Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2017
114
Raconté a Juliette
de “génération spontanée” pour expli-
quer les moisissures, par exemple, et il
faut attendre 1765 pour que Lazzaro
Spallanzani découvre qu’il pouvait
supprimer les micro-organismes d’un
bouillon en le faisant bouillir suf-
samment longtemps, et que seule son
exposition à l’air permettait ensuite une
nouvelle contamination. Plus tard, Louis
Pasteur tordit dénitivement le cou à
la théorie de la génération spontanée.
Deux autres noms sont ensuite célèbres,
Juliette, celui de Julius Cohn, qui établit
la première classication des bactéries,
fondée sur leur morphologie, et celui
de Robert Koch, qui, en 1876, 200 ans
après Leeuwenhoek, montre que certains
microbes peuvent être responsables de
maladies, en découvrant la cause du
charbon.
Un monde énorme et inniment varié
émerge, jusqu’alors méconnu, et les
progrès de la microbiologie accom-
pagnent ceux de la médecine. Qu’en
est-il pourtant de ce microbiome que
j’évoquais au début de ce récit ? On
en retrouve une piste à la fin du
XIX
e
siècle quand Theodor Escherich
réalise sa thèse de médecine, à Munich,
sur les bactéries intestinales des enfants
et leurs relations avec la digestion.
À cette occasion, il découvre une
nouvelle bactérie, qui portera son nom,
Escherichia coli.
On commence alors
à essayer de cultiver les germes de
cette “ore”, mais c’est réellement au
début du XXIe siècle que ce concept
se développe, avec l’avènement des
techniques de séquençage des acides
nucléiques et la diminution de leur
coût, qui permettent notamment d’iden-
tier des germes impossibles à cultiver.
Actuellement, les recherches sur le
microbiome sont donc en plein essor.
Un élément important pour mieux
comprendre et classer les observations
est la notion d’
Operational Taxonomic
Unit
(OTU). C’est un système différent
de celui que tu connais bien, Juliette,
qui classe les êtres vivants en phyla,
genres et espèces. Les OTU sont basées
sur la séquence de l’ARN ribosomal
16S des micro-organismes, et un OTU
regroupe les structures présentant plus
de 96 % d’homologie. L’utilisation de
ce système a permis de montrer que,
au sein de la diversité du microbiome,
il y a plus d’homologie à l’intérieur
des espèces animales qu’entre espèces.
Ainsi, le microbiome humain présente
des caractéristiques qui lui sont propres.
Les éléments qui guident la variété
du microbiote sont nombreux, mais le
plus important est sans doute l’ali-
mentation. Au cours de l’évolution, les
vertébrés ont, d’une part, adapté leur
tube digestif à leur type d’alimentation
et, d’autre part, sélectionné les espèces
bactériennes susceptibles de les aider
à digérer. Pour abriter ces bactéries, le
tube digestif a modié sa longueur et
sa surface. Parmi les herbivores, certains
ont favorisé une digestion/fermenta-
tion dans la première partie de ce tube
digestif, comme les kangourous ou les
moutons, alors que les chevaux et les
éléphants utilisent la partie terminale
de l’intestin. À ces différences anato-
miques s’associent des ores diffé-
rentes, adaptées à la digestion des
bres végétales. Une autre curiosité,
Juliette, est le tube digestif du grand
panda, qui ressemble à celui des carni-
vores, moins sophistiqué que celui des
herbivores. Pourtant le grand panda est
un herbivore, vas-tu me dire ! Certes,
mais, si on regarde bien, on voit qu’il
se nourrit du contenu des plantes,
ne digère pas les bres et, en consé-
quence… ne produit pas de méthane, car
il n’a pas besoin de bactéries méthano-
gènes !
Les résultats d’analyses de microbiomes
divers s’accumulent, et un travail très
intéressant a colligé en 2008 les infor-
mations récoltées en séquençant les
ARN ribosomaux 16S de toutes sortes
d’environnements : ores intestinale,
cutanée, vaginale et ORL d’humains,
ores de vertébrés et d’invertébrés, de