L’AVIS REGIONAL Conseil économique et social de Bretagne N°49 - Novembre 2009 Des énergies marines en Bretagne : à nous de jouer ! Demain, les énergies de la mer en Bretagne Forum “Prospective” Les coopérations interrégionales de « proximité » Agir ensemble pour dépasser la crise Pour de nouveaux indicateurs de mesure du progrès SOMMAIRE N°49 Novembre 2009 Edito du Président : 4 3 Des énergies marines en Bretagne : à nous de jouer ! Demain, les énergies de la mer en Bretagne : Forum “Prospective” 13 18 Les coopérations interrégionales de « proximité » Agir ensemble pour dépasser la crise 29 Opinion : Alain LE MENN 36 Pour de nouveaux indicateurs de mesure du progrès 34 37 Dernières parutions Revue trimestrielle d'information du Conseil économique et social de Bretagne Directeur de la publication : A. Even Conception/Rédaction : P. Le Foll, M. Reymond, J. Grosbois, F.Tartarin Conception/Réalisation graphique : ARCOM Search © Rennes 2009 Impression : Région Bretagne Crédit photos : B. Demée - A. Lagoyer - M. Ogier - H. Panon - ISBN 1269 10 97 CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DE BRETAGNE 7, rue du Général Guillaudot - 35069 RENNES Cedex Tél. : 02 99 87 17 60 • Fax : 02 99 87 17 69 Email : [email protected] Site internet : www.cesr-bretagne.fr EDITO D'un regard lucide sur la crise à une vision optimiste de l'avenir La crise, les crises n'épargnent pas la Bretagne… logement. La crise ne doit pas être le temps de l'essor des inégalités mais celui du renforcement des solidarités. La crise économique se manifeste dans notre région sous ses différents aspects : baisse des activités et suppression d'emplois, défaillances d'entreprises, difficultés d'accès au crédit et attentisme par rapport aux investissements. L'une des quatre bases industrielles, l'automobile, est fortement touchée. Si l'agro alimentaire résiste, l'agriculture connait un moment très difficile par l'addition des difficultés de plusieurs filières, la crise du lait étant la plus emblématique et la plus dévastatrice. Le bâtiment qui avait connu un développement remarqué est en recul, les commandes publiques évitent l'effondrement mais le marché des particuliers reste très en dessous ce qui est attendu par les professionnels. Les temps de crise doivent aussi être des temps des idées et de leur mobilisation pour l'action. Il ne faut pas baisser les bras. Il faut assurer le meilleur des niveaux de la recherche et développement, le maintien de l'innovation technologique, le soutien aux pôles de compétitivité mais aussi l'encouragement à l'innovation organisationnelle et sociale. Quelques signes laissent penser que la reprise économique s'engage mais la crise sociale sera plus longue à résoudre. Les effets retardés sur l'emploi font que le chômage n'a pas fini d'augmenter, comme le temps partiel non désiré, d'où un revenu disponible moindre, un surendettement des ménages, un plus difficile accès aux soins, une accentuation de la précarisation. Certaines populations jeunes se trouvent dans une situation de grande dépendance. Le temps et les formes de la sortie crise ne peuvent se contenter du suivi des indicateurs d'activités, les signes sont à rechercher du côté du quotidien des ménages, de leurs conditions sociales. Il faut agir dès aujourd'hui, pour aujourd'hui et pour demain. La Région s'est déjà engagée avec les leviers qu'elle a entre les mains compte tenu de ses compétences premières et de ses moyens limités. Les aides directes aux entreprises pour maintenir les activités et accompagner les mutations, les programmes de formation qui favorisent les reconversions tout en assurant la sécurisation des parcours professionnels sont les bienvenus. Mais la Région ne peut tout faire, en relation avec l'Etat et les autres collectivités elle doit favoriser les initiatives en faveur des jeunes et des personnes les plus éloignées de l'emploi et de l'accès au Certains secteurs doivent devenir très rapidement des gages pour l'avenir, celui des énergies marines en est un. L'autosaisine du CESR de Bretagne "Des énergies marines en Bretagne : à nous de jouer !" et le forum qui a suivi montrent à l'évidence que les énergies marines peuvent être un nouveau pilier de l'économie bretonne, une nouvelle "vocation pour la Bretagne". Il doit s'agir d'un véritable projet collectif, d'une force d'entrainement pour la région toute entière. Le calendrier est serré tant pour conforter la recherche que pour entreprendre des expérimentations (comme celle de Paimpol-Bréhat), pour accueillir la grande plate-forme technologique sur les énergies marines envisagée par le gouvernement, monter la filière industrielle, créer les infrastructures nécessaires, former aux nouvelles compétences et préparer les populations et les professionnels à ce nouvel usage de la mer. La Bretagne a de nombreux atouts naturels et humains à faire valoir C'est une des régions d'Europe, et du monde, qui bénéficie en quantité à la fois de marées, de courants, de vents et de vagues. Il y a là des ressources naturelles à exploiter mais cela ne peut se faire qu'avec un groupement de recherche et d'expertise d'envergure internationale et une stratégie de déploiement industriel. Les énergies marines, c'est un nouvel entrant dans un paysage complexe qui oblige à faire le pari de la rupture comme pour tout marché émergent. Si l'on veut contourner les éventuels conflits d'usage du littoral et de la mer il faut une véritable appropriation col- lective de la stratégie qui fasse que la question de l'acceptabilité sociale ne se pose pas. Le choix des énergies marines peut s'appuyer en Bretagne sur de nouvelles approches des relations, des interdépendances, entre terre et mer. Cette volonté de faire des énergies marines l'un des piliers de notre développement régional doit s'intégrer dans les grands axes stratégiques de la région : Schéma Régional d'Aménagement du Territoire, politique maritime et gestion concertée du littoral, Schéma Régional de Développement Economique, Agenda 21, Schéma Régional de l'Innovation, schéma régional des formations... La Bretagne n'est pas la seule à vouloir atteindre "cette nouvelle frontière", elle se doit à la fois d'agir avec l'esprit de compétition et de coopération. Comme pour bien d'autres projets la forte légitimité régionale à agir n'exclue pas de coopérer. Les travaux conduits par les CES de la façade atlantique (de la Bretagne à la Galice et aux Canaries) au sein du RTA (Réseau Transational Atlantique) montrent à l'évidence que la coopération interrégionale au niveau français et européen peut être utile voire indispensable : complémentarités des centres de recherche, échanges d'expériences, entreprises sur plusieurs sites... "Des énergies marines en Bretagne : à nous de jouer !" avec nos atouts et nos propres forces mais en complémentarité au sein d'alliances stratégiques qui nous permettent d'avoir un rang européen et mondial. Cette confiance dans des perspectives nouvelles doit nous faciliter la sortie de crise en conjuguant nos efforts pour la construction d'un avenir possible et voulu. "Il faut agir ensemble pour dépasser la crise". Le choix des énergies marines doit nous y aider. Un développement plus durable qui marche sur tous ses pieds ce sont des productions de valeurs économiques, des ressources protégées, des inégalités réduites entre populations et territoires, un vivre ensemble collaboratif fait de plus de participation citoyenne. Une nouvelle fois : à nous de jouer ! Alain EVEN Président du CESR de Bretagne 3 ENERGIE Des énergies marines en Bretagne : à nous de jouer ! Des énergies marines en Bretagne : à nous de jouer ! Par ce « nous » collectif le CESR interpelle l’ensemble des acteurs bretons, qui peuvent saisir une opportunité majeure de développement pour leur région. Pour la première fois depuis longtemps, l’occasion nous est donnée d’envisager une nouvelle forme d’exploitation des ressources de la mer. La Bretagne dispose en effet de nombreux atouts pour devenir actrice du développement des énergies marines : des ressources exceptionnelles, des compétences et des moyens scientifiques, technologiques et industriels. C’est sans doute la raison pour laquelle apparaissent, le long des côtes bretonnes, les premiers projets d’implantation d’équipements dédiés à ces énergies. 4 La possibilité d’exploiter le formidable potentiel énergétique de la mer nous oblige cependant à définir ensemble de nouveaux cadres de pensée et d’action car nous ne savons encore que peu de choses des perspectives qu’offre cette nouvelle activité. La médiatisation sans précédent des énergies marines nous apporte son lot d’informations mais contribue assez peu à instaurer un vrai débat, pourtant indispensable. Les énergies marines : de quoi parlons-nous ? Le terme d’énergies marines est utilisé ici pour désigner toutes les formes possibles d’exploitation des ressources renouvelables de la mer : vents, vagues, courants, marées, chaleur, salinité, biomasse. Ce terme exclut donc les ressources pétrolières et gazières offshore. Des formes d’exploitation variées ❚ Vents Les éoliennes offshores, implantées au large des côtes, permettent d’exploiter des vents marins plus soutenus et plus réguliers qu’à terre. Extrapolées de la technologie terrestre, elles sont aujourd’hui la seule technologie mature, en fort développement dans les pays nordiques. La Bretagne dispose de régimes de vents soutenus et plusieurs projets éoliens ont émergé sur ses côtes. Il est probable que des ruptures technologiques conduiront à développer dans l’avenir des éoliennes flottantes, pouvant être installées au large. Deux projets d’éoliennes flottantes ont été labellisés par le Pôle Mer Bretagne. ❚ Marées Les moulins à marée autrefois, les très rares usines marémotrices comme celle de la Rance aujourd’hui, exploitent l’énergie potentielle de la marée, c’est-à-dire l’énergie liée à la différence de niveau entre deux masses d’eau. Les impacts de telles installations à la côte conduisent à imaginer des lagons artificiels offshore fonctionnant sur le même principe. ❚ Courants A l’image des éoliennes pour le vent, les hydroliennes exploitent l’énergie liée à la vitesse des courants de marée. Il existe une grande diversité de concepts, mais quelques prototypes seulement sont en phase de démonstration. L’énergie des courants présente l’intérêt d’être prédicti- ble, mais elle est très localisée. La Bretagne dispose de quelques-uns des sites les plus attractifs de France, et des projets de recherche amont et d’essais en mer sont déjà en cours. ❚ Vagues Il existe là encore une très grande diversité de technologies pour exploiter l’énergie des vagues. Comme le vent, l’énergie de la houle est aléatoire. Certains systèmes exploitent, à la côte, le déferlement des vagues tandis que d’autres, plus nombreux, exploitent l’ondulation des vagues en pleine mer. Dans cette dernière catégorie, un seul parc houlomoteur a vu le jour au Portugal. De nombreux autres concepts sont encore au stade du prototype. La région des Pays de la Loire verra prochainement la création d’un site d’essais en mer et la démonstration d’un système de récupération de l’énergie des vagues. ENERGIE ❚ Chaleur L’énergie thermique des mers consiste à exploiter la différence de température entre le fond et la surface de l’océan en zone intertropicale afin de produire de l’électricité, de l’eau douce ou du froid pour la climatisation. Par ailleurs, le gisement d’eau à température stable des côtes métropolitaines peut permettre d’envisager des installations de type « pompe à chaleur ». Les énergies marines : un nouvel entrant dans un paysage complexe D’après un récent sondage, 80% des Bretons sont favorables ou très favorables au développement d’éoliennes en mer. Mais les énergies marines sont un nouvel entrant dans un paysage complexe et leur développement pose de nombreuses questions auxquelles on a encore peu de réponses, faute d’un cadre d’action approprié. des marchés mondiaux, les retombées en termes d’emplois, etc. Les désordres économiques et financiers actuels accentuent ces incertitudes. De nombreuses incertitudes L’arrivée d’une activité nouvelle nécessite une adaptation du cadre habituel de gestion, voire de gouvernance. La transposition de règles ou d’habitudes prises pour d’autres activités fait intervenir une multitude de parties prenantes dont les rôles et les attentes sont peu lisibles, parfois contradictoires. A défaut d’une sensibilisation et d’une mobilisation cohérente de tous, le risque est de provoquer le désengagement des acteurs concernés et de voir d’autres régions et d’autres pays saisir cette opportunité. ❚ Biomasse Les macroalgues peuvent être utilisées pour produire du bioéthanol ou du méthane. En Bretagne, une entreprise projette d’utiliser des algues vertes pour produire du biogaz. Les recherches portent aujourd’hui plus particulièrement sur les microalgues, dont la richesse en lipides permet de produire des « algo-carburants » avec des rendements très supérieurs à ceux des plantes terrestres. Ce domaine de recherche suscite la convoitise de grands groupes pétroliers et fait l’objet de nombreuses annonces, mais il n’y a pas encore d’application industrielle. Le Pôle Mer Bretagne a labellisé un projet de culture de microalgues en Bretagne. ❚ Salinité La différence de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce génère une différence de pression, que l’on peut exploiter et transformer en électricité par un système de membranes. L’exploitation de cette source d’énergie ne fait l’objet que d’un concept développé en Norvège. Les objectifs chiffrés avancés dans les textes de programmation énergétique et les différents scénarios prospectifs de développement des énergies marines en France laissent penser que la part des énergies marines dans le bouquet énergétique pourrait devenir significative et, en tout état de cause, participer à la diversification de ce bouquet. Bénéficiant de ressources naturelles exceptionnelles et reconnues en vents, vagues et courants, la Bretagne semble particulièrement bien située pour jouer la carte des énergies marines. ❚ Une incertitude sur les ressources La plupart des énergies marines sont diffuses et irrégulières, et il est difficile de faire la part des choses entre les ressources théoriques, les ressources potentiellement exploitables et les ressources objectivement exploitables. ❚ Une incertitude sur les technologies Les développements technologiques sont le fruit d’initiatives dispersées et cloisonnées, prises par des acteurs aux statuts et aux moyens hétérogènes. Le banc d’essais que constitue cette multitude de projets d’intérêt inégal n’a pas encore permis de dégager les technologies dominantes. ❚ Une incertitude sur les enjeux maritimes et côtiers La concrétisation des projets en zone côtière pose un grand nombre de questions liées à l’insertion d’une activité nouvelle dans une zone côtière déjà densément utilisée, et met au coeur des enjeux la notion d’acceptabilité sociale des énergies marines. ❚ Une incertitude sur les enjeux économiques et industriels Il est difficile aujourd’hui de connaître un marché des énergies marines qui ne fait qu’émerger dans les pays les plus volontaires et pour lequel les effets d’annonce sont monnaie courante. De nombreuses incertitudes demeurent sur les modèles économiques, la mobilisation possible des industriels, l’accès à ❚ Une incertitude sur la capacité à faire converger les opinions et sur la gouvernance d’une politique des énergies marines La prise de risques (juridique, financier, technique, humain, environnemental…) est au centre des enjeux liés au développement des énergies marines et concerne toutes les parties prenantes. La question est de savoir si l’on accepte collectivement de prendre ces risques, et comment on les partage. Parmi les choix qui seront faits, beaucoup relèvent d’une stratégie européenne et nationale. Mais dans un contexte peu structuré et peu lisible, la Bretagne a vocation à jouer un rôle de tout premier plan, volontariste et structurant. 5 ENERGIE Les énergies marines, un nouveau pilier de l’économie bretonne La feuille de route à construire devra offrir un cadre propice à l’émergence et à l’accompagnement de projets, dans les trois défis que la Bretagne peut relever grâce à ses ressources, à ses compétences et à ses savoir-faire : - exploiter les énergies marines en Bretagne pour relever le défi énergétique et participer au respect des engagements de la France en matière d’énergies renouvelables tout en bénéficiant des retombées locales ; - définir une stratégie de déploiement industriel s’appuyant sur la mise en place et l’accompagnement d’une filière industrielle pour développer une nouvelle économie maritime source de richesses et d’emplois ; - créer un groupement de recherche et d’expertise d’envergure internationale, et faire de la Bretagne une référence en la matière. 6 Exploiter les énergies marines en Bretagne Faute d’une politique d’ensemble, c’est aujourd’hui à chaque porteur de projet qu’il revient de prospecter pour identifier les sites qui lui paraissent favorables. Face à ces initiatives dispersées, il nous semble important de construire collectivement un cadre de référence définissant une stratégie de connaissance des potentiels et de valorisation des ressources de la Bretagne dans le but de maximiser les retombées pour le territoire. A ce titre, l’initiative de la Région Bretagne d’animer un processus de concertation pour la planification du développement des énergies marines mérite d’être saluée car elle est le signe d’une volonté politique forte de fédérer des initiatives et des acteurs dispersés. ❚ Une évaluation stratégique des ressources et des potentiels de production L’évaluation stratégique part du postulat que si l’on offre en amont le maximum de données partagées et objectives sur les milieux maritimes et côtiers, les projets n’en seront que mieux calibrés, plus adaptés et donc plus perti- nents. L’initiative la plus significative dans ce sens est l’étude de zonage commandée par le CIADT de septembre 2004 à l’ADEME et à l’Ifremer, qui vise non seulement à évaluer les ressources, mais aussi à développer un outil d’aide à la décision. La diffusion de cette étude de zonage est très attendue car elle devrait être d’un grand intérêt pour l’émergence des projets et leur appropriation collective. La capacité d’entraînement d’une telle démarche, au-delà des frontières françaises, ne doit pas être sous-estimée. Les résultats de cette étude de zonage doivent en conséquence être rendus publics et présentés non pas uniquement comme un outil d’aide à la décision, mais aussi comme la base d’une réflexion collective qui viendrait l’enrichir et la faire évoluer. Sa déclinaison régionale serait un apport précieux à la réflexion qui s’engage en Bretagne. ❚ Une planification stratégique spatialisée Si les possibilités techniques de développer les énergies marines sont incontestables, si leur intérêt économique est indiscutable, l’acceptabilité des énergies marines est au coeur d’enjeux sociétaux qui détermineront l’avenir de cette activité émergente. • Des objectifs partagés La planification stratégique spatialisée ne se résume pas à une analyse spatiale qui aboutirait à un simple zonage cartographique. La démarche donne plus d’importance au processus d’élaboration de la planification qu’à la planification elle-même. L’enjeu est d’animer en amont, et de façon neutre et objective, un processus de concertation visant à associer l’ensemble des parties prenantes dans la définition d’objectifs partagés et des moyens de les atteindre. En fait, la planification stratégique revient à développer le présent vers un futur choisi ensemble. La planification stratégique repose sur une analyse multicritères de scénarios d’implantation des énergies marines qui restent à imaginer. Cette analyse doit prendre en compte les critères propres au développement des énergies marines, mais aussi l’ensemble des critères liés au contexte dans lequel cette activité s’insère. C’est la pondération de tous ces critères qui permettra d’identifier, parmi différentes hypothèses, celle qui offrira le maximum de retombées économiques, sociales et environnementales, tout en minimisant les coûts, les impacts sur l’environnement et sur les autres usages. ENERGIE • Une intégration des projets dans l’existant L’exercice de planification stratégique devra considérer tous les enjeux exprimés par les acteurs qui se sentent les plus menacés, dans la pratique de leur activité, par l’implantation de parcs en mer. Il est donc nécessaire de connaître les activités présentes, et même d’anticiper leurs développements futurs, afin d’appréhender leur sensibilité à l’arrivée d’une nouvelle activité et le degré de conflit potentiel. La concertation entre les différentes parties prenantes doit permettre d’envisager des compromis de la part des uns et des autres, et de définir ensemble les solutions pour une bonne cohabitation, voire pour des synergies entre activités : éloignement des zones de pêche, ensouillage des câbles, limitation de l’emprise spatiale, signalisation des machines, choix de machines immergées, couplage avec de nouvelles pratiques de pêche ou d’aquaculture, éloignement des bassins de navigation les plus significatifs… • Une clarification de la réglementation La réglementation qui s’applique actuellement aux projets d’exploitation des énergies marines est un empilement de mesures transposées du domaine terrestre et inadaptées au milieu marin. La complexité des procédures peut être un frein à l’émergence des projets. La clarification de la régle- mentation au niveau national est donc indispensable. Elle doit prévoir le cadre particulier de l’installation en mer des systèmes d’exploitation de l’énergie des vents, des vagues et des courants. Dans ce contexte national peu lisible, l’élaboration par les services de l’Etat en région Bretagne d’un guide à l’attention des porteurs de projets doit être soulignée. Ce guide a vocation à clarifier l’ensemble des démarches relevant de l’instruction administrative. Il faut espérer que cette démarche initiée en Bretagne aboutisse au niveau central à l’uniformisation des recommandations de l’Etat aux porteurs de projets. Il importe également que la complémentarité initialement recherchée entre cette démarche des services de l’Etat en région et la démarche du Conseil régional de Bretagne d’élaborer un plan de développement des énergies marines soit clarifiée et dépourvue d’ambiguïtés. • Une optimisation des projets L’optimisation technique des projets doit chercher à valoriser au mieux le potentiel de chaque site, en cherchant notamment les technologies les plus adaptées, les complémentarités entre technologies et entre sites, ainsi que les possibilités de mutualisation de certaines infrastructures. La réversibilité, l’évolutivité et l’adaptabilité des installations sont des paramètres importants à considérer prioritairement. La dimension logistique est importante à prendre en compte. En tant que propriétaire des ports de Lorient, Brest et Saint-Malo, le Conseil régional de Bretagne devrait mener une évaluation de la capacité des ports à accueillir des activités d’assemblage et/ou de construction des éoliennes offshore dans un premier temps, des autres technologies à moyen terme et, si besoin, envisager des mesures d’aménagement portuaire. La même démarche devrait être menée dans les ports départementaux. Les possibilités de coopération avec les ports des régions voisines pourront être envisagées. • Une approche globale de la production électrique La planification stratégique spatialisée doit prendre en compte très tôt la problématique du réseau de transport d’électricité et lui donner toute sa place dans le débat, car son développement et son renforcement, indispensables pour atteindre les objectifs fixés, s’inscrivent dans un temps long. A l’image de ce qu’a entrepris l’Allemagne pour anticiper le déploiement de l’éolien offshore, il pourrait y avoir au niveau national une optimisation des infrastructures se traduisant par l’installation et la prise en charge financière de câbles desservant plusieurs parcs en mer. Le stockage de grande ampleur de l’électricité n’est certes pas maîtrisé, mais les recherches scientifiques et techniques sur cette problématique doivent converger avec les recherches dédiées à la production d’électricité en mer, pour permettre une appréhension globale de la qualité de la production électrique. • Une démarche évolutive La planification stratégique est par définition une démarche évolutive. Elle devra suivre les évolutions du contexte économique et social, les évolutions technologiques, les évolutions réglementaires. Ses propres effets sur l’émergence des projets, l’acceptabilité sociale, l’implication des parties prenantes dans le processus modifieront le contexte dans lequel elle devra évoluer. 7 ENERGIE ❚ Un soutien à l’émergence des projets La fixation d’un tarif de rachat unique pour l’exploitation de l’énergie des vagues et des courants ne prend pas en compte la phase transitoire qui précède la pleine exploitation. Bien qu’issu d’un décret récent, et signe d’une volonté de l’Etat d’encourager le développement des énergies marines, ce tarif de rachat devrait être revu à la hausse et modulé en fonction du degré de maturité technologique. Les fonds de capital-risque régionaux ne se sont pas encore intéressés aux entreprises impliquées dans le développement des énergies marines. La Région Bretagne devrait initier la mise en place d’un fonds régional spécifique au développement des énergies renouvelables, tel qu’elle l’avait proposé dans le Plan Energie pour la Bretagne, en y intégrant les énergies marines 8 ❚ Des objectifs ambitieux pour une activité créatrice de richesses L’exploitation des énergies marines contribuera à créer des richesses dans les territoires, par des retombées financières directes, des retombées en termes de création d’emplois, mais aussi des retombées en termes d’image et de comportement citoyen. Il nous apparaît donc que les objectifs du Plan Energie pour la Bretagne doivent être revus à la hausse, en particulier pour ce qui concerne l’énergie des vagues et des courants. Le processus de planification stratégique devra permettre d’affiner et de s’approprier collectivement des objectifs plus ambitieux. Définir une stratégie de déploiement industriel Les acteurs industriels français n’ont pas su se mobiliser sur le segment de l’éolien terrestre et, par extension, sur celui de l’éolien offshore classique. Mais grâce à leurs compétences dans l’offshore, le naval, le nautisme, les TIC, les industriels bretons doivent faire le pari de la rupture qui leur permettra de se positionner sur le marché émergent des autres technologies, développées spécifiquement pour le milieu marin. Les énergies marines doivent être considérées comme une opportunité majeure de développement dans un contexte où, à des degrés divers, les piliers de l’industrie bretonne sont confrontés à des difficultés pouvant remettre en cause leur importance et fragiliser l’économie régionale. ❚ Une ambition et une visibilité à l’international Projet Winflo : crédit photo © Winflo Le déploiement industriel ne doit pas s’envisager seulement au regard du potentiel de production en Bretagne, mais aussi au regard du marché mon- dial de l’exploitation des énergies de la mer. Seule cette projection à l’export permettra de créer une filière industrielle pérenne. Les atouts de la Bretagne doivent donc être valorisés à l’international, sur tous les pans constitutifs de la filière : une R&D performante et valorisée par le Pôle Mer Bretagne, des compétences dans les études amont, les savoir-faire des industriels, une main-d’oeuvre qualifiée, des infrastructures disponibles pour accueillir toute la chaîne logistique, et aussi, ne l’oublions pas, l’attrait de la qualité de vie en Bretagne pour les travailleurs, une forte identité maritime, et une volonté politique régionale affirmée. La veille économique conduite par l’Agence économique de Bretagne sur l’éolien offshore doit se poursuivre et s’élargir aux autres énergies marines en temps voulu, afin de capter les industriels qui cherchent à s’implanter près des sites d’exploitation potentiels. La promotion et l’accompagnement des entreprises bretonnes à l’international doivent intégrer pleinement la thématique des énergies marines. Par ailleurs, la Bretagne pourrait faire connaître et faire valoir le thème des énergies marines dans les réseaux interrégionaux et internationaux auxquels elle appartient comme la Conférence des régions périphériques maritimes et l’Arc Atlantique, l’Arc Manche, le groupe de travail Aquamarina ou le réseau NRG4SD (association de Régions pour le développement durable). ENERGIE ❚ Une définition et une anticipation des besoins La disponibilité d’une main-d’oeuvre qualifiée pour ce secteur nouveau doit être anticipée, dans tous les domaines de compétences nécessaires. La Région Bretagne a un rôle à jouer dans l’adaptation de la formation initiale et continue à ce domaine, y compris dans l’enseignement supérieur où il devient urgent d’étoffer les formations existantes, de les diversifier et de mieux les structurer. Il est indispensable d’amorcer une politique volontariste de développement des équipes pédagogiques et des laboratoires consacrés aux énergies marines. Il est désormais essentiel d’agréger les forces des établissements bretons et de les dynamiser, en y associant celles de Loire-Atlantique. La Région Bretagne pourrait soutenir une impulsion donnée au départ par l’Université Européenne de Bretagne (UEB) et/ou par le Réseau des Universités de l’Ouest Atlantique (RUOA). Créer un groupement de recherche et d’expertise d’envergure internationale Susciter la concrétisation de projets dans un domaine émergent comme l’est celui des énergies marines impose de s’appuyer sur une R&D performante capable d’innover dans les technologies, de valider les modèles économiques, d’appréhender l’acceptabilité des projets en explorant un champ très large de disciplines. Engagé dans une politique de soutien à l’émergence des activités et à la construction de stratégies de filière, le Conseil régional de Bretagne possède certains leviers d’action pour financer la recherche dans le domaine des énergies marines, stimuler l’innovation, développer « l’économie de la connaissance », et soutenir les pôles de compétitivité, en particulier le Pôle Mer Bretagne qui s’est clairement positionné sur le développement des énergies marines. ❚ Vers un groupement de recherche et d’expertise en Bretagne La Bretagne dispose d’atouts certains dans le domaine des sciences de la mer et du littoral, ainsi que dans les actions de R&D. L’enjeu est fort, pour la région, de développer autour du Pôle Mer Bretagne un réseau de compétences dans ce domaine, avec des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux, et de créer le noyau d’un groupement de recherche et d’expertise d’envergure nationale et internationale. La très grande majorité des réflexions récentes menées sur les énergies marines met l’accent sur le développement technologique. Or de nombreuses autres disciplines, également indispensables, entrent en jeu dans le montage de projets. De grands axes de recherche transversaux pourraient être ainsi définis. Le Conseil régional de Bretagne s’est fortement mobilisé pour la création ❚ Un renforcement significatif des forces de R&D Il est nécessaire de replacer les forces de recherche actuelles dans le secteur dédié aux énergies renouvelables, et plus globalement à l’énergie. Il y a manifestement aujourd’hui un fossé entre les volontés politiques de développer les énergies marines et les moyens réellement mis en oeuvre dans la R&D publique. Or le développement d’une recherche de pointe, innovante dans le domaine des énergies marines, ne pourra se faire que par la mobilisation de réels moyens et la constitution d’équipes de chercheurs plus étoffées. Prototype d’hydrolienne OpenHydro d’un centre de recherche et d’essais sur les énergies marines. Ces réflexions doivent se poursuivre en lien avec les acteurs concernés, afin de préciser les modalités et les conditions nécessaires au regroupement (physique ou non) des équipes de recherche. ❚ Une politique de démonstration La démonstration en mer est le seul moyen de valider en conditions réelles des machines qui ont été modélisées et testées en bassin. Elle est le lien indispensable entre la R&D et le déploiement industriel. Par l’attraction qu’elle peut susciter auprès des chercheurs, des industriels et des décideurs, une véritable politique de démonstration permet d’affirmer le rôle moteur d’un pays ou d’une région. Afin d’affirmer son positionnement dans l’exploitation des énergies marines, et au vu de ses importantes ressources en courants, la Bretagne doit se donner tous les moyens pour créer un site d’essais en mer pour les hydroliennes, s’appuyant sur l’expérience prochaine de Paimpol-Bréhat, complémentaire à celui du Croisic pour les systèmes houlomoteurs, et en lien avec les moyens d’essais européens, notamment britanniques. Le fonds démonstrateur de l’ADEME pourrait être utilement mobilisé à cette fin. La labellisation de projets de R&D sur l’éolien flottant impose également d’envisager la faisabilité d’un site d’essais en mer dédié à cette nouvelle technologie. 9 ENERGIE Accompagner le changement Accompagner le changement pour faire évoluer l’ensemble des parties prenantes d’une légitime méfiance vers une appropriation collective sera un élément-clé de la feuille de route à construire. Le domaine des énergies marines émerge et dans cette phase pionnière il est encore difficile d’appréhender l’articulation entre les différentes initiatives qui sont en cours de formalisation au niveau national et au niveau régional. Au-delà de la décision du CESR de Bretagne de réaliser la présente étude, rappelons les quelques initiatives suivantes : - l’étude de zonage ADEME/Ifremer, présentée comme un outil d’aide à la décision mais pas encore publiée ; 10 - l’étude prospective menée par l’Ifremer, visant à esquisser des scénarios d’implantation des énergies marines à l’horizon 2030 ; - la publication du Plan Energie pour la Bretagne et de la charte des espaces côtiers bretons, dans lesquels le déploiement des énergies marines est annoncé comme une priorité ; - la contribution des acteurs bretons au Grenelle de l’environnement, en faveur d’un centre de recherche et d’essais sur les énergies marines ; - les travaux du comité opérationnel n°10 du Grenelle de l’environnement, qui a proposé des objectifs chiffrés concernant les énergies marines, ceuxci n’ayant pas été repris dans les textes de loi ; - le plan national de développement des énergies renouvelables, qui prévoit une planification à l’échelle des façades maritimes ; - la loi Grenelle 2, en projet, qui confirme l’échelle des façades maritimes pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la mer mais exclut toutefois les énergies marines des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie ; l’initiative conjointe entre le Président du Conseil régional de Bretagne, le Préfet de région et le Préfet maritime d’élaborer un guide à l’attention des porteurs de projets ; une opportunité de déploiement d’une filière industrielle s’appuyant sur le renforcement d’une recherche d’excellence dans ce domaine. - l’initiative nationale IPANEMA, dans laquelle les signataires s’engagent collectivement à favoriser l’émergence des énergies marines. L’objectif que nous nous fixons est, au total, beaucoup plus ambitieux que la seule problématique énergétique : il s’agit d’éveiller l’intérêt de tous et de susciter l’émergence de projets pour faire des énergies marines un nouveau pilier de l’économie bretonne, de faire en sorte aussi que l’image de la Bretagne et celle, dynamique, des énergies marines en devenir se superposent et se renforcent mutuellement. La thématique des énergies marines a donc gagné tant des sphères d’actions volontaires, partenariales ou de consultation que des sphères juridiques et réglementaires, donnant plus ou moins d’espace à la concertation. Un enjeu : bien poser le problème La question des énergies marines a, globalement, trouvé son origine dans les engagements européens et nationaux dits « des trois 20 » imposant un recours accru aux énergies renouvelables dans la lutte contre le changement climatique. Compte tenu du gisement potentiel considérable qu’elles représentent, les énergies marines sont vues comme pouvant apporter une contribution significative à la diversification du bouquet énergétique. Au-delà du strict enjeu de la production d’électricité, qui prend en Bretagne une dimension particulière du fait de son profil énergétique, le développement des énergies marines offre De la gouvernance des énergies marines Aujourd’hui, la multiplicité des parties prenantes rend difficile la compréhension du rôle et de l’implication de chacun. Seul un pilotage en amont, et dans la concertation, permettra une définition collective des objectifs et des moyens de les atteindre. Deux initiatives progressent en parallèle pour l’animation de cette démarche : celle de l’Etat et de ses services déconcentrés dans l’élaboration d’une planification à l’échelle de la façade maritime ; celle du Conseil régional de Bretagne dans l’élaboration d’un plan de développement des énergies marines. ENERGIE riales dans une démarche de planification stratégique spatialisée est essentiel. Les initiatives prises par l’Etat et par le Conseil régional de Bretagne doivent donc converger dans une approche globale et proactive des enjeux posés par le développement des énergies marines, dans toutes ses dimensions. L’Etat a toute légitimité à intervenir pour encadrer et réguler l’implantation d’installations sur le domaine public maritime. Ce sont les préfets qui prendront, in fine, la décision d’autoriser ou non l’implantation des parcs. Par ses missions régaliennes, comme celle récemment confiée au Préfet maritime et aux préfets de départements de créer une instance de concertation et de planification à l’échelle de la façade maritime, le rôle de l’Etat reste essentiel. Il nous semble aussi que le débat sur les énergies marines va bien au-delà de la seule production d’énergie en mer et qu’il pose des questions qui concernent directement les territoires, la gestion intégrée de la zone côtière, le développement économique, la recherche et l’innovation, la formation, domaines dans lesquels le Conseil régional de Bretagne a toute légitimité à intervenir. Les textes récents indiquent que les énergies renouvelables terrestres feront l’objet d’un schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie tandis que les énergies renouvelables marines feront l’objet d’une planification menée à l’échelle de la façade maritime. On peut craindre que cette double échelle rende plus difficile l’appréhension de la dimension territoriale de la gestion de la zone côtière. L’interaction entre terre et mer est pourtant l’un des fondements du concept de gestion intégrée La coopération interrégionale devra être encouragée afin de chercher une cohérence entre l’action des Régions et l’approche menée par l’Etat à l’échelle des façades maritimes. Une appropriation collective par la population et les acteurs de la zone côtière Système Searev : crédit photo © Francis Rousseau/3B Conseils de la zone côtière (GIZC), qui offre un cadre de référence pour l’action en zone côtière. Plusieurs projets de GIZC ont été labellisés en Bretagne, dont la charte des espaces côtiers bretons. Ces projets ont créé des habitudes de travail fondées sur la concertation, et cela renforce la légitimité de la Région à intervenir pour initier la construction collective d’un projet de développement des énergies marines. Il nous semble donc indispensable de repenser le rapport au territoire dans le développement des énergies marines. A cet effet, le rôle des collectivités territo- Le terme d’acceptabilité sociale est souvent utilisé lorsque l’on parle des énergies marines, et semble parfois être l’ultime but à atteindre. Ce terme ne nous paraît pas exact au sens où il est restreint aux conflits d’usage potentiels créés par l’implantation de machines en mer côtière. Il nous semble plus exact de parler d’un enjeu d’appropriation collective car, au-delà de l’acceptabilité, c’est bien l’appropriation de cette nouvelle activité qui enclenchera une dynamique territoriale de création de richesses, de création d’emplois, de diversification de l’économie bretonne vers un domaine porteur. ❚ Un rappel : les économies d’énergie Le Conseil régional de Bretagne a engagé des actions volontaristes pour la maîtrise de la demande en énergie dans les activités maritimes, notamment dans la pêche mais aussi dans le domaine du nautisme et de l’éco-navigation. Ces actions doivent être pérennisées, en lien avec le Pôle Mer Bretagne. ❚ Une éducation aux énergies marines Les énergies marines sont peu connues du grand public. Si les innovations technologiques sont très médiatisées, les dimensions économiques, sociales et environnementales le sont beaucoup 11 ENERGIE moins. En particulier, les retombées possibles de l’exploitation des énergies marines sur les territoires sont très peu mises en avant alors qu’elles seront un pas important vers une appropriation collective. Des moyens d’information et de diffusion des connaissances, des progrès réalisés, des enjeux du développement des énergies marines pour les territoires sont donc à mettre en oeuvre tant en direction des publics scolarisés que du public adulte. A ce titre, les énergies marines devront être intégrées dans tous les outils d’information sur les énergies renouvelables, et notamment dans l’observatoire régional de l’énergie prévu dans le Plan Energie pour la Bretagne. ❚ Une mobilisation des différents secteurs d’activités autour des énergies marines 12 La question des énergies marines progresse, mais reste relativement cantonnée aux sphères des « initiés ». Or le déploiement industriel ou la constitution d’un pôle de recherche et d’expertise d’envergure internationale nécessitent de mobiliser des acteurs dans de nombreux domaines. Si le thème des énergies marines devient suffisamment visible, les différents secteurs d’activités sauront se mobiliser. Une volonté politique des décideurs 2020, c’est demain. Les décideurs, à quelque niveau qu’ils se situent, doivent s’emparer de la question des énergies marines car ils ont en main des leviers pour agir au nom de la collectivité et des générations futures. Ils doivent en conséquence être sensibilisés, voire même imprégnés des enjeux du développement des énergies marines pour les territoires : les décideurs politiques nationaux et régionaux qui porteront ou non dans le temps les réflexions amorcées, mais aussi les élus locaux, les représentants professionnels, les dirigeants d’entreprises, les directions des organismes de recherche et des établissements d’enseignement secondaire et supérieur… crédit photo : © CCSTI / Maison de la Mer Un enjeu : la pérennité de l’intérêt porté aux énergies marines L’intérêt pour les énergies marines n’est pas nouveau. Il y a eu par le passé des réflexions et des projets dont l’intensité était proportionnelle au prix du baril de pétrole. Les choses ont un peu changé aujourd’hui du fait de la prise de conscience du défi climatique et énergétique, ainsi que des engagements européens et nationaux en faveur des énergies renouvelables, qui expliquent l’intérêt porté aux énergies marines. Mais le prix du baril de pétrole, qui a atteint des sommets en 2008, n’y est pas étranger. La pérennité de l’intérêt porté aux énergies marines est l’une des clés de leur succès. Soutenue par une couverture médiatique renouvelée, celle-ci dépendra essentiellement d’une volonté politique constamment réaffirmée. L’objectif est d’inscrire les démarches dans la durée et de veiller à la continuité des décisions. Il en résultera un renforcement de la recherche, une extension des formations, une consolidation de la filière industrielle et, à terme, une multiplication et une diversification des emplois. L’enjeu de la démarche est de savoir combiner une vision stratégique de long terme et des actions de court terme, de savoir articuler le temps court des marchés économiques et le temps long des innovations technologiques, les préoccupations immédiates des porteurs de projets et le temps long de l’instruction administrative, le temps court des décideurs et le temps long de la concertation et de l’appropriation collective… Nul doute que la forte identité maritime de la Bretagne garantira la pérennité de cet intérêt porté aux énergies marines. Section « Mer-Littoral » Rapporteurs : MM. Guy JOURDEN et Philippe MARCHAND Contact : Fanny TARTARIN, Conseillère technique Tel : 02 99 87 18 73 Mel : [email protected] Consultez le rapport du CESR sur le site : www.cesr-bretagne.fr PROSPECTIVE Demain, les énergies de la mer en Bretagne : Forum “Prospective” La semaine de la mer et du littoral, organisée du 11 au 19 mai 2009 à Lorient par le Conseil régional de Bretagne, a été l’occasion pour le CESR de présenter publiquement son rapport sur les énergies marines, et de le soumettre ainsi au regard et à l’analyse d’un certain nombre d’acteurs invités à débattre de cette opportunité de développement pour la Bretagne. Ponctué de séquences télévisées extraites des archives de l’Ina et de France 3 Ouest, et associé en parallèle à une animation des Petits Débrouillards auprès de classes de CM1 et de CM2 de l’école de Merville sur le thème des énergies marines, ce forum « Prospective » a réuni plus de 260 personnes dans l’amphithéâtre du Lycée Dupuy de Lôme. De l’usine marémotrice de la Rance aux prototypes d’hydroliennes Parmi les archives de l’Institut national de l’audiovisuel, les images des moulins à marée qui émaillaient le territoire autrefois et l’inauguration de l’usine marémotrice de la Rance en 1966 nous rappellent que les énergies de la mer ne sont pas des énergies nouvelles. La construction de la Rance était un pari pour la modernité, soutenu par un Etat soucieux de l’aménagement du territoire. Toujours en activité, cette usine unique au monde se trouve à nouveau, 40 ans après, au coeur d’une réflexion sur d’autres formes d’énergies marines : énergie éolienne offshore, énergie houlomotrice, énergie hydrolienne… Alors que les énergies marines occupent le devant de la scène, le CESR a volontairement inscrit sa réflexion dans une approche complète des enjeux liés au développement de ces énergies : des enjeux énergétiques bien sûr, mais aussi des enjeux économiques et industriels autour de la naissance d’une nouvelle activité, des enjeux de recherche, de développement et d’innovation, des enjeux de gestion de la zone côtière et d’acceptabilité et, enfin, des enjeux d’organisation et de gouvernance, car le développement des énergies marines ne se concrétisera que si tous les acteurs se fédèrent et avancent, ensemble, dans la même direction. Une mobilisation de tous pour une appropriation collective De nombreux acteurs se mobilisent déjà autour des énergies marines. Leur témoignage montre toute l’ampleur des défis qui nous attendent, et l’importance d’anticiper sans tarder les aménagements et les actions à entreprendre. Des initiatives innovantes ❚ Ipanema, une initiative partenariale nationale pour l’émergence des énergies marines Michel Paillard, chef de projet Energies marines à l’Ifremer, est rapporteur général d’Ipanema. Signée à Brest le 17 octobre 2008, cette démarche part du constat que le développement des énergies marines est un enjeu national, qui doit être structuré à ce niveau en poursuivant quatre objectifs : 1 - promouvoir le développement 13 PROSPECTIVE Parmi ces partenaires, DCNS, acteur majeur de l’ingénierie navale militaire, cherche à valoriser les savoir-faire de son coeur de métier sur le marché des énergies renouvelables marines en émergence. Marc Boeuf, chargé du développement des activités maritimes, rappelle ainsi que les compétences de DCNS sur les systèmes complexes en mer, ses équipements, ses centres d’essais, ses espaces portuaires lui donnent toute légitimité pour se positionner logiquement sur ces nouvelles technologies marines, en partenariat avec des industriels du secteur parapétrolier, mais aussi des instituts de recherche car des ruptures technologiques seront nécessaires. 14 d’une filière scientifique et industrielle ; 2 - mettre en place un réseau coordonné des acteurs français des énergies marines ; 3 - développer des sites d’essais en mer ; 4 - faciliter le développement de démonstrateurs en contribuant à la définition, au pilotage et à la mise en oeuvre de dispositifs de soutien adaptés. Le Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM), l’ADEME, l’Ifremer, EDF, DCNS, et les régions Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, HauteNormandie, PACA, Réunion et RhôneAlpes sont les membres fondateurs de la démarche Ipanema. Ils ont été rejoints par près d’une centaine de partenaires, organismes de recherche, universités, pôles de compétitivité, fournisseurs industriels, opérateurs énergétiques, porteurs de projets, services de l’Etat, collectivités territoriales, usagers, associations. Sous la responsabilité de l’Ifremer et de l’ADEME, rapporteurs généraux en charge de la coordination et de la synthèse, et des Régions Bretagne et Pays de la Loire, secrétaires généraux, les partenaires ont formalisé des groupes de travail qui devront aboutir, à l’automne 2009, à l’élaboration d’une feuille de route qui dressera un état des lieux, identifiera les verrous et fera des propositions pour atteindre les objectifs d’Ipanema. Cette feuille de route, qui sera élaborée en cohérence avec les autres démarches en cours comme l’ap- pel à manifestation d’intérêt de l’ADEME sur les énergies marines ou les propositions du Grenelle de la mer, ne sera pas un aboutissement en soi : cette dynamique d’une fédération des acteurs autour des énergies marines a vocation à être poursuivie dans le temps. ❚ Des enjeux industriels et économiques Peter Nass est co-fondateur et directeur du groupe Nass&Wind. Il conçoit le développement des énergies renouvelables comme un outil de développement des territoires, dans lequel la concertation occupe une place importante. Face aux risques et aux incertitudes inhérents à cette nouvelle activité, les acteurs publics ont un rôle à jouer dans la définition d’un cadre réglementaire et économique viable. Le groupe Nass&Wind développe en matière d’énergies marines une approche originale consistant à coupler des projets éoliens offshore dits « classiques », avec fondations (500 MW en projet en Bretagne), avec des projets plus éloignés des côtes rendus possibles par la mise au point d’une éolienne offshore flottante innovante, développée en partenariat avec DCNS, Saipem, InVivo Environnement, l’Ifremer et l’Ensieta. La mise en production et la commercialisation du projet Winflo, labellisé par le Pôle Mer Bretagne en 2008, devrait déboucher sur la création d’une véritable filière éolienne française. Outre son implication dans le projet Winflo, DCNS développe un démonstrateur pour l’exploitation de l’énergie thermique des mers, en partenariat avec le Conseil régional de la Réunion. Ce genre de projet est techniquement possible, mais nécessite un contexte politique et économique porteur. L’accompagnement est essentiel pour les démonstrateurs. Le développement des énergies marines impose de considérer l’ensemble des activités liées à la conception, à la mise en oeuvre et à l’exploitation de cette source d’énergie. Avec des filières industrielles spécialisées et de nombreux secteurs d’activité couverts, la Bretagne a des atouts industriels à valoriser. L’Agence économique de Bretagne a engagé en 2008 une étude de filière sur les énergies marines, afin de repérer les potentialités de développement économique, à la fois sur les marchés existants et sur les marchés en émergence. D’après Jean-Jacques Le Norment, en charge de la filière Energies marines, les aspects logistiques et le développement industriel sont intimement liés et conditionnent à terme le positionnement de la Bretagne. De fait, les ports, à l’interface entre terre et mer, joueront un rôle prépondérant et leurs caractéristiques doivent dès à présent être examinées au regard des contraintes liées à ce secteur d’activité. Il faut donc dès à présent provoquer des rencontres entre PROSPECTIVE Les énergies marines représentent pour la Bretagne un défi énergétique, mais aussi un défi pour le développement économique des territoires. La politique de l’innovation en mer est un véritable enjeu de territoire pour les élus locaux, qui veulent offrir des conditions et des infrastructures adaptées qui favorisent l’implantation et la pérennisation d’activités professionnelles durables. La cohabitation de cette nouvelle activité avec les activités traditionnelles de pêche, de conchyliculture et de plaisance, et l’acceptabilité et l’appropriation par la population sont de vrais enjeux pour les élus locaux, qui disposent d’outils pour accompagner des activités innovantes, notamment en matière d’urbanisme. les acteurs industriels et les acteurs portuaires, afin d’élaborer un cahier des charges qui permette le développement pérenne de cette activité. ❚ Le Pôle Mer Bretagne, à la croisée des chemins Le Pôle Mer Bretagne a labellisé plusieurs projets dans le domaine des énergies marines : le plus ancien est le projet Marénergie, avec l’hydrolienne Sabella, le plus récent est MégaWatForce, avec un autre prototype d’hydrolienne. Deux projets d’éoliennes flottantes, Winflo et Diwet, ont été labellisés en 2008 : ces concepts sont intéressants en ce sens qu’ils proposent une rupture technologique et ne pourront se réaliser sans l’entrée de nouveaux acteurs venant du secteur offshore. Pour Hervé Moulinier, Président du Pôle Mer Bretagne, ces deux projets ne sont pas en concurrence car dans cette phase de démonstration, il est nécessaire d’avoir plusieurs projets pour parvenir à une structuration plus solide du marché et des acteurs. Hervé Moulinier propose un « macro planning » qui montre la diversité et l’enchaînement des tâches nécessaires pour parvenir à produire, en 2020, de l’énergie à partir des ressources marines : il faut dès aujourd’hui faciliter la phase de démonstration, essentielle pour mener ensuite ou en parallèle des actions aussi bien dans le champ réglementaire et tarifaire que dans le champ Hydroliennes Sabella D10 : crédit photo © Sabella SAS de la concertation, de la formation, et bien sûr pour la structuration de la recherche et le déploiement industriel. « L’enjeu est de taille, mais l’opportunité est réelle ». ❚ Des enjeux maritimes et côtiers Jean-Yves De Chaisemartin, maire de Paimpol, est très directement concerné par l’exploitation des énergies marines en zone côtière puisque c’est sur la communauté de communes de Paimpol-Goëlo, dont il est Vice-président chargé du développement économique, qu’EDF va implanter en 2011 le premier parc de démonstration pour les hydroliennes. L’échelon régional est tout aussi pertinent, et donc complémentaire, lorsqu’il s’agit de coordonner les différentes initiatives engagées, de créer des infrastructures adaptées et pertinentes, ou encore de réfléchir à la création d’un site d’essais pour les énergies marines, qui pourrait s’appuyer sur le projet d’EDF à Paimpol-Bréhat. La planification stratégique spatialisée, proposée dans le rapport du CESR, exprime bien cette idée de réfléchir ensemble à un aménagement du territoire qui permette « d’encourager l’initiative plutôt que de passer son temps à y répondre ». ❚ Des enjeux de culture et d’éducation aux énergies marines La question de l’énergie est fondamentale, à court et à long terme. Dominique Petit, directrice-coordinatrice du CCSTI/Maison de la Mer de Lorient, rappelle que certaines énergies renouvelables, mises en oeuvre plus ou moins rapidement dans différents pays, ont suscité approbation ou contestation populaire, selon le degré d’information et de concertation des décideurs et des promoteurs. Tant les innovations que le développement durable nécessitent en effet d’associer le plus grand nombre de citoyens, car l’appropriation des connaissances relatives aux enjeux locaux est essentielle. Il existe aujourd’hui peu de supports et d’outils favorisant la compréhension des enjeux liés au développement des énergies marines. Il est urgent et néces- 15 PROSPECTIVE saire de créer des outils culturels spécifiques aux énergies marines pour les mettre au service des actions initiées dans le cadre des projets scolaires, de la formation des enseignants et des animateurs, et dans les démarches d’éducation populaire. Au-delà de l’information générale brute, issue des médias, les publics sont demandeurs d’explications, d’exemples de proximité qui les concernent et à partir desquels ils veulent approfondir les problèmes de société qui se révèlent alors. Les gens ont envie de savoir et sont de plus en plus exigeants en matière de transparence sur les questions d’énergie qui engagent leur vie quotidienne et l’avenir des générations futures. Il importe d’initier des formes de dialogue pertinentes avec les publics intéressés et mobilisés, car l’objectif de développer une nouvelle économie basée sur les énergies marines est très ambitieux. La société civile doit être associée et consultée. 16 Les débats publics constituent un moyen pour articuler harmonieusement action et réflexion, décision et délibération, information et opinion, mais à condition qu’ils soient organisés et animés selon des règles d’équité. Les outils multimédias tels que le web 2.0 ou les radios sur le net sont des circuits de prise de parole et d’échange. D’autres formes de médiation doivent être imaginées et mises en oeuvre « A nous, acteurs culturels, d’aider à ce que ce nouveau défi maritime breton soit relevé par tous ». Plus de 260 personnes présentes au forum Demain, les énergies de la mer Pour qu’il y ait, demain, des énergies de la mer, il faut « se réveiller tout de suite ». C’est le message de Philippe Gouverneur, responsable de la commission Energies marines du Syndicat des énergies renouvelables. Saluant le travail de l’Ifremer, qui a coordonné une réflexion prospective sur les énergies marines, et celui du CESR, qui a adopté une approche globale du développement des énergies marines, Philippe Gouverneur rappelle que l’on n’atteindra pas l’objectif de 1000 MW en 2010, que l’on n’atteindra sans doute pas l’objectif de 4000 MW en 2015, et que l’on aura du mal à atteindre celui de 6000 MW en 2020. Alors que d’autres pays ont anticipé le développement des énergies marines, la volonté politique manque encore en France. La commission énergies marines du SER milite pour une planification stratégique avec des objectifs chiffrés, la mise en place d’un cadre juridique et administratif adapté, l’idée originale d’un système de réservation de zones, permettant de réduire la prise de risque pour les porteurs de projet, et bien sûr la mise en place de tarifs de rachat de l’électricité adaptés à des technologies en émergence. Aucune énergie n’est parfaite. C’est une erreur de considérer les faiblesses de l’une ou de l’autre, car toutes produisent des externalités. C’est la notion de bouquet énergétique qu’il faut considérer, et des concepts plus innovants de réseaux autonomes associant des moyens de production et des moyens de stockage. Il est nécessaire, enfin, d’avoir une constance politique qui sécurise les projets. Cyrille Abonnel, Chef de projet développement à la Direction Production Ingénierie Hydraulique d’EDF, revient sur quelques conclusions du rapport du CESR et salue son diagnostic global et sa richesse. En tant qu’opérateur européen, il met en garde cependant que, face à ce diagnostic global, les réponses ne pourront pas toutes être apportées au niveau régional et devront être élaborées à plusieurs niveaux. Il partage le constat du CESR sur la complexité, l’incertitude, l’acceptabilité, la prise de risques (risques juridiques, financiers, techniques, humains, environnementaux) et le partage de ces risques. En tant qu’opérateur énergétique, il revient sur les objectifs à atteindre en matière de production d’énergies renouvelables et sur le souci d’avoir un prix du kWh compétitif en 2020. L’opérationnalité du site pré-industriel de Paimpol-Bréhat, en 2012, sera un jalon important vers cet objectif 2020. La démonstration est un élément-clé. EDF a la volonté de contribuer à élargir le site de Paimpol-Bréhat vers un site d’essais, mais ceci suppose un partage des risques et des coûts. PROSPECTIVE La compétence énergétique est d’abord une compétence de l’Etat. Si le Conseil régional ne peut être qu’accompagnateur, il souhaite l’être de manière très volontariste. Conseil régional de Bretagne et Etat travailleront donc ensemble sur cette planification stratégique. Cyrille Abonnel revient sur la distinction qu’il est nécessaire d’opérer entre le défi industriel, qui peut être relevé à l’échelle d’une région comme la Bretagne, et le défi énergétique, qui ne peut être appréhendé qu’à l’échelle nationale et européenne. EDF contribuera à supporter les actions industrielles en région Bretagne, mais restera soucieux des enjeux énergétiques et de l’urgence à atteindre les objectifs 2020 qui sont, eux, nationaux et européens. ❚ Des points de vigilance Pour Isabelle Thomas, il y a urgence à agir car nous avons pris du retard et nous risquons de voir se reproduire ce qu’il s’est passé pour l’éolien terrestre, c'est-à-dire l’absence d’une filière industrielle en Bretagne. L’urgence est triple : une urgence économique, une urgence juridique, et surtout une urgence à agir collectivement. La gouvernance des énergies de la mer : quel rôle des acteurs publics ? ❚ Des actions engagées Cyriaque Garapin, chef de la division de l’action de l’Etat en mer à la Préfecture maritime de l’Atlantique, salue la qualité du rapport du CESR et le panorama qu’il dresse de la question énergétique. Il rappelle les actions engagées par l’Etat pour le développement des énergies marines : l’appel d’offres pour l’éolien offshore de 2004, la fixation des tarifs de rachat en 2006 et 2007, la fixation d’objectifs quantitatifs dans la programmation pluriannuelle des investissements, la signature d’Ipanema. Face à l’émergence de nombreux projets, il reste cependant beaucoup à faire : c’est pour cette raison que le Préfet de région, le Préfet maritime et le Président du Conseil régional de Bretagne ont commandé aux services de l’Etat en Bretagne un guide pratique à l’usage des porteurs de projets qui indiquera les procédures à suivre et le niveau d’attente de l’administration. Au niveau national, la planification par façade maritime a été initiée et les groupes de travail créés poursuivent le double objectif d’actualiser les données disponibles et de travailler sur une meilleure connaissance des usages. Ces deux groupes de travail devront converger autour des préfets avant un premier contact avec les autres acteurs publics, Régions, Départements, communes, lequel sera suivi d’une concertation plus large pour aboutir, à la fin 2009, à un plan de façade pour la période 2010-2015. Isabelle Thomas, déléguée à l’énergie au Conseil régional de Bretagne, salue la qualité du travail du CESR et son approche globale d’un thème aussi vaste. Elle partage le parti pris choisi par le CESR, celui d’un ancrage des énergies marines comme pilier à venir de l’économie bretonne, mais insiste sur l’urgence énergétique et les objectifs de 2020, qui sont les raisons pour lesquelles nous nous intéressons aux énergies marines. Dans son Plan Energie pour la Bretagne, voté en 2007, le Conseil régional avait fixé des objectifs chiffrés pour 2015, et avait envisagé la co-élaboration d’une planification régionale pour le développement des énergies marines, reprise ensuite dans la charte des espaces côtiers bretons. Il avait également inscrit dans ce Plan Energie le soutien à des projets. Fortement sollicité par des porteurs de projets, et parce qu’il avait affiché son ambition pour les énergies marines dans le Plan Energie, le Conseil régional est devenu de fait un point de rendezvous. Pour formaliser cet investissement, il a engagé au début de l’année 2009 une planification stratégique concertée, avec le souci d’associer le maximum d’acteurs dès l’amont de la démarche, afin que le diagnostic, la réflexion et les propositions d’actions soient partagés. Pour Cyriaque Garapin, il faut bien mesurer toutes les difficultés du sujet, car c’est un sujet délicat et nouveau. Il y a donc besoin de toutes les énergies, de toutes les compétences pour travailler ensemble, car « l’objectif que nous partageons tous est de réussir cette aventure des énergies marines ». Le réussir bien, ce n’est pas le réussir dans la précipitation. Pour conclure… Pour Alain Even, Président du CESR, les temps de crise doivent aussi être des temps de mobilisation des idées et de mobilisation pour l’action. Développer les énergies marines nécessite de la part de la Bretagne de faire de cet objet une vocation nouvelle. Mais la Bretagne peut aussi, on l’a vu par le passé, être la région du refus. Il faut donc expliquer. Le développement des énergies marines en Bretagne est un beau chantier pour faire avancer la concertation et la démocratie participative. Rapporteurs : MM. Guy JOURDEN et Philippe MARCHAND, section Mer Littoral Contact : Fanny TARTARIN, conseillère technique Tél. 02 99 87 18 73 Mel : [email protected] 17 COOPERATION Les coopérations interrégionales de « proximité » La Bretagne est réputée pour être une « terre de coopérations », il est donc apparu intéressant au Conseil économique et social régional d‘observer pour la Bretagne, ce qu’étaient dans la pratique les domaines, les objectifs, les modalités, l’importance réelle et le résultat des coopérations avec les autres régions de proximité, pour des enjeux qui dépassent son territoire. L’étude s’appuie sur une enquête réalisée auprès des services de la Région et présente un état des lieux des coopérations. 44 actions et projets associant la région Bretagne et les autres régions de son espace géographique proche sont ainsi recensés et analysés. 18 A travers cinq grands domaines, de la Recherche/Innovation à l’Agriculture et la pêche en passant par les transports, l’environnement, la culture et le tourisme, l’étude montre que quels que soient les découpages territoriaux, il n’existe pas un territoire pertinent universel pour l’action régionale, mais qu’il existe au contraire plusieurs territoires qui peuvent dépasser les limites régionales en fonction des différents enjeux. Etat des lieux : 44 projets coopératifs L’enquête conduite pour cette étude a permis de recenser et analyser 44 projets coopératifs entre la Région Bretagne et les autres Régions de son espace géographique. La Bretagne coopère essentiellement avec la Région des Pays de la Loire, puis, secondairement avec les Régions de Poitou-Charentes et de BasseNormandie. Ainsi : - 41 coopérations sur les 44 recensées concer nent les relations entre la Bretagne et les Pays de la Loire, dont 26 constituent des relations bilatérales. - La deuxième Région avec laquelle la Bretagne collabore est la Région Poitou-Charentes. 12 coopérations ont pu être dénombrées, mais sans aucune collaboration bilatérale. - La Région Basse-Normandie est, quant à elle, le troisième partenaire de la Bretagne, avec neuf projets recensés, dont deux dans lesquels, seule la Bretagne et la Basse-Normandie sont concernées. leurs relations peuvent jouer aussi un rôle important. Ces coopérations concernent cinq grands domaines… Les incitations financières, notamment celles de l’État et de l’Europe, peuvent permettre de déclencher des coopérations. Mais pour des coopérations durables, il faut des objectifs qui correspondent à des besoins réels des acteurs. - La recherche, de l’innovation et plus globalement de l’économie (par exemple pôle de compétitivité) - L’agriculture, la pêche et l’aquaculture en lien avec la maritimité commune aux régions impliquées - Les transports - L’environnement, qui peut s’expliquer par la nécessité d’assurer la continuité territoriale) - La culture et le tourisme Ce sont surtout les réseaux et les structures des acteurs socioprofessionnels qui sont déterminants dans la naissance et la mise en oeuvre des coopérations ; mais le poids des hommes, la qualité de leurs échanges et de Et cinq grandes catégories d’objectifs Les intérêts et motivations d’une coopération, tels qu’ils apparaissent dans les projets recensés, peuvent être multiples. Toute coopération présente au moins l’intérêt de la mutualisation des moyens et de la réduction des coûts. Nous avons pu dégager, à partir des exemples étudiés, cinq objectifs principaux dans les coopérations recensées. COOPERATION ❚ La réalisation de grands investissements communs à plusieurs régions et correspondant à des enjeux importants pour l’aménagement des territoires d’agglomération à cheval sur deux régions. - Le Schéma d’aménagement de la gestion de la Vilaine. - Un Comité de ligne ferroviaire Les deux exemples de coopération les plus significatifs concernent de grands équipements qui vont desservir les Régions de Bretagne et des Pays de la Loire. - La construction de la ligne grande vitesse ferroviaire permettant de relier Paris à Rennes et Nantes, - La construction de l’aéroport « Notre Dame des Landes ». Ces grands équipements vont desservir les deux régions. ❚ La constitution d’un territoire qui représente un poids décisif et lisible sur une thématique bien définie Les coopérations permettent non seulement une concertation sur le partage des coûts et l’élaboration d’un plan de financement mais elles procurent aussi une capacité plus importante de lobbying. Elles assurent des conditions optimales de convergence des acteurs économiques, sociaux et politiques des deux régions. Autre exemple du même type, le rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel est aussi un grand investissement correspondant à un enjeu important. ❚ La nécessité d’assurer une certaine continuité territoriale Avant la décentralisation, l’État assurait la continuité territoriale sur l’ensemble de son territoire. Avec le transfert de certaines compétences aux régions, on pouvait craindre que s’instaurent des discontinuités territoriales autour de frontières administratives régionales ne respectant pas obligatoirement les bassins de vie ou la géographie des eaux par exemple. Dans des domaines particuliers tels que les transports, l’environnement, ou encore la politique d’aménagement du territoire (politique de pays), la nécessité d’assurer cette continuité territoriale est évidente et les coopérations en deviennent presque obligatoires, même si leur conduite n’est pas toujours aisée. Les exemples abondent : - La gestion d’une réserve naturelle interrégionale. - Le cofinancement d’une communauté Le principal objectif recherché ici est d’atteindre une masse critique économique ou de savoir-faire, grâce à un réseau interrégional, qui permet de rendre lisible, au niveau national ou européen, l’action conduite au sein de l’espace géographique de coopération, dans un domaine particulier afin de pouvoir peser sur les décisions nationales ou européennes. Les trois exemples suivants illustrent particulièrement cet objectif : - Ouest Génopole (regroupement de chercheurs dans l’ « omique ») - Cancéropôle (centre de recherche multi sites sur le cancer) - Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM), rassemblement de 150 régions d’Europe périphériques et maritimes. ❚ La recherche d’un territoire d’action publique pertinent Quel est le territoire pertinent ? Ce problème du choix du territoire pertinent se pose essentiellement autour des dossiers économiques. Force est de constater dans la pratique des coopérations, Les pôles de compétitivité sont tous interrégionalisés qu’il n’y a pas un territoire pertinent, mais des territoires pertinents en fonction des différents enjeux. Ces territoires peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps avec le déroulement du projet : la clé des coopérations est bien la « géométrie variable » et la souplesse qu’elle autorise. Les exemples de collaboration présentés ci-dessous illustrent bien la diversité des territoires choisis : Le pôle agronomique de l’Ouest : L’objet de cette association est d’initier, de promouvoir et de suivre des programmes de recherche précompétitifs devant correspondre aux besoins des industriels et des professionnels de l’agriculture et du secteur de l’agroalimentaire sur les deux régions de Bretagne et des Pays de la Loire. Le pôle de compétitivité « automobile haut de gamme » couvre les trois régions de Bretagne, des Pays de la Loire et de Poitou-Charentes. Le pôle de compétitivité « valorial » couvre les trois régions de Bretagne, des Pays de la Loire et de BasseNormandie. Les pôles de compétitivité « EMC2 », «Images et Réseaux » et « Végépolis » ne couvrent que les deux régions de Bretagne et des Pays de la Loire. Ouest Venture est une société de capital risque technologique dont le champ 19 COOPERATION d’action s’étend aux trois Régions de Bretagne, des Pays de la Loire et de Poitou-Charentes. L’AGLIA est une structure d’échange et de concertation dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture sur les quatre Régions de Bretagne, d’Aquitaine, de Poitou-Charentes et des Pays de la Loire. Par ailleurs le financement d’une campagne de promotion de la volaille (au moment d’une crise) a été assuré par cinq Régions : Bretagne, Pays de la Loire, Centre, Poitou-Charentes et Basse-Normandie. ❚ La mutualisation des moyens et la réduction des coûts 20 Toutes les coopérations vont permettre une réduction des coûts (au moins ceux liés aux structures ou à l’organisation). Mais pour certains projets, cette mutualisation des moyens permettant une économie des moyens publics parait être, sinon l’objectif principal, au moins une finalité particulièrement importante. Quelques exemples illustrent bien cet intérêt : - La formation commune des animateurs « Europe » ; - La mise en place d’une veille technologique « Britta » pour les industriels du secteur agroalimentaire ; - La gestion commune technique de MEGALIS ; - Le financement et la gestion d’un centre de formation des professeurs de musique et de danse (CEFEDEM) ; - L’Espace interrégional européen Bretagne, Pays de la Loire, PoitouCharentes. La pêche : une concertation pour quatre Région de l’Ouest Les modes de fonctionnement des coopérations Les façons de coopérer vont, bien entendu, varier en fonction des objectifs. Nous avons pu distinguer cinq principaux modes de fonctionnement : ❚ La mise en oeuvre d’actions continues de concertation Ce type de fonctionnement ne nécessite pas la création d’une structure juridique, mais simplement des rencontres politiques plus ou moins fréquentes en fonction des enjeux, en vue d’entreprendre des actions de lobbying, de négocier des plans de financement ou de prendre des décisions communes permettant d’assurer une continuité territoriale. Les Régions utilisent ce mode de coopération essentiellement pour répondre aux grands enjeux d’aménagement des territoires (LGV, aéroport,..) ou pour assurer une certaine continuité territoriale. Ce type de coopération peut donc être caractérisé par une concertation forte, continue, au niveau des présidents, ainsi que par des actions de lobbying autour d’investissements lourds représentant un véritable enjeu pour les régions. Les collectivités locales infrarégionales y sont fortement associées. ❚ La participation à des réseaux plus ou moins formels Ces réseaux peuvent être très larges et réunir de nombreuses régions. La Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) regroupe plus de 150 régions et la Commission de l’Arc Atlantique qui constitue un de ses départements régionalisés rassemble une trentaine de Régions. La Bretagne est membre du bureau de ces réseaux. L’espace « Manche » comprend aussi de nombreuses collectivités régionales en France et en Angleterre. L’Espace Interrégional Européen, même s’il ne regroupe que trois Régions, (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes) fonctionne de la même façon. Il assure une fonction de veille pour le compte de ces trois Régions. Mais il peut aussi parfois être utilisé pour des actions de lobbying, même si la Bretagne a mis également en place une délégation qui lui est propre. Ce type de coopération est plutôt caractérisé par des concertations larges et pas nécessairement continues, pour défendre des intérêts communs en influant sur des politiques nationales ou européennes. Elles peuvent impliquer des actions de lobbying qui vont porter plutôt sur des COOPERATION politiques que sur des investissements. Ces coopérations sont le plus souvent, mais pas toujours, supportées par des structures juridiques spécifiques (même si parfois elles ont été rendues obligatoires pour la gestion des salariés) et ou indépendantes de la gestion politique des réseaux. ❚ La création de réseaux structurés et structurants pour les politiques régionales Ces coopérations qui correspondent, au moins lors de leur démarrage, à une volonté politique forte, se déclinent généralement sur le long terme. Elles structurent des réseaux et des politiques particulières. Elles nécessitent le plus souvent la création de structures juridiques propres. Les exemples de ces coopérations sont essentiellement concentrés dans les domaines des politiques économiques et de la recherche; on peut ainsi classer dans ce type de coopération : - Le Pôle Agronomique de l’Ouest - Le Cancéropôle - Ouest Génopole - Ouest Venture - Les pôles de compétitivité Ces coopérations sont les plus abouties. Elles impliquent fortement les élus qui doivent participer à la gouvernance des structures juridiques spécifiques créées. Elles permettent des rencontres et des échanges réguliers avec les professionnels qui ont dû se Répondre aux grands enjeux d’aménagement du territoire structurer dans le cadre de ces coopérations et elles orientent le choix des investissements à privilégier par chaque partenaire. Elles peuvent aboutir à une réelle convergence des politiques de plusieurs Régions. ❚ L’utilisation de structures existantes pour répondre aux demandes des professionnels Dans ce cas, les professionnels sont le plus souvent déjà structurés en « inter régions », et ils sollicitent les Conseils régionaux pour un cofinancement d’actions communes correspondant à leurs besoins. Les Régions répondent en fonction de leur propre politique et vont donc passer des contrats avec une même structure, le plus souvent interrégionale, sur des objectifs qui peuvent être communs ou non. Cette coopération pourrait être qualifiée de type « auberge espagnole ». Chaque Région va dans une même structure pour y rechercher ce dont elle pense avoir besoin. Plusieurs exemples illustrant ce type de fonctionnement répondant aux demandes des professionnels de l’agriculture, de la pêche ou encore des universités qui se sont fédérés en inter régions. Elles permettent une mutualisation des moyens. On utilise alors des outils partagés, mais pas vraiment communs. Elles n’aboutissent pas à de véritables coopérations, mais à une concertation ou coordination assez légère, en aucun cas à des politiques structurantes. ❚ Le recours à des prestataires ou des sous traitants dans le cadre de coopérations ponctuelles Il s’agit de répondre à un cas de figure précis, circonscrit dans le temps et qui intéresse un territoire bien délimité. Quelques exemples illustrent ce mode de fonctionnement : - Le cofinancement d’une campagne de promotion de la volaille avec une maîtrise d’ouvrage confiée à une chambre régionale d’agriculture, - Le recours à un même cabinet d’avocat pour défendre des intérêts communs contre « Total » sur le dossier « Érika », - La coproduction d’un espace lyrique commun. Dans chacun de ces exemples, il s’agit d’une coopération ponctuelle, non destinée à être pérennisée, ni à faire l’objet de politiques plus structurées. On fait appel à la sous-traitance ou à un opérateur habituel. Le grand avantage est la mutualisation des coûts (même si, bien entendu, il doit y avoir une concertation minimale pour définir les grands objectifs recherchés et s’accorder sur la démarche à suivre). En conclusion, même si on ne trouve pas une homogénéité parfaite dans les classements entre les typologies d’objectifs et de fonctionnement, on peut dire que des projets qui ont des objectifs de même nature font apparaître, le plus souvent, des modes de fonctionnement similaires. Ainsi : - Les grands investissements lourds font l’objet de concertations spécifiques très rapprochées au plus haut niveau - Les coopérations mises en place dans un objectif de lisibilité territoriale, ou de réponse à des besoins sur un territoire pertinent dépassant les limites territoriales des régions, donnent naissance à des réseaux constitués autour de structures juridiques spécifiques ou déjà existantes dans les organismes professionnels. - Quand l’objectif essentiel ne répond qu’à une demande de mutualisation de moyens, il est fait plutôt appel à des sous traitants ou à des prestataires de services. 21 COOPERATION Les principaux enseignements de l’analyse de cette politique de coopération de la Bretagne Un niveau de coopération de la Bretagne très élevé mais dont la portée reste limitée La Bretagne continue à mettre en oeuvre de nombreuses coopérations avec ses régions voisines. Si certains projets meurent, d’autres coopérations sont mises en oeuvre, comme le montre l’exemple des pôles de compétitivité qui sont presque tous interrégionalisés. De plus, depuis quelques années, la Région Bretagne a su ouvrir sa « porte Nord » qui la relie à la Région BasseNormandie. Pour autant le nombre de relations avec le partenaire habituel, la Région des Pays de la Loire ne diminue pas. 22 Comme le montrent de nombreux exemples, le Conseil régional sait répondre aux demandes des professionnels qui sont à l’origine du plus grand nombre de coopérations. Il sait aussi coopérer ou se concerter, quand il le faut, pour assurer une certaine continuité territoriale ou promouvoir de grands équipements devant répondre aux principaux enjeux d’aménagement des territoires. La concertation continue et importante menée autour du projet LGV l’atteste. Mais le nombre des coopérations (plus de 40) ne doit pas faire illusion. La majorité ne concerne que des opérations, sinon ponctuelles, au moins bien délimitées, même s’il s’agit de projets d’importance (LGV). Très peu de coopérations ou de concertations portent sur des volets politiques structurés. De sorte que cette politique de coopération territoriale de proximité ne pèse encore aujourd’hui qu’un poids tout relatif. Plus précisément, on peut aller jusqu’à se demander si la Région Bretagne a défini une stratégie dans ce domaine des coopérations interrégionales de proximité. Dans la mesure où, elle existe, cette stratégie apparaît pour le moins peu lisible. En effet, la Région répond aux demandes ou aux initiatives des acteurs, sans, semble t’il, avoir conduit ou fait conduire des réflexions prospectives préalables ni en propre ni avec ses partenaires. Par exemple, en parallèle aux coopérations autour de la LGV ou de l’aéroport « Notre Dame des Landes », il aurait pu être intéressant de mener des réflexions interrégionales sur les transports sur terre, mer et dans les airs, des marchandises et des personnes. A notre connaissance ces réflexions n’ont pas eu lieu au niveau interrégional. En outre, et cela peut sembler plus surprenant, dans certains domaines qui correspondent au coeur des compétences régionales, comme la formation initiale ou professionnelle, le nombre des coopérations apparaît très faible, voire inexistant. A contrario, les pôles de compétitivité sont pour la plupart interrégionaux. Les outils techniques du transfert de technologie et de l’innovation, CRITT et centres techniques, largement financés par les Régions, qui disposent de compétences et de matériels rares et chers susceptibles d’intéresser des entreprises au-delà des frontières régionales, limitent le plus souvent leurs activités aux territoires régionaux. En revanche la Région semble privilégier, pour le moment, une stratégie de coopération avec les collectivités infra régionales (le B15, constitué par la Région, les quatre départements et l’ensemble des grandes agglomérations bretonnes). En conclusion, si, la Bretagne parait avoir une politique active dans le domaine des coopérations interrégionales de proximité, (plus de 40 projets coopératifs interrégionaux), nombre de ces projets relèvent plutôt d’une démarche réactive des Régions aux demandes des professionnels. On rencontre très peu de démarches proactives des Régions. Les Présidents des Conseils régionaux voisins se rencontrent, de même que les Vice-Présidents. Mais il semble qu’il n’y ait pas ou peu de réflexions communes. Il n’apparaît pas Une coopération très faible dans certains domaines que la Bretagne ait une stratégie définie dans ce domaine des coopérations interrégionales (contrairement aux coopérations infrarégionales). Le rôle des différents partenaires dans les coopérations ❚ L’Europe Dans le cadre de sa politique de promotion des coopérations territoriales, l’Union Européenne lance des appels à projets coopératifs sur des thématiques préalablement définies et devant correspondre à de grands enjeux dans des espaces européens. La Bretagne fait partie de trois grands espaces : - L’espace « Transmanche » - L’espace atlantique - L’espace « Nord Ouest » Par ailleurs, la Commission européenne, dans le cadre de la parution de livres verts, lance des appels à contribution pour définir ses politiques. Les Régions peuvent y répondre seules ou en se groupant. Les quatre Régions de Bretagne, des Pays de la Loire, de Poitou-Charentes et de BasseNormandie ont ainsi répondu collectivement sur le bilan de santé de la PAC, afin de peser, bien sûr, sur la commission COOPERATION européenne, mais aussi sur la déclinaison nationale de cette PAC. L’Union Européenne ne participe pas, de manière formelle, à la mise en place de coopérations interrégionales, mais elle peut les favoriser, et elle les favorise, dans un but de renforcement de l’intégration des espaces européens, soit directement dans le cadre de sa politique de coopération territoriale en finançant des projets, soit indirectement en lançant des appels à contribution pour la définition de ses politiques. L’Europe joue ainsi un rôle de déclencheur et de facilitateur des coopérations interrégionales, principalement transnationales. ❚ L’État Pour la mise en oeuvre de ses plans « Cancer » ou « Génome », l’État a lancé des appels à projets. En vue d’un gain de lisibilité ou de masse critique, les Régions de l’Ouest ont incité et accompagné les organismes de recherche et d’enseignement supérieur à se regrouper sur des territoires plus vastes pour y répondre. C’est ainsi que sont nés « Ouest Génopole » et le Cancéropôle « Grand Ouest ». Mais ces appels à projets peuvent aussi susciter des concurrences entre les régions (appel à projets autour des campus, par exemple). L’État a pu ainsi être le déclencheur de coopérations interrégionales, mais la recherche de la compétitivité (sans doute indispensable) peut être, si on n’y prend garde, un frein à la solidarité des territoires et à leurs coopérations. Un équilibre délicat doit donc être trouvé pour conjuguer la recherche de performance avec le développement des territoires. On rejoint ici le débat survenu autour du livre vert de la Commission européenne sur la cohésion territoriale : - Compétitivité et concurrence sontelles nécessairement liées ? - Comment concilier compétitivité, concurrence et cohésion ? - Comment concilier compétitivité et solidarité ? Il est du devoir de la puissance publique, à l’échelle de l’État, comme de l’Europe, de veiller à la fois à l’amélioration de la compétitivité sur l’ensemble des territoires, et à la cohésion territoriale. Une politique qui serait uniquement constituée par des appels à projets favorisant par nature les acteurs les plus forts, à ces deux objectifs. En revanche, les coopérations interrégionales pourraient être une des solutions favorisant la conciliation de la compétitivité avec la cohésion territoriale. Dans ce but, l’État devrait favoriser ces coopérations qui sont des instruments de mutualisation et de solidarité. L’État déconcentré, s’il a pu favoriser certaines coopérations, a souvent un rôle neutre, et dans certains cas négatif, dans la constitution et le développement des coopérations interrégionales. L’État a pu jouer un rôle important au cours des dernières décennies dans la mise en place et la promotion de certaines coopérations (création d’Ouest Atlantique, MEITO). Ce n’est plus autant le cas aujourd’hui, même si par ses établissements publics implantés dans de nombreuses régions, il peut susciter les coopérations. Mais il peut aussi induire des concurrences et entraver ainsi certaines coopérations, par exemple dans le cadre de ses politiques sectorielles, par des appels à projets créateurs de concurrences et de rivalités. De même, il entrave, parfois, les possibilités de coopérations interrégionales par une organisation de ses services déconcentrés très hiérarchisée avec des arbitrages qui ne peuvent avoir lieu qu’au niveau de l’État central. Pourtant, mieux favoriser les coopérations interrégionales lui permettrait certainement d’atteindre plus facilement ses objectifs d’aménagement du territoire et de promotion de la compétitivité. ❚ Les collectivités territoriales infra régionales Dans au moins un tiers des projets analysés pour ce rapport, les collectivités infrarégionales ont pu être à l’origine de certaines collaborations interrégionales ou y jouer un rôle très actif. Ces participations des départements et des communes peuvent prendre diverses formes. Certaines de ces collectivités peuvent être elles-mêmes à l’initiative de la coopération ; elles peuvent aussi parfois remplir un rôle essentiel dans la gouvernance des projets de coopérations interrégionales. Enfin, elles peuvent dans certains cas ne participer qu’au financement des projets. ❚ Les autres partenaires Ce sont essentiellement les professionnels, souvent organisés à un niveau interrégional, qui souhaitent mettre en oeuvre des actions sur un territoire au delà des limites régionales. 23 COOPERATION Ces professionnels attendent essentiellement des financements des Régions ; s’il y a coopération, c’est uniquement entre professionnels ; ces projets aboutissent rarement à une structuration concertée des politiques régionales. Les freins ou les obstacles aux coopérations On peut distinguer trois catégories de freins : ❚ Freins liés au principe même de l’interrégionalité et plus généralement de toute coopération Les régions sont réellement en situation de concurrence pour l’implantation de certains grands investissements lourds, l’attraction de nouvelles implantations d’entreprises, la création de nouvelles activités, le rassemblement d’équipes ou la localisation de grands équipements de recherche. 24 ❚ Freins liés à la diversité des stratégies et des objectifs Créés en 1982, les Conseils régionaux sont des collectivités territoriales très jeunes comparativement aux communes et aux départements. Ils ont un besoin important de se faire connaître, y compris par leur propre population (même si c’est un peu moins vrai pour la Bretagne). Chaque région s’attache donc à développer son « marketing territorial » que plusieurs de nos interlocuteurs ont mentionné « comme un frein aux coopérations ». Les stratégies et les politiques des Régions peuvent diverger profondément, y compris quand elles utilisent les mêmes outils. Les politiques de l’eau des deux Régions de Bretagne et des Pays de la Loire ne convergent pas complètement même si elles contractent avec le même « outil », l’institut d’aménagement de la Vilaine sur le SAGE « Vilaine ». Ces politiques peuvent diverger avec le temps. Cela a été le cas pour la MEITO : la Région des Pays de la Loire avait décidé de regrouper tous ses outils techniques d’animation de filière ou de transfert de technologie L’eau : des politiques divergentes dans une SEM. Ses engagements à la MEITO n’avaient donc plus lieu d’être. ❚ Freins liés à la mise en oeuvre, au management et à la gestion des projets Ces freins sont très nombreux… La nécessité d’une forte implication des élus, en particulier dans certaines coopérations à caractère complexe ou nécessitant des arbitrages fréquents est un premier obstacle. Les coopérations sont caractérisées par une dimension technocratique assez forte, qui engendre des mécaniques lourdes. Elles supposent des accords à plusieurs niveaux de hiérarchie et entre élus de différentes collectivités. Des contraintes budgétaires peuvent conduire à préférer des projets « purement » régionaux. Il peut être difficile de présenter des projets qui vont nécessiter l’attribution de crédits régionaux hors des limites territoriales. On n’est jamais certain du lieu de valorisation de projets de recherche ou d’innovation. Les méthodes de travail, les processus de décision sont souvent différents d’une région à l’autre et peuvent aboutir à des retards et à des incompréhensions. De même, la barrière linguistique rend difficile parfois les coopérations internationales, notamment quand on va devoir utiliser des termes juridiques. L’usure du temps peut jouer aussi, lorsqu’elle n’a pas permis la prise en compte de l’évolution du contexte, des orientations politiques, … et du changement des hommes. Le choix des outils nécessaires à la coopération et leur mode de gouvernance est aussi important. Les vraies coopérations (celles qui paraissent les plus abouties et qui influent sur la conduite de certains volets des politiques régionales) nécessitent le plus souvent la création d’outils spécifiques. Ces outils peuvent prendre diverses formes juridiques : associations, établissements publics, GIP, syndicats mixtes, SA, GIS. Ce choix du statut va peser sur le mode de gouvernance. Quel doit être le poids des partenaires privés ? Quel doit être le rôle des pouvoirs publics ? Quels sont les risques juridiques liés à l’attribution de crédits publics à des organismes dont la gouvernance est assurée par des élus ? La difficulté peut être parfois grande de mettre un terme à une coopération pourtant insatisfaisante. Comment fermer une structure ? Quel va être le traitement social du personnel ? Enfin, le devenir d’une coopération peut se heurter à la dimension humaine qui est fondamentale dans les échanges volontaristes. Les relations entre tous les acteurs chargés de leur mise en oeuvre sont souvent primordiales pour l’essor ou le déclin des coopérations. COOPERATION Les moteurs et les accélérateurs de coopérations Les facteurs favorables aux coopérations sont également nombreux : L’histoire et la géographie, notamment celle des transports, jouent un rôle primordial et expliquent en grande partie le nombre des coopérations avec les Pays de la Loire. On peut expliquer ainsi que la zone d’influence de Nantes s’étende sur toute la zone côtière de Bretagne Sud au moins jusqu’à Quimper et que l’ouest mayennais soit naturellement attiré par Rennes. Une culture partagée : Le propre des faits culturels est d’être porté par des hommes et des femmes eux-mêmes mobiles. Aucun élément culturel n’est borné strictement par une limite territoriale et maintenir l’appartenance à des cultures communes ou voisines peut très certainement favoriser des coopérations, même dans des domaines très éloignés. L’organisation des territoires : L’État avait créé, au début des années 1970, un espace grand ouest autour d’Ouest Atlantique. L’Europe a créé un autre espace « Arc Atlantique ». Leur création a généré des coopérations qui expliquent en partie, les nombreuses relations avec la Région de PoitouCharentes, alors que la Bretagne est beaucoup plus proche en terme géographique ou économique de la BasseNormandie. Des économies régionales très liées ou aux traits communs : La spécialisa- tion des économies (pêche, agriculture, agroalimentaire), la présence sur l’ensemble des territoires des établissements des mêmes groupes industriels, la soustraitance éclatée sur plusieurs territoires de grands donneurs d’ordre dans l’automobile, la construction navale,… vont favoriser les coopérations ; les cartes de la dernière étude de l’AUDIAR illustrent ces interactions économiques : la zone d’influence économique de Rennes dépasse la Bretagne pour s’étendre sur le sud Manche et la Mayenne ; celle de Nantes s’étend jusqu’à la Cornouaille. Les effets cumulatifs d’expériences passées : Plus on coopère, mieux on se connaît et plus on a envie de coopérer. Le projet relatif à la restauration du caractère maritime de la baie du Mont Saint-Michel ne devait porter initialement que sur les équipements et ouvrages d’art à construire et à gérer. Puis progressivement, des réflexions ont été menées sur les aspects culturels et spirituels, sur des moyens d’accès par le train à partir de Saint-Malo et, enfin, sur la politique touristique de l’ensemble de la baie. L’utilité des coopérations L’objectif de l’action publique (des collectivités, de l’État) étant de rendre le meilleur service aux citoyens en réduisant la charge pour la collectivité, rappelons l’utilité des coopérations à cet égard : - La réalisation de grands investissements - Assurer une certaine continuité audelà de limites territoriales définies - La possibilité d’atteindre une masse critique, indispensable pour certaines actions - La capacité à faire « nombre » pour mener des actions de lobbying et défendre des intérêts communs - L’amorce de politiques ou d’actions ne pouvant s’exercer que sur des territoires géographiques élargis - Une réponse à l’attente des professionnels organisés en « inter régions » - Une mutualisation des moyens et une réduction des coûts Les coopérations interrégionales sont presque obligatoires pour assurer une continuité territoriale. De même ces coopérations sont fortement souhaitables dans les domaines des transports ou de l’aménagement du territoire avec l’implantation de grands équipements. Mais il est d’autres domaines comme la recherche, l’innovation, l’économie, où la meilleure réponse aux besoins des usagers va nécessiter de se référer à un territoire qui peut ne pas correspondre aux limites territoriales administratives. Les coopérations interrégionales vont alors nécessiter, pour répondre à chaque enjeu bien précis, le choix du territoire le plus pertinent. Bien sûr, l’interrégionalité va donner plus de moyens ; mais elle va aussi nécessiter et permettre une meilleure vision stratégique, une meilleure définition des objectifs, des moyens et des actions à conduire. Mais au delà de tous ces avantages, le grand intérêt des coopérations va être de stimuler le décloisonnement des hommes et des idées. Il v a ê t re d e p e r m e t t re d ’ é l a r g i r l e champ des réflexions, en étant notamment plus prospectif et plus solidaire. En ce sens les coopérations sont un outil adapté à la complexité et aux interdépendances qui régissent le fonctionnement économique et social, et le développement durable d’une région dépend aussi d’un développement concomitant des régions voisines. 25 COOPERATION Conclusions La nécessité des coopérations : quels territoires pour répondre à quels enjeux ? Cette étude montre, quels que soient les découpages territoriaux, qu’il n’y a pas de façon absolue un territoire pertinent universel pour l’action régionale, mais qu’il existe au contraire des territoires pertinents en fonction des différents enjeux. Ces territoires peuvent dépasser les limites régionales. La coopération entre collectivités territoriales est précisément l’outil opérationnel qui permet de dépasser les limites territoriales, financières, ou en terme de masse critique. 26 L’objectif d’une coopération est, bien sûr, d’améliorer la qualité et l’efficience du service à la collectivité. La coopération peut être une coopération d’action, mais elle peut être aussi un partage d’information, des échanges d’expériences, qui sont toujours sources de richesses. Ils permettent, en répondant mieux aux besoins de la région, une ouverture d’esprit, une perception plus large des enjeux et parfois des réponses différentes aux problématiques régionales. Le choix entre une conduite strictement régionale (y compris motivée Dépasser les limites territoriales parfois par le fait que la Région souhaite développer un « marketing » territorial) ou la mise en oeuvre d’une coopération interrégionale, avant toute action politique d’envergure, suppose de réfléchir à l’intérêt ou non d’une coopération, ses avantages et ses inconvénients. Pour répondre au mieux à chacun des enjeux qui nécessitent des coopérations interrégionales, la première difficulté va être de définir le territoire approprié et donc l’aire des c o o p é r a t i o n s l u i c o r re s p o n d a n t . Comment définir ce territoire pertinent ? Les réponses n’apparaissent pas simples : il faut, en fonction des enjeux, bien définir les objectifs recherchés, observer les réelles complémentarités, repérer les manques et déterminer la valeur ajoutée supplémentaire qui sera obtenue par la coopération. Une bonne coopération devrait permettre à la Région de poursuivre ses objectifs propres, de garder son « identité », tout en s’ouvrant à la mutualisation qui enrichit tous les acteurs, en ne s’enfermant pas derrière des frontières administratives. Absence de réflexion sur les transports Les bonnes pratiques d’une coopération Elles vont découler des expériences passées réussies ou non. Au travers de l’analyse des obstacles ou des moteurs des coopérations, décrite précédemment, on peut en déduire facilement certaines préconisations : - Avoir conscience que le volontarisme politique et l’implication forte des élus, s’imposent comme conditions nécessaires à la réussite d’une coopération. - Rechercher un équilibre global entre régions sur l’ensemble des coopérations, en acceptant les éventuelles concurrences. - Procéder à une bonne évaluation des moyens humains et financiers à mobiliser sur le projet avec le choix de la bonne structure juridique. - Prévoir des dispositifs de financement souples comparables avec des processus de décision harmonisés et, si possible, l’utilisation d’opérateurs communs capables de monter les projets et de les suivre (dispositif préférable aux appels à projets qui peuvent générer des effets d’aubaine et dont le suivi est plus difficile à assurer). - Définir des échéanciers pouvant être éventuellement prorogés après analyse des résultats. - Prévoir les modalités d’évaluation du projet, avant son démarrage, avec l’établissement des indicateurs, en précisant la fréquence, le choix de l’évaluateur, le financement de l’évaluation. COOPERATION La réflexion prospective est indispensable Si la Bretagne sait répondre aux diverses sollicitations pour participer aux coopérations indispensables avec les Régions de proximité, en revanche, elle semble avoir plus de difficultés à conduire ou à solliciter des réflexions prospectives qui lui permettraient d’avoir une vision plus globale des enjeux qui dépassent les territoires régionaux et de mettre en place une stratégie collective pour répondre à ces enjeux. On peut, par exemple, s’étonner, d’une part que certains domaines de compétence, comme la formation, fassent l’objet de si peu de coopérations ; d’autre part que certains outils de transfert de technologie, particulièrement lourds en terme d’investissements et de compétences ne soient pas interrégionalisés. Enfin il peut paraître paradoxal qu’il ne semble pas y avoir eu de réflexion prospective entre les deux Régions sur les transports « fret » et « voyageurs » par air, terre ou mer, avant les actions de lobbying autour de l’aéroport Notre Dame des Landes ou de la LGV ; on aurait peut être abouti aux mêmes investissements ; mais la réflexion aurait englobé les problèmes de logistique, le ferroutage, le cabotage, les autoroutes de la mer, les liaisons « mer-fer »,… Les CESR ont mis en place un outil commun, l’ARESE qui regroupe actuellement les quatre CESR de la Façade Atlantique et réalise des études sur des thèmes d’intérêt commun, en particulier des travaux à caractère prospectif. Les conseils régionaux pourraient plus fréquemment saisir conjointement les CESR de ce type d’études dont les thématiques correspondent à des enjeux interrégionaux importants. Leurs résultats seraient présentés dans le cadre d’un séminaire public interrégional, aux élus, aux conseillers économiques et sociaux concernés et aux Services de l’État. L’agriculture : un enjeu commun Quelques enjeux qui mériteraient une réflexion commune à plusieurs régions Au terme de cette réflexion, il nous est apparu intéressant d’identifier quelques enjeux pour lesquels une mise en commun de réflexions menées dans chaque région pourrait amener soit à des politiques concertées soit à des coopérations plus étroites demande des conseils régionaux de réaliser une étude conjointe sur le « lait ». On observe aussi par exemple dans ces Régions le développement de certaines formes d’agriculture plutôt orientées vers les besoins locaux. On voit bien toute l’utilité d’une approche coordonnée et coopérative de ces questions. Il faut tout d’abord distinguer : D’une part les enjeux qui pourraient aboutir à des coopérations renforcées avec des projets communs, ceux-ci pouvant d’ailleurs faire l’objet de contrats interrégionaux ou de volets interrégionaux de contrats de projets, susceptibles de cofinancement d’État ou de l’Union Européenne. Par exemple : - Le devenir d’une agriculture et d’une industrie agroalimentaire. Les trois Régions de Bretagne, des Pays de la Loire et de Basse Normandie sont très liées et caractérisées par une agriculture de masse, avec une spécialisation en production animale. Les mêmes grands groupes industriels sont présents sur ces trois régions. Les CESR des trois régions viennent ainsi, à la - Les énergies. La Bretagne est très dépendante des régions voisines pour son approvisionnement en énergie ; cette dépendance énergétique ne doit pas être étudiée au seul niveau régional, même si sa situation péninsulienne peut poser quelques difficultés spécifiques ; les deux Régions de Bretagne et des Pays de la Loire réfléchissent déjà à mettre en place des recherches complémentaires sur les énergies marines renouvelables (la houle en Pays de la Loire et les courants marins en Bretagne). Ce thème semble aussi justifier des coopérations plus intenses. - Un schéma interrégional et intermodal des transports. Il s’agirait de réfléchir ensemble sur la complémentarité des ports de commerce de Bretagne 27 COOPERATION - Le renforcement des grands pôles universitaires et leurs coopérations. Ces pôles de recherche et d’enseignement supérieur constituent un atout considérable pour le développement des territoires. Leur coopération et leur complémentarité peuvent leur permettre de rivaliser avec tous les grands pôles européens. - Les conséquences du changement climatique sur la faune, la flore sur le trait de côte, sur l’évolution des activités humaines (pêche, agriculture,..) et les possibilités d’actions concertées des régions pour y faire face. Un atout : les pôles universitaires et des Pays de la Loire, sur leur interopérabilité avec des lignes ferroviaires rapides et sur les liaisons « ferroutes » ainsi que sur l’ensemble des liaisons aériennes. 28 - Le secteur « automobile » est géographiquement présent de façon diffuse sur les deux régions de Bretagne et des Pays de la Loire ; le pôle « automobile haut de gamme » est bien inter régionalisé ; mais le Conseil régional des Pays de la Loire a récemment annoncé la mise en place d’une cellule de veille pour les sous-traitants de ce secteur sur sa région ; On peut s’étonner que, sur des secteurs ou l’interdépendance entre les deux régions est aussi forte, des décisions soient prises sans , apparemment, des réflexions communes et des concertations. ressources, les pollutions de toutes origines et le changement climatique appellent également à des coopérations renforcées. D’autre part, les enjeux qui apparaissent plus régionaux au niveau des actions à mettre en place, mais pour lesquels une réflexion commune pourrait aboutir à une politique concertée. Par exemple : - Les relations (concurrence, complémentarités, synergies) entre économie productive et économie résidentielle. Comment conserver une économie productive, notamment le long des côtes, tout en développant le potentiel des activités liées à l’économie résidentielle. - Plus globalement les stratégies maritimes de régions voisines gagneraient à être coordonnées que ce soit pour le transport de marchandises, la sécurité maritime, le nautisme, la gestion concertée des zones littorales, … L’État dans le cadre de son projet de loi « Grenelle 2 » souhaite décliner sa politique nationale de gestion intégrée de la mer par façade maritime. Une coopération des régions dans ce domaine n’en n’est que plus nécessaire. Dans tous les domaines où l’action porte sur un même thème, les échanges d’expériences pourraient être systématiques et, à cette occasion, les coopérations devraient être à priori au moins envisagées. - Le devenir des pôles de compétitivité. Ces pôles sont tous interrégionalisés. Comment leur dynamique peut elle générer des emplois ? Au delà des pôles de compétitivités, une réflexion pourrait être menée sur la coopération entre dispositifs d’innovation , non seulement technologiques, mais aussi sociales. De même, la mise en place d’outils communs mériterait d’être envisagée. Groupe de travail « Coopérations - Europe » Rapporteur : M. Alain LE MENN Contact : CESR Tel : 02 99 87 17 60 Mel : [email protected] Consultez le rapport du CESR sur le site www.cesr-bretagne.fr - L’évolution de la pêche et de l’aquaculture. La raréfaction de certaines Une nécessaire coordination des activités maritimes ECONOMIE Agir ensemble pour dépasser la crise « Tous à l’abri » ! En 2005 ce scénario envisagé dans une étude prospective du CESR de Bretagne prévoyait une crise internationale et financière bousculant fortement l’activité de l’industrie automobile et entraînant un risque de « repli sur soi » proche de certaines tendances protectionnistes actuelles. Le CESR proposait alors de mettre l’accent sur l’ouverture et non le repli, sur la démocratie locale pour rétablir et renforcer la confiance, une relance du dynamisme économique régional s’appuyant aussi sur l’innovation et la Recherche et Développement, sur l’économie résidentielle ou présentielle et l’attractivité. S’il ne s’agissait (en 2005) que de prospective, il s’agit quatre ans plus tard de décliner au présent la réponse offensive de notre région à la récession. C’est ce que propose le CESR par sa contribution adoptée à l'unanimité le 15 mai 2009. 29 La Bretagne touchée par la crise Une crise violente La crise en Bretagne est une retombée d’évènements inter nationaux majeurs dont les répercussions ne doivent pas être sous-estimées. De nombreux signaux en Bretagne manifestent clairement le cycle de diffusion de la crise. Ses effets sont remarquables sur la situation souvent dramatique des personnes touchées par les licenciements, le chômage partiel, mais aussi en particulier les jeunes. L’impression et l’espoir que la crise serait amortie par certaines caractéristiques du tissu productif régional ne se confirment pas, à hauteur de ce que l’on aurait pu l’espérer. Si les secteurs d’activité économique et les populations sont inégalement touchés par la crise en Bretagne, celle-ci est néanmoins globale et systémique, ses conséquences régionales sont déjà bien réelles sur l’activité et l’emploi. Même si la durée et son impact à moyen et long termes sont incertains, tant au plan économique que social, il s’annonce aussi pour les prochains mois une aggravation de la situation de l’emploi avec aussi une réduction sérieuse des créations d’emploi, car les anticipations des entreprises ne sont pas positives. Les obstacles à l’entrée sur le marché du travail pour les jeunes, ainsi que pour les femmes seront renforcés par le fait que l’on évalue à quatre trimestres le décalage entre une reprise de l’activité et la reprise de l’emploi. Les effets de la crise sociale (endettement des ménages, moindre pouvoir d’achat, loyers impayés, précarisation, problèmes de santé, situation difficile des familles et perte du lien social qui touchent plus fortement les moins favorisés) risquent donc d’être encore plus longs avec le renforcement de la précarisation, qui touche les moins qualifiés et les plus jeunes (chômage, difficultés pour poursuivre les études...). A cela s'ajoutent la baisse de revenu et la compression de la consommation des ménages. Cette crise va donc bousculer fortement, et probablement sur le long terme, les activités économiques et la société dans notre région, elle risque d’accroître non seulement les inégalités et tensions sociales mais aussi les inégalités entre les territoires. Agir en renforçant le dialogue social d a n s t o u s l e s t e r r i t o i re s a v e c l a volonté de trouver des issues positives et anticiper les conséquences les plus graves est donc urgent en favorisant les pratiques conformes à la responsabilité sociale dans les relations professionnelles et à des comportements respectueux de la dignité de tous, pour rétablir la confiance et réduire les effets négatifs de cette crise. ECONOMIE Une crise profonde porteuse de mutations déjà pressenties En même temps la dimension conjoncturelle de la crise ne doit pas faire oublier qu’elle s’inscrit aussi dans une dynamique de renouvellement et de mutation des économies dans le sens d’une compétitivité renforcée d’une part (sous l’effet des incidences des mutations technologiques et de la libéralisation des échanges à l’échelle mondiale) et, d’autre part, d’une amorce de mutation qualitative des modes de production et de consommation en lien avec les préoccupations environnementales. 30 Mais les fondements de cette crise ne sont pas nouveaux, certains économistes avaient alerté précisément sur les risques spéculatifs, en particulier depuis la crise précédente en 20002001, et nous faisons face aujourd’hui à une situation proche d’un des quatre scénarios envisagés dans une é t ude prosp e c ti ve d u C E S R d e Bretagne réalisée en 2005, le scénario intitulé « Tous à l’abri ». Le CESR n’estime pas nécessaire de chercher à trancher dans le débat qui partage l’opinion entre crise « classique » d’adaptation, qui se traduirait à assez court terme après quelques adaptations en « sortie de crise », ou crise de système qui marquerait un tournant profond de l’ensemble des pratiques économiques (modes de production, types de production, mode de consommation). Mais il souligne que cette crise intervient au moment où arrive à maturité dans l’opinion publique et dans le débat public la prise en compte de nouvelles attentes et de nouveaux besoins, voire de nouvelles exigences visant à la mise en place d’un développement réellement durable, dans l’ensemble d e s es di mens i ons , éc onomi que, sociale, environnementale et culturelle. Il s’agit donc de tirer parti de la mobilisation exceptionnelle qui va s’organiser pour réussir cette adaptation. Un tournant à négocier dans le développement régional Cette crise doit donc être aussi l’occasion d’une mobilisation vigoureuse de tous les acteurs régionaux pour anticiper cette profonde mutation économique et sociologique de notre région et pour le Conseil régional de relever le défi d’une meilleure coordination des initiatives à l’échelle régionale, d’une meilleure association des partenaires sociaux et des représentants de la société civile, en lien avec tous les autres acteurs publics, dans la réflexion et dans l’action. Le Conseil régional, l’Etat en région et les autres collectivités territoriales doivent veiller, notamment par des financements publics, à soutenir et développer l’activité économique et renforcer l’appareil productif régional, en s’attachant à protéger au mieux les plus défavorisés, et à lutter contre la précarisation. Il faut aider en priorité les personnes les plus lourdement frappées et les plus démunies et renforcer la cohésion sociale, sans sacrifier le futur au présent et en favorisant la mutation des activités dans le sens d’une réponse aux nouveaux besoins économiques et sociaux. Il faut agir sur les priorités d’aujourd’hui et à anticiper, pour l’empêcher, l’aggravation de la crise et ses effets durant les années à venir. Le Conseil régional doit multiplier les initiatives et les partenariats Cette mobilisation régionale doit être coordonnée, en synergie avec tous les acteurs publics et les acteurs privés des différents secteurs d’activité, sans oublier la dimension sociale. Elle doit donner lieu à une stratégie partagée par tous les acteurs et qui englobe tous les enjeux, actuels mais aussi futurs, de court moyen et longs termes. Elle doit se traduire, dans toutes les politiques du Conseil régional, par un renforcement des investissements et un peignage des actions à privilégier pour privilégier les effets directs et multiplicateurs d’emploi. Dans son rôle, le CESR tient à indiquer les priorités d’action qui lui semblent porteuses d’un élan aujourd’hui indispensable, et à rappeler certaines préconisations contenues dans ses travaux et dont l’actualité lui apparaît criante. Ces pistes d’actions peuvent aider la région de traverser au mieux une crise qui s’annonce plus longue et plus dure qu’on ne l’avait initialement envisagé. Elles peuvent favoriser la mutation des activités et des comportements, enjeux importants sur le long terme pour le développement économique social et culturel de la Bretagne. S’il est ainsi nécessaire de repenser en partie notre modèle économique, les solutions ne sont peut être pas très éloignées. L’action publique de soutien à l’activité est bienvenue La mobilisation des moyens de l’action publique pour favoriser la reprise la plus rapide et la mieux orientée de l’économie régionale, en agissant à rebours de la baisse de la demande mondiale, des consommat i o n s d e s e n t re p r i s e s e t d e l a consommation ménages dans une spirale de baisse de l’activité, prend tout son sens dans l’optique d’une action contracyclique. ECONOMIE Quelques exemples d’actions immédiates d’investissement sur les infrastructures régionales qui peuvent être engagées... Soutenir les entreprises ❚ Aide au financement et à la pérennisation des entreprises La mobilisation des moyens financiers pour l’aide aux entreprises en difficultés est le premier niveau de l’action régionale ; il s’agit prioritairement de soulager les entreprises qui se trouveraient en situation de difficultés ponctuelles de trésorerie, ou face à des obstacles les empêchant d’emprunter. Elles peuvent aussi agir en faveur de la transmission et la reprise des entreprises pour limiter les cessations d’activités. Les situations inégales des difficultés selon les territoires pourraient nécessiter des modulations territoriales des aides de la Région. ❚ Commande publique, réorientation de l’activité des entreprises, sécurisation des parcours professionnels La Région et les autres collectivités publiques peuvent aussi par leurs investissements compenser la baisse de l’investissement des entreprises, la diminution des commandes inter-entreprises (qui touche directement les entreprises sous-traitantes), les anticipations négatives des chefs d’entreprises en matière d’investissement et la réduction de consommation des particuliers directement touchés par une baisse de leur revenu ou adoptant une attitude de précautions face aux incertitudes du futur. Il est nécessaire de s’appuyer pour cela sur l’investissement public, la passation de commandes de travaux sur le domaine public, et sur les actions de soutien aux entreprises pour la réorientation de leurs activité d’une part, sur l’organisation et le financement de formations professionnelles et continues et l’accompagnement des salariés d’autre part. Celles-ci doivent s’inscrire clairement dans l’orientation proposée par le CESR d’une conjugaison de la flexibilité, des transformations d’activité de l’entreprise, avec la mobilité inter ne ou externe des salariés en sécurisant les parcours professionnels. Le CESR appelle à valoriser au mieux les outils existants associant les partenaires sociaux, le Conseil régional et l’Etat, pour concrétiser cet objectif à l’échelle régionale. Il appelle également à faire évoluer les outils qui ne seraient pas encore adaptés. ❚ Activation de la dépense publique et budgets supplémentaires Face à cette crise le CESR a souhaité, lors du débat budgétaire, que soit adoptée une dotation supplémentaire au budget pour prendre en compte la situation particulière de crise. Le Conseil régional, allant dans le même sens, a inscrit un complément de 12 millions d’euros au Budget 2009 de la Région en décembre. Le CESR a approuvé l’anticipation de la récupération de la TVA permise par l’Etat et négociée par le Conseil régional à hauteur de 18 millions d’euros, sous réserve d’un surcroît d’investissement public à court terme. Ce complément de 30 millions devrait jouer un rôle stimulant l’activité sur le court terme par des investissements soit supplémentaires soit anticipés. LGV : accélérer la réalisation et en particulier mobiliser les entreprises locales autour des ouvrages et aménagements qui accompagneront la mise en place de la LGV ; commencer à anticiper les retombées qualitatives de la LGV pour valoriser rapidement ce nouvel atout de la Bretagne Accélérer la réalisation des travaux sur les vois existantes de BGV Remettre en service la ligne MauronLa Brohinière pour le développement de la ZI de Gaël Routes : Accélérer la réalisation des travaux de la RN 164 Ports : réalisation de la destruction reconstruction concernant les ports de St Malo et Brest, investissements prévus pour la récupération anticipée du FCTVA Aéroports : anticiper les investissements qui pourraient accompagner en Bretagne la réalisation en région Pays de la Loire de l’aéroport de Notre-Dame des Landes Lycées et établissements d’enseignement supérieur : accélérer les réalisations de chantiers de l’immobilier, mais aussi l’équipement d’accompagnement des constructions, l’équipement en TIC, etc. Energies : conduire la mise en place de Clusters, en particulier pour les énergies marines, les voitures électriques, mais aussi les « écoactivités » Foncier : accélérer la mise en place de l’EPFR dont les retombées ne seront qu’à moyen et long termes et, en attendant, transformer les financements prévus pour du portage foncier en participations et avances remboursables pour des projets déjà bien avancés de logements ou de restructurations urbaines (autour des gares par exemple). 31 ECONOMIE Mais les montants programmés, même augmentés, seront-ils à la hauteur des besoins régionaux pour faire face à une crise aggravée ? Le CESR préconise pour permettre une action publique décisive, que soit rapidement anticipée la réflexion sur les prochaines orientations budgétaires ; il préconise également une anticipation de la révision à mi-parcours du contrat de projets, afin que des crédits supplémentaires soient orientés vers des actions réalisables à court terme avec des effets immédiats sur l’activité. Il en est de même pour les actions programmées au titre des contrats de Pays. Une action publique qui doit être coordonnée avec tous les acteurs régionaux 32 L’action publique en Bretagne doit être concertée pour être efficace et mobiliser tous les acteurs régionaux, pour apporter le soutien le mieux approprié aux personnes les plus touchées ou les plus menacées. Coordination de l’action publique entre acteurs publics : elle renvoie aux réflexions en cours sur la réforme territoriale ; à cet égard le CESR insiste sur l’importance de l’échelon régional comme échelon d’une stratégie coordonnée des territoires de la région ; il approuve par conséquent la création de la cellule de crise au sein de l’Agence Economique par le Conseil régional ; il estime impératif qu’elle soit le plus largement possible coordonnée avec l’action de l’Etat, car les redondances et les doublons ne favorisent pas l’efficience, et qu’elle associe également les partenaires sociaux à chaque échelle territoriale. Coordination des acteurs publics et privés : l’action publique vise à renforcer l’activité de l’ensemble du tissu économique, des entreprises, des services aux entreprises, des dispositifs d’innovation et de recherche ou de transfert de technologies des administrations, des associations. Elle doit associer tant pour la conception des actions mutualisées que pour leur réalisation, les partenaires sociaux et l’expression de la société civile, afin de créer une réelle dynamique régionale de mise en confiance sur des objectifs partagés d’une reprise dont tous doivent plus équitablement demain être les bénéficiaires collectifs. Valorisation du dialogue social territorial : il faut s’appuyer sur les instances expérimentées lorsqu’elles fonctionnent efficacement, à l’échelle de la Région avec le CESR, dans tous les territoires avec la société civile organisée et les partenaires sociaux, à l’échelle des Pays avec les Conseils de développement. Une démarche globale combinant plusieurs rythmes et dimensions, dans l’esprit du développement durable et de l’Agenda 21 C’est en développant aujourd’hui des démarches dont pour certaines il aurait été préférable de les conduire en amont, hors de l’urgence, et qui comprennent une dimension anticipatrice, que doit s’effectuer l’action du Conseil régional : anticipation des transformations de l’appareil productif nécessaires pour l’avenir, anticipation de dispositifs durables de conjugaison de la sécurisation des parcours professionnels avec ces mutations, anticipation de recherches de convergences et de nouveaux compromis permettant l’adhésion des acteurs économiques et sociaux et de la société civile ; soutien aux formes efficaces de consultation et de concertation avec tous les acteurs. Agir pour un développement durable dans l’esprit de l’agenda 21 régional Le CESR considère que les actions conduites par le Conseil régional doivent s’inscrire dans les orientations conformes au développement durable et à l’agenda 21 régional ; il insiste sur l’importance de reconsidérer dès à présent les indicateurs du développement régional dans un sens qualitatif, afin de stimuler la prise en considération des nouveaux besoins d’une croissance sou- tenable appuyée sur une réorientation des activités de production vers : - une économie plus « verte » confortant les bases de l’industrie régionale en les aidant à se réorienter dans le sens d’un développement durable (automobile, IAA, construction, électronique, tourisme...). - une économie compétitive résolument ouverte à l’exportation, qui poursuive la recherche d’une plus grande valeur ajoutée. - une économie appuyée sur des dispositifs régionaux performants de recherche, d’innovation et de transfert de technologie, et l’action soutenue des pôles de compétitivité. - une économie appuyée sur l’ensemble des potentiels régionaux, de l'agriculture, de l'industrie, des services, du tourisme et de l’économie sociale et qui profite également du potentiel représenté par l’attractivité de la région et le poids de l’économie présentielle liée aux transferts de revenus. - une économie appuyée sur des dispositifs originaux permettant de conjuguer les mutations et adaptations des entreprises avec une sécurisation active des parcours professionnels. - une économie appuyée sur des projets élaborés dans les territoires, porteuse d’un meilleur développement ECONOMIE humain, d’une solidarité renforcée entre les territoires, et d’un approfondissement de la citoyenneté. Dans toutes ces dimensions, l’intervention sur fonds publics, revêt un caractère spécifique; conditionnée par l’intérêt général et ne peut pas être inconditionnelle et sans contrepartie. Ces actions doivent donc aussi, pour le détail de leur mise en oeuvre, s’effectuer en s’assurant qu’elles contribuent à renforcer la responsabilité sociale et la cohésion sociale. Agir simultanément sur le court, le moyen et long termes dans le domaine économique et le domaine social L’action de court terme, destinée à répondre aux urgences, ne doit pas sacrifier les initiatives de moyen et longs termes qui doivent assurer la mutation profonde de l’économie régionale et permettre qu’elle s’effectue en renforçant la justice sociale et en luttant contre les inégalités et la précarisation. Le CESR rappelle que ses études réalisées au cours des trois dernières années contiennent des propositions utiles pour agir aujourd’hui. Certaines des actions à conduire aujourd’hui d’urgence auraient déjà mérité d’être expérimentées à partir d’initiatives locales qui ont été repérées et sont à diffuser. Trois nouvelles études seront présentées lors de la session de juin 2009, elles comprendront également des préconisations utiles pour accélérer les réorientations de l’économie régionale indispensables pour agir aujourd’hui : ❚ Agir sur le court terme le soutien à l’activité économique, la cohésion sociale et la cohésion territoriale appellent au renforcement : - des aides directes multiformes aux entreprises pour favoriser la poursuite de l’activité, éviter les fermetures d’entreprises par des aides au financement, à l’adaptation des productions et des modes de production, et l’accélération des mutations (garantie d’emprunt, avances remboursables, subventions...) ; mais aussi de dispositifs pour favoriser la transmission ou la reprise d’entreprise, comme préconisé dans l’étude « Retour d’expériences sur quelques grandes mutations et restructurations en Bretagne ». - des initiatives en matière de formation et de formation professionnelle destinées à atténuer les conséquences du chômage et à préserver l’emploi en favorisant les formations en période de chômage partiel, l’accompagnement en formation des personnes licenciées ou en recherche d’emploi, les reconversions, l’adaptation des compétences et en préservant le revenu des personnes, comme préconisé dans l’étude du CESR « Conjuguer flexibilité et sécurisation des parcours professionnels en Bretagne ». - des initiatives en faveur des jeunes : favoriser leur poursuite d’études, les aider à entrer dans l’emploi, à être mobiles, à se loger..., comme préconisé dans l’étude du CESR « Les jeunes de 16-25 ans une chance pour la Bretagne ». - des initiatives de lutte contre les inégalités et les discriminations, dont pâtissent le plus fortement les femmes, les jeunes, les chômeurs en fin de droits, les personnes en situation de handicap ou de précarité, les familles monoparentales... - des initiatives en direction des personnes les plus éloignées de l’emploi, comme préconisé dans l’étude du CESR « 50 clés pour l’emploi en Bretagne ». - relever et valoriser les initiatives et les comportements exemplaires en termes de responsabilité sociale, et d’innovation sociale. ❚ Agir dès aujourd’hui aussi sur le moyen et long termes - par la recherche et par l’innovation, dans le domaine économique comme dans le domaine social, le transfert de technologies, et le soutien aux pôles de compétitivité - par l’anticipation des adaptations des entreprises, comme proposé dans l’étude du CESR sur la mutation des activités des entreprises - pour l’internationalisation de la Bretagne par la prospection de nouveaux marchés ainsi que l’accueil d’entreprises étrangères, en évitant toute frilosité et tout repli protectionniste - par le développement des coopérations et des mutualisations interrégionales - pour le développement des éco-activités - pour le développement des énergies marines renouvelables Favoriser l’accès à l’emploi - par la facilitation de l’accès au logement, en particulier pour les plus démunis, via l’EPFR - tirer parti de la dynamique sociale et culturelle entretenue par le secteur associatif en le soutenant. L’ensemble de ces actions doivent être conduites par le Conseil régional de façon coordonnée, convergente et mutualisée avec les autres acteurs régionaux, en cherchant à produire des synergies, à supprimer les doublons, éviter les redondances, pour atteindre la meilleure efficience dans l’action publique au service de tous. Face à cette crise, la Bretagne, dans l’ensemble de ses territoires, dispose de ressources importantes, matérielles et humaines, publiques et privées ; elle saura certainement réagir plus vite et mieux que nous ne l’imaginons souvent. Prenons ensemble ce tournant avec rigueur, confiance et détermination. Le CESR est prêt à y tenir toute sa place dans sa mission consultative et va poursuivre sa réflexion qu’il veut toujours tournée vers le futur, au service du développement économique et social de la Bretagne. Groupe de travail « La crise économique et sociale » Rapporteur : M. Alain EVEN Contact : Pierre LE FOLL, Directeur du CESR Tel : 02 99 87 17 61 Mel : [email protected] Consultez la contribution du CESR sur le site : www.cesr-bretagne.fr 33 SOCIETE Pour de nouveaux indicateurs de mesure du progrès A l’occasion des Vèmes Assises des territoires de Bretagne, le Président du CESR est intervenu sur le thème des indicateurs de développement. La crise doit être ausi l’occasion de repenser notre société. C’est l’objet de cet exposé. Comme vous le savez le débat sur la nécessité de proposer de nouveaux instruments de mesure de la performance et du bien être est engagé. La question n'est pas nouvelle mais semble arrivée à maturité. Cette question n'est pas sans lien avec la crise et les choix à faire sur nos territoires. La crise pluridimensionnelle que nous vivons a, au moins, ce bénéfique effet d'accélérer la prise de conscience sur la faiblesse de certains de nos indicateurs, tant économiques que sociaux et environnementaux. Alain Even, Président du CESR de Bretagne 34 Au départ, température et thermomètre ne font qu’un La période dite des trente glorieuses n'est pas encore achevée que des critiques s'élèvent dans les années 1970 contre le principal indicateur de la performance économique national : le Produit Intérieur Brut. Le PIB, somme des valeurs ajoutées, a une approche marchande, matérielle, quantitative et ne mesure pas la contribution productive qui s'échange sans prix comme le travail domestique de la femme au foyer, le coup de main, le spectacle gratuit... Cette mesure de la croissance économique est conçue dans le cadre du modèle d'économie nationale et perd beaucoup de son sens lorsque l'on l'utilise au niveau infra national, autant dire que le PIB régional est plus qu'imparfait. Le phénomène que l'on cherche à mesurer, la croissance, la performance, le progrès, voire le bonheur se confond avec l'instrument en charge de le mesurer. Température et thermomètre ne font qu'un. Avec ou sans vent , avec ou sans humidité moins 5°, c'est moins 5°. Tout changement qualitatif non intégré dans le prix n'est pas pris en compte. A l'inverse toute destruction patrimoniale qui donne lieu à une dépense fait croitre l'indice de richesse, richesse qui pourtant objectivement diminue. L'adhésion philosophique au marché marginalise les critiques et les réduisent pour l'essentiel à un débat de spécialistes, les plus radicaux étant isolés aux marges de leurs disciplines. Les avancées critiques et les nouvelles propositions vont concerner les économies les moins avancées car à l'évidence le PIB est peu fiable pour refléter leurs véritables richesses et leurs réels progrès. Le choix est fait par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) en 1990 de mesurer les performances nationales à partir de l'IDH, Indicateur du Développement Humain qui prend en compte l'économie matérielle mais aussi la santé et l'éducation. Mon expérience m'autorise à penser que cet indicateur représente en soi un vrai progrès malgré la faiblesse des données collectées mais il reste insuffisant. C'est pourquoi les observatoires de Développement Humain Durable ont enrichi l'approche en prenant en compte l'environnement bien sûr mais aussi l'accès à l'eau potable, les libertés publiques , les inégalités entre les genres, la participation citoyenne, la bonne gouvernance. Dans les mêmes temps la montée en puissance de la prise en considération de l'environnement, conduit à rechercher des instruments de mesure d'un développement effectivement acceptable et durable. C'est dans les années 1990 que nous vient du Canada l'instrument de mesure de l'empreinte écologique. C'est en 1992 à la Conférence de Rio qu'est élaboré l'agenda 21 mondial avant que ce programme d'ecoprospective ne soit décliné, à toute échelle, par des agendas 21 locaux. Dans une situation d'avant crise les distances de plus en plus manifestes entre une croissance effective au regard du PIB, voire du revenu disponible, et les opinions négatives des populations sur l'évolution de leur bien être intérrogent sur ce qui pourrait mesurer le bonheur. L'idée est ancienne, elle aussi, puisque la mesure du Bonheur intérieur brut est la référence politique au Bouthan depuis 1972. SOCIETE Puis, les initiatives se multiplient à tous les niveaux Depuis quelques années la remise en cause du fonctionnement de nos sociétés au regard du changement climatique et d'une croissance économique qui se conjugue avec croissance des inégalités a conduit chercheurs et politiques à multiplier les initiatives. La plus emblématique est la mission confiée par le président de la République à la commission Stiglitz dont le rapport "Mesure des performances économiques et du progrès social" a été présenté publiquement le 14 septembre à la Sorbonne. Dans ses 12 recommandations le rapport insiste sur la nécessité d'aller au delà de la production marchande et de se référer davantage aux conditions de vie des ménages : revenus, consommation, services en nature comme l'éducation et la santé, mais aussi nécessité d'évaluer les inégalités et d'établir unse batterie d'indicateurs liés à l'environnement. Pour reprendre les propos d'Amartya SEN, l'un des pères du DHD et conseiller de la commission, il faut dans toute mesure réentendre Condorcet qui préconisait de prendre plus en compte la condition sociale. Notons également le rapport du Conseil Economique Social et Environnemental national adopté en mai 2009 et intitulé "les indicateurs de développement durable et l'empreinte écologique".Ces deux rapports nationaux auront une première suite conjointe dans la tenue d'une Conférence nationale sur les indicateurs de développement durable qui aura lieu le 20 janvier 2010. Mais cette question posée sur la mesure des performances et du bien être ne se limite pas aux niveaux international et national, nos territoires régions, départements, agglomérations, pays, intercommunalités sont concernés et il nous faut accélérer le mouvement et si possible ensemble. Les initiatives se multiplient en Bretagne et ailleurs. Saluons l'avance prise dans le Nord Pas de Calais avec d'une part l'étude sur la santé sociale des territoires (Futuribles mars 2009) où la Bretagne est classée 2ème à l'Indicateur de Santé Sociale alors qu'elle est 13ème sur 22 au PIB par tête et d'autre part le travail de l'INSEE "le développement durable en Nord Pas de Calais" (juillet 2009) qui peut nous servir de référence. La Bretagne voit aussi se multiplier les initiatives : contribution des économistes du groupe Pekea, membres du collectif FAIR (Forum pour d'autres indicateurs de richesse), journée de travail du CESR sur les nouveaux indicateurs de richesse, initiatives prises par un département pour élaborer des indicateurs locaux de bient être, initiatives de communautés de communes, journée organisée par le club des gouvernements locaux le 5 octobre à l'hôtel de Région. De plus, les politiques de développement durable, l'élaboration d'agendas 21 ont conduit de nombreuses collectivités à envisager des indicateurs de suivi comme par exemple le Baro'métropole de l'agglomérartion rennaise. Dans un autre régistre l'élaboration par le Conseil Régional d'indicateurs de suivi par programme d'actions va dans le même sens. Félicitons nous de ce foisonnement mais concertation et consultation s'imposent. Au delà, il faut construire ensemble Comment approcher la crise, comment la suivre, la mesurer et se préparer à l'après crise : quels indicateurs pour l'économie et la société de demain ? Tout d'abord comment mieux se représenter la crise ? comment l'approcher ? Défaillances d'entreprises, volumes d'activités, niveau et types d'emploi, taux de chômage sont des indicateurs utiles mais aussi le surendettement des ménages, les retards pris dans l'accès à certains soins, consommation alimentaire moins qualitative, plus de précarité, moins de lien social...Et au sortir de la crise, quel projet de société? Débattre de ce que nous souhaitons que demain soit fait nous engage à imaginer, à tout niveau territorial, les instruments de suivi de la réalisation de nos objectifs collectifs. Chaque mesure induit une vision du monde, repenser nos instruments de mesure c'est repenser notre vision du monde. Au CESR, une réflexion sur les indicateurs de bien-être Un développement plus durable qui marche sur tous ses pieds ce sont des productions de valeurs économiques, des ressources protégées, des inégalités réduites entre populations et territoires, un vivre ensemble, si je puis dire soutenable. Mais un développement plus qualitatif ne saurait négliger la participation citoyenne et les formes instituées de démocratie participative que sont le Conseil Economique et Social et les conseils de développement dont on attend qu'ils sortent renforcés et non affaiblis par la réforme territoriale. Il faut construire ensemble les nouveaux instruments de mesure en associant nos réflexions et nos expériences. Le choix des indicateurs n'est pas seulement affaire d'experts, ensemble nous constituons de l'expertise collective. Nous formons le voeu que soit prise une initiative pour regrouper nos efforts de rénovation de nos instruments de mesure d'un progrès dont le contenu reste pour une large part à définir. Le CESR de Bretagne y prendra toute sa place. Osons proposer. La révolution de la juste mesure c'est aussi celle de la place des citoyens dans la définition de ce qui compte, donc de ce qu'il faut compter. Alain EVEN Président du CESR de Bretagne 35 OPINION Cette rubrique libre n’engage que son auteur. Elle est alternativement assurée par les différentes composantes de l’assemblée. Penser dès aujourd'hui l'avenir de l'économie bretonne de demain... matin ? Nous assistons aujourd’hui à une dégradation sans précédent de l’emploi. En rythme annuel, la France devrait perdre 600 000 emplois : du jamais vu. Depuis les années 80, la France vit sous un régime de chômage de masse et la question d’aujourd’hui est comment assurer un nouveau type de développement car compte-tenu de l’ampleur de la crise « il n’y a plus de chemin et il faut partir de cela »…. 36 La mobilisation des collectivités et les dispositifs d'accompagnement économiques et sociaux (aides financières, chômage partiel, formation, RTT) sont précieux pour affronter la crise. Il est temps, maintenant de regarder quelles peuvent être les issues de sortie de crise, où peuvent être les activités de demain, où seront les nouveaux gisements d'emploi ? Ce questionnement vaut particulièrement pour la Bretagne. La crise actuelle ne fait que remettre en lumière les limites préexistantes de l'économie régionale : - L'automobile haut de gamme n'a plus la côte, durablement trustées par l'industrie allemande. PSA Rennes est isolé géographiquement de ses partenaires et loin des marchés émergents. On ne peut se satisfaire de constater l'effritement de son activité et l'hémorragie de ses effectifs. - La greffe des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) en terre bretonne a bien pris si on en juge par les nombreuses créations de PME à la pointe dans leur domaine. Pour autant les désengagements successifs des groupes historiques que sont France Télécom, Alcatel, Sagem et les autres, provoquent la disparition de milliers d'emplois qualifiés en développement et en production que ne compense pas une R&D dynamique. - Si Lorient, lourdement éprouvé par ailleurs, conserve une activité navale conséquente avec la fabrication d'une série de bateaux de moyen tonnage, la fin, de fait des constructions de grands navires à DCN Brest marque un coup d'arrêt à 400 ans de construction navale à la pointe de Bretagne. S'y ajoute la réduction de l'activité entretien d'une flotte militaire qui diminue d'année en année. - Enfin, l'agriculture et l'agroalimentaire. subissent les coups conjugués de la restructuration des marchés, des concentrations industrielles, des sinistres environnementaux résultant d'une surintensité de la production. Les nouvelles pratiques agricoles moins intensives auront forcément des conséquences sur les volumes d'activité de toute la filière. (voir encadré) Chercher à relancer chaque filière en utilisant uniquement les recettes éprouvées ne suffira pas. Il faut cependant le faire pour assurer la transition mais, dans le même temps, des réponses inédites sont à rechercher au sein de chaque activité et de manière plus transversale. Les innovations majeures naîtront peut-être surtout de la combinaison de technologies développées au sein de chaque pôle, dans une coopération qui n'a pas vraiment été développée jusqu'à présent. Des synergies sont à rechercher autour de la question des mobilités entre filières, entre pôles de compétivité, entre agriculture, autres secteurs d'activité (par exemple sur la valorisation de la biomasse), biotechnologies, universités. C'est aussi dans le domaine des énergies marines que cette coopération peut être fructueuse comme le suggère le rapport du CESR « Des énergies marines en Bretagne : à nous de jouer ! » Cette analyse nous amène à soutenir les actions engagées par le Conseil régional en particulier, les travaux de l'Agence économique de Bretagne (AEB) pour, à la fois, exercer une vigilance sur l'avenir des 4 piliers «historiques » de l'économie bretonne et aussi se projeter vers l'avenir afin de prévoir les transitions nécessaires. Ce diagnostic et les propositions associées doivent porter en même temps sur les perspectives de développement économique et de l'emploi. Ce lien nous paraît déterminant, car il s'agit bien d'organiser les mobilités, les formations des jeunes, des demandeurs d''emploi et des salariés vers de nouveaux projets, de nouvelles activités. Mais encore faut-il connaître vers quoi on peut aller et de quoi sera fait l'avenir pour se mobiliser... Agroalimentaire : il y a urgence ! La CFDT souligne l'urgence qu'il y a à prendre en compte la situation dans l'agriculture et l'industrie agroalimentaire compte-tenu des enjeux posés pour l'avenir, économiques, sociaux et environnementaux. Alors que quelques entreprises créent encore des emplois, les grands groupes se restructurent, se concentrent, fusionnent. Il en résulte une précarisation accrue des emplois : réduction d'effectifs dans les différents établissements d'un même groupe, fermeture de site, incertitudes sur les conséquences sociales liées à un manque de lisibilité de projets de reprise. A cette situation, il faut ajouter les crises de production (lait, porc), la baisse et la réorientation de la consommation des ménages liées à la baisse du pouvoir d'achat d'une part et aux changements dans les modes de consommation d'autre part. Compte-tenu de l'ampleur de ces évolutions, non mesurables à ce jour, et des menaces qu'elles font peser sur l'avenir de personnes et de l'emploi, la CFDT, tout en soutenant la poursuite des travaux dans les autres secteurs souhaite voir figurer dans le budget 2010 une accélération des travaux sur le secteur agriculture-agroalimentaire, associant l'ensemble des acteurs dans une dimension également interprofessionnelle, avec des moyens budgétaires affectés, et intégrant le lien développement économique, emploi, formation, mobilités et sécurisation des parcours dans une approche globale. Alain LE MENN Vice-président délégué du CESR PUBLICATIONS Dernières parutions du CESR Pour une approche concertée des politiques énergétiques en Bretagne La Bretagne est une région particulièrement sensible à la question de l’énergie, d’une part parce qu’elle ne produit que très peu de l’énergie qu’elle consomme, d’autre part parce que son système de distribution énergétique, et en particulier électrique, est fragile. Cette sensibilité s'inscrit aujourd'hui dans un contexte où les déséquilibres environnementaux doivent influencer fortement les enjeux du développement économique et social. Dans cette autosaisine, le CESR souligne que pour assurer une gestion durable de l’énergie sur son territoire, la Bretagne se doit d’être exemplaire dans la recherche d’une plus grande efficacité énergétique et dans le développement des énergies renouvelables. Pour répondre à l’enjeu, il est nécessaire que tous les acteurs et toutes les collectivités se retrouvent dans un consensus pour la définition d’une gouvernance territoriale de l’énergie. Pour le CESR, il apparaît clairement que les collectivités territoriales bretonnes ont un besoin primordial d'approfondir et de partager leurs connaissances de la situation énergétique de leurs territoires. Toute mise en ?uvre de politiques énergétiques doit s'appuyer sur une analyse fine de ces données qui doit permettre un large débat démocratique indispensable à l'acceptation sociale des projets et à l'implication concrète des Bretons. Chaque collectivité a sa place à prendre dans la recherche de solutions énergétiques. Mais l'implication de chacune doit être articulée autour des enjeux d'intérêt général propre à son territoire et au public vis-à-vis duquel elle est légitime. Le Conseil régional a un rôle majeur à jouer pour cette mise en cohérence des acteurs. La convergence de tous vers une politique énergétique commune est essentielle pour un développement durable de la Bretagne. Il en va de l'efficacité et de la sécurité énergétique pour tous les territoires et tous les usages. Rapporteurs : MM. Ange BRIERE et Alain LE MENN Contact : Olivier COUTAND, Conseiller technique Tél : 02 99 87 17 62 - Mel : [email protected] Consultez le rapport du CESR sur le site : www.cesr-bretagne.fr Les coopérations interrégionales de proximité La Bretagne « terre de coopérations » : le CESR de Bretagne observe ici ce que sont dans la pratique les domaines, les objectifs, les modalités, l’importance réelle et le résultat des coopérations avec les autres régions de proximité, pour des enjeux qui dépassent son territoire. L’étude s’appuie sur une enquête réalisée auprès des services de la Région et présente un état des lieux des coopérations. 44 actions et projets associant la région Bretagne et les autres régions de son espace géographique proche sont ainsi recensés et analysés. A travers cinq grands domaines, de la Recherche/Innovation à l’Agriculture et la pêche en passant par les transports, l’environnement, la culture et le tourisme, l’étude montre que quels que soient les découpages territoriaux, il n’existe pas un territoire pertinent universel pour l’action régionale, mais qu’il existe au contraire plusieurs territoires qui peuvent dépasser les limites régionales en fonction des différents enjeux. L’étude se conclut par des propositions visant à promouvoir une véritable stratégie régionale des coopérations permettant de poursuivre ses objectifs propres, tout en s’ouvrant à des actions concertées et une mutualisation qui enrichissent tous les acteurs. Rapporteur : M. Alain LE MENN Contact : CESR Tél : 02 99 87 17 60 Mel : [email protected] Consultez le rapport du CESR sur le site www.cesr-bretagne.fr 37 PUBLICATIONS Dernières parutions du CESR Eco-activités et développement durable, des opportunités de croissance pour la Bretagne Les éco-activités et leurs équivalents anglo-saxons « clean tech » et « green tech » sont invoqués comme de nouveaux vecteurs de croissance pour l’économie. Le rapport du CESR du Bretagne, après un travail de définition détaillé, examine les potentialités de ces activités. Il apprécie les excellences et savoir-faire des entreprises et centres de recherche de Bretagne. Il formule également des préconisations d’actions d’accompagnement des différentes filières des éco-activités. L’étude cherche toutefois à élargir la perspective en investiguant les pratiques environnementales développées dans l’ensemble du tissu économique régional. En effet, le développement durable et l’adoption de démarches écologiquement avancées apparaissent comme des sources de gains économiques, des facteurs de valorisation commerciale et d’innovation, les déclencheurs de nombreuses embauches. L’émergence d’une consommation responsable fait également l’objet d’une analyse circonstanciée. Le CESR préconise en outre la diffusion d’outils comme l’analyse de cycle de vie, l’éco-conception, le management environnemental ou encore l’éco-labellisation… Il montre l’implication croissante des entreprises de la région mais aussi le rôle central de la réglementation et de l’incitation publique. Le CESR appelle enfin à passer d’une logique « extraire, transformer, jeter » à un modèle basé sur le triptyque « réduire, réutiliser, recycler ». Au total, le CESR considère que le Conseil régional a un rôle central à la fois pour favoriser le développement des éco-activités et pour permettre le « verdissement » de l’ensemble de l’économie de la Bretagne. 38 Rapporteurs : Mme Françoise LEBOEUF et M. Claude VOUILLOT Contact : Marc-Pol LE DEUNFF, Directeur adjoint du CESR Tél : 02 99 87 17 64 Mel: [email protected] Consultez le rapport du CESR sur le site www.cesr-bretagne.fr Pour une coopération interrégionale en faveur d’un nautisme durable : 50 propositions des CESR de l’Atlantique Depuis plus de 15 ans, le CESR de Bretagne coopère avec ses homologues de la façade atlantique dans une association interrégionale l'ARESE regroupant les CESR de Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine. Dans ce cadre, les 4 CESR ont conduit une réflexion interrégionale sur les enjeux du nautisme dans la région de la façade atlantique. Ce travail a mobilisé 20 conseillers de 4 Régions (Bretagne, Poitou-Charentes, Aquitaine et Pays de la Loire). Des rencontres ont été organisées une à deux fois par mois et des auditions en commun sont réalisées. Le nautisme est une filière économique et sociale importante dans les 4 régions avec des secteurs leaders sur les marchés européens, voire mondiaux. Il est donc nécessaire d’envisager le développement du secteur de manière durable, et d’affirmer une véritable ambition atlantique au niveau international. Cette étude répond à 4 objectifs principaux : • Dresser un état des lieux des activités nautiques de la façade atlantique • Identifier les grands enjeux, analyser les leviers de développement et de valorisation du secteur nautique (recherche et innovation, tourisme, formation, …), et étudier les interactions existantes entre ces différents leviers. • Identifier les interactions entre le nautisme et les autres activités économiques des 4 régions maritimes (le nautisme comme facteur d’attractivité pour d’autres activités économiques). • Apporter des solutions interrégionales aux problèmes identifiés, faire des préconisations en termes de coopération pour valoriser la filière à l’échelle des 4 régions. Rapporteur : M. Alain LE MENN Contact : Conseil économique et social Tél : 02 99 87 17 60 Mel: [email protected] Consultez le rapport du CESR sur le site www.cesr-bretagne.fr PUBLICATIONS Contribution du CESR de Bretagne au débat sur la réforme territoriale Le Conseil économique et social de Bretagne appelle au renforcement de la Région, collectivité territoriale, afin d’appuyer le dynamisme du développement économique et social régional. Dans cette contribution, il met en avant plusieurs préconisations pour clarifier les compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Il propose notamment que la notion de « chef de file » soit mieux valorisée et que les procédures d’expérimentations soient simplifiées pour faire de la Région un échelon stratégique incontournable. Il souligne le nécessaire renforcement de la démocratie locale et insiste sur la complémentarité entre l’assemblée élue représentative (Conseil régional) et l’assemblée consultative (Conseil économique et social) pour valoriser au mieux, l’apport des corps intermédiaires représentatifs de la société civile organisée. Rapporteur : M. Alain EVEN Contact : Pierre LE FOLL, Directeur du CESR Tél : 02 99 87 17 61 Mel: [email protected] Consultez le rapport du CESR sur le site www.cesr-bretagne.fr Travaux en cours au CESR de Bretagne Plusieurs rapports sont en préparation au CESR ❚ Paru en octobre 2009 : ❚ Et pour 2010 : - « Pouvoirs et démocratie en Bretagne, à l’épreuve du changement climatique, à l’horizon 2030 », contribution de la section « Prospective » qui a fait l’objet d’une présentation en Assemblée plénière le 12 octobre 2009. - « Le développement humain durable par le sport et l’activité physique en Bretagne », rapport de la commission Qualité de vie, Culture et Solidarité qui sera présenté en session plénière en février 2010. ❚ A paraître en décembre 2009 : - « De l’élaboration de l’offre de formation continue à l’insertion professionnelle : l’exemple du Programme régional des stages du Conseil régional de Bretagne», rapport de la commission Formations, Enseignements supérieurs qui sera présenté en Session plénière le 7 décembre 2009. - Dans le cadre du réseau transnational atlantique des socioprofessionnels qui regroupe 6 Conseils économiques et sociaux régionaux français (dont le CESR Pays de la Loire) et leurs homologues de la Façade Atlantique (du Pays de Galles au Portugal), le CESR de Bretagne participera à la rédaction d’un rapport sur Les énergies marines qui sera présenté en session plénière en février 2010. Dans le prochain numéro de l’avis régional ❚ Synthèses des rapports : - Les éco-activités, une opportunité de croissance et de développement durable pour la Bretagne - Une politique énergétique pour un développement durable de la Bretagne - Pouvoirs et démocratie en Bretagne, à l’épreuve du changement climatique, à l’horizon 2030 39 Le Conseil économique et social de Bretagne : Une assemblée consultative au service de la démocratie locale Deuxième assemblée de la Région Bretagne, le Conseil économique et social régional (CESR) a une fonction d’avis sur le budget du Conseil régional et ses politiques ainsi que sur des politiques de l’Etat en région. Par son droit d’autosaisine, il émet de sa propre initiative des avis et des vœux sur toute question relevant d’un intérêt régional. Le CESR élabore, sous forme de rapports, des réflexions et propositions sur des sujets qui concernent les domaines de la « formation et de l’enseignement supérieur », du « développement économique et de la recherche », de « l’aménagement du territoire et de l’environnement » et de « la qualité de la vie, de la culture et des solidarités ». Il suit tout particulièrement les questions relevant de la « mer et du littoral » et cherche aussi à anticiper les évolutions futures et il réalise des études prospectives d'intérêt régional. Dans le cadre de ses travaux il participe à la mission d’évaluation des politiques publiques. Le CESR est une assemblée ouverte aux coopérations par sa représentation dans plus de 60 organismes extérieurs régionaux. Il mène une démarche de coopération active avec les autres Conseils économiques et sociaux de France et européens de l’Arc Atlatique. Les 113 membres qui constituent le CESR sont des acteurs du tissu économique et social de la Bretagne, ils représentent tous les courants de la société civile. Désignés par le Préfet de région sur proposition des organismes socioprofessionnels représentés, ou au titre de personnalité qualifiée, ils sont répartis en quatre collèges. Les activités du CESR se déroulent en assemblée plénière, en Bureau et dans des travaux réalisés en commissions et sections… Une présentation plus détaillée, sa composition, son actualité et les rapports préparés selon une méthode très participative et adoptés en assemblée plénière sont accessibles à tous sur le site, cesr-bretagne.fr. Une synthèse est présentée dans la revue « l’Avis régional ». Ces publications donnent lieu à des forums de présentation et de débats. Tous les rapports du CESR peuvent être : - Téléchargés sur le site internet : www.cesr-bretagne.fr - Envoyés gratuitement sur demande - Présentés publiquement sur demande 7, rue du Général Guillaudot - 35069 Rennes Cedex Tél : 02 99 87 17 60 - E-mail : [email protected] www.cesr-bretagne.fr