, contre son grŽ, ˆ une rŽorganisation, menace ses intŽr•ts et la sŽcuritŽ
de ses employŽs ou que cet ŽvŽnement risque de lui faire perdre un marchŽ de
consommateurs reprŽsente Žgalement un risque politique.
ÇÊAn organisation suffers if it loses some of its ownership, if it is forced to re-organise in
undersired ways, if its employees or their interests are injured, if it cannot import the
necessary technology or export capital, or if it loses custumers for political reasons. Such
events can affect the flow of funds or not, but in either case the organisation suffers ; the
possibility of such damage is political riskÊÈ.16
Le risque est dans ce cas-ci, comme pour Marois, dŽfini comme la probabilitŽ
dÕun sinistre (ÇÊdamageÊÈ). Dans la construction de notre cadre dÕanalyse, nous
adopterons une perspective identique.
Au QuŽbec, la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste doit •tre considŽrŽe
comme un risque car il entretient la probabilitŽ dÕune Žventuelle indŽpendance. Il
entretient Žgalement de lÕincertitude qui, comme nous le verrons, est une constituante
du risque.
2.1.2 Incertitude politique
Le risque nÕest pas aisŽment mesurable17. Ainsi, nous sommes amenŽs ˆ parler
dÕincertitude. LÕincertitude doit •tre distinguŽe du risque ; elle reprŽsente le degrŽ de
doute dans lÕŽvaluation dÕun risque.18
16
William H. Overholt (1982), Political Risk, London, Euromoney Publications, p.15.
risque correspond ˆ la variabilitŽ du rendement dÕun actif par rapport ˆ son rendement espŽrŽ.
Lars H. Thunell (1977), op.cit., p.4.
17Le
18
Par consŽquent, elle diminue avec les
14
connaissances qui sont acquises sur les composantes de ce risque. ÇÊWhen the
international manager makes a judgment of an uncertain political event in a host country
he thereby converts a political uncertainty in political riskÊÈ.19 LÕincertitude est donc la
part non mesurable du risque mais, elle demeure tout de m•me une composante du
risque. Elle est alimentŽe par lÕimprŽvisibilitŽ de facteurs souvent qualitatifs. Dans le
cas qui nous intŽresse, la possibilitŽ pour le QuŽbec dÕaccŽder ˆ lÕindŽpendance gŽn•re
passablement dÕimprŽvisibilitŽ face ˆ lÕavenir. Le partage des actifs et des passifs du
gouvernement fŽdŽral, aux choix monŽtaires quÕeffectuerait un QuŽbec indŽpendant, ˆ
lÕadhŽsion du QuŽbec comme pays membre de lÕALENA, aux futures relations
politiques et Žconomiques entre le QuŽbec et la Canada, ˆ la rŽaction des marchŽs
Žtrangers et ˆ ses effets sur le dollar canadien et les taux dÕintŽr•t, ˆ la possibilitŽ de
conflits sociaux, aux questions entourant lÕintŽgralitŽ du territoire figurent parmi les
sujets imprŽvisibles. Bien entendu, plusieurs affirment que tout devrait •tre rŽglŽ
rapidement et Žquitablement20 mais, lorsque de gros montants dÕargent sont en jeu,
certains semblent (et avec raison) tr•s sensible face ˆ une situation pour le moins
incertaine. LÕincertitude explique donc le comportement ÇÊdŽfensifÊÈ quÕadopte les
investisseurs face au risque politique.21
2.2 Mod•le d'analyse
2.2.1 LÕinvestissement et la dŽcision dÕinvestir
LÕinvestissement est sans doute le comportement le moins bien expliquŽ par la
thŽorie Žconomique. En effet, la notion dÕinvestissement est difficile ˆ apprŽhender en
raison des multiples dimensions quÕelle recouvre. La problŽmatique de lÕinvestissement
Franklin R. Root (1972), ÇÊAnalysing Political Risk in International BusinessÊÈ dans A. Kappor et Phillip
Grub (Žd.) Multinational Enterprise in TransitionÊ: Selected Readings and Essays, DŽtroit, Darwin Press.
Repris Žgalement dans Thunell (1977), p.5.
20 Voir Commission sur lÕavenir politique et constitutionnel du QuŽbec (1991), op.cit., Young (1995), op.cit.
ainsi que Freeman et Grady, op.cit.
19
15
diff•re selon le secteur dÕactivitŽs, la taille et la structure de lÕentreprise, la nature et la
durŽe de vie dÕun projet, etc. Sans entrer dans les dŽtails, ajoutons que la notion
dÕinvestissement varie selon quelle soit abordŽe par lÕŽconomiste, le comptable, le
gestionnaire ou encore le strat•ge. LÕanalyse devient complexe car lÕinvestissement
nÕest pas quÕun acte Žconomique, comptable ou stratŽgique. CÕest tout cela ˆ la fois. Il
est impossible de dissocier les dŽcisions stratŽgiques et les dŽcisions dÕinvestissement.
Aussi, ˆ tout investissement correspond un cožt financier.
Notre mod•le sert ˆ expliquer et ˆ interprŽter les Žcarts entre le comportement
des investisseurs nationaux et internationaux face ˆ une situation de risque politique
liŽe ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste. Nous souhaitons Žviter la
complexitŽ gŽnŽralement liŽe ˆ la problŽmatique de lÕinvestissement et du
comportement des investisseurs en lÕabordant dÕun point de vue agrŽgŽ et en adoptant
une perspective comparative. Ainsi, il devient possible dÕignorer tous les aspects
spŽcifiques ˆ chaque investissement. Nous dŽvelopperons ceci un peu plus loin.
DÕabord, il est nŽcessaire de prŽsenter bri•vement divers ŽlŽments thŽoriques liŽs ˆ
lÕinvestissement et ˆ la dŽcision dÕinvestir.
La prise de dŽcision en mati•re dÕinvestissement se fonde principalement sur
deux objectifsÊ: la maximisation du rendement (sur la pŽriode considŽrŽe) et la
minimisation du risque. Il y a recherche dÕŽquilibre entre ces deux objectifs. Selon une
perspective microŽconomique, pour chaque investisseur, la dŽcision dÕinvestir
dŽpendra du rendement anticipŽ (expected return) par celui-ci et de son degrŽ
dÕaversion (ou de tolŽrance) au risque (risk aversion ou risk tolerance). Ainsi, lÕindividu
ayant une forte aversion au risque sera moins enclin ˆ investir dans un projet
21
Bernard Marois (1990), op.cit., p.7.
16
comportant un fort degrŽ de risque m•me si cet investissement promet un rendement
plus ŽlevŽ. En dÕautres termes, plus un investissement est considŽrŽ risquŽ par
lÕinvestisseur, plus celui-ci exige un rendement ŽlevŽ. CÕest ce quÕon appelle le riskreturn trade-off.22 ÇÊInvestors face a trade-off between risk and expected returns.
Historical data confirm our intuition that assets with low degrees of risk provide lower
returns on average than those of higher riskÊÈ.23 Le risque dont il est question ici est le
risque liŽ strictement ˆ lÕinvestissement lui-m•me, du fait que les bŽnŽfices sont futurs
et donc incertains. Il ne faut pas confondre celui-ci avec le risque politique liŽ ˆ la
prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste qui est, lui, exog•ne.
Le temps et le risque reprŽsentent donc des ŽlŽments de premi•re importance
lorsque lÕon traite de lÕinvestissement. Au sens large, lÕinvestissement implique un
sacrifice prŽsent dans le but de soutirer un bŽnŽfice futur. Le sacrifice est connu. Le
bŽnŽfice est futur et, du coup, incertain. Le rendement correspond grossi•rement au
prix de la patience de lÕinvestisseur. Le risque tient de la relative mŽconnaissance visˆ-vis de lÕavenir, m•me rapprochŽ. En plus du temps et du risque, Avinash Dixit et
Robert Pindyck attribuent une troisi•me caractŽristique ˆ lÕinvestissementÊ: son
irrŽversibilitŽ (totale ou partielle). Une dŽpense dÕinvestissement doit •tre considŽrŽe,
au moins partiellement, comme un ÇÊcožt perduÊÈ, un sunk cost.24
Au niveau microŽconomique, chaque investissement est le rŽsultat dÕune
dŽcision de lÕinvestisseur. ThŽoriciens et praticiens sÕefforcent tant bien que mal ˆ
modŽliser ce processus dŽcisionnel en tentant de dŽfinir des choix optimaux en la
22 Zvi Bodie, Alex Kane et Alan J. Marcus (1998), Essentials of Investments, McGraw-Hill, 3• Ždition,
pp.137-161.
23 Ibid., p.160.
24 Avinash K. Dixit et Robert S. Pindynk (1994), Investment under Uncertainty, Princeton University Press,
p.135.
17
mati•re (calcul de la valeur actualisŽe nette (VAN), du dŽlai de rŽcupŽration, etc.). Au
niveau macroŽconomique, on recherche plut™t ˆ lier lÕinvestissement ˆ dÕautres
variables comme la croissance Žconomique, le niveau dÕemploi, les cožts salariaux, les
taux dÕintŽr•t ou la fiscalitŽ.25 Mais, force est de constater que la t‰che est ardue.
Daniel Fixari explique bien cette situation.
ÇÊCes deux approches microŽconomique et macroŽconomique se heurtent, sur le plan
thŽorique, ˆ la difficultŽ de prendre en compte lÕaspect majeur de lÕinvestissement
quÕest le pari sur lÕavenir quÕil constitue. Comment rationaliser un comportement face
au risque ou simplement le dŽcrire, d•s lors quÕen Žconomie on nÕest pas simplement
confrontŽ ˆ de lÕalŽatoire (du type pile ou face), mais ˆ de lÕincertitude, o•, ˆ priori, rien
nÕest probabilisable ? Une autre difficultŽ est que lÕon sait mal comment les entreprises
choisissent en pratique leurs investissements. Si le flair du dirigeant, ses anticipations
et son gožt du risque entrent en jeu, ce ne sont pas les seuls facteur. Les entreprises
ont Žgalement des mŽthodologies de calcul pour guider leur choix, effectuer un tri
prŽalable dans les projets soumis ensuite ˆ lÕarbitrage du sommet. Les calculs
Žconomiques qui y sont menŽs, qui peuvent entretenir des rapports proches ou
lointains avec ceux prŽconisŽs par la thŽorie, diff•rent dÕune entreprise ˆ lÕautre, et
Žvoluent au fil du tempsÊÈ.26
Il est possible dÕŽtablir une typologie des investisseurs. Bodie, Kane et Marcus
identifient six principales catŽgories dÕinvestisseursÊ: les investisseurs individuels, les
investisseurs professionnels (trusts personnels et fonds mutuels), les fonds de pension,
les compagnies dÕassurance-vie, les autres compagnies dÕassurance et les banques.27
Ces distinctions sont importantes car les objectifs (en termes de rendements exigŽs par
rapport ˆ la tolŽrance au risque) et les contraintes varient dÕun type dÕinvestisseurs ˆ
un autre. Parmi ces contraintes liŽes ˆ lÕinvestissement, les m•mes auteurs soulignent
la liquiditŽ, lÕhorizon temporel, la lŽgislation (sans oublier les contraintes imposŽes par
la loi aux investisseurs institutionnels), les considŽrations fiscales et les besoins
spŽcifiques (liŽs par exemple ˆ lÕ‰ge, ˆ la santŽ, ˆ des considŽrations Žthiques, etc.).28
Cela complexifie Žvidemment toute tentative de thŽorisation du processus dŽcisionnel
des investisseurs dans une perspective microŽconomique ou individuelle. CÕest
25
26
27
28
Daniel Fixari (1995), MŽthodologie de lÕinvestissement dans lÕentreprise, ƒditions La DŽcouverte, p.3.
Ibid.
Zvi Bodie, Alex Kane et Alan J. Marcus (1998), op.cit., pp.114-118.
Ibid., pp.118-121.
18
pourquoi nous ne cherchons pas ˆ adopter une telle perspective ni ˆ comprendre
spŽcifiquement la dŽcision dÕinvestir. Nous cherchons plut™t ˆ comprendre le
comportement diffŽrenciŽ des investisseurs nationaux et internationaux au QuŽbec ˆ
partir dÕobservations empiriques. En fait, nous allons le voir, il ne devrait pas, en
principe, exister dÕŽcart entre lÕinvestissement canadien et lÕinvestissement Žtranger
rŽalisŽ au QuŽbec; la part du QuŽbec dans le portefeuille dÕinvestissements faits au
Canada par ces deux groupes dÕinvestisseurs devraient thŽoriquement •tre la m•me. Il
en va de m•me en ce qui concerne les cotes attribuŽes au titres ˆ long terme du
gouvernement du QuŽbec par les agences de notation nationales et internationales. Au
sections 4 et 5, nous procŽderons ˆ une prŽsentation de nos observations. Nous
vŽrifierons quÕelles rŽv•lent des Žcarts. Nous essayons donc, par la construction dÕun
mod•le dÕanalyse, dÕŽtablir une grille de lecture pour interprŽter ces Žcarts. Ë partir de
cette grille de lecture, il nous sera possible dÕexpliquer ces Žcarts par lÕopinion politique
de lÕinvestisseur canadien, par sa plus grande sensibilitŽ vis-ˆ-vis de facteurs
politiques.
Rapidement, il serait maintenant important de discuter du lien entre
mondialisation et investissement. Cela permettra de justifier et de valider la distinction
faite entre investisseurs nationaux et internationaux. Nous verrons que, selon une
lecture Žconomique, lÕinvestissement canadien et Žtranger fait au QuŽbec devrait •tre
similaire (ou tendre ˆ lÕ•tre) en proportion de lÕinvestissement fait au Canada.
2.2.2 Mondialisation et investissement
Les fronti•res nationales font de moins en moins obstacles aux mouvements de
capitaux. Les espaces Žconomiques sÕint•grent et lÕinterdŽpendance sÕaccro”t ˆ un
rythme graduel mais sžr. Kinichi Ohmae soutient m•me quÕil est devenu absurde de
19
tenter de comprendre lÕŽconomie mondiale selon une cartographie ÇÊonusienneÊÈ.29
Certes, cet auteur adopte un point de vue extr•me pour ne pas dire extrŽmiste, mais,
en ce qui concerne les mouvements de capitaux et lÕinvestissement, son analyse nÕest
certainement pas dŽpourvue de sens. ÇÊInvestment is no longer geographically
constrainedÊÈ.30 Pour un AmŽricain, par exemple, il est dŽsormais aussi facile, dÕun
strict point de vue Žconomique du moins, dÕinvestir en Pennsylvanie quÕau Manitoba.
Selon Ohmae, tout est une question dÕopportunitŽ. Les opportunitŽs dÕinvestissement
dans le monde ne se trouvent pas nŽcessairement o• lÕargent se trouve
gŽographiquement. CÕest pourquoi une multitude de mŽcanismes ont ŽtŽ dŽveloppŽs
afin que les capitaux puissent sÕaffranchir des fronti•res nationales. Alan Greenspan,
prŽsident de la Banque fŽdŽrale amŽricaine, rejoint Ohmae sur ce point.
ÇÊAs a result of very rapid increases in telecommunications and computer-based
technologies and products, a dramatic expansion in cross-border financial flows and
within the countries has emerged. (É) These technology-based developments have so
expanded the breadth and depth of markets that governments, even reluctant ones,
increasingly have felt they have little alternative but to deregulate and free up internal
credit and financial maketsÊ(É) Complex financial instruments Ð derivated instuments,
in one form or another Ð are being developed to take advantage of the gains in
communications and information technologyÊÈ.31
De plus, les accords inter-Žtatiques tels que lÕALENA ou encore lÕUnion
europŽenne favorisent une libre-circulation des capitaux sur les territoires des ƒtats
signataires. Cependant, comme lÕindique Hanson, la longue histoire des Žchanges
canado-amŽricain rend tr•s difficile lÕidentification dÕun quelconque impact de lÕAccord
de libre-Žchange canado-amŽricain entrŽ en vigueur en 1989 ou de lÕALENA (1994) sur
la localisation de lÕindustrie au Canada.
Kinichi Ohmae (1995), The End of Nation State, Harper Collins Publishers. Dans cet ouvrage, lÕauteur
essaie de dŽmontrer la non pertinence de lÕƒtat-nation comme unitŽ dÕanalyse dans lÕŽtude des relations
Žconomiques internationales. En effet, il prŽtend que lÕƒtat-nation nÕa plus de contr™le sur les quatre
fondements de la ÇÊnouvelle Žconomie mondialeÊÈ, les 4 IÊ: lÕInformation, lÕIndustrie, lÕIndividu et
lÕInvestissement. Ce livre a ŽtŽ traduit en fran•ais sous le titre De lÕƒtat-nation aux ƒtats-rŽgions.
29
30
Ibid., p.2-3.
20
ÇÊThough the Canada-USA free-trade agreement was passed in 1989, the United States
has exerted a strong pull on Canadian industry for more than a century. Perhaps for this
reason, there has been little empirical work on how changes in Canadian economy trade
policy have influenced industry location in the countryÊÈ.32
Maintenant que nous avons su montrer que le comportement dÕun investisseur
ne devrait pas en thŽorie •tre altŽrer par son origine nationale Ð ce nÕest pas difficile et
cÕest pourquoi il nÕest pas nŽcessaire dÕen traiter davantage Ð, nous souhaitons nous
attarder aux aspects thŽoriques touchant la localisation de lÕinvestissement.
2.2.3 Investissement et gŽographie (localisation)
LÕactivitŽ Žconomique est inŽgalement ÇÊdistribuŽeÊÈ entre les pays du monde et
entre les rŽgions dÕun m•me pays. Ce constat pousse Žvidemment plusieurs
chercheurs ˆ tenter dÕŽtablir un lien entre gŽographie et Žconomie. Les ÇÊthŽories de la
localisationÊÈ peuvent nous aider ˆ expliquer la distribution gŽographique de
lÕinvestissement. Si lÕexplication par les ÇÊavantages comparatifsÊÈ et la proximitŽ du
marchŽ est utile, elle reste insatisfaisante. Une prŽsentation des principales approches
thŽoriques sur la localisation devient alors nŽcessaire pour nous permettre dÕidentifier
quelques dŽterminants de lÕinvestissement au QuŽbec.
Marius BrŸlhart proc•de ˆ une catŽgorisation des thŽories de la localisation en
distinguant trois grandes ŽcolesÊthŽoriques : la thŽorie nŽo-classique (neo-classical
theory (NCT)), la nouvelle thŽorie des Žchanges (new trade theory (NTT)) et la nouvelle
gŽographie Žconomic (new geographic economy (NEG)).33 Parce que tel nÕest pas
lÕobjectif de la prŽsente recherche, nous ne prŽsenterons pas en profondeur chacune
Alan Greenspan (1998), ÇÊThe Globalization of FinanceÊÈ, The Cato Journal, vol. 17, no. 3. Extraits dÕune
allocution prŽsentŽe ˆ la Cato InstituteÕs 15th Annual Monetary Conference le 14 octobre 1997. (Obtenu sur
le Web ˆ lÕadresse suivanteÊ: http://www.cato.org/pubs/journal/cj17n3-1.html).
32 Gordon H. Hanson (1998), ÇÊNorth American Economic Integration and Industry LocationÊÈ, Oxford
Review of Economic Policy, vol.14, no.2., p.35.
33 Marius BrŸlhart (1998), ÇÊEconomic Geography, Industry Location and TradeÊ: The EvidenceÊÈ, The
World Economy, vol.21, no.6, aožt, pp.775-801.
31
21
de ces approches.34 Nous sommes essentiellement intŽressŽs par les dŽterminants de
lÕinvestissement et de la distribution gŽographique de celui-ci. Les Žcoles thŽoriques
mettent lÕaccent sur diffŽrents dŽterminants en fonction de caractŽristiques propres
(hypoth•ses thŽoriques ou postulats) ˆ celles-ci. BrŸlhart prŽsente clairement ces
caractŽristiques ˆ lÕintŽrieur dÕun tableau que nous reprenons ici. Ensuite, nous
pourrons nous concentrer sur les dŽterminants et poursuivre la construction de notre
mod•le dÕanalyse.
ThŽorie nŽo-classique
Structure du marchŽ
DŽterminants de
localisation
Localisation de
lÕindustrie
Nouvelle thŽorie des
Žchanges
Parfaitement
Concurrence
concurrentiel
monopolistique
DiffŽrences
DegrŽ des
technologiques
rendements
Dotation en
croissants
ressources naturelles SubstituabilitŽ des
Dotations et
produits diffŽrenciŽs
intensitŽs factorielles Taille du marchŽ
intŽrieur
-
Structure dÕŽchanges
Distribution globale
de lÕactivitŽ
Žconomique
(travailleurs)
dŽterminŽs par une
dotation donnŽe
SpŽcialisation interindustrielle
ƒquilibre unique
ƒchanges interindustriels
SourceÊ: Marius BrŸlhart (1998)
-
-
Distribution globale
de lÕactivitŽ
Žconomique
(travailleurs)
dŽterminŽe de
mani•re exog•ne
SpŽcialisation inter
et intra-industrielle
ƒquilibre unique
ƒchanges inter et intraindustriels
Nouvelle gŽographie
Žconomique
Concurrence
monopolistique
ExternalitŽs
pŽcuniaires (bassin
de main-dÕÏuvre,
relations inputoutput, etc.)
ExternalitŽs
technologiques
Cožts de transaction
Distribution globale
endog•ne de lÕactivitŽ
Žconomique
(travailleurs)
Forces centrip•des
de lÕagglomŽration
SpŽcialisation inter
et intra-industrielle
ƒquilibre multiple
ÇÊu-curveÊÈ
ƒchanges inter et intraindustriels
Les dŽterminants de la localisation varient dÕune Žcole ˆ lÕautre. Mais notre
objectif nÕest pas de sÕattarder ˆ ces diffŽrences car lˆ ne rŽside pas lÕexplication du
comportement diffŽrenciŽ des investisseurs nationaux et internationaux au QuŽbec. Il
est plut™t de comprendre lÕinvestissement ÇÊlocalisŽÊÈ au QuŽbec en adoptant un angle
dÕanalyse bien spŽcifique. La prŽsentation de la thŽorie de la localisation nous a permis
de faire ressortir les facteurs fondamentaux qui dŽterminent ÇÊspatialementÊÈ
lÕinvestissement. On pourrait bien sžr tenter dÕappliquer tout cela au cas du QuŽbec.
Pour cela, nous renvoyons le lecteur intŽressŽ ˆ M. Fujita, Paul Krugman et A Venables (1998), The
Spatial EconomyÊ: Cities, Regions and International Trade, MIT Press.
34
22
Cependant, ce type de thŽorie a le dŽfaut dÕ•tre prŽsentŽe de mani•re trop gŽnŽrale et
elle devient ainsi difficilement applicable.35 CÕest lˆ un des probl•mes majeurs pour
toute analyse portant sur lÕinvestissementÊ: lÕinvestissement est le rŽsultat dÕune
dŽcision et que le processus dŽcisionnel menant ˆ lÕaction dÕinvestir est difficilement
gŽnŽralisable car particulier ˆ chacun. CÕest exactement ici quÕappara”t la pertinence
de ce mŽmoire de ma”trise et de lÕintention de dŽvelopper un cadre dÕanalyse nouveau.
En effet, en nous intŽressant ˆ des groupes dÕinvestisseurs, il est possible dÕignorer les
ÇÊparticularitŽs dŽcisionnellesÊÈ et, en utilisant la comparaison (entre chaque groupe
dÕinvestisseurs), dÕŽviter de sombrer dans la trop grande gŽnŽralisation associŽe ˆ la
thŽorie de la localisation. Ainsi, nous sommes autorisŽs ˆ tenter dÕexpliquer
lÕinvestissement au QuŽbec ˆ partir dÕune variable nouvelleÊ: lÕopinion politique. Car il
est nŽcessaire de le rappeler, nous ne souhaitons pas expliquer le comportement
individuel de lÕinvestisseur vis-ˆ-vis du QuŽbec ni expliquer la distribution canadienne
de lÕinvestissement. Nous cherchons simplement ˆ comprendre pourquoi la part
quŽbŽcoise est plus petite dans le portefeuille dÕinvestissements canadien des
investisseurs nationaux par rapport ˆ celui des investisseurs internationaux. De
m•me, nous cherchons ˆ comprendre pourquoi les cotes attribuŽes aux titres de
crŽance du gouvernement du QuŽbec sont plus faibles lorsque les agences de notation
de crŽdit sont nationales.36 Notre mod•le dÕanalyse sÕins•re donc entre la thŽorie de la
prise de dŽcision en mati•re dÕinvestissement et la thŽorie de la localisation. Voyons
maintenant de fa•on plus prŽcise ce mod•le dÕanalyse.
35
36
Marius BrŸlhart (1998), op.cit., p.779.
Ces hypoth•se seront vŽrifier (ou infirmer) aux sections 4 et 5.
23
2.2.4 Conditions du mod•le
Premi•rement, nous distinguons deux groupes dÕinvestisseurs au QuŽbec.
DÕabord, il y a les investisseurs nationaux, cÕest-ˆ-dire les investisseurs canadiens (ce
qui inclut les investisseurs quŽbŽcois). Ces derniers sont touchŽs, voire m•me
impliquŽs dans le dŽbat sur lÕindŽpendance. Leur ÇÊallŽgeance nationaleÊÈ les conduit ˆ
entretenir une opinion politique sur la question nationale, sur la prŽsence dÕun
mouvement indŽpendantiste au QuŽbec.37 Ils sont tr•s majoritairement opposŽs ˆ tout
projet dÕindŽpendance qui conduirait ˆ une sŽcession entre le QuŽbec et le Canada.
Ensuite, il y a les investisseurs internationaux, cÕest-ˆ-dire les investisseurs
Žtrangers qui, a priori, ne sont aucunement touchŽs par le dŽbat. Nous savons que
tout ce qui diffŽrencie les investisseurs canadiens des investisseurs Žtrangers, cÕest
leur nationalitŽ (et donc leur opinion politique). Les premiers sont plus sensibles ˆ la
prŽsence dÕun mouvement remettant en question lÕintŽgritŽ politique et territoriale au
Canada.
Deuxi•mement, la dŽcision dÕinvestir est liŽe ˆ des objectifs (risk-return tradeoff) et ˆ des contraintes (liquiditŽ, horizon temporel, lŽgislation, considŽrations fiscales
et besoins spŽcifiques). Ces objectifs et ces contraintes sont propres ˆ chaque
investisseurs et ˆ chaque projet dÕinvestissement. Il devient alors difficile dÕy aller de
gŽnŽralisations. Mais nous ne nous intŽressons pas quÕˆ la dŽcision dÕinvestir mais
surtout ˆ lÕinvestissement. La taille de nos Žchantillons (investisseurs nationaux et
investisseurs internationaux) nous permet de poser comme Žquivalents les objectifs et
Nous sommes amenŽs ˆ parler dÕindŽpendantisme et non simplement de nationalisme car de nombreux
QuŽbŽcois (dont lÕun des deux principaux partis politiques) sont indŽpendantistes en ce sens quÕils
souhaitent la souverainetŽ du QuŽbec. Il ne sÕagit pas donc pas uniquement de nationalisme, ce qui, par
ailleurs, en termes de risque politique, susciterait moins de crainte. Autrement dit, cÕest
lÕindŽpendantisme qui am•ne ˆ parler de risque politique tel quÕon lÕa vu.
37
24
les contraintes dÕinvestissement de chaque groupe dÕinvestisseurs. Nous nous
intŽressons au comportement dÕagrŽgats dÕinvestisseurs en fonction de montants
totaux dÕinvestissements et non pas ˆ des comportements individuels dÕinvestisseurs
canadiens ou Žtrangers ni ˆ des projets dÕinvestissement spŽcifiques. CÕest pourquoi
nous nous sommes aussi intŽressŽs ˆ la thŽorie de la localisation car elle nous fournit
des ŽlŽments propres ˆ comprendre ce qui dŽtermine lÕinvestissement au QuŽbec. Ces
dŽterminants doivent •tre compris dÕune mani•re large et englobante car ils ne
sÕappliquent pas ˆ diffŽrents investisseurs mais ˆ diffŽrentes rŽgions. La thŽorie ne
distingue pas les investisseurs selon leur nationalitŽ. La localisation au QuŽbec des
investissements canadiens et Žtrangers est dŽterminŽe par les m•mes variables, m•me
si celles-ci peuvent varier selon que lÕon adopte telle ou telle approche thŽorique.
LÕenvironnement Žconomique et lŽgal que reprŽsente le QuŽbec est le m•me pour
chaque groupe dÕinvestisseurs. En effet, les ÇÊfondamentaux ŽconomiquesÊÈ tels que le
niveau du produit intŽrieur brut et le taux de variation de celui-ci, le niveau dÕinflation,
les taux dÕintŽr•t, le revenu par habitant, les finances publiques et la balance des
paiements, la qualitŽ de la main-dÕÏuvre, le niveau technologique ou la taille du
marchŽ existent objectivement, cÕest-ˆ-dire quÕelles touchent tout le monde de la m•me
fa•on. Il en va de m•me en ce qui concerne les ÇÊfondamentaux lŽgauxÊÈ tels que la
fiscalitŽ et les diverses rŽglementations et lŽgislations (travail, environnement, etc.) Les
investisseurs au QuŽbec sont soumis aux m•mes contraintes lŽgales et rŽglementaires
selon quÕils soient canadiens ou Žtrangers (nous nous situons toujours au niveau
agrŽgŽ et, donc, nous nÕavons pas ˆ nous soucier dÕŽlŽments tels que le secteur
dÕactivitŽs ou la valeur de lÕinvestissement).
25
LÕinvestissement est donc fonction dÕun environnement Žconomique et lŽgal. Ces
variables Žconomiques et lŽgales (VEL) sont les m•mes pour les deux groupes
dÕinvestisseurs que nous distinguons. LÕinterprŽtation de ces variables doit Žgalement
•tre la m•me pour les deux groupes puisque quÕelle ne peut •tre fondŽe que sur des
crit•res dÕŽvaluation objectifs. LÕŽcart entre lÕinvestissement canadien et Žtranger au
QuŽbec ne peut donc •tre expliquŽ par ces variables ou par une diffŽrence
dÕinterprŽtation de celles-ci.
Conscients du caract•re polŽmique que pourrait rev•tir une intention de
recherche comme la n™tre, il nous fallait •tre prudent et conservateur dans notre
dŽmarche. Le lecteur attentif lÕaura compris. Cela a pour but de solidifier lÕanalyse et
de lui confŽrer une certaine crŽdibilitŽ. En effet, lÕhypoth•se de lÕobjectivitŽ des
ÇÊfondamentaux lŽgauxÊÈ a pour effet de favoriser les investisseurs nationaux en
quelque sorte. Par exemple, la loi imposant le fran•ais comme langue de travail au
QuŽbec touche moins les investisseurs nationaux ˆ environ 23% francophones
(QuŽbŽcois). Les investisseurs Žtrangers, en grande majoritŽ AmŽricains, pourraient
•tre plus rŽfractaires ˆ investir au QuŽbec en raison dÕune telle loi. Notre analyse
introduit donc un biais favorable aux investisseurs canadiens par rapport aux
investisseurs Žtrangers. Donc si nous arrivons ˆ dŽmontrer que les investisseurs
nationaux investissent moins au QuŽbec en proportion de leurs investissements
rŽalisŽs au Canada que les investisseurs internationaux, ce sera malgrŽ ce ÇÊtraitement
de faveurÊÈ. Par analogie, en prenant lÕexemple dÕune course sur 100 m•tres, cÕest un
peu comme si on donnait quelques m•tres dÕavance aux investisseurs canadiens. Par
prudence et par conservatisme, nous nÕavons Žgalement fait aucune mention de la
ÇÊspŽcificitŽÊquŽbŽcoiseÊÈ en AmŽrique du Nord en tant que sociŽtŽ de langue et de
26
culture fran•aise et rŽgit par un syst•me de droit civil. Il sÕagit, pour les m•mes raisons
quÕexposŽes prŽcŽdemment, dÕun autre biais favorable aux investisseurs canadiens.
Troisi•mement, en raison de la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste, en
plus des variables Žconomiques, lÕinvestissement au QuŽbec est Žgalement dŽterminŽ
par une autre variableÊ: le risque politique. Ici aussi, cette variable existe de mani•re
objective. Le risque politique existe ou nÕexiste pas. LorsquÕil existe, ce qui importe,
cÕest le comportement qui est adoptŽ vis-ˆ-vis celui-ci. LÕaccession du QuŽbec ˆ la
souverainetŽ entra”nerait dÕŽnormes changements politiques et institutionnels, ce qui
est tout ˆ fait exceptionnel. Devant cette ŽventualitŽ, les investisseurs adoptent
certainement des comportements diffŽrents de ceux quÕils adopteraient si elle nÕexistait
pas ou sÕil elle sÕavŽrait improbable.
Compte tenu de ce qui prŽc•de, toute diffŽrence de comportement entre les
investisseurs nationaux et internationaux vis-ˆ-vis le QuŽbec ne peut •tre expliquŽe
que par une diffŽrence de comportement (due ˆ une diffŽrence de perception ou
dÕattitude) face au risque politique prŽvalant dans cette province. En effet, puisque lÕon
suppose quÕils ont le m•me comportement vis-ˆ-vis les m•mes variables Žconomiques
et lŽgales38 et que le risque existe de la m•me fa•on pour les deux groupes
dÕinvestisseurs, tout ce qui peut varier, cÕest lÕattitude face ˆ ce risque. Cette attitude
ou ce comportement face au risque politique sera reprŽsentŽ par un coefficient de
comportement ˆ lÕintŽrieur de nos fonctions dÕinvestissement pour chaque type
dÕinvestisseurs. Le comportement face aux variables Žconomiques sera aussi
reprŽsentŽ par un coefficient mais celui-ci sera le m•me dans les deux cas
Fondant lÕanalyse sur le comportement dÕagrŽgats, il est permis de faire lÕhypoth•se de la rationalitŽ
dans lÕanalyse des environnements Žconomique et lŽgal. Ainsi, nous croyons quÕau niveau gŽnŽral, il nÕy a
pas de diffŽrence entre investisseurs nationaux et Žtrangers sur lÕinterprŽtation de ces environnements.
38
27
(investisseurs nationaux et internationaux). LÕencadrŽ suivant vise ˆ clarifier les
propos prŽcŽdents.
EncadrŽ 1Ê: PrŽsentation simplifiŽe du mod•le de comportement de lÕinvestisseur
au QuŽbec utilisŽ dans le cadre de cette recherche
1)
Nous distinguons deux groupes dÕinvestisseursÊ: les investisseurs nationaux et les investisseurs
internationaux.
2)
En mati•re dÕinvestissement, le QuŽbec reprŽsente un environnement Žconomique et un
environnement lŽgal. Ces environnements sont les m•mes pour chaque groupe dÕinvestisseurs et
lÕanalyse des variables Žconomiques et lŽgales (ÇÊfondamentaux ŽconomiquesÊÈ et ÇÊfondamentaux
lŽgauxÊÈ) est similaire pour les deux groupes.
3)
LÕinvestissement au QuŽbec est Žgalement fonction dÕune autre variableÊ: le risque politique. Le risque
existe ou nÕexiste pas. Ce qui importe, cÕest lÕattitude adoptŽe face ˆ celui-ci. Les investisseurs
nationaux, plus sensibles ˆ la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste, adoptent une attitude
diffŽrente de celle des investisseurs nationaux face ˆ ce risque. CÕest tout ce qui peu expliquer les
Žcarts de comportement dÕinvestisseur entre ces deux groupes qui devrait, autrement, •tre le m•me. 39
Le risque politique (RP), dans le cas qui nous intŽresse, reprŽsente la probabilitŽ que la souverainetŽ du
QuŽbec se rŽalise (RP=P*S). Puisque la probabilitŽ (P) varie dans le temps, le risque politique varie
Žgalement. Nous proposons une fonction dÕinvestissement tr•s simplifiŽe puisque, afin dÕisoler le
comportement des deux groupes dÕinvestisseurs face au risque politique, nous avons regroupŽ toutes les
autres variables.40 LÕutilisation dÕune approche plus mathŽmatique permet de faire appara”tre de fa•on
simple les relations entre ces variables.
RP=P*S
Risque politique = ProbabilitŽ (de la rŽalisation de la souverainetŽ)*RŽalisation de la souverainetŽ
o• 0< P <1 et S = 0 ou 1
IN = f (a*VEL,b*RP) fonction dÕinvestissement des investisseurs nationaux
II = g (a*VEL,c*RP) fonction dÕinvestissement des investisseurs internationaux
a est un coefficient de comportement par rapport aux variables Žconomiques (a est le m•me pour les deux
types dÕinvestisseurs)
b et c sont des coefficients de comportement (ou coefficient de sensibilitŽ) par rapport au risque politique.
Plus b et c sont ŽlevŽs, plus le comportement des investisseurs est influencŽ par le risque politique. Ainsi,
lÕhypoth•se de notre travail de recherche se rŽsume ˆ b>c (f>g apr•s transformations). Et, la relation entre
b et IN et II est inverse, cÕest-ˆ-dire que plus b augmente, plus IN et II diminue.
Voir Chase, Kuhle et Walther (1988), op.cit.
souci de simplification et de concision, nous avons nŽgligŽ de dŽmontrer les transformations
mathŽmatiques prŽalables aux fonctions dÕinvestissement prŽsentŽes ici. Celles-ci sont montrŽes sous une
forme tr•s simple afin de faciliter la comprŽhension. Ceci nous am•ne ˆ nŽgliger volontairement certaines
subtilitŽs mathŽmatiques qui ne feraient que complexifier inutilement notre propos sans amener
davantage dÕexplications.
39
40Par
28
3. Portrait de lÕŽconomie quŽbŽcoise depuis 1960
Il serait utile de tracer un portrait gŽnŽral de la situation Žconomique quŽbŽcoise
depuis 1960 afin de nous permettre de relativiser la suite de notre propos et de
solidifier notre analyse. La prŽsentation du contexte Žconomique quŽbŽcois dans une
perspective comparative et historique vise ˆ en faire ressortir certaines caractŽristiques
structurelles de lÕŽconomie quŽbŽcoise. Un tel exercice effectuŽ sur le long terme est
nŽcessaire pour comprendre la nature de lÕinvestissement au QuŽbec et lÕŽvolution de
celui-ci. Par ailleurs, nous pourrons ainsi sÕŽloigner du caract•re conjoncturel des
diverses fluctuations de certaines variables ou, du moins, dÕaccro”tre notre acuitŽ par
rapport aux diffŽrents cycles Žconomiques.
3.1 Produit intŽrieur brut (PIB)
Le produit intŽrieur brut est la mesure la plus utilisŽe pour mesurer la capacitŽ
Žconomique dÕune entitŽ. La valeur du PIB est en elle-m•me peu signifiante. En fait,
elle ne prend sens que lorsquÕelle est comparŽe, soit avec des valeurs passŽes, soit avec
la valeur du PIB dÕune autre entitŽ. Comme point de comparaison avec le QuŽbec,
nous allons utiliser lÕOntario. Cette autre province canadienne est relativement voisine
du QuŽbec, non seulement par sa proximitŽ gŽographique mais Žgalement par la
diversification de son Žconomie, la qualitŽ de sa main-dÕoeuvre, etc. Ces deux
provinces reprŽsentent plus de 60% de lÕŽconomie canadienne. En fait, lÕOntario est la
province avec laquelle il est le plus appropriŽ dÕeffectuer des comparaisons avec le
QuŽbec. Les cycles Žconomiques entre ces deux provinces, sans •tre identiques, se
ressemblent. Ceci est important dans une analyse comme la n™tre qui cherche, entre
autres, ˆ sŽparer le ÇÊstructurelÊÈ du ÇÊconjoncturelÊÈ. Il faut toutefois se garder
dÕexagŽrer lÕhomogŽnŽitŽ entre les Žconomies quŽbŽcoise et ontarienne, deux
Žconomies ayant un secteur industriel tr•s concentrŽ, principalement aux abords du
29
fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs, sur lÕaxe gŽnŽralement appelŽ lÕaxe QuŽbecWindsor, qui relie notamment les villes de MontrŽal et de Toronto. Michel No‘l rappelle
quÕil existe de fortes disparitŽs entre ces provinces du point de vue de la population
active, du chiffre dÕaffaires total des entreprises, de la productivitŽ, de la valeur
ajoutŽe, des principaux secteurs dÕactivitŽs et des emplois.41
Puisque lÕŽtendue de notre sŽrie chronologique nous permet de le faire, il serait
Žgalement intŽressant de mettre en relation le cycle Žconomique et le cycle politique.
On pourrait aisŽment •tre portŽ ˆ croire que lÕincertitude sÕaccro”t ˆ certains moments
du cycle Žlectoral depuis 1960. En effet, les annŽes correspondant ˆ lÕŽlection dÕun
gouvernement formŽ par le Parti quŽbŽcois devraient normalement avoir un effet sur
lÕincertitude. Il en va de m•me avec les annŽes rŽfŽrendaires. Dans le m•me ordre
dÕidŽes, il est permis de croire que lors dÕun retour au pouvoir du Parti libŽral,
lÕincertitude sÕattŽnue. Le tableau suivant prŽsente le cycle Žlectoral et rŽfŽrendaire
quŽbŽcois depuis 1960.
Tableau 1Ê: Le cycle Žlectoral et rŽfŽrendaire au QuŽbec depuis 1960
1960
1962
1966
1970
ƒlectionsÊ: le Parti libŽral du QuŽbec (PLQ) de Jean Lesage prend le pouvoir
ƒlectionsÊ: le PLQ est reportŽ au pouvoir
ƒlectionsÊ: lÕUnion nationale de Daniel Johnson reprend le pouvoir
ƒlectionsÊ: le PLQ de Robert Bourassa remporte (le Parti quŽbŽcois (PQ) arrive
second quant au nombre de voix obtenues)
ƒlectionsÊ: le PLQ conserve le pouvoir
ƒlectionsÊ: Le PQ dirigŽ par RenŽ LŽvesque prend le pouvoir
RŽfŽrendumÊ: OUIÊ: 40% ; NONÊ: 60%
ƒlectionsÊ: le PQ est reportŽ au pouvoir (avec promesse de ne pas tenir de
rŽfŽrendum sur la souverainetŽ)
ƒlectionsÊ: le PLQ encore une fois dirigŽ par Robert Bourassa reprend le pouvoir
ƒlectionsÊ: le PLQ est reportŽ au pouvoir
ƒlectionsÊ: le PQ de Jacques Parizeau reprend le pouvoir
RŽfŽrendumÊ: OUIÊ: 49% ; NONÊ: 51%
1973
1976
1980
1981
1985
1989
1994
1995
(En grasÊ: les moments les plus susceptibles dÕalimenter lÕincertitude)
Le graphique 1 montre que le PIB ontarien a, depuis 1961, ŽtŽ constamment
plus ŽlevŽ que le PIB quŽbŽcois. Bien que le PIB de chacune des provinces soit en
41Michel
No‘l (1996), Les rŽgions canadiennes dans lÕŽconomie mondiale, MontrŽal, LÕHarmattan, p.37-40.
30
croissance, on remarque que le PIB ontarien tend ˆ cro”tre plus rapidement que le PIB
quŽbŽcois et ce, d•s le commencement de la pŽriode retenue. Cette tendance sÕest
accentuŽe entre les annŽes 1982 et 1989, durant les annŽes prŽcŽdant la rŽcession du
dŽbut de la dŽcennie.
Graphique 1:PIB (en termes de dŽpenses) QuŽbec-Ontario
(en millions de $ courants)
QuŽbec
Ontario
1993
1989
1985
1981
1977
1973
1969
0
1965
150000
1961
PIB
300000
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627 et 2628
Il est difficile de rŽvŽler un quelconque ÇÊeffet dÕincertitudeÊÈ ˆ partir dÕune
analyse de ce graphique. Il est impossible dÕŽtablir des liens entre les cycles Žlectoral et
rŽfŽrendaire et les fluctuations du PIB. CÕest pourquoi nous allons maintenant porter
notre attention sur lÕŽcart entre les PIB quŽbŽcois et ontarien. Cette analyse plus fine
fera ressortir plus clairement les variations. LÕŽcart calculŽ est prŽsentŽ en
pourcentage du PIB quŽbŽcois pour nous permettre de relativiser cet Žcart tout en lui
donnant une signification mieux adaptŽe ˆ lÕanalyse.
31
Graphique 2: ƒcart PIB QuŽbec-Ontario
(en proportion du PIB quŽbŽcois)
90%
ƒcart
80%
70%
60%
1994
1991
1988
1985
1982
1979
1976
1973
1970
1967
1964
40%
1961
50%
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627 et 2628
On remarque que lÕŽcart entre les PIB quŽbŽcois et ontarien exprimŽ en
pourcentage du PIB quŽbŽcois est plus volatile. Apr•s sÕ•tre maintenu entre 55% et
60% entre 1961 et 1967, cet Žcart sÕest par la suite accentuŽ pour atteindre 71% en
1973. Il sÕest raffermi pour sÕŽtablir ˆ 59% en 1980. Il a ensuite repris une trajectoire
ascendante jusquÕen 1989 o• il a atteint 86%. Depuis le dŽbut de la prŽsente dŽcennie,
il sÕest maintenu entre 78% et 84%.
Accuser lÕincertitude politique pour expliquer les variations de cet Žcart serait
incorrect. En effet, les moments que nous avons identifiŽs comme potentiellement plus
incertains ou risquŽs (1976, 1980, 1994 et 1995 et la pŽriode dÕune ou deux annŽes
qui suit chacune de ces annŽes) ne se caractŽrisent pas par un accroissement
significatif de lÕŽcart. Au contraire, cet Žcart sÕest raffermi entre 1976 et 1980 et sÕest
relativement maintenu entre 1980 et 1983. Les pŽriodes o• cet Žcart sÕest accentuŽ le
32
plus correspondent ˆ des annŽes o• lÕUnion nationale42 et le Parti libŽral Žtaient au
pouvoir (sauf entre 1983 1984 o• le PQ formait le gouvernement ˆ la suite, rappelonsle, dÕune promesse de ne pas tenir de rŽfŽrendum).
Graphique 3 : Pourcentage de l'Žconomie canadienne
80%
Pourcentage
70%
60%
50%
Ontario
40%
30%
QuŽbec
20%
1994
1991
1988
1985
1982
1979
1976
1973
1970
1967
1964
0%
1961
10%
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628 et 2622
Aussi, ˆ lÕaide du graphique 3, on remarque que la proportion du PIB quŽbŽcois
par rapport au PIB canadien est plus stable que celle de lÕOntario depuis 1960, bien
que cette proportion tende ˆ diminuer (26% en 1961 ˆ 22% en 1996). Dans le cas
ontarien, cette proportion Žtait de 41% en 1961, elle a reculŽ ˆ 36% au dŽbut des
annŽes 80 et est, par la suite, revenue ˆ un niveau dÕenviron 40% ˆ partir du milieu
des annŽes 80 (cette proportion Žtait de 40% en 1996).
3.2 LÕemploi et le ch™mage
LÕemploi constitue sans doute une variable davantage sujette ˆ des fluctuations
dans une situation o• existent risque et incertitude politique; le PIB apparaissant
Il est sans doute utile de rappeler que la fin des annŽes 60 a ŽtŽ particuli•rement difficile pour le
QuŽbec sur le plan Žconomique. Apr•s une pŽriode dÕeuphorie correspondant aux annŽes de la RŽvolution
tranquille, le QuŽbec subissait, d•s 1968, un important contrecoup. Voir entre autres, P. FrŽchette, R.
Jouandet-Bernadat et J.-P. VŽzina (1975), L'Žconomie du QuŽbec, MontrŽal, ƒditions HRW, p.81-98.
42
33
comme une mesure trop globale pour osciller en fonction dÕune seule variable comme
lÕaccroissement ou la diminution du risque ou de lÕincertitude politique. Par ailleurs,
lÕemploi (et la crŽation dÕemploi) reprŽsente certainement lÕŽlŽment le plus susceptible
de toucher directement les membres de la sociŽtŽ. Il est Žvident que toute prŽsentation
de la situation de lÕemploi et de sa crŽation ne peut se faire en ignorant son triste
complŽment, le ch™mage.
La crŽation dÕemplois pour une annŽe se mesure par la diffŽrence entre lÕemploi
total de lÕannŽe en question et celui de lÕannŽe prŽcŽdente. Le taux de crŽation dÕemploi
sÕobtient par le quotient de cette diffŽrence et du nombre total dÕemplois de lÕannŽe
prŽcŽdente.43 Une comparaison des taux de crŽation dÕemplois quŽbŽcois et ontariens
entre 1966 et 1996 permet dÕobtenir des rŽsultats plut™t intŽressants.
Graphique 4 : CrŽation d'emploi QuŽbec-Ontario 1966-1995
(variation de l'emploi total ( en %) par rapport ˆ l'annŽe
prŽcŽdente)
Taux de crŽation d'emploi
8%
6%
4%
2%
0%
-2%
-4%
-6%
66
68
70
71
73
75
77
78
80
82
84
85
87
89
91
92
94
0,0
28
0,02
2
0,023
0,0
13
0,0
3
0,049
0,0
15
0,03
4
0,008
0,0
17
0,03
2
0,024
0,0
29
0,00
5
-0,01
0,0
04
0,01
5
Ontario
0,0
31
0,03
7
0,025
0,04
0,04
2
0,047
0,0
36
0,04
4
0,036
0,0
38
-0,0
03 -0,00
8
0,0
18
0,01
4
ƒcart
-0,003 -0,0
15 -0,00
2
QuŽbec
-0,027 -0,0
12
0,002 -0,021 -0,0
1
0,032
0,0
08
0,03
7
-0,02
4
0,0
09
-0,0
05 -0,01
2
-0,009 0,00
8
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 6972 et 6973
43
(Nt2-Nt1)/Nt1 ; o• N = emploi total et t = temps (annŽe)
-0,00
2
-0,013 0,00
1
34
LÕemploi total en Ontario a crž ˆ un rythme annuel moyen de 2,3% entre 1966
et 1995 comparativement ˆ 1,5% au QuŽbec (taux de crŽation dÕemploi annuel moyen).
LorsquÕon observe les Žcarts entre les taux de croissance annuels, on remarque que
lÕŽcart moyen sur les trente annŽes ˆ lÕŽtude a ŽtŽ de -0,8%, cÕest-ˆ-dire que le taux de
crŽation annuel dÕemploi au QuŽbec a ŽtŽ en moyenne plus faible que celui de
lÕOntario. Il sÕagit dÕun Žcart important qui doit cependant •tre interprŽtŽ en
considŽrant la croissance plus rapide de la population en Ontario sur cette pŽriode. En
effet, la population ontarienne a augmentŽ ˆ un rythme annuel moyen de 1,7% par
rapport ˆ 0,9% pour celle du QuŽbec.44 MalgrŽ tout, comme nous le verrons un peu
plus loin ˆ la suite de lÕanalyse des donnŽes sur le ch™mage, lÕOntario semble mieux
sÕen tirer que le QuŽbec sur le plan de lÕemploi; la croissance de la population y est
plus compensŽe par la crŽation dÕemploi que par une hausse du niveau de ch™mage.
Cependant, ce qui devrait nous intŽresser davantage, ce sont les variations de cet Žcart
et des taux de crŽation dÕemplois respectifs pour chaque province.
Une analyse plus pointue permet Žgalement de faire certaines constatations
intŽressantes. Compte tenu de ce qui avait ŽtŽ dit prŽcŽdemment, ce nÕest gu•re
surprenant. Un examen graphique rapide permet de constater que lÕŽcart entre les
taux de crŽation dÕemploi ontarien et quŽbŽcois varie en se maintenant cependant
principalement entre 0% et 2% en faveur de lÕOntario entre 1966 et 1995 (graphique
4). La tendance des fluctuations est relativement similaire, ce qui est normal Žtant
donnŽe la similaritŽ des cycles Žconomiques entre les deux provinces. LÕemploi est une
variable tr•s liŽe au mouvement du PIB. Il faut toutefois remarquer que les variations
du taux de crŽation dÕemploi sont plus accentuŽes au QuŽbec quÕen Ontario. En effet,
44
Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrice 599.
35
le niveau dÕemploi semble •tre plus volatile au QuŽbec, ce qui explique lÕapparence
moins ÇÊlisseÊÈ de cette courbe sur le graphique.
Un ÇÊeffet incertitudeÊÈ est-il perceptible ?
Non, du moins il nÕest pas
suffisamment significatif pour affecter lÕemploi. LÕaugmentation et la rŽduction de
lÕemploi total au QuŽbec comme en Ontario est davantage fonction du cycle
Žconomique que du cycle politique. Une diminution importante du nombre dÕemplois
(5%) au QuŽbec est survenue entre 1980 et 1981, en pleine ÇÊturbulence rŽfŽrendaireÊÈ.
En Ontario, cette diminution a ŽtŽ de 2% pour la m•me pŽriode. Toutefois, lÕŽconomie
de ces deux provinces entrait ˆ ce moment dans une phase de rŽcession. Il nous est
pratiquement impossible de dŽterminer si la plus forte diminution au QuŽbec est due
davantage ˆ la pŽriode rŽfŽrendaire ou au fait que le QuŽbec ait ŽtŽ touchŽ plus
durement par cette rŽcession. En ce qui concerne la rŽcession de la fin des annŽes 80
et du dŽbut des annŽes 90, on constate cette fois-ci que lÕOntario (nouvellement dirigŽe
par les nŽo-dŽmocrates de Bob Rae) a ŽtŽ affectŽe plus fortement que le QuŽbec du
point de vue de lÕemploi (-3,5% contre -2,3%). Par ailleurs, lÕŽlection du Parti quŽbŽcois
en 1976 nÕa pas semblŽ affecter lÕemploi de mani•re significative. Le taux de crŽation
est restŽ positif au QuŽbec entre 1976 et 1980 et lÕŽcart entre les taux ontariens et
quŽbŽcois sÕest maintenu entre 1% et 2% sur cette pŽriode.
En ce qui a trait au taux de ch™mage, les rŽsultats de lÕanalyse sont diffŽrents.
Le taux de ch™mage au QuŽbec a fortement progressŽ entre 1966 et 1996Ê: de 4,1%, il
est passŽ ˆ 11,8% (voir graphique 5). Sur la m•me pŽriode, on constate que le QuŽbec
a toujours prŽsentŽ un taux de ch™mage supŽrieur ˆ celui de lÕOntario qui, lui, est
passŽ de 2,6% ˆ 9% durant ces trente annŽes. De m•me, on remarque que lÕŽcart entre
les taux de ch™mage ontarien et quŽbŽcois a sensiblement fluctuŽ, dans une fourchette
36
allant de 1,4% ˆ 4,4% sur la pŽriode. CÕest sur cet Žcart et sur les fluctuations de
celui-ci quÕil serait maintenant intŽressant de se pencher.
Graphique 5 : Taux de ch™mage QuŽbec-Ontario
16
14
12
10
8
6
4
2
0
1966 1968 1969 1971 1973 1975 1976 1978 1980 1982 1983 1985 1987 1988 1990 1992 1994 1995
QuŽbec
4,1
5,6
6,1
7,3
6,8
8,1
8,7
10,9
9,9
13,9
14
Ontario
2,6
3,6
3,2
5,4
4,3
6,4
6,2
7,3
6,9
9,7
10,4
11,9 10,3
8,1
6,1
9,4
5
10,2 12,8 12,2 11,3
6,3
10,9
9,6
8,7
ƒcart
1,5
2
2,9
1,9
2,5
1,7
2,5
3,6
3
4,2
3,6
3,8
4,2
4,4
3,9
1,9
2,6
2,6
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 6972 et 6973
Apr•s sÕ•tre maintenu sous la barre des 3%, lÕŽcart entre les taux de ch™mage
ontarien et quŽbŽcois a atteint 3,3% en 1977. Par la suite, il est restŽ au-dessus de ce
seuil jusquÕen 1991. Durant ces annŽes, il a m•me grimpŽ ˆ 4,4% (1989). Entre 1982
et 1990, il a oscillŽ entre 3,6% et 4,4%, ce qui est ŽlevŽ par rapport ˆ lÕensemble de la
pŽriode et compte tenu de la ÇÊproximitŽÊÈ des deux provinces. La nature de la
proximitŽ est ici prise au sens large et touche non seulement la gŽographie mais aussi
lÕŽconomie (diversitŽ de la production, niveau technologique, qualitŽ de la maindÕoeuvre, niveau de vie de la population, etc.). De 1990 ˆ 1992, lÕŽcart est tombŽ de
3,9% ˆ 1,9% (comme on lÕa vu, lÕOntario a ŽtŽ davantage secouŽ par la rŽcession de la
fin des annŽes 80 que le QuŽbec) et sÕest lŽg•rement relevŽ par la suite pour atteindre
2,8% en 1996.
37
Encore une fois, il sÕav•re difficile dÕŽtablir un lien entre le cycle politique
(Žlectoral et rŽfŽrendaire) et les fluctuations de lÕŽcart entre les taux de ch™mage
quŽbŽcois et ontarien. Certes, cet Žcart a commencŽ ˆ cro”tre rapidement apr•s
lÕarrivŽe au pouvoir du Parti quŽbŽcois en 1976 mais cette tendance ˆ la hausse ne
sÕest rŽsorbŽe vŽritablement quÕen 1991, six ans apr•s le retour des libŽraux au
gouvernement. NŽanmoins, si lÕon ne tient pas compte du dŽbut des annŽes 80 o•,
comme on le sait, la rŽcession a frappŽ plus durement le QuŽbec, les plus fortes
hausses de lÕŽcart ont ŽtŽ enregistrŽes entre 1975 et 1976 et entre 1976 et 1977. En
effet, lÕŽcart est passŽ de 1,7% en 1975 ˆ 2,5% en 1976 puis ˆ 3,3% en 1977. LÕarrivŽe
au pouvoir des pŽquistes dirigŽs par RenŽ LŽvesque nÕest probablement pas Žtrang•re
ˆ cette situation. Rappelons que m•me sÕils sont demeurŽs positifs lors de ces annŽes
(1975-76-77), les taux de crŽation dÕemploi au QuŽbec sont restŽs infŽrieurs ˆ ceux de
lÕOntario (-1% en 1976 et -2% en 1977). Il faut nŽanmoins noter quÕune hausse
substantielle de lÕŽcart (0,9%) a ŽtŽ enregistrŽe entre 1968 et 1969 alors que la
reprŽsentation politique du mouvement indŽpendantiste Žtait tr•s faible et que lÕUnion
nationale de Daniel Johnson dirigeait le gouvernement.
3.3 Un portrait synthŽtique de la situation Žconomique et politique du QuŽbec
Notre analyse dŽbute au dŽbut des annŽes 60. Trois raisons expliquent ce choix.
Premi•rement, les donnŽes statistiques antŽrieures ˆ 1960 sont difficilement
accessibles et ne sont pas toujours compatibles avec celles qui les ont suivies.
Deuxi•mement, le dŽbut des annŽes 60 correspond ˆ la RŽvolution tranquille. Cette
pŽriode est importante dans lÕhistoire rŽcente du QuŽbec et ne peut •tre ignorŽe par
tout chercheur intŽressŽ ˆ lÕŽconomie du QuŽbec moderne. Les annŽes 60 marquent le
point de dŽpart dÕun rapide dŽveloppement Žconomique et social. La RŽvolution
38
tranquille am•ne de profonds changements non seulement sur le plan Žconomique
mais Žgalement sur les plans social, politique et culturel. Ce dŽploiement de la sociŽtŽ
quŽbŽcoise est symbolisŽ par le cŽl•bre ÇÊMa”tres chez nousÊÈ, slogan du Parti libŽral
dirigŽ par Jean Lesage. Cette Žpoque, reprŽsente un point tournant dans la perception
des francophones du QuŽbec quant ˆ leur identitŽ et leur avenir.
Troisi•mement, cette Žpoque est aussi celle o• le mouvement souverainiste
sÕorganise et dŽbute son ascension en termes de popularitŽ. Parall•lement ˆ cela, on
assiste, comme ailleurs en Occident, ˆ dÕimportants changements du point de vue
dŽmographique. Ces changements sont toutefois tr•s marquŽs au QuŽbec. Ainsi, on
observe une baisse importante du taux de natalitŽ, un vieillissement de la population
et une transformation des structures familiales.45
On assiste ˆ une remise en question des QuŽbŽcois sur leur capacitŽ ˆ se
dŽvelopper tant sur le plan Žconomique que social mais surtout sur leur capacitŽ ˆ
protŽger et ˆ promouvoir la culture et la langue de la majoritŽ. Ces interrogations vont
forcŽment les pousser ˆ reconsidŽrer leur place et m•me leur prŽsence dans la
ConfŽdŽration canadienne.46 Les six annŽes de pouvoir du gouvernement libŽral de
Jean Lesage (1960-1966) commencent avec un appel ˆ lÕŽgalitŽ mais sÕach•vent avec la
qu•te dÕun statut particulier pour le QuŽbec. Tout cela selon un objectif bien prŽcis,
celui dÕavoir un QuŽbec fort dans un Canada renouvelŽ.47 Ce dŽsir dÕune plus grande
autonomie sÕaccompagne de la montŽe rapide du mouvement souverainiste quŽbŽcois,
mouvement qui se consolidera au sein du Parti quŽbŽcois ˆ la fin de annŽes 60. CÕest
45John
A. Dickinson et Brian Young (1992), Br•ve histoire socio-Žconomique du QuŽbec, Sillery,
Septentrion, p.316-317.
46Brian OÕNeal (1995), La sociŽtŽ distincte: origine, interprŽtations, implications, Ottawa, Biblioth•que du
Parlement, p.5.
47Alain-G. Gagnon et Mary Beth Montcalm (1992), QuŽbec: au-delˆ de la rŽvolution tranquille, MontrŽal,
VLB Žditeur, p.218.
39
pourquoi il aurait ŽtŽ peu pertinent de reculer davantage notre analyse dans le temps.
Toute comparaison aurait ŽtŽ futile et toute rŽfŽrence ˆ la prŽsence dÕun mouvement
indŽpendantiste crŽdible ou ˆ lÕexistence dÕun risque ou dÕune incertitude politique
quelconque serait apparue tout ˆ fait insensŽe.
LÕŽconomiste Pierre Fortin soutient que, depuis la RŽvolution tranquille, le
QuŽbec a franchi trois pŽriodes Žconomiques distinctes.48 Premi•rement, entre 1961
et 1978, le niveau de vie (mesurŽ par le PIB par habitant) des QuŽbŽcois a augmentŽ
en moyenne de 3,2% par an, ce qui est remarquable. Une deuxi•me phase, de 1978 ˆ
1988, est caractŽrisŽe par une croissance du niveau de vie deux fois infŽrieure ˆ celle
de la premi•re phase. Enfin, la troisi•me phase, allant de 1988 ˆ 1997, correspond ˆ
une pŽriode o• lÕon a assistŽ ˆ aucune croissance du niveau de vie.49
En proportion de lÕŽconomie canadienne, lÕŽconomie quŽbŽcoise reprŽsentait, en
1996, environ 22% de lÕactivitŽ Žconomique. Cette proportion tend ˆ diminuer
puisquÕelle Žtait de 26% au dŽbut des annŽes 60, de 24% en 1975, de 22% en 1985 et
de 23% en 1990. Cette tendance doit •tre mise en relation avec la dŽcroissance de la
population du QuŽbec vis-ˆ-vis celle du Canada. En effet, au dŽbut des annŽes 50, le
QuŽbec abritait encore pr•s de 29% de la population canadienne. En 1975, cette
proportion atteignait 27,4%. La chute sÕest poursuivie par la suite puisquÕen 1985 le
pourcentage passait ˆ 25,8% et quÕaujourdÕhui, les 7,4 millions de QuŽbŽcois forment
environ 24,5% de la population canadienne.50
48
49
50
Pierre Fortin (1998), ÇÊUne remontŽe incontestableÊÈ, Forces, no.120, p.5.
Ibid.
Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrice 599.
40
4. LÕŽvolution du portefeuille dÕinvestissements
Dans cette partie, il est question de montrer lÕŽvolution des investissements faits au
QuŽbec par rapport ˆ ceux faits dans lÕensemble du Canada a) par les investisseurs
canadiens et b) par les investisseurs Žtrangers.
LÕexamen des portefeuilles dÕinvestissement au Canada permettra de dŽterminer si
les deux groupes dÕinvestisseurs agissent de mani•re diffŽrente, si leurs choix
dÕinvestissement au QuŽbec diff•rent. Nous souhaitons dŽmontrer que lÕŽvolution est
diffŽrente pour chacun des deux groupes. La tendance devrait •tre la m•me (ˆ la
baisse) mais accentuŽe dans le cas des investisseurs nationaux. Ainsi, de mani•re
gŽnŽrale, nous pourrons affirmer que les investisseurs locaux investissent ˆ lÕextŽrieur
du QuŽbec (cÕest-ˆ-dire ailleurs au Canada) et les investisseurs Žtrangers investissent,
en proportion de leurs investissements au Canada, davantage au QuŽbec que les
investisseurs canadiens. Telle est lÕhypoth•se spŽcifique ˆ cette section.
Puisque la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste engendre de lÕincertitude (et
par consŽquent accro”t le risque) et que lÕŽvaluation Žconomique des investissements
est la m•me pour les investisseurs locaux et Žtrangers (lÕŽvaluation tient compte des
m•mes variables), seule une attitude diffŽrente face au risque peut expliquer la
diffŽrence entre les tendances. Or, cette diffŽrence ne peut quÕ•tre expliquŽe que par
un prŽjugŽ politique dŽfavorable entretenu par les investisseurs canadiens ˆ lÕŽgard du
QuŽbec. Ce prŽjugŽ tient ˆ leur plus grande sensibilitŽ ˆ lÕidŽe dÕune Žventuelle
indŽpendance du QuŽbec.
Bref, nous supposons quÕils sont en grande majoritŽ
fermement opposŽs au mouvement indŽpendantiste quŽbŽcois. Leurs choix
dÕinvestissement au Canada ont des visŽes stratŽgiques, le QuŽbec est dŽfavorisŽ
41
puisque per•u comme prŽsentant un niveau supŽrieur de risque et ce, m•me lorsque
les perspectives Žconomiques de rendements sont identiques.
Comme on lÕa vu, dans le cas des investisseurs Žtrangers, nÕŽtant pas directement
impliquŽs dans le dŽbat constitutionnel canadien (et ne dŽfendant pas dÕopinion
politique sur ce sujet), leur comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec est le m•me que celui
vis-ˆ-vis du reste du monde; il est fondŽ sur une logique purement Žconomique, sur la
base dÕune stricte rationalitŽ dÕaffaires.
DÕun point de vue macroŽconomique, lÕinvestissement est certainement la
composante la plus volatile du Produit intŽrieur brut. ƒvidemment plus faible en
magnitude que la consommation, elle fluctue toutefois davantage. Selon Keynes,
lÕinvestissement, contrairement ˆ la consommation, est la force motrice dÕune
Žconomie. Il all•gue que ses fluctuations erratiques sont dues ˆ des changements au
niveau des anticipations des firmes alors que la consommation rŽpond passivement ˆ
une simple fonction de consommation.51 Toutefois, par la suite, avec les travaux de
Dale Jorgenson52 entre autres, sur la prise de dŽcision en mati•re dÕinvestissement, on
constate que lÕinvestissement rŽpond aux variations du revenu et de la production.
ÇÊWhen investment rises, it may be the result, not the cause, of an increase in
spendind elsewhere in the economy. Moreover, while investment decisions do depend on
business expectations, these expectations are based on calculated estimates of future
changes in demand and prices that businesses are likely to face.ÊÈ53
LÕinvestissement est le flux de capitaux productifs. Il peut •tre calculŽ selon
plusieurs basesÊ: annuelle, trimestrielle, mensuelle, etc. Pour une Žconomie,
Robert E. Hall et John B. Taylor (1993), MacroeconomicsÊ: theory, performance and policy Ð Forth
Edition, New York, W.W. Norton & Compagny, p.308.
52 Dale Jorgenson (1963), ÇÊCapital Theory and Investment BehaviorÊÈ, American Economic Review, Vol. 53
(May), pp.247-259.
53 Robert E. Hall et John B. Taylor (1993), op. cit., p.308.
51
42
lÕinvestissement est le rŽsultat de la jonction entre trois facteursÊ: la demande
dÕinvestissement, lÕoffre dÕŽpargne et lÕoffre dÕinvestissement.54
LÕinvestissement, qui comprend les dŽpenses en immobilisations et en
rŽparations, peut •tre public ou privŽ. Par investissement public, nous entendons tout
investissement gouvernemental quÕil soit fait directement ou par lÕintermŽdiaire dÕune
administration publique quelle quÕelle soit. Il peut sÕagir dÕun investissement visant la
rŽfection dÕune section du rŽseau routier, la construction dÕun Žtablissement scolaire,
lÕagrandissement dÕun centre hospitalier, etc. LÕinvestissement privŽ quant ˆ lui peut
prendre plusieurs formesÊ: la construction rŽsidentielle, la construction nonrŽsidentielle, lÕinvestissement en machines et matŽriel et lÕinvestissement en inventaire
(stocks produits mais non vendus). Puisque nous nous intŽressons davantage aux
investissements des entreprises plut™t quÕˆ ceux des particuliers, nous nous
concentrerons principalement sur la construction non-rŽsidentielle et lÕinvestissement
en machine et matŽriel.
Dans lÕŽtat actuel de resserrement budgŽtaire ˆ tout niveau de gouvernement, il
est difficile de croire qu'une croissance apprŽciable de l'investissement public est
envisageable. Ce type d'investissement a d'ailleurs dŽcrž depuis le milieu des annŽes
60. En effet, comme le montre le graphique 6, l'investissement en capital fixe du
secteur public en proportion du PIB a suivi une tendance baissi•re entre 1965 et 1996
et ce, aussi bien pour le QuŽbec, l'Ontario que pour le Canada dans son ensemble. Au
QuŽbec, il est passŽ de 4,4% en 1965, ˆ 2,7% en 1980 pour atteindre 2,3% en 1996.
En Ontario, pour les m•mes annŽes, cette proportion est passŽe de 3,4% ˆ 1,9% ˆ
1,7% tandis qu'au Canada, elle est passŽe de 4,3% ˆ 2,7% ˆ 2,1%. L'investissement
54
Ibid., p.310.
43
public au Canada et dans chacune des provinces ne reprŽsente donc plus qu'une faible
part de l'activitŽ Žconomique au pays.
Graphique 6: Investissement en capital fixe du secteur
public en proportion du PIB
4%
QuŽbec
3%
Ontario
2%
Canada
1994
1991
1988
1985
1982
1979
1976
1973
1970
1967
0%
1964
1%
1961
Proportion (en %)
5%
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628 et 2622
On pourrait croire que ce retrait des gouvernements a ŽtŽ compensŽ par le
secteur privŽ. Or, ce n'est pas tout ˆ fait le cas. Il est pratiquement impossible de
dŽgager une quelconque tendance en ce qui a trait ˆ la proportion de l'investissement
privŽ par rapport au PIB et ce, aussi bien pour le QuŽbec, pour l'Ontario que pour le
Canada. Cette proportion n'a cessŽ de varier entre 1960 et 1996.
En 1996, lÕinvestissement privŽ reprŽsentait 13,8% du PIB quŽbŽcois, 13,9% du
PIB ontarien et 15,4% du PIB de lÕensemble des provinces et des territoires canadiens.
Depuis le dŽbut des annŽes 60, cette proportion a variŽ entre 13 et 21% au QuŽbec,
entre 14 et 20% en Ontario et entre 16 et 21% au Canada. Cela montre clairement,
dÕune part, la volatilitŽ de cette variable (i.e. sa sensibilitŽ vis-ˆ-vis des cycles
44
Žconomiques)
55
et, dÕautre part, la pertinence du choix de cette variable pour notre
analyse portant sur les effets du risque politique sur lÕŽconomie quŽbŽcoise.
Les fluctuations de lÕinvestissement privŽ affectent lÕensemble des autres
variables Žconomiques et, ultimement, le niveau de vie de la population. De plus, Žtant
donnŽe son importance, ses propres fluctuations dans le temps lÕaffectent elle-m•me.
Si une baisse de lÕinvestissement privŽ entra”ne une baisse de lÕemploi, de la
consommation et ensuite du PIB (ou, du moins, un ralentissement de la croissance de
ces variables), cela viendra par la suite affecter le choix des investisseurs lors de la
pŽriode suivante.56
Graphique 7: Investissement en cap. fixe privŽ par rapport au PIB
20%
18%
QuŽbec
16%
Ontario
14%
Canada
1994
1991
1988
1985
1982
1979
1976
1973
1970
1967
10%
1964
12%
1961
Proportion (en %)
22%
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628 et 2622
LÕanalyse du graphique 7 fait ressortir que la proportion de l'investissement
privŽ par rapport au PIB Žtait, dans les annŽes 60 et 70, nettement supŽrieure pour
l'ensemble du Canada que pour l'Ontario et le QuŽbec. Cependant, ˆ partir du milieu
des annŽes 80, les Žcarts se sont raffermis et les mouvements de la variable sont
Soulignons ici que cÕest dÕune proportion dont il est question. Une proportion est normalement peu
volatile, dÕautant plus que, dans ce cas-ci, la valeur du dŽnominateur (le PIB) inclut celle du numŽrateur
(lÕinvestissement privŽ).
56 Pour une dŽmonstration plus compl•te, voir Robert E. Hall et John B. Taylor (1993), op.cit, chapitre 11.
55
45
remarquablement similaires dans les trois cas depuis 1987. Au QuŽbec, apr•s avoir
glissŽ ˆ partir de 1964 pour atteindre un faible 13% en 1970, cette proportion s'est par
la suite rapprochŽe rapidement de celle de l'Ontario. On l'a vu prŽcŽdemment, la fin
des annŽes 60 a ŽtŽ particuli•rement difficile pour le QuŽbec sur le plan Žconomique ;
il n'est pas surprenant de constater un tel mouvement de la part de l'investissement
privŽ. Il sera possible d'Žtudier et d'analyser plus attentivement les fluctuations de
l'investissement privŽ lorsque nous examinerons les variations annuelles de celui-ci
pour chacune des annŽes de la pŽriode apr•s l'avoir fragmentŽ selon ses composantes
(construction rŽsidentielle, construction non rŽsidentielle et investissement en
machines et matŽriel). Par ailleurs, l'analyse de l'Žvolution de la part de
l'investissement privŽ total dans le PIB ne rŽv•le pas de quelconque effet de la prŽsence
d'un mouvement souverainiste sur le comportement des investisseurs. Comme on l'a
vu, la tendance au QuŽbec est semblable ˆ l'Ontario et lÕon nÕassiste pas ˆ de
fluctuations clairement attribuables ˆ l'existence d'une menace de sŽcession (forte
baisse ou baisse importante enregistrŽe uniquement au QuŽbec) lors des Ç pŽriodes
incertaines È identifiŽes plus t™t.
Pour bien mesurer le comportement des entreprises lorsqu'il est question
d'investissement, il est nŽcessaire de soustraire la construction rŽsidentielle de
l'investissement privŽ total. Ainsi, l'investissement des entreprises se mesure
essentiellement par l'addition de l'investissement dans la construction nonrŽsidentielle et de celui en machine et matŽriel. Les dŽpenses des entreprises en
mati•re d'investissement ne rŽpondent pas aux m•mes considŽrations que celles
reliŽes la construction rŽsidentielle ou encore que les dŽpenses en biens durables
(biens consommŽs sur une longue pŽriode). Elles sont gŽnŽralement motivŽes par le
46
taux d'utilisation de la capacitŽ de production et les profits des entreprises. 57
Pour
bien analyser le comportement des entreprises vis-ˆ-vis du QuŽbec, nous devrons
porter attention ˆ deux ŽlŽments : les taux de croissance annuels de l'investissement
des entreprises ainsi que l'Žvolution de la proportion de cet investissement au QuŽbec
par rapport ˆ l'ensemble canadien. On pourra de cette fa•on observer la place
qu'occupe le QuŽbec dans le portefeuille des investissements faits au Canada.
Graphique 8: Taux de croissance de l'investissement
des entreprises QuŽbec-Ontario
20%
QuŽbec
10%
1994
1991
1988
1985
1982
1979
1976
1973
1970
1967
-10%
1964
0%
Ontario
1961
rŽcŽdente
30%
rapport ˆ l'annŽe
Croissance (en %) par
40%
-20%
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627 et 2628
Si la tendance de la croissance annuelle de lÕinvestissement des entreprises au
QuŽbec ressemble ˆ celle de l'Ontario, on remarque toutefois que les mouvements sont
davantage accentuŽs au QuŽbec, c'est-ˆ-dire que, sur la pŽriode 1961-1996, les taux
de variation ont ŽvoluŽ dans un intervalle plus Žtendu au QuŽbec par rapport ˆ
lÕOntario. Par exemple, le dŽbut des annŽes 70 marque une pŽriode o• ont ŽtŽ
enregistrŽes de fortes augmentations. Durant cette pŽriode, les taux de croissance ont
ŽtŽ nettement plus ŽlevŽs au QuŽbec qu'en Ontario. Les taux de variation d'une annŽe
Maurice N. Marchon (1994), PrŽvoir l'Žconomie pour mieux gŽrer, MontrŽal, QuŽbec/AmŽrique, Collection
Presses HEC, p.103.
57
47
ˆ l'autre varient ŽnormŽment. C'est pourquoi nous avons cru utile de calculer des taux
de croissance annuels moyens pour des pŽriodes dŽterminŽes. De cette fa•on, il sera
Tableau 2 : Croissance annuelle moyenne (en %)
de l'investissement des entreprises
PŽriode
1961-70
1970-75
1975-80
1980-85
1985-90
1990-96
1961-96
Const. non-rŽsidentielle
QuŽbec
Ontario
1,2%
9,9%
25,5%
11,3%
3,5%
6,7%
0,6%
5,8%
11,7%
9,5%
-4,7%
-8,0%
5,9%
6,5%
Machines et matŽriel
QuŽbec
Ontario
7,9%
10,9%
16,4%
11,3%
10,3%
9,6%
4,6%
6,5%
7,3%
7,0%
-1,3%
3,1%
8,3%
9,4%
Total
QuŽbec
4,6%
20,6%
7,0%
3,0%
9,1%
-2,6%
7,1%
Ontario
10,5%
11,3%
8,4%
6,2%
8,0%
-0,1%
8,4%
plus facile de procŽder ˆ l'analyse de l'investissement des entreprises.
Source : compilation faite ˆ partir de donnŽes publiŽes par Statistique Canada, no. 13-213 au
catalogue
Entre 1961 et 1996, les investissements des entreprises au QuŽbec ont
augmentŽ au rythme annuel moyen de 7,1%, comparativement ˆ 8,4% pour l'Ontario.
Il s'agit d'un Žcart relativement important compte tenu de la durŽe de la pŽriode
considŽrŽe. Jusqu'en 1975, la croissance de l'investissement des entreprises a ŽtŽ tr•s
diffŽrente entre ces deux provinces. Les effets de l'apr•s-boom qui a suivi la RŽvolution
tranquille ˆ la fin des annŽes 60 apparaissent clairement dans le tableau qui prŽc•de.
Durant toute la dŽcennie 60, l'Žcart entre le QuŽbec et l'Ontario est considŽrable (pr•s
de 6%). Bien entendu, le dŽbut des annŽes 70 marque un certain rattrapage au niveau
de l'investissement des entreprises pour le QuŽbecÊ: une augmentation annuelle
moyenne de pr•s de 21% sur cinq ans, et de plus de 25% en ce qui concerne la
construction non-rŽsidentielle. Cette croissance et l'Žcart avec l'Ontario et le reste du
Canada durant cette pŽriode seraient cependant dus en grande partie ˆ des conditions
conjoncturelles particuli•rement favorables.58
Les augmentations ont par la suite
P. FrŽchette, R. Jouandet-Bernadat et J.-P. VŽzina (1975), op.cit., p.88-89. Parmi les conditions
favorables, les auteurs soulignent que le bas niveau atteint en 1970 ne pouvait se maintenir. La taille du
58
48
atteint des niveaux plus bas de sorte que l'Žcart avec les taux de croissance ontariens
a diminuŽ. Notons Žgalement que la rŽcession de 1990-1991 a entra”nŽ une
contraction notable de l'investissement des entreprises. Globalement, cette contraction
a ŽtŽ davantage sentie au QuŽbec (-2,6% entre 1990 et 1996) mais la construction
non-rŽsidentielle en Ontario a subi un recul de 8% en moyenne chaque annŽe durant
ces annŽes.
Il est un peu t™t pour prŽtendre ˆ un comportement diffŽrent (dž ˆ une
perception dissemblable du risque politique) des investisseurs vis-ˆ-vis du QuŽbec en
comparaison avec l'Ontario. L'Žcart entre la croissance de l'investissement des
entreprises entre ces deux provinces est loin d'•tre nouveau. Une Žtude menŽe par
AndrŽ Raynauld montre que l'Žcart entre la valeur de la production manufacturi•re est
relativement maintenu entre 1870 et 1957.59
Par ailleurs, l'Žvolution d'une autre
variable reste ˆ examiner : celle de la place des investissements faits au QuŽbec dans
le portefeuille des investissements faits au Canada.
marchŽ quŽbŽcois rendait nŽcessaire une impulsion de la construction non-rŽsidentielle. ƒgalement, ils
soulignent l'effet d'entra”nement sur l'Žconomie dans son ensemble des investissements fait par le secteur
public et para-public dans le domaine de la construction.
59 Repris de Ibid., p.85-86. Le texte de Raynauld s'intitule Croissance et structure Žconomiques de la
province de QuŽbec et a ŽtŽ prŽparŽ pour le compte du Minist•re de l'Industrie et du Commerce du
QuŽbec.
49
Graphique 9 : Investissement des entreprises, population et PIB
(par rapport au Canada)
50%
Inv . Entr . Ont/ Can
PI B Ont./ Can
45%
40%
35%
Popula tion Qc/ Can
Pop. Ont/ Can
30%
25%
20%
15%
PIB Qc/ Can
Inv . Entr . Qc/C an
10%
AnnŽes
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 2627, 2628, 2622 et 599
Le graphique 9 prŽsente en un coup d'Ïil, un portrait de la situation de
l'investissement des entreprises au QuŽbec et en Ontario. Il est possible de relativiser
(par rapport ˆ leur poids Žconomique et dŽmographique respectif) la place que chacune
de ces provinces occupe dans le portefeuille de ce type d'investissements au Canada.
Premi•rement, on constate la constance de l'Žcart entre le poids dŽmographique et le
poids Žconomique du QuŽbec par rapport ˆ l'ensemble du Canada ; ces deux variables
ont rŽgressŽ au m•me rythme entre 1961 et 1996. Ces deux courbes sont
pratiquement parall•les ! Ce n'est pas du tout le cas en Ontario o•, par ailleurs, l'Žcart
est inversŽ (i.e. le poids Žconomique de cette province au Canada est plus grand que
son poids dŽmographique). Les fluctuations de ces deux variables sont beaucoup plus
prononcŽes dans le cas ontarien et elles sont tr•s peu synchronisŽes depuis le dŽbut
des annŽes 70.
50
Deuxi•mement, depuis 1961, la proportion des investissements des entreprises
faits au QuŽbec est Žgalement plus stable qu'en Ontario. En effet, durant les quinze
derni•res annŽes, cette proportion a variŽ en Ontario dans un large intervalle allant de
29% (1982) ˆ 48% (1987). Sur la m•me pŽriode, au QuŽbec cette proportion a fluctuŽ
entre 17% (1982) et 25% (1992).
Troisi•mement, on constate que depuis le milieu des annŽes 70, moment ˆ
partir duquel les cycles Žconomiques ontarien et quŽbŽcois deviennent comparables,
les tendances suivies par la proportion de l'investissement des entreprises au QuŽbec
et en Ontario se ressemblent, ce qui n'est gu•re Žtonnant. Bien entendu, les
fluctuations sont accentuŽes en Ontario comme l'exemple de la pŽriode 1982-1987 le
montre bien. Toutefois, le QuŽbec, en ce qui concerne cette proportion, semble avoir
ŽtŽ moins affectŽ par la rŽcession de la fin des annŽes 80 et du dŽbut de la prŽsente
dŽcennie. Depuis ce temps, la part quŽbŽcoise de l'investissement canadien des
entreprises se situe lŽg•rement au-dessus de son poids Žconomique et correspond
davantage ˆ son poids dŽmographique, ce qui n'Žtait pas le cas auparavant.
Afin de tenter de vŽrifier l'hypoth•se spŽcifique ˆ cette section, il serait
maintenant appropriŽ d'examiner certaines donnŽes sur l'investissement Žtranger.
Rappelons que, dans cette section, nous cherchons ˆ dŽmontrer que les investisseurs
canadiens investissent ˆ lÕextŽrieur du QuŽbec (cÕest-ˆ-dire ailleurs au Canada) et les
investisseurs Žtrangers investissent davantage au QuŽbec en proportion de leurs
investissements au Canada que les investisseurs canadiens. Les premiers sont
davantage impliquŽs dans le dŽbat constitutionnel canadien du fait de leur nationalitŽ
et quÕen consŽquence leurs dŽcisions sont influencŽes par leur opposition ˆ lÕidŽe dÕune
51
Žventuelle indŽpendance du QuŽbec. Les investisseurs nationaux se laissent influencer
par leur opinion politique dans leurs choix dÕinvestissement au Canada.
Remarques sur la cueillette des donnŽes sur lÕinvestissement Žtranger
S'il est relativement facile d'obtenir des donnŽes satisfaisantes sur
l'investissement Žtranger pour le Canada dans son ensemble, il en va tout autrement
en ce qui concerne l'obtention de telles donnŽes pour le QuŽbec et pour chacune des
provinces prises sŽparŽment. Nous nous sommes aper•us au cours de nos recherches
que les donnŽes relatives ˆ lÕinvestissement Žtranger au QuŽbec sont peu abondantes,
souvent non officielles, disponibles sur une courte pŽriode de temps seulement et
difficilement comparables. Cette situation est Žtonnante compte tenu de l'importance
que rev•t de telles donnŽes sur la conduite de la politique Žconomique et sur
l'importance de certains aspects reliŽs au contr™le et ˆ la propriŽtŽ des entreprises. En
fait, un seul organisme, Investissement Canada, proc•de ˆ une ventilation provinciale
des donnŽes sur l'investissement Žtranger qu'il recueille. D'autres organismes
recueillent des donnŽes sur l'investissement Žtranger selon les aspects relevant de
leurs prŽoccupations et leur mandat respectifs. La Division de la balance des
paiements de Statistiques Canada est la seule ˆ fournir une mesure reconnue des
mouvements d'entrŽe et de sortie de capitaux au pays. Cependant, ÇÊles chiffres publiŽs
concernent le Canada dans son entier, sans ventilation par rŽgion, par province ou
autre È.60
Des statistiques sur l'investissement Žtranger ventilŽes selon les provinces
produites par cet organisme (Statistique Canada) et calculŽes selon ses dŽfinitions et
52
ses techniques de mesure auraient ŽtŽ idŽales. Elles auraient pu nous permettre de
distinguer de mani•re relativement prŽcise lÕ ÇÊŽtrangerÊÈ du ÇÊcanadienÊÈ des chiffres
relatifs ˆ l'investissement des entreprises publiŽs par cet organisme et utilisŽs plus t™t
dans la prŽsente section. LÕorganisme a dŽjˆ publiŽ certaines statistiques sur
lÕinvestissement Žtranger mais, elles sont anciennes et inutilisables.61 Les donnŽes
compilŽes par Investissement Canada (organisme rattachŽ ˆ Industrie Canada) sont
alors apparues comme les meilleures donnŽes disponibles.62
En plus de promouvoir lÕinvestissement au pays, lÕun des principaux objectifs
d'Investissement Canada consiste ˆ examiner spŽcifiquement les investissements
effectuŽs par les non-rŽsidents, un objectif qui diff•re sensiblement de ceux d'autres
organismes comme Statistique Canada dont l'activitŽ principale est la collecte de
donnŽes. Ainsi, les statistiques offertes par Investissement Canada ne refl•tent que les
activitŽs relevant de la Loi sur Investissement Canada. Les donnŽes rassemblŽes ont
trait ˆ la valeur des investissements prŽvus (ou annoncŽs), calculŽs sur la base d'avis
d'investissement venant d'Žtrangers concernant la crŽation de nouvelles entreprises et
la valeur des actifs acquis lors d'acquisitions devant faire l'objet d'un examen.63
Cependant, toutes les crŽations ou toutes les acquisitions d'entreprises ne
doivent pas obligatoirement •tre examinŽes par lÕorganisme. Deux secteurs seulement
sont concernŽs par une telle obligation : le secteur des ressources naturelles (pour des
raisons de sŽcuritŽ d'approvisionnement) et celui des tŽlŽcommunications (pour des
Investissement Canada (1992), L'investissement Žtranger au Canada : mesures et dŽfinitions, Document
de travail no.12, aožt, p.i.
61 Michel No‘l (1996), op.cit., p.182.
62 Plusieurs intervenants dans le milieu de la recherche et de la statistique sur l'investissement Žtranger
nous ont assurŽ qu'il s'agissait des meilleures donnŽes disponibles. Il s'agit de HŽl•ne Bilodeau
d'Investissement QuŽbec, de Michel Nadeau du Bureau de la Statistique du QuŽbec, de Robert Lauzon du
centre de coordination des projets Žconomiques (Minist•re du conseil exŽcutif du Gouvernement du
60
53
raisons liŽes ˆ la protection de la culture canadienne). En ce qui concerne les autres
secteurs, un examen est nŽcessaire pour les investissements de plus de 5 millions de $
pour les firmes nouvellement implantŽes au Canada et, dans le cas dÕentreprises dŽjˆ
installŽes au pays, cette barre est fixŽe ˆ 50 millions $.64 Ainsi, de nombreux projets
dÕexpansion et dÕagrandissement ne sont pas pris en compte. Dans les autres cas, bien
qu'Investissement Canada invite les Žtrangers dŽsireux d'investir au Canada ˆ
prŽsenter un avis d'intention, ils ne sont pas tenus de le faire. C'est pourquoi les
donnŽes recueillies ne reprŽsentent que partiellement l'investissement Žtranger total
fait au Canada. D'autres considŽrations, d'ordre mŽthodologique cette fois-ci, doivent
Žgalement •tre mentionnŽes mais il serait prŽfŽrable de le faire ˆ la suite de la
prŽsentation des donnŽes.
Les donnŽes offertes par Investissement Canada ne peuvent servir ni de donnŽes
officielles sur le flux d'investissement Žtranger au Canada et dans chacune des
provinces ni de base de comparaison avec les chiffres publiŽs par Statistique Canada.
Elles peuvent nŽanmoins, sous certaines rŽserves, servir d'indicateur sur la
destination (province) de l'investissement Žtranger au Canada. Elles permettent aussi
de mesurer, de mani•re distincte, la frŽquence ˆ laquelle les Žtrangers acqui•rent ou
crŽent des entreprises dans chacune des provinces.
En effet, les donnŽes dont nous disposons sur l'investissement Žtranger
concerne deux catŽgories de dŽpenses d'investissement : celles faites pour l'acquisition
d'entreprises et celles faites dans de nouvelles entreprises. Le tableau suivant prŽsente
QuŽbec) ainsi que de Peter Kaski de Statistique Canada. Par ailleurs, les donnŽes en question auraient ŽtŽ
pratiquement impossible ˆ obtenir sans l'Žtablissement de contacts avec certains de ces intervenants.
63 Investissement Canada (1992), op.cit., p.17.
64 Michel No‘l (1996), op.cit., p.21.
54
de mani•re synthŽtique les donnŽes sur lesquelles se basera la suite de notre analyse.
Cette donnŽes sont prŽsentŽes de mani•re plus compl•te et plus dŽtaillŽe ˆ lÕannexe 1.
Tableau 3 : Investissements Žtrangers
(% par rapport ˆ l'ensemble du Canada)
Acquisitions d'entreprises
AnnŽe
QuŽbec
Ontario
Alberta
C.-B.
1985-91
14,6%
56,0%
18,7%
7,6%
1992
14,8%
39,1%
31,6%
11,6%
1993
17,2%
41,0%
23,0%
8,6%
1994
10,4%
68,4%
13,6%
4,0%
1995
10,6%
62,6%
9,7%
5,2%
1996
13,4%
63,2%
12,7%
5,8%
Nouvelles entreprises
1985-91
31,5%
17,7%
36,7%
9,4%
1992
1,7%
25,3%
68,5%
4,4%
1993
6,4%
17,0%
63,8%
12,8%
1994
2,8%
50,5%
26,3%
5,4%
1995
9,5%
78,8%
1,0%
10,7%
1996
22,7%
68,7%
4,6%
4,0%
Total (Acquisitions + Nouvelles entreprises)
1985-91
15,7%
53,5%
19,9%
7,7%
1992
13,6%
37,9%
34,8%
10,9%
1993
16,4%
39,2%
26,0%
9,0%
1994
9,7%
66,9%
14,6%
4,1%
1995
10,6%
63,3%
9,3%
5,4%
1996
13,7%
63,4%
12,5%
5,7%
Source: DonnŽes compillŽes par le Bureau de la
statistique du QuŽbec (BSQ) ˆ partir de donnŽes
fournies par Investissement Canada
De 1985 ˆ 1991, le QuŽbec a accueilli 31,5% des investissements dans de
nouvelles entreprises faits au pays. L'Alberta est la seule province a avoir fait mieux ˆ
ce chapitre durant cette pŽriode. L'Ontario n'en a accueilli que 17,7%, ce qui est peu
ŽlevŽ par rapport au poids Žconomique de cette province. Au QuŽbec, sur les
2,225,484,000$ investis par les Žtrangers dans l'acquisition de nouvelles entreprises,
1,978,609,000$ l'ont ŽtŽ dans le secteur de la fabrication, soit pr•s de 89%. En
55
Alberta, cette proportion n'atteignait que 31%, des investissements ayant ŽtŽ faits dans
le secteur des ressources naturelles et des services (67,5%).65 En Ontario, les secteurs
du commerce de gros et de dŽtail et des services constituent les secteurs les plus
importants (55%). Cependant, on constate rapidement, ˆ la lumi•re des donnŽes, que
l'importance des secteurs d'investissement varie ŽnormŽment d'une annŽe ˆ l'autre. Il
serait donc inappropriŽ d'orienter davantage notre analyse vers les secteurs d'activitŽs.
La bonne performance du QuŽbec en mati•re d'investissements Žtrangers se
limite cependant ˆ cela. Sur la m•me pŽriode, en ce qui concerne l'investissement en
acquisitions d'entreprises, beaucoup plus important que celui dans la crŽation
d'entreprises en termes de dollars investis, la part recueillie par le QuŽbec par rapport
ˆ l'ensemble du Canada ne reprŽsentait que 14,6%. Ainsi, entre 1985 et 1991, selon
les donnŽes disponibles, sur l'ensemble des investissements Žtrangers faits au pays, la
part quŽbŽcoise n'a ŽtŽ que de 15,7%, ce qui, tel que lÕa vu prŽcŽdemment, reprŽsente
moins que la part quŽbŽcoise des investissements totaux des entreprises.66
La situation ne s'est gu•re amŽliorŽe depuis. En effet, les donnŽes nous
indiquent que les investissements Žtrangers faits au QuŽbec, en proportion des
investissements Žtrangers faits au Canada, ont dŽpassŽ 16% qu'une seule fois depuis
1991, soit en 1993. Cette proportion a toutefois glissŽ sous la barre des 10% l'annŽe
suivante. Qu'il s'agisse d'investissements Žtrangers visant l'acquisition ou la crŽation
d'entreprises, la situation du QuŽbec est peu reluisante. Les dŽpenses Žtrang•res en
crŽation d'entreprises, pourtant fort ŽlevŽe ˆ la fin des annŽes 80, ont chutŽ
dramatiquement par la suite. En 1992, elles ne reprŽsentaient m•me pas 2% de toutes
Ces calculs ont ŽtŽ faits sur la base des m•mes donnŽes publiŽes par Investissement Canada. Pour une
prŽsentation plus compl•te et exhaustive de ces donnŽes, voir lÕannexe 1.
65
56
les dŽpenses de ce type faites au pays ! Cette proportion n'a pas augmentŽ au-dessus
de 10% avant 1996 o• elle reprŽsentait 22,7%. La part quŽbŽcoise dans les dŽpenses
d'acquisition a ŽtŽ moins variable bien qu'elle ne se soit ŽlevŽe ˆ plus de 15% qu'une
seule fois durant la pŽriode de cinq ans entre 1992 et 1996.
Dans les cas ontariens et albertains, la situation est passablement diffŽrente.
Cependant, nous allons voir un peu plus loin que les rŽsultats obtenus par chacune de
ces provinces sur la base des chiffres disponibles doivent •tre nuancŽs car des facteurs
autres qu'Žconomiques doivent •tre pris en compte pour les expliquer.
L'Ontario recueille une Žnorme part de l'investissement Žtranger fait au Canada.
Depuis 1994, plus de 60% des investissements Žtrangers au Canada (acquisition et
crŽation d'entreprises) se dirigent vers la province la plus peuplŽe au pays. C'est
largement supŽrieur ˆ son poids Žconomique ou dŽmographique. Pourtant, cette
proportion avait chutŽ ˆ la suite de la derni•re rŽcession. Si cette proportion
reprŽsentait en moyenne 53,5% entre 1985 et 1991, cette proportion a chutŽ ˆ moins
de 40% en 1992 et 1993. En 1994, elle faisait un bond tout ˆ fait remarquable pour
atteindre un peu moins de 67%. Comme dans le cas du QuŽbec, ces chiffres sont tr•s
variables d'une annŽe ˆ l'autre et ce, tant pour l'acquisition que pour la crŽation
d'entreprises. Cependant, dans le cas de l'Ontario, malgrŽ les variations, la
performance en mati•re d'accueil des investissements Žtrangers surpasse
gŽnŽralement (et de loin) son poids Žconomique.
L'Alberta montre Žgalement des rŽsultats ŽlevŽs en mati•re d'investissement
Žtrangers mais ses rŽsultats sont tr•s inŽgaux, notamment en ce qui concerne les
66
Sur la base des chiffres ayant servis ˆ la construction du graphique 9, entre 1985 et 1991, la proportion
57
dŽpenses dans des nouvelles entreprises. En 1995 et 1996, la valeur des
investissements Žtrangers recueillie par cette province n'atteignait que 1% et 4% par
rapport aux flux totaux d'investissement arrivŽ au pays, alors qu'elle reprŽsentait
environ 65% en 1992 et 1993. Il devient difficile de tirer quelque conclusion que ce soit
ˆ partir de chiffres semblables. La richesse de cette province en termes de ressources
naturelles (pŽtrole et gaz naturel entre autres) explique certainement l'attrait que
prŽsente cette province aux yeux des investisseurs Žtrangers.
L'examen approfondi du portefeuille d'investissement au Canada ne nous
permet pas de confirmer l'hypoth•se spŽcifique ˆ cette section. Au contraire, les
rŽsultats obtenus nous poussent ˆ croire que les investisseurs Žtrangers accordent
une place moins grande au QuŽbec dans leur portefeuille d'investissement au Canada
puisque celle-ci est plus faible que la proportion de l'investissement total des
entreprises (canadien et Žtranger) faite au QuŽbec par rapport ˆ l'ensemble du Canada.
Selon notre mod•le d'analyse, cette divergence de comportement ne peut •tre expliquŽe
que par une perception diffŽrente du risque politique au QuŽbec. Les investisseurs
Žtrangers seraient alors plus sensibles au risque politique causŽ par la prŽsence d'un
mouvement indŽpendantiste.
Nous nous gardons cependant de tirer des conclusions h‰tives ˆ partir des
rŽsultats obtenus. En effet, certains ŽlŽments mŽthodologiques relatifs ˆ ces donnŽes
mŽritent dÕ•tre soulignŽs. DÕabord, il est important de mentionner que, selon ce qui
nous a ŽtŽ dit par des employŽs de lÕorganisme, la raison principale pour laquelle
Statistique Canada ne publie pas de statistiques sur lÕinvestissement Žtranger (autres
que celles apparaissant dans la balance des paiements) est de nature mŽthodologique.
moyenne des investissements faits au QuŽbec par rapport ˆ lÕensemble du Canada a ŽtŽ de 22,9%.
58
Il est difficile de dŽterminer ce quÕest une entreprise Žtrang•re. En effet, Ford Canada
est-elle canadienne ou Žtrang•re ?
Cela dŽpend Žvidemment des crit•res utilisŽs
(propriŽtŽ, centre de dŽcision, centre dÕactivitŽ, etc.). Il semble que lÕon ne sÕentende
pas sur les crit•res ˆ utiliser.
Investissement Canada, dans sa collecte dÕinformations, utilise des crit•res
mŽthodologiques qui ont certainement pour effet de gonfler les rŽsultats ontariens au
dŽpens des rŽsultats de certaines provinces dont le QuŽbec. Dans la ventilation de ces
rŽsultats, lÕorganisme attribue ÇÊla valeur enti•re de chaque investissement (É) au lieu
o• se trouve la plus grande concentration du personnel concernŽ par lÕinvestissement.
(É) De m•me, les statistiques industrielles se rapportent ˆ la principale industrie des
investissements, m•me pour les compagnies dont lÕactivitŽ est diversifiŽeÊÈ.67 Dans le
cas des entreprises dŽjˆ au pays, la valeur des investissements ultŽrieurs est
Žgalement attribuŽe ˆ la province o• se trouve le centre dÕactivitŽ principal de
lÕentreprise au Canada.
Est-ce que les rŽsultats obtenus concernant les portefeuilles dÕinvestissement
auraient ŽtŽ diffŽrents avec dÕautres donnŽes ÇÊmoins imparfaitesÊÈ ? Il est difficile de le
savoir. Certes, la proportion dÕinvestissements Žtrangers recueillie par certaines
provinces (Ontario et Alberta) serait sans doute moins forte. QuÕen serait-il de la part
quŽbŽcoise ?
DÕautres donnŽes nous auraient-elles permis de confirmer notre
hypoth•se ? Il est malheureusement impossible de le savoir. Pour lÕinstant, il nous est
difficile de tirer des conclusions dŽfinitives. Sous rŽserve, il semble que la prŽsence
dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec repousse davantage les investisseurs
Žtrangers. Cela pourrait peut-•tre sÕexpliquer par une crainte plus ŽlevŽe causŽe par
67Investissement
Canada (1992), op.cit., p.iv.
59
un manque dÕinformation ou encore par une mauvaise information, les investisseurs
Žtrangers Žtant naturellement moins renseignŽs sur la situation quŽbŽcoise que les
investisseurs locaux. La suite de lÕanalyse, qui concerne les agences de notation, nous
permettra peut-•tre de nous orienter par rapport aux conclusions que nous devons
tirer.
5. Les cotations des agences dÕŽvaluation de crŽdit
5.1 LÕindustrie du ÇÊcredit ratingÊÈ
La multiplication des acteurs sur les marchŽs et la complexitŽ accrue du secteur
financier au niveau mondial ont favorisŽ le dŽveloppement du r™le des agences
dÕŽvaluation de crŽdit tant au niveau international que national. LÕacquisition
dÕinformation est dÕune importance capitale sur les marchŽs financiers. Le nombre de
facteurs ˆ considŽrer et la multitude de joueurs rend toutefois pratiquement
impossible ou, du moins, beaucoup trop cožteuse la cueillette des informations utiles
ˆ lÕinvestisseur. De plus, le temps nŽcessaire ˆ cette acquisition est devenu trop long,
compte tenu de la vitesse ˆ laquelle les dŽcisions doivent •tre prises. CÕest ainsi que
lÕessor des agences de cotation de crŽdit peut •tre expliquŽ. Celles-ci, en fournissant
lÕinformation indispensable aux intervenants, jouent un r™le primordial. Elles
reprŽsentent en quelque sorte les phares par lequel les investisseurs sont ŽclairŽs dans
leurs choix dÕinvestissement. ÇÊLes cotes [quÕelles accordent] existent pour donner de
lÕinformation sur la qualitŽ du crŽdit ˆ la communautŽ des investisseursÊÈ.68
Citation de Mme Marie Cavanaugh, direcrice du service de la finance internationale chez Standard and
PoorÕs repris de Mivile Tremblay (1996), Le pays en otage, MontrŽal, QuŽbec/AmŽrique (Collection Presses
HEC), p.233.
68
60
Le mŽtier ÇÊdÕŽvaluateur de crŽditÊÈ existe depuis un bon moment. Il faut
remonter au milieu du si•cle dernier pour retrouver les premi•res entreprises du
genre. Tel que Richard Cantor et Frank Packer le constatent, les prŽcurseurs dans
lÕindustrie de la cotation ont ŽtŽ les ÇÊmercantile credit agenciesÊÈ qui cherchaient ˆ
Žvaluer la capacitŽ de certains commer•ants ˆ faire face ˆ leurs obligations
financi•res.69 En 1841, la premi•re agence voit le jour ˆ New York, agence qui sera
ensuite acquise par Robert Dun et qui publiera son premier guide de cotation en 1859.
En 1849, John Bradstreet Žtablit une agence du m•me type qui publie son premier
guide huit ans plus tard. Ces deux agences fusionneront plus tard, en 1933, pour
devenir la cŽl•bre Dun & Bradstreet qui se portera acquŽreur, au dŽbut des annŽes 60,
de la non moins connue MoodyÕs Investors Service, qui avait publiŽ ses premi•res cotes
sur les U.S. railroad bonds en 1909 sous la direction de John Moody. Selon Cantor et
Packer, cette publication de 1909 est ˆ la base de lÕŽvolution, pour ces agences de
services, du ÇÊrating businessÊÈ vers le ÇÊsecurities ratingÊÈ70. Par ailleurs, Fran•ois
Daulon souligne que si la notation a mis un certain temps ˆ sÕimposer ˆ lÕextŽrieur de
son pays dÕorigine, les ƒtats-Unis, elle a connu une renaissance ˆ lÕintŽrieur m•me de
ce pays ˆ partir des annŽes 70, suite ˆ une situation pour le moins paradoxaleÊ:
ÇÊlÕŽchec de la seule agence de notation de lÕŽpoque ˆ remplir sa missionÊ: noter les
Žmission de commercial paperÊÈ.71
Richard Cantor et Frank Packer (1994), ÇÊThe Credit Rating IndustryÊÈ, Federal Reserve Bank of New
York Quaterly Review (Summer-Fall), p.1. Par ailleurs, nous empruntons ˆ ces auteurs le titre de la
prŽsente section.
70 Ibid., p.1-2.
71 LÕauteur rappelle la faillite (laissant 80 millions de dollars dÕeffets ˆ court terme impayŽs), en juin 1970,
de la Penn Central Transportation Compagny, premi•re entreprise de transport au monde, alors m•me que
la National Credit Office (NCO) venait dÕaccorder sa meilleure cote (ÇÊPrimeÊÈ) ˆ ses billets de trŽsorerie. ÇÊLa
dŽconvenue est totale. DÕautant plus que, animŽ alors par des Žmetteurs nombreux et de grand renom, le
marchŽ du commercial paper est considŽrŽ depuis des dŽcennies comme pratiquement sans risque. Les
seuls crit•res de bonnes rŽputation et de taille sont insuffisants ˆ mesurer lÕaptitude dÕun Žmetteur ˆ
rŽgler ˆ bonne ŽchŽance capital et intŽr•ts dus, quelles que soient les conditions du marchŽ. En rŽaction,
la Security and Exchange Commission (SEC), promulgue de nouvelles obligations dÕinformation publique;
Fitch et Standard and PoorÕs commencent ˆ noter les Žmissions de commercial paper tout comme MoodyÕs
qui vient dÕabsorber le NCO dŽfaillant. Les demandes et investigations des agences renforcent
considŽrablement ˆ lÕŽgard des candidats ˆ la notationÊ: les investisseurs eux-m•mes deviennent plus
exigeants et commencent ˆ souhaiter deux notations dŽlivrŽes par deux agences diffŽrentes et
69
61
AujourdÕhui, de nombreuses entreprises offrent aux investisseurs des services
dÕŽvaluation de crŽdit. Celles-ci oeuvrent dans un Žventail plus ou moins Žlargi de
secteurs. Par exemple, Thomson BankWatch se spŽcialise dans le domaine des
institutions financi•res. DÕautres, comme les agences canadiennes Dominion Bond
Rating Service et Canadian Bond Rating Service, se concentrent sur un pays en
particulier. Enfin, les plus influentes, MoodyÕs et Standard & PoorÕs, prŽtendent offrir
un service complet, cÕest-ˆ-dire quÕelles sÕintŽressent ˆ la plupart des pays et ˆ une
majoritŽ des secteurs dÕactivitŽs.72 Ë lÕŽchelon mondial, ces deux agences (MoodyÕs et
Standard and PoorÕs) dominent largement lÕindustrie de la notation de crŽdit.73
Le tableau prŽsentŽ ˆ lÕannexe 2 montre certaines caractŽristiques de dix
agences considŽrŽes, par lÕincontournable Financial Times de Londres dans sa
publication Credit Rating International, comme faisant partie des ÇÊworldÕs most
influential rating agenciesÊÈ.74 Cette prŽsentation, en plus de fournir un Žclairage sur
cette Ç industrie È qu'est la notation de crŽdit, vise ˆ montrer que le choix des quatre
agences sur lesquelles nous concentrerons notre analyse par la suite (Standard and
PoorÕs, MoodyÕs, Canadian Bond Rating Service et Dominion Bond Rating Service) est
pertinent, Žtant donnŽ qu'elles font toutes quatre parties de ce club sŽlect.
Dans lÕexercice de la notation, les crit•res dÕanalyse entre les diffŽrentes agences
de cotation sont fondamentalement les m•mes bien quÕils soient difficilement
comparables car rarement quantifiables. ÇÊAs a practical matter, however, it appears
that market participants have historically viewed the MoodyÕs and the Standard and
reconnuesÊÈ. Voir Fran•ois Daulon (1990), ÇÊActualitŽ de la notationÊÈ, Revue dÕŽconomie financi•re, No. 1213, printemps-ŽtŽ, p.126.
72 Ibid., p.2.
62
PoorÕs scales as roughly equivalent and that the other agencies have attempted to align
their scales against those twoÊÈ.75 Comme nous venons de le voir, dans cette partie,
nous comparerons principalement les cotations de quatre agences, deux canadiennes
(nationales) et deux amŽricaines (Žtrang•res) ayant un important rayonnement
international. Nous observerons lÕŽvolution et les diffŽrences entre les cotes accordŽes
au QuŽbec par ces agences. ƒvidemment, lÕanalyse ne peut •tre compl•te que si lÕon se
sert dÕun point de rŽfŽrence avec lequel il est possible dÕŽtablir certaines comparaisons.
Nous nous servirons de lÕOntario. Pourquoi ne pas utiliser les Žvaluations faites sur le
Canada dans son ensemble, plus dŽveloppŽes et plus facilement accessibles ? La
raison en est bien simpleÊ: la contamination. Puisque le QuŽbec reprŽsente environ le
quart de lÕactivitŽ Žconomique canadienne, lÕinfluence du QuŽbec sur les cotes
accordŽes est assez importante. Ceci rendrait donc plus difficile les comparaisons
puisquÕil est pratiquement impossible de cerner ÇÊlÕeffet QuŽbecÊÈ sur les cotes
accordŽes au Canada. LÕOntario prŽsente Žgalement certaines similaritŽs avec le
QuŽbec sur le plan Žconomique, du moins plus que nÕimporte quelle autre province.
Cette partie vise ˆ donner une certaine signification aux rŽsultats obtenus dans
la partie prŽcŽdente. Nous en saurons davantage sur les perceptions quÕentretiennent
ces ÇÊpharesÊÈ (pour les investisseurs) vis-ˆ-vis de la situation quŽbŽcoise. Le
comportement de lÕinvestisseur est affectŽ par la perception quÕil a du risque.
Rappelons que nous soutenons que la diffŽrence entre le comportement des
investisseurs nationaux et internationaux dans leurs choix dÕinvestissement ne peut
•tre expliquŽe que par une diffŽrence dans cette perception, elle-m•me due ˆ une plus
73
74
75
Philippe Raimbourg (1990), Les agences de rating, Economica., p.33.
Ibid.
Richard Cantor et Frank Packer (1994), op.cit., p.13.
63
grande sensibilitŽ des investisseurs canadiens ˆ la prŽsence dÕun mouvement
indŽpendantiste au QuŽbec.
Bien entendu, les agences de notation nÕinvestissent pas. Et, de plus,
contrairement aux investisseurs, elles nÕŽvaluent pas la ÇÊqualitŽÊÈ dÕun investissement
mais plut™t, comme nous le verrons, la ÇÊqualitŽÊÈ dÕun titre de crŽance. Pourquoi alors
dŽveloppons-nous un argument basŽ sur les agences de cotation de crŽdit ? Puisqu'il
est impossible de conna”tre la perception qu'entretient chaque investisseur vis-ˆ-vis du
risque politique au QuŽbec, nous devons poser lÕhypoth•se que la perception ainsi que
lÕanalyse du risque au QuŽbec des investisseurs correspondent ˆ celles des grandes
agences dÕŽvaluation de crŽdit. Ces agences analysent la situation financi•re et
Žconomique des gouvernements en Žvaluant, entre autres, les obligations Žmises par
ceux-ci et, de plus, elles sont payŽes par les investisseurs pour le faire. Leurs analyses
sont reconnues et jouissent dÕune grande crŽdibilitŽ puisquÕelles sont consultŽes par
un grand nombre dÕintervenants. Cette hypoth•se simplifie notre analyse sans
toutefois la rendre moins valable. Puisque le risque est une affaire de perceptions, il
devient alors indispensable dÕutiliser un solide point de rŽfŽrence.
Le comportement des agences de notation nationales et internationales peut •tre
ŽtudiŽ selon la perspective du mod•le que nous avons dŽveloppŽ pour analyser le
comportement des investisseurs Ð et peut-•tre m•me de mani•re plus Žvidente
puisque, comme nous allons le voir, leurs crit•res dÕŽvaluation sont fondamentalement
similaires et chaque Žvaluateur jugent selon les m•mes crit•res chaque ŽvaluŽ.76 Toute
Dans le cas des investisseurs, la situation nÕest Žvidemment pas la m•me puisquÕils nÕagissent pas de
mani•re aussi systŽmatique. Toutefois, ce ÇÊprobl•meÊÈ a ŽtŽ rŽsolu par la taille de notre Žchantillon. En
effet, nous avons adoptŽ un angle dÕanalyse gŽnŽral plut™t quÕindividuel. En appliquant notre mod•le aux
investisseurs canadiens et Žtrangers au QuŽbec, nous ne cherchions pas ˆ interprŽter le comportement de
tel ou tel investisseur en particulier mais dÕinterprŽter globalement le comportement de lÕensemble des
76
64
diffŽrence de comportement entre agences nationales et internationales vis-ˆ-vis du
QuŽbec devra donc •tre interprŽtŽe par une perception diffŽrente de facteurs
politiques. Aussi, faut-il ajouter quÕil peut sÕagir dÕune dŽmarche intŽressante sur le
plan de lÕavancement des connaissances car peu dÕauteurs nÕont jusquÕˆ maintenant
traitŽ des Žcarts dÕŽvaluation (de notation) entre les agences, notamment dans le cas de
la notation du risque souverain.77 Cette situation tend cependant ˆ •tre corrigŽe gr‰ce
principalement aux reproches dont ont ŽtŽ victimes certaines agences lors de la crise
mexicaine de 1994 et de la rŽcente crise survenue rŽcemment quelques pays
Žmergeants dÕAsie.
5.2 La notation
Que font vŽritablement les agences de cotation ? Comment proc•dent-elles pour
Žtablir les cotes de crŽdit qu'elles accordent ? RŽguli•rement, les quotidiens rapportent
les rŽsultats d'analyses effectuŽes par les plus importantes agences de cotation. On
nous rapporte, par exemple, une dŽcote des obligations ˆ long terme d'un
gouvernement provincial ou du gouvernement fŽdŽral ou encore dÕun titre dÕune
entreprise privŽe. Les agences de cotation ne sont donc pas inconnues du public,
d'autant plus qu'il en est abondamment question ˆ la veille du dŽp™t de chacun des
budgets des gouvernements. Si les noms de MoodyÕs, de Standard and PoorÕs et de
certaines de leurs consoeurs sont familiers pour une majoritŽ (ne serait-ce que pour
dŽsigner d'obscures et tr•s influentes sociŽtŽs situŽes sur Wall Street ou sur Bay
Street), la nature exacte de leurs activitŽs et la signification des cotes qu'elles
accordent le sont moins. C'est pourquoi nous jugeons nŽcessaire d'expliquer
investisseurs nationaux et internationaux au QuŽbec. Il sÕagit lˆ dÕune nuance essentielle, cÕest pourquoi il
importe de la rappeler.
77 La plupart des auteurs qui en font Žtat comme Cantor et Packer (1996) se contentent de mentionner et
de prŽsenter ces Žcarts sans toutefois tenter de les expliquer.
65
synthŽtiquement ce que font ces agences et ce que signifient les cotes qu'elles
accordent.
Les cotes, qui rŽsultent de l'analyse effectuŽe pŽriodiquement par ces firmes,
ÇÊrepresent an attempt to divide a continuum of risk into discrete risk classes based on
an assessment of the capacity of the debt issuer to pay interest and repay the principal
in accordance with the term of the issue È.78 Cette cote ne reprŽsente donc pas plus que
la capacitŽ pour l'entreprise ou le gouvernement concernŽ ˆ faire face ˆ certaines de
ses obligations financi•res. De plus, Ç les agences ne mesurent pas les risques de
marchŽ qui font augmenter ou baisser la valeur dÕun placement, comme par exemple le
risque de change; elles se limitent au risque de dŽfautÊ: la volontŽ et la capacitŽ de
servir la dette ponctuellement et en accord avec les termes de l'Žmission È. 79 La volontŽ
est associŽe au risque politique et la capacitŽ, quant ˆ elle, est reliŽe au risque
Žconomique.80 Contrairement ˆ ce que l'on pourrait •tre portŽ ˆ croire, leurs activitŽs,
en ce qui concerne sovereign rating, ne visent qu'indirectement ˆ poser un jugement
sur la gestion budgŽtaire et financi•re et sur les choix de politiques Žconomiques des
gouvernements. Toutefois, il faut se rendre ˆ l'Žvidence que la capacitŽ de faire face ˆ
ses obligations financi•res pour un gouvernement dŽpend largement de la conduite de
sa politique Žconomique et de la qualitŽ de la gestion des finances publiques.81
La
Stella Cheung (1996), Ç Provincial Ratings in Canada: An Ordered Probit Analysis È, Document de travail
96-6, Banque du Canada, p.2.
79 Miville Tremblay (1996), op.cit. p.233.
80 David T. Beers et Marie Cavanaugh (1997), Sovereign Credit Rating: A Primer, Standard and PoorÕs, 16
avril, p.2-3. Obtenu sur le Web ˆ l'adresse suivante:
http://www.rating.standardpoor.com/criteria/sovereigns/primer.htm.
81 Dans son ouvrage, Mivile Tremblay (1996), chercheur au CƒTAI, relate un aveu d'un ancien ministre
quŽbŽcois de lÕIndustrie, du Commerce et de la Technologie, M. GŽrald Tremblay, qui laisse croire que la
prise de dŽcision en mati•re budgŽtaire est fortement influencŽe par l'anticipation des dŽcideurs quant
aux rŽactions des agences de cotation. Cet aveu du ministre Tremblay aurait ŽtŽ fait au printemps 1993,
peu de temps avant le dŽp™t d'un budget important compte tenu de la conjoncture Žconomique. Ç Notre
budget n'avait qu'un but : sauver la cote ; et on n'a pas rŽussi È. En effet, Standard and PoorÕs abaissait la
cote du QuŽbec de AA- ˆ A+ peu de temps apr•s, c'est-ˆ-dire au mois de juin de la m•me annŽe. La
citation est tirŽe de Mivile Tremblay (1996), op.cit., p.225-226.
78
66
particularitŽ de la notation utilisŽe par ces agences mŽrite que l'on s'y attarde quelque
peu afin de faciliter notre comprŽhension.
AujourdÕhui, la plupart des agences (dont celles que nous considŽrons) se
servent de symboles alphabŽtiques pour Žvaluer les Žmetteurs. Cette mŽthode nÕa
toutefois pas toujours ŽtŽ si rŽpandue. ÇÊMost of the rating agencies have long had their
own symbol Ð some using letters, others using numbers, many both Ð for rating the credit
risk default from extremely safe to highly speculative. Gradually, however, a rough
correspondance amoung the major agenciesÕ ratings has emergedÊÈ.82 Ainsi, il ne sera
pas nŽcessaire dÕexpliquer la notation de chacune des agences, ˆ lÕexception de
certaines particularitŽs de portŽe mineure. Les grandes agences, les agences
internationales comme Standard and PoorÕs et MoodyÕs, sont davantage gŽnŽreuses en
termes de publications ayant trait ˆ la construction des cotes et ˆ la signification de
celles-ci. Pour cette raison, dans cette partie o• le propos nÕest quÕexplicatif, ces deux
agences nous serviront de principal point de rep•re.
82Richard
Cantor et Frank Packer (1994), op.cit., p.3.
67
Tableau 4: La notation des agences de cotation
S&P et
Moody's InterprŽtation
les autres
AAA
Aaa
Titre et Žmetteur d'excellente qualitŽ; risque minime et
tr•s forte capacitŽ de remboursement (capital et intŽr•t).
AA
Aa
Titre de tr•s bonne qualitŽ avec tr•s bonne capacitŽ de
remboursement; ne diff•re d'un titre cotŽ AAA (ou Aaa)
que sur de petits dŽtails.
A
A
Titre de bonne qualitŽ (classe moyenne supŽrieure);
bonne capacitŽ de remboursement mais plus susceptible
d'•tre affectŽ par des changements nŽgatifs sur les plans financier
et Žconomique que les titres des catŽgories prŽcŽdentes.
BBB
Baa
Titre de classe moyenne; capacitŽ de remboursement
adŽquate mais la protection ˆ long terme est incertaine.
BB
Ba
Placement ˆ risques o• l'on observe des caractŽristiques spŽculatives prŽdominantes; peu de protection quant ˆ la capacitŽ
de remboursement.
B
B
Titre vulnŽrable aux conditions Žconomiques et financi•res
mais il existe tout de m•me une capacitŽ de remboursement.
CCC
Caa
Titre ayant une vulnŽrabilitŽ perceptible face aux conditions Žconomiques et financi•res; probabilitŽ de dŽfaut tr•s forte car faible
capacitŽ de remboursement.
CC
Ca
Titre encore plus vulnŽrable que dans le cas prŽcŽdent.
C
C
VulnŽrabilitŽ tr•s forte; risque tr•s ŽlevŽ; capacitŽ de remboursement pratiquement nulle.
D
D
ƒmetteur actuellement en faillite ou en dŽfaut de paiement.
Source: Cheung (1996), Tremblay (1996), Kantor et Packer (1994), Standard and
Poor's (Ratings Definitions) et Moody's (Ratings Definitions)
Les cotes sont classŽes selon deux catŽgories distinctesÊ: investissement (BBB et
plus) et spŽculation (BB et moins). Cette distinction se rŽv•le importante. En effet, la
rŽglementation amŽricaine sÕav•re contraignante pour les banques, les compagnies
dÕassurances et les fiducies lorsquÕelles investissent dans des obligations ne faisant
pas partie de la catŽgorie investment grade.83
83
Mivile Tremblay (1996), op.cit., p.234.
En dehors des ƒtats-Unis, les
68
investisseurs institutionnels prennent rarement en considŽration des titres notŽs sous
ÇÊAÊÈ.84
ÇÊLa classe des obligations spŽculatives comprend les ÇÊanges dŽchusÊÈ, mais aussi les
titres qui ont ŽtŽ Žmis tels quels, soit les fameux junk bonds (ou high yield bonds) qui
ont financŽ les OPA (offre publique dÕachat) hostiles des annŽes 80.Le marchŽ pour ces
obligations pourries ou de pacotilles est considŽrable aux ƒtats-Unis, mais peu
profond au Canada. Tout ce qui est BBB- et au-dessus est considŽrŽ de classe
investissement, ce qui veut dire que nous sommes dÕavis que la dette sera servie
ponctuellement. (É) LÕŽcart entre ÇÊBBBÊÈ et ÇÊAAAÊÈ dŽfinit la grosseur du coussin quÕa
lÕinvestisseurÊÈ.85
Les agences compl•tent Žgalement ces cotes de signes (+ ou -, dans le cas de
Standard ans PoorÕs et des autres) ou de chiffres (1, 2 ou 3, dans le cas de MoodyÕs).86
Cela permet de situer plus prŽcisŽment un titre dans une m•me classe de cote. Ainsi,
un degrŽ supplŽmentaire de finesse est ajoutŽ ˆ la notation.
Rapidement, il est intŽressant de mentionner au passage deux autres ŽlŽments
touchant la notation de crŽditÊ: le ÇÊCredit WatchÊÈ et le ÇÊCredit OutlookÊÈ. Le ÇÊCredit
WatchÊÈ est une mani•re de mettre une entreprise ou un gouvernement sous
surveillance lorsquÕun grand changement est anticipŽ mais que lÕinformation
nŽcessaire ˆ son apprŽciation nÕest pas encore disponible.87 Standard and PoorÕs
accompagne sa cote (complŽtŽe dÕun symbole + ou -) dÕune perspective, dÕun ÇÊCredit
OutlookÊÈ. Celle-ci peut •tre positive, nŽgative ou stable. Elle sert dÕindication quant ˆ
la direction que la cote pourrait prendre au cours des prochaines annŽes si lÕanalyse
est exacte et les tendances se maintiennent.88
5.3 Le QuŽbec en cotes
Le gouvernement quŽbŽcois nÕŽchappe pas ˆ cette notation. DÕailleurs, en
fournissant les informations nŽcessaires aux agences et en rŽpondant aux
84
85
86
87
Ibid.
Ibid.
Pour MoodyÕs, le ÇÊ1ÊÈ Žquivaut au ÇÊ+ÊÈ des autres agences et le ÇÊ3ÊÈ au ÇÊ- È.
Ibid., p.236.
69
interrogations de celles-ci par la voix de son ministre des Finances ou de hauts
fonctionnaires, le gouvernement participe dÕune certaine fa•on ˆ lÕexercice. QuÕen est-il
des Žvaluations des titres Žmis par le gouvernement quŽbŽcois ? Ces Žvaluations sont
tr•s significatives pour le gouvernement. Bien quÕil soit impossible de calculer
prŽcisŽment le cožt dÕune dŽcote, les consŽquences dÕune telle situation sont
sŽrieusesÊ: hausse du cožt de financement de la dette (frais dÕintŽr•t) et rŽduction du
bassin dÕinvestisseurs susceptibles dÕacheter des obligations du gouvernement du
QuŽbec (notamment les investisseurs institutionnels ne recherchant que des titres de
grande qualitŽ).89
Le QuŽbec a ŽtŽ notŽ pour la premi•re fois en dŽcembre 1966. La firme Standard
and PoorÕs a accordŽ une note ÇÊAAÊÈ aux obligations ˆ long terme Žmises par le
gouvernement.90
Moins dÕune annŽe et demie plus tard, MoodyÕs accordait un ÇÊAÊÈ
aux m•mes titres. Cette derni•re procŽdait ˆ une rŽŽvaluation en 1974 qui lÕa amenŽ ˆ
accorder une note semblable (ÇÊAaÊÈ) ˆ sa consoeur new-yorkaise. Notons que Standard
and PoorÕs nÕa pas modifiŽ son Žvaluation entre 1966 et 1982, annŽe o• elle a dŽvaluŽ
la cote dÕun signe, la faisant passer ˆ ÇÊAA-ÊÈ. MoodyÕs a dŽvaluŽ le QuŽbec la m•me
annŽe. Les agences canadiennes, plus jeunes, ont commencŽ plus tard ˆ noter le
gouvernement du QuŽbec. La premi•re dÕentre elles, Canadian Bond Rating Service,
accordait un ÇÊAÊÈ au QuŽbec en janvier 1982. En 1987, Dominion Bond Rating Service
Žvaluait avec un ÇÊAÊÈ, complŽtŽ dÕune perspective positive (high), le crŽdit du
gouvernement. Fait ˆ noter, le gouvernement du QuŽbec nÕa jamais obtenu de cote
infŽrieure ˆ ÇÊA-ÈÊ (DBRS, depuis aožt 1995) de la part de lÕune ou lÕautre de ces quatre
88
Ibid., p.234.
Ibid., p.232.
Mentionnons quÕˆ ce moment cette agence nÕutilisait pas les signes + ou Ð pour situer le titre dans une
m•me catŽgorie.
89
90
70
agences. LÕanalyse de lÕŽvolution des cotes sera reprise ˆ la suite de la prŽsentation du
tableau comparatif suivant.
Tableau 5 : Le QuŽbec en cotes
S&P
Moody's
CBRS
DBRS
AnnŽe
1966 AA (dŽc.)
1968
A (avril)
1975
Aa (mai)
1982 AA- (juillet)
A1 (juillet)
A (janv.)
1986
Aa3 (juillet)
1987
AA (janv.)
A (hi) (oct.)
1992
A+ (mars)
1993 A+ (juin)
A1 (juin)
A (juin)
1994
A (juin)
1995
A2 (juin)
A (lo) (aožt)
1996
1997
1998
Source : DonnŽes fournies directement par les diffŽrentes
firmes sauf dans le cas de Standard and PoorÕs o• elles ont
ŽtŽ reprises de Cheung (1996).
Ë premi•re vue, on remarque que Standard and PoorÕs est, si lÕon peut dire,
moins active dans le cas du QuŽbec que les autres firmes. En douze ans, lÕagence nÕa
modifiŽ la cote du QuŽbec que deux fois (dŽclassement en deux Žtapes de ÇÊAAÊÈ ˆ
ÇÊA+ÊÈ). Si la dŽcote de 1982 sÕexplique par la rŽcession qui a durement touchŽ la
province, celle de 1993 sÕexplique principalement par lÕinquiŽtude manifestŽe par
lÕagence ˆ lÕŽgard des finances publiques.91 DÕailleurs, elle nÕest pas la seule ˆ avoir agi
de la sorte lors de ces annŽes puisque MoodyÕs a rŽagi de la m•me fa•on et, qui plus
est, au m•me moment. Les deux agences canadiennes ont Žgalement revu ˆ la baisse
leur Žvaluation vis-ˆ-vis du QuŽbec au dŽbut de la prŽsente dŽcennie, soit en 1992
dans le cas de CBRS et en 1993 en ce qui concerne DBRS.
91
Miville Tremblay (1996), op.cit., p.227-228.
71
Une comparaison entre le comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec des agences
internationales et canadiennes nÕest possible quÕˆ partir de 1982, annŽe o• CBRS,
premi•re agence du genre ˆ voir le jour au Canada, a notŽ le QuŽbec pour la premi•re
fois. Il en sera de m•me, plus loin, lorsquÕil sera question de lÕOntario. Il sÕagit tout de
m•me dÕune pŽriode suffisamment longue pour nous permettre de procŽder au type
dÕanalyse que nous souhaitons effectuer.
Selon une analyse statistique effectuŽe par Cantor et Packer, les cotes accordŽes
par les deux principales agences internationales, Standard and PoorÕs et MoodyÕs, sont,
historiquement, Žquivalentes.92 Pour le QuŽbec, •a nÕa pas toujours ŽtŽ le cas bien que
les Žcarts entre les deux firmes soient minces. Ces Žcarts, lorsquÕil y en a eu, nÕont en
effet jamais dŽpassŽ lÕŽquivalent dÕun signe, ˆ lÕexception de la pŽriode allant de 1968 ˆ
1975 o• Standard and PoorÕs accordait ÇÊAAÊÈ au QuŽbec alors que MoodyÕs le cotait ˆ
ÇÊAÈ (Žcart Žquivalent ˆ deux signes).93 Par ailleurs, les deux agences ont procŽdŽ
simultanŽment ˆ des reclassements, en juillet 1982 et en juin 1993. Dans les deux
cas, il sÕagissait dÕune dŽcote. Cette simultanŽitŽ est tr•s significative quant au
rapprochement dans lÕŽvaluation de ces deux firmes internationales. Ceci facilitera la
suite de lÕanalyse et, peut-•tre, solidifiera les conclusions que lÕon pourra en tirer.
Le comportement des agences de cotation vis-ˆ-vis du QuŽbec diff•re selon
quÕelle soit canadienne ou Žtrang•re. LÕŽvolution des cotes attribuŽes, depuis 1982 du
moins, permet dÕy aller dÕune telle affirmation. Il faut ajouter cependant que CBRS
semble adopter un comportement qui se rapproche davantage des agences amŽricaines
que la DBRS. Par exemple, en ce moment, le QuŽbec est cotŽ ÇÊA-È (ou ÇÊA (low)È selon
les symboles utilisŽs par cette agence) par DBRS alors que CBRS et MoodyÕs accordent
92
93
Richard Cantor et Frank Packer (1994), op.cit., p.14.
Avant 1974, Standard and PoorÕs nÕutilisait pas les symboles ÇÊ+ et Ð È.
72
un ÇÊA È aux titres ˆ long terme du gouvernement (ÇÊA2È selon la mŽthode de notation
de MoodyÕs). Standard and PoorÕs les Žvalue ˆ ÇÊA+È.
Depuis le dŽbut des annŽes 80, sur les quatre agences retenues pour lÕanalyse,
Standard and PoorÕs a ŽtŽ, dans lÕensemble, la plus favorable ˆ lÕŽgard du QuŽbec.
DÕailleurs, en ce moment elle accorde la note la plus ŽlevŽe au QuŽbec parmi ce groupe
dÕagences et ce, depuis juin 1993. Pareille situation prŽvalait jusquÕen 1987, annŽe o•
CBRS procŽdait ˆ une forte recote des obligations de la province. Cette recote
permettait ˆ la firme canadienne de prŽsenter lÕŽvaluation la plus favorable au QuŽbec
avec un ÇÊAAÈ. Cette situation est demeurŽe inchangŽe jusquÕen mars 1992. Une telle
situation (une agence canadienne plus favorable au QuŽbec que les agences
internationales) ne sÕest pas reproduite. Il est intŽressant de remarquer que
lÕattribution de cette cote (ÇÊAAÊÈ) par CBRS Žtait le rŽsultat dÕun reclassement tout ˆ
fait impressionnant. La cote passait directement de ÇÊAÊÈ ˆ ÇÊAAÊÈ en janvier 1987 ! Un
changement de classe Žquivalant ˆ une amŽlioration de trois signes. En mars 1992, la
cote subissait un dŽclassement marquŽ pour atteindre ÇÊA+È.
Il est tr•s rare dÕobserver de tels mouvements dans les cotes attribuŽes par ces
agences. Le conservatisme adoptŽ par celles-ci dans leurs Žvaluations les pousse ˆ
procŽder rŽguli•rement ˆ des mises ˆ jour, ce qui leur permet dÕapprŽhender lÕavenir
de mani•re plus juste; leur crŽdibilitŽ aux yeux des investisseurs en dŽpend. Si lÕon
exclut cet ÇÊŽpisode CBRS È, jamais nÕa-t-on assistŽ, au QuŽbec, ˆ un dŽclassement ou
ˆ un reclassement de plus dÕun signe au m•me moment (voir tableau 5).
Standard and PoorÕs et MoodyÕs ont toujours offert des cotes supŽrieures par
rapport aux agences canadiennes, ˆ lÕexception de la pŽriode 1987-1992. Par ailleurs,
73
m•me durant cette pŽriode, elles attribuaient toutes deux la cote ÇÊAA-È au QuŽbec, ce
qui est tout juste moins ŽlevŽ que le ÇÊAAÊÈ attribuŽ par CBRS. Quant ˆ lÕautre agence
canadienne, DBRS, il sÕagit de la firme la plus sŽv•re vis-ˆ-vis le QuŽbec depuis un peu
plus de onze ans. Elle nÕa jamais attribuŽ une cote supŽrieure ˆ ÇÊA+ÊÈ au QuŽbec
depuis 1987. Rappelons quÕen ce moment, la cote attribuŽe par cette agence est de ÇA-È
alors que celle de Standard and PoorÕs est de ÇÊA+È et celle de MoodyÕs et de CBRS est
de ÇÊAÊÈ .
Avant de conclure, il serait intŽressant de vŽrifier comment ces agences agissent
avec lÕOntario. De cette mani•re, nous pourrons vŽrifier si nos constatations au sujet
du comportement des agences observŽ dans le cas du QuŽbec (les agences
internationales sont gŽnŽralement moins sŽv•res que les agences canadiennes) se
rŽv•lent Žgalement vrai dans le cas de cette autre province canadienne.
74
Tableau 6 : L'Ontario en cotes
AnnŽe
1958
1966
1977
1979
1982
1985
1986
1987
1988
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
S&P
Moody's
Aa (avril)
CBRS
DBRS
AA (juil.)
AAA (dŽc.)
Aaa (fŽv.)
AAA- (janv.)
AA+ (nov.)
AAA (janv.)
AA (oct.)
AAA (juil.)
AA+ (juin)
AA (mai)
AA- (nov.)
Aa2 (mai)
AA+ (janv.)
AA (janv.)
AA (lo) (nov.)
A (hi) (nov.)
Aa3 (mai)
Source : DonnŽes fournies directement par les diffŽrentes
firmes sauf dans le cas de Standard and PoorÕs o• elles ont
ŽtŽ reprises de Cheung (1996).
La situation nÕest pas tout ˆ fait la m•me. Bien que DBRS soit, dans ce cas-ci
Žgalement, la plus dŽfavorable dans sa cotation en ce qui concerne le cas ontarien, les
agences internationales ne sont pas nŽcessairement les plus favorables dans leur
cotation. Il semblerait m•me, quÕau contraire, la CBRS est gŽnŽralement moins sŽv•re
dans son Žvaluation. Par exemple, en ce moment, celle-ci accorde une cote de ÇÊAAÊÈ
aux titres ˆ long terme du gouvernement de cette province alors que Standard and
PoorÕs et MoodyÕs accordent une cote deÊÇÊAA-È aux m•mes titres. En fait, la cote
attribuŽe par la principale agence canadienne nÕa ŽtŽ infŽrieure ˆ celles des agences
internationales quÕentre 1982 et 1986. Depuis ce temps, les cotes sont supŽrieures ou
Žgales ˆ celles des deux grandes firmes new-yorkaises. De plus, CBRS nÕa pas imitŽ
ces consoeurs amŽricaines qui ont procŽdŽ ˆ un dŽclassement en 1993 (S&P) et 1994
75
(MoodyÕs). Dans le cas du QuŽbec, au contraire, elle a lÕhabitude de devancer les
dŽclassements des deux gŽantes.
Suite ˆ cette prŽsentation gŽnŽrale de lÕŽvaluation du crŽdit des gouvernements
quŽbŽcois et ontarien, attardons-nous plus spŽcifiquement aux Žcarts entre les cotes
attribuŽes par les agences internationales et canadiennes. M•me si ces agences
nÕutilisent que des symboles alphabŽtiques, il est possible de calculer lÕŽcart entre deux
cotes. En effet, comme nous lÕavons fait prŽcŽdemment, nous nÕavons quÕˆ concevoir
ces cotes comme des nombres et, pour calculer la diffŽrence entre deux cotes donnŽes,
procŽder ˆ une diffŽrence dont le rŽsultat Žquivaudra au nombre de cotes les sŽparant.
Par exemple, lÕŽcart entre ÇÊAA-ÊÈ et ÇÊAÊÈ Žquivaut ˆ deux et celui entre ÇÊA+ÊÈ et ÇÊAÊÈ ˆ
un. Le tableau ci-dessous prŽsente les Žcarts entre les agences canadiennes et
internationales. Lorsque le signe est positif, cela signifie que la cote accordŽe par
lÕagence internationale est plus ŽlevŽe que celle accordŽe par lÕagence nationale.
Lorsque ce signe est nŽgatif, cela signifie au contraire que lÕagence canadienne est plus
favorable ˆ lÕŽgard de la province que de lÕagence internationale.
76
Tableau 7 : ƒcarts entre agences internationales et canadiennes
QuŽbec
Ontario
S&P -
Moody's -
S&P -
Moody's -
S&P -
Moody's -
S&P -
Moody's -
CBRS
+1
DBRS
DBRS
CBRS
+1
CBRS
+1
DBRS
DBRS
1982
1983
CBRS
+2
+2
1984
1985
+2
+2
+1
+1
1986
1987
1988
+2
+1
+2
+1
+1
-1
-1
-1
-1
-1
+1
+1
1989
1990
-1
-1
-1
-1
1991
1992
-1
+1
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1982
1983
+1
+1
1984
1985
+1
0
+1
+1
1986
1987
1988
-2
-2
0
0
0
+1
+3
+3
+3
+1
+1
+1
+1
1989
1990
0
0
0
0
+3
+3
+3
+3
-1
+1
+1
+1
+1
+1
1991
1992
0
0
-1
0
0
+1
+1
0
+1
0
+1
+1
+2
+1
+1
0
1993
1994
-1
-1
-1
0
-1
-1
+2
+1
+1
+1
+1
+1
+2
+1
+1
+1
0
0
+2
+2
+1
+1
-1
-1
-1
-1
+1
+1
+1
+1
+1
0
+2
+1
-1
-1
+1
+1
+1
+1
1995
1996
1997
1998
(Les chiffres en gras indiquent que les cotes se situent dans des classes diffŽrentes)
Les rŽsultats prŽsentŽs au tableau 7 permettent de quantifier notre propos.
LÕŽcart entre le comportement des agences canadiennes et internationales peut ainsi
•tre dŽmontrŽ de mani•re plus fine. Au QuŽbec, sur la pŽriode allant de 1982 ˆ 1998,
les cotes attribuŽes par Standard and PoorÕs ont ŽtŽ supŽrieures ˆ celles de CBRS onze
annŽes sur dix-sept. Puisque les cotes des deux agences Žtaient Žquivalentes en 1993,
lÕŽvaluation de lÕagence canadienne nÕa ŽtŽ supŽrieure que pendant cinq annŽes sur
toute la pŽriode (entre 1987 et 1991 alors que les libŽraux Žtaient au pouvoir). Les
cotes attribuŽes au gouvernement quŽbŽcois par MoodyÕs et CBRS ont ŽtŽ similaires
cinq annŽes sur dix-sept entre 1982 et 1998. Cependant, au cours des douze autres
annŽes, sept fois la cotation de MoodyÕs a ŽtŽ supŽrieure ˆ celle de CBRS. Par ailleurs,
entre 1987 et 1998, les deux agences new-yorkaises ont toujours ŽvaluŽ le crŽdit du
77
QuŽbec plus favorablement que lÕautre agence canadienne, DBRS (ˆ lÕexception de
lÕannŽe 1995 o• cette agence accordait la m•me cote que MoodyÕs).
Dans le cas de lÕOntario, entre 1982 et 1998, CBRS et Standard and PoorÕs ont
accordŽ la m•me cote cinq fois. Lors des douze autres annŽes, lÕagence internationale a
ŽtŽ moins sŽv•re dans son Žvaluation seulement trois fois et ce, au dŽbut de la pŽriode
considŽrŽe (en 1982, 1983 et 1984). Donc, depuis 1984, la cote accordŽe par lÕagence
canadienne a ŽtŽ supŽrieure ˆ celle de Standard and PoorÕs neuf annŽes sur quatorze.
Cette situation prŽvaut depuis 1993. La comparaison entre les cotes de CBRS et de
MoodyÕs permet dÕen arriver ˆ des rŽsultats similaires quoique ces deux agences aient
ŽvaluŽ pareillement le crŽdit ontarien sept fois sur la pŽriode. LÕagence internationale a
ŽtŽ plus favorable dans son Žvaluation seulement lors des quatre premi•res annŽes de
la pŽriode. Depuis 1985, la cote de CBRS a toujours ŽtŽ Žquivalente ou supŽrieure (six
fois) ˆ celle de MoodyÕs. Une situation qui ne ressemble nullement ˆ celle prŽvalant au
QuŽbec. Toutefois, en ce qui concerne les comparaisons avec DBRS, on constate que,
comme au QuŽbec ˆ une exception pr•s, cette agence canadienne nÕa jamais attribuŽ
au gouvernement provincial une cote Žquivalente ou supŽrieure ˆ celle de lÕune ou
lÕautre des agences internationales. Notons toutefois que les Žcarts entre, dÕune part,
Standard and PoorÕs et DBRS et, dÕautre part, entre MoodyÕs et DBRS sont davantage
prononcŽs pour lÕOntario.
Notre analyse permet de dŽgager une constante dans le comportement des
quatre agences depuis 1982Ê: le crŽdit ontarien est invariablement mieux cotŽ que
celui du QuŽbec. LÕŽcart entre la cotation de chacune des provinces tend cependant ˆ
diminuer avec le temps.ÊLe tableau suivant prŽsente ces Žcarts.
78
Tableau 8 : ƒcarts Ontario-QuŽbec
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
S&P
4
4
4
2
2
2
4
4
4
2
1
1
1
1
1
1
1
Moody's
5
5
5
5
4
4
4
4
4
1
1
2
1
2
2
2
2
CBRS
5
5
5
5
6
3
3
3
3
1
2
2
3
3
3
3
3
DBRS
2
2
2
2
1
1
1
1
2
2
2
2
ƒcart moyen
1982-98 2,294
3,118
3,412
1987-98 1,917
2,417
2,667
1,667
(Les chiffres en gras indiquent que les cotes se situent dans des classes diffŽrentes)
Entre 1982 et 1998, Standard and PoorÕs est lÕagence dont lÕŽcart moyen entre
les cotations a ŽtŽ le plus faible ; CBRS celle dont lÕŽcart a ŽtŽ le plus ŽlevŽ. DÕailleurs,
cet Žcart est de un depuis 1992 alors que, dans le cas de CBRS, il est de trois en ce
moment et ce, depuis 1994. LÕŽcart moyen est une mesure utile puisquÕelle permet de
montrer de fa•on synthŽtique la diffŽrence de comportement de chacune des agences
vis-ˆ-vis du QuŽbec et de lÕOntario sur une pŽriode donnŽe.
Lorsque lÕon rŽduit la pŽriode considŽrŽe afin dÕinclure DBRS dans lÕanalyse, on
remarque que, depuis 1987, cette agence a conservŽ lÕŽcart le plus faible entre ces
Žvaluations ontariennes et quŽbŽcoises. Compte tenu de ce qui avait ŽtŽ dit plus t™t, ce
79
nÕest gu•re Žtonnant. Cette jeune agence est, parmi les quatre agences, la plus sŽv•re
dans sa notation et ce, tant avec lÕOntario quÕavec le QuŽbec. Entre les trois autres
agences, le scŽnario est le m•me que celui de la pŽriode 1982-98, cÕest-ˆ-dire que
CBRS prŽsente lÕŽcart le plus ŽlevŽ alors que Standard and PoorÕs le moins ŽlevŽ.
Notons que lÕŽcart moyen est plus faible pour chacune des firmes sur cette pŽriode
(1987-1998) raccourcie par rapport ˆ la prŽcŽdente (1982-1998).
Si lÕon se situe ˆ un niveau gŽnŽral, il est possible dÕexpliquer la diffŽrence entre
les cotes ontariennes et quŽbŽcoises. Stella Cheung94 et Paul Boothe95 identifient le
ratio dette/PIB comme la principale variable affectant la cotation. Si on observe
attentivement lÕŽvolution de ce ratio entre 1982 et 1998, on constate rapidement quÕun
important Žcart sÕest creusŽ entre les deux provinces depuis le dŽbut de la dŽcennie
80. Le graphique ci-dessous prŽsente cette Žvolution.
Stella Cheung (1996), op.cit.
Paul Boothe (1993), ÇÊBond Rating and Provincial GovermentÊÈ, PEAP Study 93-3, Institute for Policy
Analysis, University of Toronto.
94
95
80
Graphique 10 : Dette nette (en % du PIB nominal) QuŽbec-Ontario
50%
40%
30%
20%
10%
0%
-10%
1970 1971 1973 1974 1975 1977 1978 1979 1980 1982 1983 1984 1986 1987 1988 1990 1991 1992 1993 1995
QuŽbec
0,075 0,073 0,075 0,069 0,067 0,093 0,108 0,117 0,136 0,148
Ontario
0,061 0,057 0,075 0,076 0,095 0,125 0,14 0,143 0,138 0,134 0,165 0,126 0,135 0,132 0,126 0,136 0,147 0,181 0,221 0,274
ƒcart
0,015 0,016
-0
-0,01 -0,03 -0,03 -0,03 -0,03
-0
0,3 0,269 0,319 0,308 0,287 0,292 0,293 0,33 0,371 0,445
0,014 0,135 0,143 0,184 0,176 0,162 0,156 0,146 0,149 0,15 0,171
SourceÊ: Statistique Canada, Base de donnŽes CANSIM, matrices 3206, 3207, 2627 et 2628
Au QuŽbec, entre 1982 et 1983, on a assistŽ ˆ une augmentation exceptionnelle
de ce ratio. En effet, il est passŽ de 14,8% ˆ 30%. LÕŽcart avec lÕOntario sÕest donc
creusŽ passant de 1,4% ˆ 13,5%. On comprend alors mieux le comportement de
Standard and PoorÕs et de MoodyÕs qui ont procŽdŽ ˆ une dŽcote du crŽdit quŽbŽcois en
juillet 1982. Par la suite, le ratio dette/PIB a continuŽ de cro”tre plus rapidement au
QuŽbec quÕen Ontario. Ainsi, selon les plus rŽcents chiffres disponibles, ce ratio Žtait
de 44,5% au QuŽbec en 1995 alors quÕil Žtait de 27,4% en Ontario la m•me annŽe.
LÕŽcart entre les deux provinces ˆ ce chapitre a ŽtŽ relativement stable depuis le milieu
des annŽes 80 variant entre 14 et 18%.
Avant le dŽbut des annŽes 80, ce ratio Žtait pratiquement Žquivalent au QuŽbec
et en Ontario. De m•me, Standard and PoorÕs a attribuŽ une cote identique (ÇÊAAÊÈ) ˆ
chacune de ces provinces entre 1966 et 1977, annŽe o• le crŽdit ontarien a ŽtŽ recotŽ.
MoodyÕs quant ˆ elle a agi de mani•re similaire puisque entre 1968 et 1975, lÕŽcart
81
entre les deux cotes Žtait de deux et que, de 1975 ˆ 1979, la m•me cote Žtait accordŽe
ˆ ces deux gouvernements.96
Maintenant, nous sommes en mesure dÕaffirmer que le comportement des
agences canadiennes vis-ˆ-vis du QuŽbec est diffŽrent de celui des principales agences
internationales. Dans le cas de la DBRS, cette diffŽrence est pour le moins Žvidente.
Les rŽsultats de ses Žvaluations sont toujours plus faibles que celles des autres
agences. Toutefois, la situation est similaire dans le cas de lÕOntario. Elle semble donc
adopter des crit•res gŽnŽraux dÕŽvaluation plus contraignants que les autres et le
poids accordŽ ˆ chacun de ces crit•res dans son analyse doit •tre diffŽrent. CÕest du
moins une explication possible quant ˆ son comportement. De plus, compte tenu
quÕelle a dŽbutŽ ˆ Žvaluer le crŽdit des provinces canadiennes seulement en 1987, il
est difficile de tirer de solides conclusions ˆ partir de son comportement.
Le comportement de la CBRS nous permet de tirer des conclusions apparentŽes
ˆ notre hypoth•se. Comme nous lÕavons vu, elle est gŽnŽralement moins gŽnŽreuse en
termes de cotation que MoodyÕs ou Standard and PoorÕs vis-ˆ-vis du QuŽbec. Le fait
quÕˆ lÕinverse elle soit plus gŽnŽreuse que les agences internationales dans le cas
ontarien nous pousse ˆ croire que nos constatations peuvent •tre liŽes ˆ notre
hypoth•se et ˆ notre mod•le dÕanalyse. Comment expliquer que la diffŽrence de
comportement est inversŽe en Ontario ? Chacune des firmes prise individuellement
utilise pourtant des crit•res dÕanalyse semblables dans lÕŽvaluation de chacune des
provinces. Selon notre mod•le, cette diffŽrence de comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec
ne peut •tre expliquŽe que par une perception dissemblable du risque politique
82
existant au QuŽbec. Ce nÕest pas simplement lÕŽcart entre les cotes accordŽes au
QuŽbec entre la CBRS et les agences amŽricaines qui nous permet dÕen arriver ˆ ces
conclusions, cÕest aussi lÕinversion de cet Žcart dans le cas ontarien. Si la diffŽrence
Žtait due ˆ des facteurs strictement Žconomiques (les Žcarts entre le QuŽbec et
lÕOntario en termes de cotes devraient sÕexpliquer principalement par un Žcart
important du ratio dette/PIB), en Ontario lÕagence canadienne aurait Žgalement ŽtŽ
moins gŽnŽreuse ou, du moins, son Žvaluation aurait convergŽ avec celle des firmes
Žtrang•res.
Puisque nous souhaitions continuer dÕadopter une approche conservatrice,
nous avons nŽgligŽ de traiter les diffŽrences de classe entre les cotes de mani•re plus
approfondie. Il est tout ˆ fait raisonnable de croire quÕun Žcart ˆ lÕintŽrieur dÕune m•me
classe est moins significatif quÕun Žcart entre deux cotes qui se situent dans deux
classes diffŽrentes. Par exemple, nous avons considŽrŽ Žquivalent lÕŽcart entre ÇÊA+È et
ÇÊAÊÈ et celui entre ÇÊAA-È et ÇÊA+ÊÈ. Certaines discussions avec des analystes quelques
investisseurs nous permettent de prŽsumer quÕil y aurait lieu dÕaccorder une
importance accrue ˆ une diffŽrence entre classes. Pour se faire, nous aurions dž
accorder des poids diffŽrents aux Žcarts ˆ lÕaide par exemple de coefficients. Or, m•me
si cela avait certainement permis de renforcer la confirmation de notre hypoth•se,
nous avons toutefois choisi de ne pas le faire compte tenu de la difficultŽ dÕun tel
exercice qui nous aurait forcŽs ˆ poser plusieurs hypoth•ses secondaires. Bien que lÕon
sÕentende pour affirmer quÕil existe des inŽgalitŽs entre certains Žcarts, il en va tout
autrement pour confŽrer une pondŽration quantifiŽe ˆ ces disparitŽs.
Il importe de soulignŽ ici que lÕutilisation de signes complŽmentaires (+ et Ð dans le cas de Standard and
PoorÕs et 1,2 et 3 dans le cas de MoodyÕs nÕa dŽbutŽ quÕen 1982 dans le cas de lÕŽvaluation des titres
gouvernementaux au Canada.
96
83
Conclusion
Notre objectif Žtait de dŽfinir et dÕŽlaborer un cadre mŽthodologique utile ˆ
lÕanalyse du comportement des investisseurs privŽs, nationaux et internationaux, au
QuŽbec. Le comportement des investisseurs est fondŽ principalement sur deux
variablesÊ: dÕune part, sur un ensemble dÕŽlŽments de nature Žconomique et lŽgale
(environnements Žconomique et lŽgal) et, dÕautre part, sur le risque politique. Il est
normal de croire que, dÕun point de vue agrŽgŽ, la perception vis-ˆ-vis de la premi•re
variable est la m•me. Cependant, la perception du risque politique peut diffŽrer dÕun
investisseur ˆ lÕautre. Les investisseurs canadiens, en raison de leur nationalitŽ, sont
directement touchŽs par le dŽbat, ce qui nÕest pas le cas des investisseurs Žtrangers.
Toute diffŽrence de comportement entre les investisseurs nationaux et les investisseurs
internationaux au QuŽbec ne peut sÕexpliquer que par une diffŽrence dans la
perception de facteurs politiques dont le risque politique liŽ ˆ la prŽsence dÕun
mouvement indŽpendantiste. Les investisseurs nationaux sont majoritairement
opposŽs ˆ toute idŽe dÕindŽpendance du QuŽbec et sont plus sensibles ˆ au risque
dÕune profonde remise en question de lÕunitŽ politique et territoriale de leur pays, le
Canada. LÕopinion politique des investisseurs canadiens influence-t-elle leur
comportement vis-ˆ-vis du QuŽbec ? Les rŽsultats de nos recherches laissent croire
que oui.
Au cours des vingt derni•res annŽes, la population du QuŽbec a ŽtŽ appelŽe ˆ se
prononcer deux fois sur sa volontŽ de faire sŽcession avec le Canada. Le rŽsultat serrŽ
du dernier dÕentre eux, le 31 octobre 1995, ne laisse aucun doute de la force du
mouvement souverainiste au sein de la sociŽtŽ. Le risque dÕune sŽcession est bien rŽel.
Les effets Žconomiques que pourrait entra”ner cette possibilitŽ le sont, quant ˆ eux,
beaucoup moins. En effet, le lien entre le risque politique, lÕinvestissement privŽ et
84
lÕŽconomie dans son ensemble nÕest pas tr•s apparent, contrairement au discours
tenus par certains opposants au mouvement indŽpendantiste.
Les flux d'investissement sont, dans le cas du QuŽbec, davantage influencŽs par
les cycles d'expansion et de rŽcession Žconomique que par la prŽsence d'un
mouvement indŽpendantiste. Ils sont peu influencŽs par le cycle politique et les Žcarts
avec la province voisine (lÕOntario) sont loin dÕ•tre nouveaux. Il en va de m•me pour
lÕemploi, le ch™mage et la croissance de lÕactivitŽ Žconomique. La part quŽbŽcoise dans
le portefeuille des flux d'investissement au Canada est relativement stable d'une annŽe
ˆ l'autre (c'est-ˆ-dire moins volatile), ce qui contraste avec le cas ontarien o• cette part
varie tr•s rapidement sur de courtes pŽriodes. Le graphique 9 met en lumi•re cette
situation. Ce m•me graphique nous permet Žgalement de constater combien les poids
dŽmographique et Žconomique du QuŽbec au sein du Canada Žvoluent ˆ un rythme
remarquablement similaire. Le dŽclin du poids Žconomique depuis 1960 sÕaccompagne
dÕune baisse de lÕimportance de sa population par rapport au Canada dans son
ensemble. Bien entendu, de telles remarques bien quÕillustrant la faiblesse de
lÕŽconomie du QuŽbec ou, du moins, son manque de dynamisme nous Žloignent
quelque peu de lÕobjet de notre recherche. Cependant, elles sont importantes dans le
contexte de notre Žtude car, il faut le mentionner, ces discours sont pour ainsi dire ˆ la
base de notre intention d'effectuer la prŽsente recherche.
Aussi, est-il important de rappeler que les diffŽrences (ainsi que les causes de
celles-ci) entre les Žconomies quŽbŽcoise et ontarienne, autrement dit les causes du
retard Žconomique du QuŽbec, datent du si•cle dernier. Bien avant que ne devienne
vraisemblable lÕŽventualitŽ dÕune sŽcession du QuŽbec ! Alain No‘l analyse la situation
85
du ch™mage et des salaires au QuŽbec dans une perspective historique.97 Il fait
remarquer que les disparitŽs Žconomiques entre le QuŽbec, les provinces voisines, ˆ
lÕexception des provinces maritimes, tiennent ˆ des facteurs historiques liŽs ˆ la
structure Žconomique du QuŽbec qui remontent au XIX• si•cle.
ÇÊLa pauvretŽ et le ch™mage sont des probl•mes politiques et sociaux complexes,
enracinŽs dans lÕhistoire, les institutions et les politiques publiques. Au QuŽbec,
comme ailleurs, les changements en ce qui concerne de telles questions rel•vent moins
de la bonne volontŽ que de larges conflits politiques et sociaux ˆ propos de la
croissance Žconomique, de la distribution des revenus et de lÕintervention de lÕƒtat. (É)
Pendant plus dÕun si•cle, le QuŽbec a eu de plus bas salaires et de plus hauts taux de
ch™mage que les provinces voisines (ˆ lÕexception des provinces atlantiques)ÊÈ.98
Comme lÕauteur lÕajoute lui-m•me, ÇÊun taux de croissance Žquivalant ne pouvait pas
Žliminer lÕŽcart initial entre les deux provinces centrales [le QuŽbec et lÕOntario], et la
division linguistique du travail propre au QuŽbec persistait ŽgalementÊÈ.99
On ne cherche aucunement ici ˆ exprimer une vision pessimiste de la situation
Žconomique quŽbŽcoise passŽe et prŽsente ni ˆ prŽtendre que lÕhistoire Žconomique du
QuŽbec est unique au monde et que la situation, ˆ lÕinstar dÕautres rŽgions, ne pouvait
sÕamŽliorer. Nous ne cherchons pas non plus ˆ affirmer quÕil en sera toujours ainsi et
que le retard Žconomique du QuŽbec ne pourra se rŽsorber. Ce que nous souhaitons,
cÕest de dŽmontrer quÕon aurait tort de croire que le mouvement indŽpendantiste est
lÕune des principales causes des probl•mes Žconomiques quŽbŽcois et des Žcarts avec
lÕOntario.
Le mod•le dÕanalyse que nous avons construit nous montre que toute diffŽrence
de comportement entre les investisseurs nationaux et les investisseurs internationaux
au QuŽbec ne peut •tre due quÕˆ une perception diffŽrente vis-ˆ-vis du risque
politique. Parce quÕils sont canadiens, les investisseurs locaux sont touchŽs par le
dŽbat sur lÕindŽpendance du QuŽbec. Leur opinion est gŽnŽralement dŽfavorable ˆ
lÕŽgard du mouvement indŽpendantiste et pour cause ; lÕhomme dÕaffaires nÕaime
Alain No‘l (1994), ÇÊLe ch™mage en hŽritageÊÈ, dans Gagnon, A.G., QuŽbec: ƒtat et sociŽtŽ, MontrŽal,
QuŽbec/AmŽrique, chapitre 18.
98 Ibid., p.408.
97
86
habituellement pas que soit transformŽ ou du moins modifiŽ lÕenvironnement sociopolitique dans lequel son entreprise Žvolue. Cette opinion affecte leur comportement en
tant quÕinvestisseur au QuŽbec ; lÕinvestissement peut •tre utilisŽ de mani•re
stratŽgique. Ils invoquent dÕabord lÕincertitude politique pour justifier leur
comportement pour ensuite lÕinvoquer de nouveau pour expliquer les probl•mes
Žconomiques quŽbŽcois. On peut aisŽment prŽsumer que lÕinvestisseur anglais,
fran•ais, italien, japonais, russe ou m•me amŽricain nÕa pas dÕopinion politique sur le
dŽbat entourant lÕavenir constitutionnel du pays. Rappelons que lÕŽconomie du
QuŽbec, prise dans une perspective mondiale, est moderne, dŽveloppŽe, diversifiŽe,
ouverte et reprŽsente une zone ˆ faible risque pour y investir des capitaux ou pour y
effectuer des opŽrations industrielles ou commerciales.
Compte tenu de difficultŽs liŽes ˆ la collecte de donnŽes, il nous a ŽtŽ difficile de
procŽder ˆ une analyse juste de la place du QuŽbec dans le portefeuille canadien des
investisseurs canadiens et des investisseurs Žtrangers. Bien quÕil sÕagisse des
meilleures donnŽes disponibles, les chiffres que nous dŽtenons sur lÕinvestissement
Žtranger rŽv•lent trop de limites sur le plan mŽthodologique pour servir ˆ tirer des
conclusions claires sur le comportement des investisseurs Žtrangers au QuŽbec comme
dans le reste du Canada. De nouvelles recherches devront •tre entreprises sur la base
de nouvelles donnŽes. JusquÕˆ maintenant, celles que nous avons rendent impossible
la confirmation de notre hypoth•se ; ˆ la lumi•re de celles-ci il semble que la prŽsence
dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec repousse davantage les investisseurs
Žtrangers. Cela pourrait peut-•tre sÕexpliquer par une crainte plus ŽlevŽe causŽe par
un manque de renseignements ou encore, par une mauvaise information.
99
Ibid., p.410.
87
La partie de lÕanalyse sur les agences dÕŽvaluation de crŽdit nous permet quant ˆ
elle de tirer des conclusions plus prŽcises. LÕŽtude des cotes accordŽes par, dÕun c™tŽ,
CBRS et DBRS et, de lÕautre, par Standard and PoorÕs et MoodyÕs rŽv•le que les
agences canadiennes sont plus sŽv•res dans leur Žvaluation du crŽdit du QuŽbec que
ne le sont les agences internationales. Et ce, alors que la situation est inversŽe dans le
cas de lÕOntario. Cette divergence ne peut sÕexpliquer que par une perception diffŽrente
du risque politique, leur analyse se basant toutes quatre sur la m•me situation
Žconomique au QuŽbec (cela rŽf•re, dans notre mod•le dÕanalyse, aux variables
Žconomiques et lŽgales (VEL)). Rien ne laisse croire que leur perception face au
contexte Žconomique quŽbŽcois pourrait •tre diffŽrente, au contraire tout am•ne ˆ
penser que devant les m•mes donnŽes le jugement des analystes oeuvrant dans ces
firmes est le m•me. Ils proviennent des m•mes Žcoles et adoptent tous lÕapproche
Žconomique dominante.
Certes, une sŽcession entra”nerait des consŽquences au niveau Žconomique et
sur le comportement des investisseurs. Les interrogations portent davantage sur
lÕampleur de ces cožts. Il est cependant impossible de les Žvaluer pour le moment.
Cependant, contrairement ˆ un mythe largement rŽpandu, la simple idŽe de faire
lÕindŽpendance, cÕest-ˆ-dire la prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste recueillant
un appui significatif, nÕentra”ne pas dÕimportants cožts Žconomiques. Les retards
Žconomiques du QuŽbec sÕexpliqueraient davantage par des facteurs dÕordre historique
et dŽmographique. Les variations du poids Žconomique du QuŽbec au Canada
correspondent ˆ celles de son poids dŽmographique. En amplifiant le risque liŽ ˆ la
prŽsence dÕun mouvement indŽpendantiste au QuŽbec, les agences de cotation de
crŽdit canadiennes traitent injustement cette province, ce qui a sans doute certaines
consŽquences, quoique mineures, sur le plan Žconomique.
88
Dans le but de tester et dÕamŽliorer notre mod•le dÕanalyse, il serait
extr•mement utile de complŽter cette recherche par un peu dÕanthropologie. Les
marchŽs financiers sont des ÇÊterrainsÊÈ qui mŽriteraient dÕ•tre ŽtudiŽs de plus pr•s.
Bien entendu, il faut avoir les moyens de le faire (temps et argent). JusquÕici, peu de
chercheurs lÕont fait. CÕest dommage car, comme le dit si bien Javier Santiso,
ÇÊLa vie des marchŽs financiers ne peut sÕapprŽhender quÕen pr•tant
davantage attention au jeu des acteurs. Les marchŽs financiers ne sont ni
les Far West de golden boys sans foi ni loi, ni le r•gne dÕune main
invisible idŽalement rŽgulatrice. Des normes implicites ou explicites les
gouvernent, o• le chiffres dÕaffaires importe autant que les jeux de la
rŽputation et de la confiance. (É) Une vŽritable communautŽ ŽpistŽmique
avec ses codes, ses r•gles, sa propre dynamique dÕopportunitŽs, de
contraintes et dÕinterdits. Ë lÕinstar de Geertz se penchent sur les mythes
et les rites des communautŽs du Maroc et dÕIndonŽsie, la vie des marchŽs
financiers inviterait dans ce sens ˆ davantage dÕanthropologieÊÈ.100
Cette recherche devra Žgalement •tre insŽrŽe dans un cadre plus large. Elle
pourrait •tre adaptŽe ˆ la problŽmatique touchant le nationalisme libre-Žchangiste
(free-trade nationalism) et lÕintŽgration des espaces Žconomiques continentaux. Il serait
fort pertinent de faire lÕanalyse du nationalisme quŽbŽcois sous lÕangle du risque; le
rŽgime international que constitue lÕALENA pourrait-il permettre au QuŽbŽcois une
indŽpendance sans risque ? De faire lÕindŽpendance sans en assumer les cožts ? La
comparaison avec dÕautres cas comme celui de lÕƒcosse serait sans doute •tre
Žclairante. Pour les indŽpendantistes, ÇÊmiser sur lÕinternationalÊÈ ne fait pas que
diminuer le risque, cela pourrait permettre de ÇÊcontournerÊÈ le comportement des
investisseurs nationaux.
100 Javier Santiso (1998), ÇÊTemps des ƒtats, temps des marchŽsÊ: retour sur la crise mexicaineÊÈ, Esprit,
no.242, mai, pp.58-85.
89
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93
ANNEXES
94
ANNEXE 1
Investissements Žtrangers dans de nouvelles entreprises, par secteur, 1985-1996
Secteur
AnnŽe
n
'000$
n
Canada
'000$
377 179
387 500
x
x
-
6
-
28 260
-
67
2
6
2
5
-
571 747
x
387 500
x
x
-
45
806 429
6
28 260
82
1 021 222
262 774
9 780
48 500
5 500
56 500
43 950
20
3
2
1
802 407
x
x
x
29
5
1
2
3
2
125 380
7 500
x
x
x
x
299 3 169 170
26
29 030
19
48 500
13
17 150
16
56 500
30
107 709
231
427 004
26
1 789 657
42
158 630
403 4 996 087
81 705 480
3 015 37
x 41
x 27
12 000 40
x 32
302 146
37 575
52 667
24 850
20 677
108 150
28
4
4
2
2
-
11 217
x
1 250
x
x
-
51
10
9
4
6
8
35 166
39 500
3 750
1 000
18 634
12 500
685
60
59
40
55
44
431 584
80 090
57 667
25 850
51 311
120 650
657
546 065
40
19 467
88
110 550
943
786 277
x 306
1 750 23
5 250 30
x 26
x 23
x 32
x
x
21 781
325 750
x
68 055
35
4
6
3
1
2
70 184
1 750
33 689
x
x
x
65
7
7
4
3
8
81 618
4 500
x
4 250
x
3 500
474
38
50
39
30
48
151 802
8 000
60 720
330 000
x
71 555
n
QuŽbec
'000$
n
Ontario
'000$
n
6
1
-
x
x
-
8
1
1
-
x
x
x
-
34
6
2
3
-
7
6 075
10
14 150
58
4
3
5
3
5
1 978 609 173
11 750 12
x 10
11 650
6
x
8
63 759 22
Sous-total
78
2 146 768
Commerce
de gros et
de dŽtail
85-91 111
92 9
93 5
94 7
95 6
96 3
Ressources
primaires
85-91
1
92
93
94
95
96
Sous-total
Fabrication
85-91
92
93
94
95
96
Sous-total
Services
141
85-91
92
93
94
95
96
Sous-total
Autres services
Sous-total
Total
57
4
5
3
3
5
77
85-91
92
93
94
95
96
106 970
48 048
Alberta
'000$
C.B.
440
731 508
51
107 123
94
150 737
679
1 135 267
39
6
5
4
5
126 547 146
5 500 20
12 250 11
- 16
5 000 13
34 000 13
385 461
263 900
16 250
52 250
452 750
90 579
26
7
2
2
1
1
1 328 690
8 750
x
x
x
x
64
5
5
1
1
4
390 940
5 250
78 493
x
x
x
284
42
25
23
20
23
2 231 638
283 400
106 993
52 250
457 750
124 579
59
183 297
1 261 190
39
1 509 690
80
511 683
417
3 606 933
219
85-91 271 2 225 484 1 113 1 249 923 143 2 589 677 215
92 23
22 015 93
324 505 18
878 750 27
93 18
52 500 92
139 198 20
523 439 22
94 15
22 400 75
408 350
9
212 500 11
95 17
66 000 85
547 207
7
7 250 13
96 18
102 759 99
310 734
4
20 750 22
661 364 1 809 7 057 261
56 750 168 1 182 020
105 112 159
820 249
44 000 117
808 750
74 384 126
694 841
18 250 145
452 493
1.Comprend la pŽriode du 1er juillet 1985 au 31 dŽcembre 1991.
SourceÊ: DonnŽes compilŽes par le Bureau de la Statistique du QuŽbec (BSQ) ˆ partir de donnŽes fournies
par Investissement Canada (Industrie Canada).
95
ANNEXE 1 (suite)
Investissements Žtrangers dans les acquisitions d'entreprises, par secteur, 1985-1996
Secteur
Ressources
primaires
AnnŽe
85-91
1
92
93
94
95
96
n
QuŽbec
'000$
n
12
2
1
1
2
1 339 522
x
x
x
x
2 057 737
Sous-total
18
Fabrication
85-91 231
92 36
93 16
94 26
95 23
96 54
Sous-total
Ontario
Alberta
'000$
44
8
1
4
2
3
9 603 623 198 13 717 848 43
1 709 221 45
3 068 989 13
x 38
1 580 999 11
23 735 36
903 759 4
x 33
1 082 372 4
x 52
1 451 596 3
348 452
70 434
47 752
x
96 242
x
329
74
58
48
44
65
26 640 097
4 848 644
1 628 751
927 494
2 783 070
1 451 596
62
12 146 282 402 21 805 563 78
696 447
618
40 910 113
1 348 096 108 2 974 154 1 572 44 556 824
1 078 572 7
75 557
153 3 210 786
x 9
539 354
108 3 164 792
96 870 5
35 634
121 3 187 091
285 589 17
397 123
147 7 104 804
x 12
255 947
191 4 016 894
386 12 869 274 1 523 44 265 928 120
3 473 774 158 4 277 769 2 292 67 109 796
1 606 255
89 256
384 583
276 222
218 343
181 221
598
87
46
72
90
89
5 155 037
1 130 206
x
1 105 403
x
x
Sous-total
262
2 755 880
982
9 741 674 138
Sous-total
Autres
services
Sous-total
Total
86
10
11
5
14
29
155
85-91
92
93
94
95
96
n
85
6
2
7
6
14
85-91 170
92 15
93 16
94 16
95 18
96 27
85-91
92
93
94
95
96
'000$
Canada
'000$
'000$
Commerce
de gros et
de dŽtail
Services
C.B.
n
9 696 818 1 077 29 789 645
341 412 98
1 715 245
282 518 76
2 336 830
458 660 74
2 372 700
946 137 95
5 475 955
1 143 729 103
2 575 553
n
58
8
7
7
6
8
94
923 942 461
x 38
x 54
55 301 56
428 522 61
543 937 76
2 078 125
746
853 737 217
988 374 17
980 283 25
x 35
86 660 18
x 46
3 007 999
358
3 940 441
458 619
488 856
1 664 886
1 506 956
1 493 510
96
8
3
8
13
10
61
4
4
9
8
17
2 232 803
x
x
69 491
100 576
110 978
87 1 310 003 1 051 10 624 708
9
71 932 125
1 291 394
10
48 181 81
432 764
13
147 874 120
1 598 990
21
119 664 150
438 583
11
280 479 146
572 678
2 566 976 151 1 978 133 1 673 17 509 539
209 933
11 859
90 695
16 694
24 194
207 528
132 1 019 398
16
111 570
9
115 467
7
19 723
10
191 107
18
125 226
776
77
81
81
96
141
6 140 661
612 419
695 018
1 756 604
2 150 779
2 370 201
9 553 268 103
560 903 192 1 582 491 1 252 14 106 755
6 818 182
283 256
895 800
748 425
2 157 889
3 494 211
65
3
4
4
5
2
897 962 138 1 854 209
x 9 1 236 923
116 097 13
125 748
85 312 2
x
32 670 4
18 115
x 6
x
505
38
53
52
36
64
14 397 763
83
1 239 384 172 3 458 197
748
85-91 557 14 420 274 2 397 55 306 928 505 18 406 642 508 7 506 216 4 233
92 71
2 001 479 248
5 296 547 66
4 287 888 54 1 566 416 467
93 51
1 743 741 202
4 154 474 51
2 328 081 52
876 502 381
94 55
899 203 241
5 915 149 64
1 172 126 31
347 642 422
95 61
1 679 662 266
9 883 025 65
1 525 401 56
822 251 473
96 120 2 024 656 317
9 548 792 95
1 926 462 50
874 010 607
10 550 024
2 508 553
2 117 928
833 737
2 295 334
3 494 211
22 283 814
98 678 945
13 555 984
10 137 608
8 648 039
15 794 282
15 109 522
1. Comprend la pŽriode du 1er juillet 1985 au 31 dŽcembre 1991.
SourceÊ: DonnŽes compilŽes par le Bureau de la statistique du QuŽbec (BSQ) ˆ partir de donnŽes fournies
par Investissement Canada (Industrie Canada).
96
ANNEXE 2
Les principales agences dÕŽvaluation de crŽdit
Agence
dÕŽvaluation de
crŽdit
MoodyÕs Investors
Service ("MoodyÕs")
Fitch Investors
Service ("Fitch")
Standard and
Poor's Corporation
("S&P")
Canadian Bond
Rating Service
Premi•re
annŽe de
publication
1909
Pays
dÕorigine
Nombre
dÕemployŽs101
PropriŽtŽ
ƒtats-Unis
674
1922
ƒtats-Unis
Plus de 200
Dun and
Bradstreet
IndŽpendante
1923
ƒtats-Unis
Plus de 700
McGraw-Hill
1972
Canada
26
IndŽpendant
Thomson
BankWatch
("Thom")
Japenese Bond
Rating Institute
("JBRI")
1974
ƒtats-Unis
40
Thomson
Company
1975
Japon
91
Dominion Bond
Rating Service
("DBRS")
IBCA ltd. ("IBCA")
1977
Canada
20
Japan
Economic
Journal
(Nikkei)
IndŽpendante
1978
50
IndŽpendante
1980
GrandeBretagne
ƒtats-Unis
160
Duff and
Phelps Corp.
Service
complet (pour
le Canada)
Institutions
financi•res
Service
complet
1985
Japon
61
1985
Japon
70
Institutions
financi•res
japonaises
Institutions
financi•res
japonaises
Service
complet (pour
le Japon)
Service
complet (pour
le Japon)
Duff and Phelps
Credit Rating Co.
("Duff")
Japenese Credit
Rating Agency
("JCRA")
Nippon Investor
Service Inc. ("NIS")
Source : Richard Cantor et Frank Packer (1994).
101
Ces donnŽes sont Žvidemment sujettes ˆ modifications.
Principaux
champs
dÕactivitŽs
Service
complet
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