EDITO
3
Alain EVEN
Président du CESR de Bretagne
La crise, les crises
n'épargnent pas
la Bretagne…
La crise économique se manifeste dans
notre région sous ses différents aspects :
baisse des activités et suppression d'emplois,
défaillances d'entreprises, difficultés d'accès
au crédit et attentisme par rapport aux
investissements. L'une des quatre bases
industrielles, l'automobile, est fortement
touchée. Si l'agro alimentaire résiste, l'agri-
culture connait un moment très difficile par
l'addition des difficultés de plusieurs filières,
la crise du lait étant la plus emblématique et
la plus dévastatrice. Le bâtiment qui avait
connu un développement remarqué est en
recul, les commandes publiques évitent l'ef-
fondrement mais le marché des particuliers
reste très en dessous ce qui est attendu par
les professionnels.
Quelques signes laissent penser que la
reprise économique s'engage mais la crise
sociale sera plus longue à résoudre. Les
effets retardés sur l'emploi font que le chô-
mage n'a pas fini d'augmenter, comme le
temps partiel non désiré, d'où un revenu
disponible moindre, un surendettement
des ménages, un plus difficile accès aux
soins, une accentuation de la précarisa-
tion. Certaines populations jeunes se trou-
vent dans une situation de grande dépen-
dance.
Le temps et les formes de la sortie crise ne
peuvent se contenter du suivi des indica-
teurs d'activités, les signes sont à recher-
cher du côté du quotidien des ménages,
de leurs conditions sociales.
Il faut agir dès aujourd'hui, pour aujourd'hui
et pour demain. La Région s'est déjà enga-
gée avec les leviers qu'elle a entre les mains
compte tenu de ses compétences premiè-
res et de ses moyens limités. Les aides
directes aux entreprises pour maintenir les
activités et accompagner les mutations, les
programmes de formation qui favorisent
les reconversions tout en assurant la sécuri-
sation des parcours professionnels sont les
bienvenus. Mais la Région ne peut tout
faire, en relation avec l'Etat et les autres
collectivités elle doit favoriser les initiatives
en faveur des jeunes et des personnes les
plus éloignées de l'emploi et de l'accès au
logement. La crise ne doit pas être le temps
de l'essor des inégalités mais celui du ren-
forcement des solidarités.
Les temps de crise doivent aussi être des
temps des idées et de leur mobilisation
pour l'action. Il ne faut pas baisser les bras.
Il faut assurer le meilleur des niveaux de la
recherche et développement, le maintien
de l'innovation technologique, le soutien
aux pôles de compétitivité mais aussi l'en-
couragement à l'innovation organisation-
nelle et sociale.
Certains secteurs doivent devenir très rapi-
dement des gages pour l'avenir, celui des
énergies marines en est un. L'autosaisine
du CESR de Bretagne "Des énergies mari-
nes en Bretagne : à nous de jouer !" et le
forum qui a suivi montrent à l'évidence que
les énergies marines peuvent être un nou-
veau pilier de l'économie bretonne, une
nouvelle "vocation pour la Bretagne". Il
doit s'agir d'un véritable projet collectif,
d'une force d'entrainement pour la région
toute entière. Le calendrier est serré tant
pour conforter la recherche que pour
entreprendre des expérimentations
(comme celle de Paimpol-Bréhat), pour
accueillir la grande plate-forme technolo-
gique sur les énergies marines envisagée
par le gouvernement, monter la filière
industrielle, créer les infrastructures néces-
saires, former aux nouvelles compétences
et préparer les populations et les profes-
sionnels à ce nouvel usage de la mer.
La Bretagne a de nombreux
atouts naturels et humains
à faire valoir
C'est une des régions d'Europe, et du
monde, qui bénéficie en quantité à la fois
de marées, de courants, de vents et de
vagues. Il y a là des ressources naturelles à
exploiter mais cela ne peut se faire qu'avec
un groupement de recherche et d'expertise
d'envergure internationale et une stratégie
de déploiement industriel. Les énergies
marines, c'est un nouvel entrant dans un
paysage complexe qui oblige à faire le pari
de la rupture comme pour tout marché
émergent. Si l'on veut contourner les éven-
tuels conflits d'usage du littoral et de la
mer il faut une véritable appropriation col-
lective de la stratégie qui fasse que la ques-
tion de l'acceptabilité sociale ne se pose
pas. Le choix des énergies marines peut
s'appuyer en Bretagne sur de nouvelles
approches des relations, des interdépen-
dances, entre terre et mer. Cette volonté
de faire des énergies marines l'un des
piliers de notre développement régional
doit s'intégrer dans les grands axes straté-
giques de la région : Schéma Régional
d'Aménagement du Territoire, politique
maritime et gestion concertée du littoral,
Schéma Régional de Développement
Economique, Agenda 21, Schéma Régional
de l'Innovation, schéma régional des for-
mations...
La Bretagne n'est pas la seule à vouloir
atteindre "cette nouvelle frontière", elle se
doit à la fois d'agir avec l'esprit de compéti-
tion et de coopération. Comme pour bien
d'autres projets la forte légitimité régio-
nale à agir n'exclue pas de coopérer. Les
travaux conduits par les CES de la façade
atlantique (de la Bretagne à la Galice et aux
Canaries) au sein du RTA (Réseau
Transational Atlantique) montrent à l'évi-
dence que la coopération interrégionale au
niveau français et européen peut être utile
voire indispensable : complémentarités des
centres de recherche, échanges d'expérien-
ces, entreprises sur plusieurs sites...
"Des énergies marines en Bretagne : à
nous de jouer !" avec nos atouts et nos
propres forces mais en complémentarité
au sein d'alliances stratégiques qui nous
permettent d'avoir un rang européen et
mondial.
Cette confiance dans des perspectives nou-
velles doit nous faciliter la sortie de crise en
conjuguant nos efforts pour la construction
d'un avenir possible et voulu. "Il faut agir
ensemble pour dépasser la crise". Le choix
des énergies marines doit nous y aider.
Un développement plus durable qui mar-
che sur tous ses pieds ce sont des produc-
tions de valeurs économiques, des ressour-
ces protégées, des inégalités réduites entre
populations et territoires, un vivre ensem-
ble collaboratif fait de plus de participation
citoyenne. Une nouvelle fois : à nous de
jouer !
D'un regard lucide sur la crise
à une vision optimiste de l'avenir