Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2017
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Tube digestif
et hématologie
dossier
mettre en évidence et à quantifi er la fl ore fécale aéro-
bie majoritaire (coproculture quantitative), ou par une
approche ciblée qui consiste à ne détecter que les bac-
téries d’intérêt en termes d’antibiothérapie probabiliste.
La coproculture quantitative permet en théorie d’iden-
tifi er la ou les bactéries dominantes et d’en étudier la
sensibilité aux antibiotiques. Des études réalisées à
l’aide de cette technique dans les années 1980 avaient
montré que la plupart des bactéries responsables de
bactériémies pouvaient être préalablement détec-
tées au sein des fl ores endogènes et, en particulier,
au sein de la flore fécale (18, 19) . P. Frère et al. (20)
ont cependant montré dans une étude incluant
622 patients ayant bénéfi cié d’une greff e de cellules
souches hémato poïétiques que seuls environ 50 %
des micro-organismes responsables de bactériémie
avaient pu être détectés par culture au sein des fl ores
endogènes incluant la fl ore fécale. D’autres auteurs ont
rapporté que la coproculture ne permettait de détecter
les micro-organismes responsables de bactériémie
que dans 12 à 33 % des cas (17, 21, 22) . La variabilité
des résultats obtenus peut être expliquée par un grand
nombre de facteurs incluant celle des facteurs d’hôte,
l’hétérogénéité de la répartition des bactéries au sein
des selles, la présence possible chez un même individu,
et au sein d’une même espèce, d’isolats de sensibilités
diff érentes aux antibiotiques, ainsi que l’absence de
consensus quant à la nature et au nombre de colonies
à étudier. Quoi qu’il en soit, l’absence de données per-
mettant de justifi er de manière indubitable d’un point
de vue médicoéconomique l’utilisation des copro-
cultures quantitatives a, in fi ne, conduit la Direction
générale de l’off re de soin à considérer que cet examen
était un acte obsolète ne donnant plus lieu à aucune
compensation fi nancière.
La détection dans les selles de la plupart des bactéries
d’intérêt peut également être réalisée par des méthodes
similaires à celles utilisées pour le dépistage de bacté-
ries multirésistantes (9, 11) . Cette approche est fondée
sur l’ensemencement de milieux sélectifs permettant
d’isoler de manière plus ou moins spécifi que les diff é-
rentes bactéries d’intérêt en fonction de leur résistance,
tout en permettant, notamment en cas d’utilisation
de milieux chromogènes, une orientation d’espèce .
Ainsi, et à titre d’exemple, des milieux contenant des
céphalo sporines de troisième génération permettent
de détecter des entérobactéries résistantes à ces anti-
biotiques, dont les entérobactéries productrices de
BLSE. D’autres milieux sélectifs peuvent également
être associés afi n de détecter les bacilles à Gram néga-
tif non fermentaires qu’il est nécessaire de mettre en
évidence, quelle que soit leur résistance acquise aux
antibiotiques. En cas de résultat positif, il faut confi rmer
l’identifi cation d’espèce et réaliser un antibiogramme.
Cette approche peut également permettre d’apprécier
de manière semi-quantitative le niveau de colonisation
(faible, modérée ou importante) qui pourrait être corrélé
au risque de translocation, comme l’ont suggéré P.L.
Woerther et al. (9) pour ce qui concerne les entéro-
bactéries productrices de BLSE.
Méthodes de biologie moléculaire
L’amplifi cation de gènes de résistance éventuellement
couplée à une identifi cation d’espèces permet de détec-
ter la présence de bactéries multirésistantes dans les
selles, soit directement, soit après une étape d’en-
richissement en milieu liquide (4, 5, 23) . Ces méthodes
rapides sont plus sensibles que celles fondées sur la
culture. Leur utilisation est cependant limitée par leur
coût et le fait qu’elles ne détectent pas l’ensemble
des bactéries d’intérêt. Il a toutefois été récemment
montré qu’il était possible d’utiliser des techniques
de séquençage de nouvelle génération pour détecter
des bactéries multirésistantes dans les selles tout en
réalisant une étude du microbiote intestinal (24) . Dans
un futur plus ou moins proche, cette approche encore
onéreuse pourrait révolutionner l’analyse de selles des
patients à risque de translocation.
Conclusion
La valeur prédictive positive insuffi sante de la copro-
culture quantitative, eu égard aux coûts générés et/ou
à l’absence d’impact signifi catif en termes d’antibio-
thérapie probabiliste, a conduit à son abandon en
France. L’analyse de la fl ore fécale par culture ciblée
incluant le dépistage de bactéries multirésistantes est
de ce fait préconisée, afi n de détecter, en amont de
l’épisode bactériémique, les bactéries multirésistantes
potentiellement impliquées. La place des techniques de
biologie moléculaire et, en particulier, de celles fondées
sur les méthodes de séquençage de nouvelle génération
reste à défi nir. ■
Les auteurs déclarent
ne pas avoir de liens
d’intérêts.
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Références
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