Résolution des conflits - The Royal College of Physicians and

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RÉSOLUTION DES CONFLITS
Par Pam Marshall RN, LLB, LLM (ADR)
RÉSUMÉ
Introduction
Les conflits sont inévitables; ils sont l’une des forces dynamiques qui commandent, et souvent endommagent, le moteur social. Les
conflits fondés sur les valeurs ou ceux qui soulèvent des questions éthiques sont toutefois souvent difficiles à résoudre. Les fournisseurs de soins de santé savent que, pour assurer la prestation de soins de qualité, leur objectif premier doit être de satisfaire aux
besoins, aux valeurs et aux préférences de la personne à qui ces soins sont destinés.
Cependant, les objectifs des soins et les moyens à prendre pour obtenir les résultats escomptés ne font pas toujours l’unanimité. De
plus, il peut être difficile de satisfaire aux besoins des patients et de leur famille, et de respecter leurs valeurs, lorsque l’on dispose de
ressources limitées et qu’il faut en plus tenir compte des priorités de l’établissement. C’est précisément parce que les valeurs et les
préférences diffèrent que des conflits et des désaccords peuvent naître de multiples sources et qu’il est important pour les médecins
d’être mieux habilités à prévenir et à gérer les conflits.
Le présent document propose une discussion ainsi qu’un examen en profondeur de l’origine et de la nature des conflits, des mythes
courants au sujet des conflits et de la gestion des conflits. On y décrit les facteurs propres au milieu de la santé qui contribuent à
l’apparition de conflits et propose quelques idées à l’intention des établissements, sur la manière d’aider les professionnels à apprendre à faire face aux conflits et à acquérir des compétences en gestion des conflits. Les différents styles de conflits sont examinés et
quelques conseils sont proposés sur les moyens d’améliorer la capacité à gérer les conflits. Le lien entre la sécurité des patients et les
conflits est aussi examiné, de même que le rôle des émotions et de la communication pour une gestion efficace des conflits. Enfin,
quelques exemples précis de conflits qui surviennent fréquemment dans l’exercice de la profession sont présentés, avec des stratégies
pour leur résolution.
Mythes au sujet des conflits
Il existe différents mythes au sujet des conflits, de leurs origines, de leur évolution et de leur gestion. Voici un aperçu des mythes les
plus répandus :
• Les conflits peuvent toujours être évités.
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»» En réalité, le conflit est une conséquence inévitable du fait de vivre et de travailler dans un monde où vivent des personnes
dont les cultures, les valeurs, les buts et les besoins diffèrent.
Les conflits sont mauvais.
»» Le conflit n’est ni bon ni mauvais – il s’agit d’un processus naturel et même d’un élément souhaitable qui fait normalement
partie des hauts et des bas de la vie. Les conflits offrent la possibilité de parvenir à des solutions créatives et d’améliorer les
relations durant la recherche de solutions.
Les conflits sont impossibles à résoudre.
»» Bien des gens tentent d’éviter les conflits, craignant qu’ils soient impossibles à régler. Or, pareille attitude ne fait
qu’exacerber la situation. De fait, la plupart des conflits peuvent être gérés de façon positive, si les personnes en comprennent les origines et acquièrent quelques stratégies de résolution simples.
Les conflits requièrent le recours à un avocat.
»» Bien des gens se croient incapables de résoudre des conflits personnels et publics, et en confient la résolution à d’autres.
Ils se retrouvent ainsi dans une sorte d’engrenage : les gens se sentent inaptes à résoudre un conflit et tentent de régler un
problème, mais sans grand succès. Ils font donc appel à des « spécialistes », souvent des avocats. Pourtant, avec de l’aide,
les gens peuvent apprendre à gérer d’une manière positive la plupart des conflits qui les concernent.
Tous les désaccords dégénèrent en conflits.
»» Il arrive souvent que, ce qui n’était au départ qu’une simple querelle ou qu’un léger différend ne soit pas facilement ou
rapidement réglé et devienne un véritable conflit. Pourtant, si les gens travaillaient à régler le différend dès ses premières
manifestations, on pourrait éviter que bien des conflits ne dégénèrent en des situations plus litigieuses.
L’origine des conflits
Des conflits naissent parce que nos besoins ne sont pas satisfaits ou que nos besoins sont incompatibles ou en opposition avec
ceux d’autrui. Le conflit résulte d’un différend entre des perceptions, des buts ou des valeurs à propos d’une question qui revêt de
l’importance. Notre capacité d’atteindre nos buts et nos objectifs dépend de la coopération et de l’aide des autres, et ceci augmente
les occasions de conflit. Dans le domaine de la santé, aucun intervenant ne peut faire son travail seul, sans l’apport d’une autre
personne. Les exemples qui suivent illustrent les différents facteurs qui sont à l’origine de conflits et montrent comment ils peuvent se
manifester dans le milieu de la santé :
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Antécédents : « Je n’ai jamais été adéquatement rémunéré. »
Relations : « Le directeur ne m’a jamais vraiment respecté. »
Émotions : « J’ai l’impression que l’organisme ne m’apprécie pas à ma juste valeur. »
Structures : « Le système de santé publique ne tient pas compte des besoins des médecins. »
Besoins : « J’ai des obligations familiales à respecter. »
Communications : « Comment le directeur peut-il se contenter de m’envoyer un courriel pour régler cette question? Il
n’accepte jamais de me parler directement. »
Comprendre les différents facteurs qui contribuent à un conflit peut aider les professionnels de la santé à travailler vers une résolution.
L’importance d’une communication efficace
Il est une vérité absolue que la communication est à la fois la cause et la solution du conflit. De fait, la communication est ce qui
cause les conflits, mais c’est également grâce à une communication franche et efficace que les problèmes peuvent être résolus.
L’interdépendance entre les fournisseurs de soins, les patients et les familles, ainsi que la dynamique qui existent entre eux, font du
domaine de la santé un milieu propice aux conflits. Par ailleurs, même s’il semble évident qu’une bonne communication est essentielle
à l’établissement de relations efficaces, la communication est souvent un art que nous maîtrisons peu. Certes, nous apprenons à parler
à un jeune âge, mais bon nombre d’entre nous n’avons jamais appris l’art de bien communiquer. Ce document propose des stratégies
et des conseils en vue d’améliorer la communication qui – utilisée efficacement – peut permettre de gagner du temps, de réduire les
malentendus, les erreurs et les conflits, puis d’améliorer les relations personnelles et professionnelles.
Le rôle des émotions et de la souffrance morale
Les émotions non résolues contribuent largement à l’apparition de conflits entre professionnels de la santé, de même qu’entre fournisseurs de soins et patients, ainsi qu’à l’exacerbation de ces conflits. La difficulté à composer avec la tension émotive que suscitent les
dilemmes éthiques est un problème constant pour tous les professionnels de la santé, qui ne peuvent partager avec leurs collègues le
poids émotif de leurs décisions. Qui plus est, cette question n’est jamais traitée durant les conférences sur la morbidité et la mortalité,
lesquelles s’intéressent davantage aux faits médicaux qu’aux sentiments du patient ou du médecin.
Le professionnel de la santé qui sait, ou pense savoir, quelle serait la bonne à marche à suivre sur le plan éthique, mais qui est incapable de l’exécuter pour diverses raisons ressent une détresse morale. Le conflit est le résultat naturel de l’opposition entre des valeurs
et des sentiments divergents. L’amélioration de la collaboration et de la communication entre les fournisseurs de soins favorisera une
gestion et une résolution positives des situations difficiles. Même si les fournisseurs de soins ne sont pas toujours du même avis, ils
peuvent et ils doivent apprendre à se respecter et à s’appuyer mutuellement.
Facteurs propres au milieu de la santé qui sont propices à l’apparition de conflits
Outre les communications inefficaces, les émotions non résolues et la détresse morale, un certain nombre d’autres facteurs propres au
secteur de la santé sont propices à l’apparition de conflits :
• La complexité du système de soins de santé fait en sorte que des malentendus et des conflits peuvent se manifester à plusieurs
niveaux, en même temps.
• Il existe une grande disparité entre les connaissances, les pouvoirs et les contrôles des différents intervenants.
• La diversité ethnique des bénéficiaires et des fournisseurs de soins peut créer des barrières qui nuisent à la recherche de solu-
tions.
• Il persiste entre les professionnels de la santé et au sein du réseau de la santé de grandes inégalités entre les sexes.
• Les personnes ont souvent des convictions personnelles ou religieuses profondes qui expliquent l’intransigeance de leurs posi-
tions.
• Les patients ou les membres de la famille mettent souvent en doute les plans de traitement recommandés par le médecin ou
les désapprouvent, et ceci peut créer de la colère et de la frustration chez le médecin.
• Il arrive qu’une personne discute d’une divergence d’opinions au sujet d’un traitement avec d’autres personnes plutôt qu’avec
l’intéressé.
• En présence d’une situation conflictuelle, et plus particulièrement d’un conflit d’ordre éthique, les médecins doivent parfois
composer avec des objectifs contradictoires qui peuvent créer des conflits internes.
Tous ces facteurs réunis font du domaine de la santé un milieu particulièrement propice aux conflits et soulignent l’importance de
comprendre les origines des conflits, et d’élaborer des stratégies pour gérer et résoudre les conflits.
Processus de gestion des conflits axé sur l’établissement
Le domaine de la santé a été lent à s’ouvrir aux autres méthodes de résolution des conflits. La situation est toutefois en voie de
changer, car les organismes reconnaissent que les méthodes classiques de confrontation sont à la fois coûteuses et inefficaces. La plupart des établissements de santé optent pour la position classique de l’autoprotection que préconisent les compagnies d’assurances. Il
serait toutefois beaucoup plus efficace d’adopter une démarche à volets multiples et à plusieurs étapes, qui permettrait de consolider
la gestion des conflits au sein des organismes. Ces étapes incluent les suivantes :
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faire une évaluation des conflits au sein de l’organisme;
concevoir des systèmes de gestion des conflits qui accordent une grande place à la prévention et à l’intervention précoce;
offrir une formation sur la prévention et la gestion des conflits;
offrir des services internes de protecteur du citoyen;
faire appel au besoin à des services de médiation externes.
Démarches personnelles à l’égard des conflits Chaque personne réagit différemment aux conflits, et la réaction d’une personne peut
varier en fonction du moment, des circonstances et des parties en présence. Il est rare, par exemple, qu’une personne réagisse à un
conflit au travail de la même manière qu’à un conflit à la maison. Le document fait référence à l’instrument Thomas-Killman (TKI), un
descripteur bien connu des diverses façons de gérer un conflit. L’instrument TKI définit cinq manières de gérer les conflits : l’évitement,
la compétition, la conciliation, le compromis et la collaboration. Le document décrit plus en détail chacun de ces styles de gestion et
donne des conseils sur les situations propices à l’utilisation de chacun, en décrivant les avantages et les inconvénients de chacun. Des
cinq types présentés, la collaboration est considérée comme la méthode de résolution à privilégier, car elle encourage les gens à parvenir à un règlement qui permet à chacun d’obtenir ce dont il a besoin, au lieu de chercher à gagner ou à vaincre l’autre.
Le lien entre les conflits et la sécurité des patients
Bien que la plupart des professionnels de la santé se consacrent à la prestation de soins efficaces et de haute qualité, la culture qui
domine au sein de la plupart des organismes de soins de santé est davantage alimentée par la crainte, la honte et le blâme que par la
sécurité. Il en résulte inévitablement un haut niveau de conflits entre les professionnels de la santé. Or, d’importantes recherches ont
clairement établi le lien entre un piètre environnement de travail et une augmentation des erreurs. À l’inverse, il a été démontré que
des relations de travail positives au sein des équipes de soins contribuent largement à la sécurité et à l’efficacité des soins dispensés
aux patients. Faire abstraction des conflits réels et inévitables qui surviennent dans le milieu de la santé est non seulement coûteux
personnellement et professionnellement pour les professionnels de la santé, mais cela crée également des organismes, des équipes et
des situations non sécuritaires au sein desquels les risques de préjudice et de mortalité pour les patients sont plus élevés.
Amélioration des compétences individuelles en matière de gestion des conflits
Le document décrit différentes mesures que peut prendre chaque médecin pour améliorer sa capacité à gérer d’une manière positive
les conflits qui surviennent inévitablement dans le milieu de la santé. Voici quelques-unes des suggestions qui y sont formulées :
• offrir des programmes d’éducation et de formation sur les conflits et leur gestion;
• améliorer les aptitudes à communiquer;
• reconnaître que les hommes et les femmes ont différents styles de communication et réagissent différemment aux conflits;
• adopter une démarche plus positive envers les autres en utilisant la méthode en quatre étapes proposée dans le document.
Exemples
Des exemples précis de situations conflictuelles sont présentés, avec des suggestions sur la manière de gérer chacune d’entre elles. Le
document précise en outre que, pour se préparer à gérer une situation conflictuelle particulière, il est important d’examiner trois questions fondamentales pour définir le processus de résolution :
• Qui est touché par le conflit?
• Quels sont les principaux enjeux en cause?
• Quelles sont les origines des différents enjeux?
Les exemples présentés font référence à cinq types fréquents de conflits qui peuvent survenir dans les établissements de santé : différends à l’unité des soins intensifs; conflits entre médecins; conflits entre médecins et résidents ou stagiaires; conflits avec d’autres
fournisseurs de soins; conflits avec les patients et leurs familles. Le document souligne que les conflits sont, sinon évitables, à tout le
moins gérables, dans presque tous les cas, si les médecins possèdent les connaissances et les compétences nécessaires pour réagir aux
différends qui surviennent dans le domaine de la santé.
Conclusion
Les organismes du secteur de la santé doivent adopter des stratégies qui permettent une gestion positive des conflits et accorder la
priorité à l’éducation et à la formation continues en matière de résolution des conflits. L’évaluation, la gestion et la prévention des
conflits sont des éléments essentiels pour assurer un changement de culture fructueux dans le domaine de la santé.
Renseignements sur l’auteur
Pam Marshall, RN, LLB, LLM(ADR), Director, Patient Relations, The Scarborough Hospital, Toronto.
* - Basé sur Marshall P, Robson R. Résolution des conflits. Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC) le
Programme de Bioéthique. À paraitre
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