MC-Informations Analyses et points de vue 262 Périodique trimestriel de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes décembre 2015 Inégalités en santé: ne pas avancer, c'est reculer La lutte contre les inégalités en santé constitue un grand défi. Les MC sont prêtes à le relever ! Étude MC prothèse totale de hanche Devenir invalide 150 Indice standardisé (pour l'âge, le sexe et la région) 130 Le département R&D de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes (MC) a analysé 85.000 prothèses totales de hanche (PTH) depuis 1990. Les forces et les limites du modèle d’analyse ont été analysées avec les chirurgiens, les hôpitaux et les associations scientifiques. Les résultats ont été présentés dans des congrès et dans les hôpitaux. Ils ont été publiés dans des revues scientifiques, MC-Informations et sur Internet. La dernière étape de la démarche est de les présenter aux patients et au grand public. C’est ce que nous faisons dans cet article, pas seulement pour les coûts des soins, mais aussi pour les éléments de qualité des soins que nous avons pu récolter. devenir invalide - Belgique 2012 143,2 140 devenir invalide - Belgique 2006 132,8 population de référence 120 117,7 113,2 110 105,4 100 104,7 92,0 90 80 70 91,7 80,0 population de référence (indice =100) : titulaires MC entre 20 et 64 ans 1. inférieurs 2. bas 72,6 3. moyens 4. hauts 5. supérieurs classes de secteurs statistiques de résidence Enquête Énéosport La mise en mouvement des aînés représente un des facteurs de protection important permettant d’avancer en âge tout en maintenant une qualité de vie optimale. Proportion de réponses des répondants affiliés à énéoSport, en fonction des buts à pratiquer une activité sportive (plusieurs réponses étaient possibles) - Bien-être : 80% - Esthétique : 8% Étude urgences hospitalières Ce sont les jeunes enfants, les personnes âgées, des populations plus précarisées ou ayant moins de revenus, comme les bénéficiaires de l’intervention majorée, du revenu d’insertion sociale, les invalides qui ont davantage recours aux urgences hospitalières. Proportion de membres de la MC qui ont eu recours aux urgences hospitalières au moins une fois au cours de l’année 2013 – quelques critères sociaux 30% ensemble des membres MC 27,9% - Santé (sans prescription) : 68% 26,0% 25% - Santé (avec prescription) : 5% - Créer relations : 53% 21,5% 21,4% 21,1% 20% 20,0% 18,7% 15% 13,8% 12,6% 10% 5% 0% MUTU ALITE CHRE TIENN E Ensemble des Bénéficiaires membres MC de l'intervention majorée Bénéficiaires du revenu d'insertion sociale Handicapés Invalides Familles chômeurs de monoparentales longue durée chômeurs de longue durée 20-24 ans chômeurs de longue durée 25-29 ans La solidarité, c’est bon pour la santé. Éditorial L’une des principales missions de notre service d’étude consiste à examiner ce qui « se passe » dans le domaine complexe des soins de santé et de l’incapacité de travail dans notre pays, et de le rendre accessible et transparent pour le lecteur. En 2015, la société n’admet plus qu’un chercheur protège ses données vis-à-vis du monde extérieur, à moins que ce ne soit pour des raisons de protection de la vie privée. C’est ainsi qu’un juge a confirmé, lors d’un procès intenté par Test-Achats contre l’État belge, que le Service public fédéral Santé publique est obligé de révéler le résultat de ses inspections de l’hygiène des mains dans les hôpitaux, plutôt que de les consigner dans un vague rapport. La transparence est nécessaire à l’amélioration de la qualité. C’est ainsi que dans de nombreux pays, on a observé que la qualité dans les hôpitaux ne s’améliorait qu’après la publication des résultats hôpital par hôpital. À l’étranger, la « public disclosure » est acceptée depuis longtemps et L’International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM) indique d’ailleurs clairement que la transparence est une composante essentielle de la promotion de la qualité. Voilà 15 ans, la Mutualité chrétienne publiait pour la première fois les chiffres concernant la variabilité entre hôpitaux des résultats des opérations de prothèses de hanche planifiées. La collaboration fut intense avec le secteur et les chiffres ont été régulièrement actualisés. Nous avons énormément investi dans le feed-back aux hôpitaux. Mais de nombreuses personnes nous ont reproché de ne pas révéler les chiffres nominalement, hôpital par hôpital. Les membres de la MC pouvaient toutefois contacter leur médecin-conseil pour demander des informations concernant les hôpitaux de leur région. Vu la tendance internationale à la transparence dans les soins de santé et le fait que nous estimons que non seulement nos membres, mais également les médecins généralistes, ont droit à ces informations, nous publions maintenant pour la première fois les données par hôpital de notre étude sur les prothèses de hanche. La transparence permet aux hôpitaux de comparer leur résultat à celui des autres hôpitaux. Espérons qu'elle réduira la variabilité entre hôpitaux et permettra d’améliorer la qualité, comme c’est le cas à l’étranger. On parle en anglais à ce sujet de « Sunshine disinfects ». Dans le présent numéro, nous examinons également le profil des personnes qui se rendent aux urgences, avec une attention particulière pour les disparités régionales. Une comparaison internationale révèle que le recours aux urgences n’est pas significativement plus élevé en Belgique. Nous observons que ce sont surtout les défavorisés, les invalides, les jeunes enfants et les personnes âgées qui se rendent aux urgences. Dans les deux tiers des cas, ils le font de leur propre initiative sans y être 2 envoyé par un médecin. D’autre part, on constate également que posséder un DMG ou être inscrit dans un centre de santé de quartier n’influence pas les résultats. Autre fait marquant, 44 % des visites ont lieu la nuit, le week-end ou lors des jours fériés. Une autre étude met en lumière les inégalités de santé en 2012, en les comparant à celles mesurées en 2006. Les résultats de cette étude se basent sur une analyse des données de consommation de soins (nos données de remboursement) par groupes sociaux (déterminés sur base des revenus par secteur statistique). De nombreux indicateurs sont restés stables entre 2012 et 2006, avec parfois même une amélioration, comme l’augmentation du DMG, de l’usage des médicaments bon marché et du tiers payant social. Pour d’autres indicateurs, on constate un accroissement des inégalités, comme pour les admissions en psychiatrie, l’usage des antidépresseurs et le risque de devenir invalide. Cet accroissement survient malgré une attention accrue pour la problématique et une série de mesures positives pour combler le fossé en matière de santé. Lutter contre les inégalités de santé reste donc un défi majeur pour les prochaines années, d’autant plus à l’heure de l’austérité budgétaire. Outre l’analyse des données de remboursement, interroger directement de nos membres est certainement une manière d’accéder à une source d’informations majeure. Par exemple, tout le monde sait à quel point la prévention des maladies et le rôle de l’activité physique dans ce contexte est importante. Chez les personnes âgées aussi, l’activité physique est le meilleur « médicament » préventif. Afin de mener des actions de promotion et d’évaluation de ce constat, il est évidemment nécessaire de mesurer et de savoir à quel point les ainés font du sport. Une enquête auprès de nos membres, en collaboration avec l’UCL et Énéosport, permet de situer le niveau sportif des seniors et quelles sont les incitations ou les obstacles à leur pratique. L’aspect santé, le bien-être, la condition physique et les relations sociales sont des incitants majeurs pour les personnes âgées, que nous pouvons reprendre dans des campagnes de promotion. Michiel Callens Directeur du département R&D MC-Informations 262 • décembre 2015 Étude MC prothèse totale de hanche 24 ans d’analyses : l’étape suivante d’une collaboration transparente et équilibrée entre soignants et soignés et entre hôpitaux et mutualités Xavier de Béthune, Katte Ackaert – Département Recherche et Développement Résumé Le département R&D de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes (MC) a analysé 85.000 prothèses totales de hanche (PTH) depuis 1990. Les forces et les limites du modèle d’analyse ont été analysées avec les chirurgiens, les hôpitaux et les associations scientifiques. Les résultats ont été présentés dans des congrès et dans les hôpitaux. Ils ont été publiés dans des revues scientifiques, MC-Informations et sur Internet. La dernière étape de la démarche est de les présenter aux patients et au grand public. C’est ce que nous faisons dans cet article, pas seulement pour les coûts des soins, mais aussi pour les éléments de qualité des soins que nous avons pu récolter. L’ambition de la MC est que la transparence accrue autour de la qualité des soins encourage les collaborations responsables entre tous les acteurs du système de santé et renforce la qualité des soins et la sécurité des patients à travers des relations plus équilibrées et mieux informées entre eux et ceux qui les soignent. C’est pourquoi nous avons inclus dans l’article les premières réactions que nous avons reçues de la part des hôpitaux. Le dialogue ne fait que commencer... Mots-clés : transparence, prothèse totale de hanche, coûts, durée de survie d’une prothèse, révision, qualité 1.Introduction La MC publie régulièrement les résultats d’études diverses qui mettent en valeur plusieurs éléments du système de santé de notre pays. Les mutualités sont en effet les seules organisations qui disposent de banques de données qui peuvent décrire les soins aux mêmes patients dans des contextes de soins différents. L’information proposée est donc souvent nouvelle et pertinente. Un des principaux sujets récurrents de ces analyses sont les pratiques de soins, principalement hospitalières, liées aux Prothèses Totales de Hanche (PTH). Trois séries d’études consécutives décrivent à ce stade-ci, 24 années de pratique. La possibilité de suivre le patient après sa sortie de l’hôpital et à plus long terme, de savoir si la PTH primaire est révisée, même quand cela ne se passe pas dans le même hôpital, représentent deux informations originales de nos études. Nous avons décidé, à partir de maintenant, de compléter nos résultats par l’identification des institutions qui dispensent les soins. Nous revenons en détail sur la justification de ce choix dans l’article qui suit, qui reprendra aussi, indicateur par indicateur, les hôpitaux qui se distinguent nettement des autres, dans les deux sens du terme. MC-Informations 262 • décembre 2015 3 2. Les études PTH de la MC C’est au tournant du siècle que la MC organise une première conférence de presse et publie un rapport circonstancié sur les soins liés aux PTH électives1 en Belgique. Les résultats de l’étude sont assez clairs : • les soins en Belgique sont comparables à ce qu’on trouve dans la littérature internationale, où les pays scandinaves occupent néanmoins le haut du pavé ; • comme à d’autres endroits2, la variabilité des soins d’un hôpital à l’autre est très importante, avec certains domaines de surconsommation manifeste, comme la transfusion sanguine ; • parmi les modèles de PTH disponibles, la prothèse totalement cimentée monobloc présente les meilleurs résultats en termes de survie et coûte le moins cher. Dans la mesure où suffisamment de données étaient disponibles, les résultats par hôpital et par chirurgien ont ensuite été mis à disposition des intéressés de façon confidentielle à travers un module interactif sur Internet. Une dizaine d’années plus tard, la MC met à jour ses données3 4 5 6 La variabilité des pratiques reste un défi majeur, mais certaines surconsommations ont été réduites. C’est principalement le cas de la transfusion sanguine dont le taux est passé de 60% à 25% des patients opérés. La durée de séjour a été réduite de moitié environ et les coûts pour l’assurance maladie-invalidité (AMI) n’ont pas augmenté malgré une inflation de 17%. Au niveau des prothèses, les prothèses non cimentées ont maintenant une part de marché de 65%. Les professionnels ont donc globalement nié les résultats de la première étude au sujet des types de prothèses. En même temps, la survie des prothèses à dix ans s’est améliorée de 92% à plus de 93%. Il n’y a donc manifestement pas péril en la demeure. En septembre de cette année, nous avons rajouté quatre années à ces analyses en publiant les résultats d’une nouvelle mise à jour des données. Ceux-ci montrent que plusieurs améliorations perçues approchent de leurs limites. La durée de séjour s’est réduite d’un jour en quatre ans et le taux de transfusion est à 17%. Les coûts totaux connaissent une hausse modérée. La survie des prothèses, dont 80% sont aujourd’hui des modèles non cimentés, a augmenté à 94,58%. Mais, malgré ces améliorations significatives en 15 ans, la variabilité des pratiques reste un phénomène difficile à maîtriser. Entretemps, plusieurs initiatives ont vu le jour pour inciter les prestataires de soins à adopter une politique de qualité systématique des soins et d’harmonisation des pratiques. Les contrats qualité-sécurité du Service Public Fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement (SPF SPSCAE), la création du KCE (Centre 4 d’expertise fédéral des soins de santé) et de l’Agence Intermutualiste (AIM-IMA), la mise en place progressive de e-Health et plus récemment de healthdata.be (qui intègre le registre Orthpride ®), la création de plusieurs réseaux hospitaliers, comme le Réseau Itinéraires Cliniques, le Réseau Santé Louvain, les Initiatives de Qualité de la Mutualité chrétienne ou les réseaux qualité-sécurité du SPF Santé Publique font partie d’une première vague. La déclaration de politique régionale flamande7 – qui promeut l’accréditation, les indicateurs et un rôle spécifique pour l’inspection -, celle plus récente de la Région wallonne8, le projet Vlaams Indicatorenproject (VIP²) en Flandre9 et la création de la Plateforme pour l’Amélioration continue de la Qualité des soins et de la Sécurité des patients (PAQS) 10 en Belgique francophone représentent une deuxième vague d’initiatives. Les choses n’en restent certainement pas là. Les déclarations récentes de la Ministre de la Santé Publique évoquent la transparence totale des données et des résultats et un financement couplé à ces résultats11. Il est donc logique que la MC continue à impulser ces évolutions et d’étude en étude réfléchisse aux meilleurs moyens de présenter les résultats aussi bien aux autorités et aux prestataires qu’au grand public et surtout aux futurs candidats à une PTH. Les objectifs étaient et restent : • d’impulser une dynamique d’amélioration continue de la qualité des soins ; • de faciliter le choix des soins pour les membres de la MC et de la société en général ; • de garantir l’utilisation optimale des moyens de la sécurité sociale. 3. Comparaison des deux dernières études Nous avons donc d’abord comparé de façon détaillée les résultats actuels à ceux de l’étude précédente3 4 6. Tous les hôpitaux repris dans cette étude avaient reçu dans le courant de 2009 leurs données concernant les activités de 2006 et 2007 et concernant la survie des prothèses primaires unilatérales qu’ils avaient implantées entre 1998 et 2007. En 2011, nous avons mis à jour les données des années 2008 et 2009 et pour la survie à 10 ans des prothèses jusqu’en 2009. Nous avions ensuite visité 35 hôpitaux entre mars 2010 et février 2011, ensemble avec des médecins -conseils de la MC et des représentants des associations scientifiques d’orthopédie et de traumatologie5. Chaque visite consistait en un exposé interactif des résultats sur les principaux indicateurs de l’étude. Nous avions inclus des hôpitaux avec les résultats les plus MC-Informations 262 • décembre 2015 favorables dans ces visites, pour pouvoir proposer des options réalistes d’amélioration de la qualité aux autres hôpitaux. Nous avons demandé aux hôpitaux de nous communiquer les actions qu’ils envisageaient de mener en 2011 pour améliorer ou maintenir leurs résultats. Nous avons aujourd’hui actualisé notre étude sur la base des données 2012-201312. Les analyses de survie des prothèses portent sur les années 2004-2013. Nous disposons de données en 2008-2009 et 2012-2013 pour 76 hôpitaux qui avaient opéré plus de 30 patients MC pendant les deux périodes. Sauf pour la transfusion (-8%) et les soins intensifs (-4%), les évolutions sont généralement peu marquées. La durée de séjour diminue globalement d’un jour. Les coûts médians pour l’assurance maladie-invalidité augmentent de 2% tandis que ceux à charge du patient diminuent de 17%. Ce qui ne change pas, est la variabilité d’un hôpital à l’autre, comme nous l’avons déjà décrit dans notre article de septembre 201512. Les différences entre les hôpitaux visités et non visités en 2010-2011 sont trop variables pour être analysées de façon synthétique. Nous avons comparé les résultats dans leur ensemble et pour les 5 hôpitaux qui avaient les résultats les plus favorables et les plus défavorables en 2008-2009 pour chaque indicateur. Nous avons aussi regardé si leurs plans d’action avaient eu un impact. Les quelques tendances qui semblent ressortir de cette analyse généralement qualitative, vu les très petits nombres, sont toujours contredites par les résultats de quelques hôpitaux. A Izegem, à la St. Jozefkliniek, la transfusion faisait partie du plan d’action de l’équipe que nous avions rencontrée. Le taux de transfusion s’est, réduit des deux tiers, de 75% à 26%. Dans un contexte général de réduction des durées de séjour, les Cliniques St. Joseph à Liège ont réduit de 5 jours la durée médiane de séjour en service aigu, mais ont rallongé la durée médiane de séjour globale (service aigu et de revalidation) de 2 jours. Au Algemeen Ziekenhuis d’Audenarde, le taux de prestations de soins intensifs a chuté de 47%. Par contre, à l’hôpital de Veurne, que nous n’avons pas pu visiter, ce taux d’admission est resté stable autour de 80% ! Mais ces quelques exemples paradoxaux ne reflètent pas l’impression générale d’une amélioration, même si celle-ci reste modérée. 4. Faut-il maintenant rendre nos résultats transparents ? Clairement, aucune approche ou aucun incitant ne peut à lui seul influencer de façon significative des évolutions globales dans la prise en charge hospitalière de patients qui subissent une intervention chirurgicale majeure, même si elle est bien codifiée, comme la pose d’une PTH. Nous avons parcouru en 15 ans les démarches et les incitants qui reposent sur la transmission confidentielle d’informations. Est-il donc temps d’ajouter une pierre à l’édifice en publiant nominativement les indicateurs dont nous disposons, pour contribuer à l’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité des patients ? Malgré les nuances très importantes de la littérature13 14, nous croyons que oui15 pour plusieurs raisons : • Tout d’abord, c’est un rôle essentiel des mutualités d’informer le choix de leurs membres. Pour cela, ces membres ont droit aux données de la meilleure qualité possible, présentées de la façon la plus compréhensible possible. C’est clairement aussi une des conclusions du congrès organisé par la MC en juin 2015. • Ensuite, il s’agit d’une évolution sociétale généralisée dans d’autres domaines d’activité également16. On ne compte plus les classements nationaux ou internationaux d’écoles, d’universités, ou même de services de police. Les institutions les mieux classées n’hésitent d’ailleurs pas à se prévaloir de leurs bons résultats. Notre idée ici n’est toutefois pas de publier de classement, mais de fournir l’information la plus complète possible sur les différents éléments des soins dont nous disposons. • Dans le domaine de la santé aussi, les choses évoluent. Le mouvement des consommateurs – dont le pilier le plus visible est Test-Achats – demande depuis des années la publication des résultats de soins. Plusieurs enquêtes ont déjà été réalisées et publiées par Test-Achats et d’autres17. Et la justice belge s’est prononcée il y a quelques années en faveur de la diffusion et publication de données sur l’hygiène des mains en milieu hospitalier. Les associations de patients prennent un rôle de plus en plus actif dans ce débat. En Flandre surtout, la Vlaams Patiëntenplatform18 est devenue un partenaire préférentiel des autorités, des institutions académiques et de certains réseaux hospitaliers. • Des projets concrets voient le jour pour encourager les hôpitaux à diffuser publiquement leurs résultats. Le plus visible de ces projets est le Vlaams Indicatorenproject voor Patiënten en Professionals19 (VIP²) qui développe depuis quelques années des indicateurs et des benchmarks comparatifs. Le projet incite les hôpitaux à publier leurs résultats sur leurs propres sites web et sur un site central. MC-Informations 262 • décembre 2015 5 Province C.H. INTERREGIONAL EDITH CAVELL CLINIQUE STE. ANNE - ST. REMI CLINIQUES UNIVERSITAIRES ST.-LUC EUROPAZIEKENHUIZEN IRIS ZIEKENHUIZEN ZUID KLINIEK ST.-JAN UNIVERSITAIR ZIEKENHUIS BRUSSEL ZIEKENHUISNETWERK ANTWERPEN IMELDA ZIEKENHUIS SINT-JOZEFKLINIEK AZ KLINA A.Z. MONICA UZ ANTWERPEN AZ ST.-DIMPNA AZ ST.-ELISABETH HEILIG HART ZIEKENHUIS AZ ST.-JOZEF AZ ST.- MAARTEN HEILIG HARTZIEKENHUIS AZ HEILIGE FAMILIE AZ TURNHOUT GZA- ZIEKENHUIZEN ZIEKENHUIS OOST - LIMBURG JESSAZIEKENHUIS ST. FRANCISKUSZIEKENHUIS ZIEKENHUIS MAAS EN KEMPEN MARIAZIEKENHUIS NOORD-LIMBURG REGIONAAL ZIEKENHUIS ST.-TRUDO AZ VESALIUS ALGEMEEN STEDELIJK ZIEKENHUIS ONZE LIEVE VROUWZIEKENHUIS ST.-VINCENTIUSZIEKENHUIS AZ ST. BLASIUS AZ ALMA AZ JAN PALFIJN AZ MARIA MIDDELARES AZ ST. LUCAS UZ GENT Tous les hôpitaux Nom hôpital Tableau 1 : Principaux résultats par hôpital. Bruxelles Anvers Limbourg MC-Informations 262 • décembre 2015 Flandre-Orientale 6 95 98 97 92 94 98 93 93 96 92 93 94 94 98 93 95 97 98 97 86 95 94 98 93 91 99 96 90 95 93 98 91 83 96 97 94 96 93 95 1.021 277 256 234 143 286 175 1.055 570 260 403 1.003 379 322 467 810 660 461 310 478 1.068 1.110 1.175 1.172 216 255 379 307 377 1.092 576 483 658 965 1.205 1.223 575 481 44.741 Localité BRUXELLES BRUXELLES BRUXELLES BRUXELLES BRUXELLES BRUXELLES BRUXELLES ANVERS BONHEIDEN BORNEM BRASSCHAAT DEURNE EDEGEM GEEL HERENTALS LIER MALLE MECHELEN MOL REET TURNHOUT WILRIJK GENK HASSELT HEUSDEN MAASEIK OVERPELT SINT-TRUIDEN TONGEREN ALOST ALOST DEINZE DENDERMONDE EEKLO GAND GAND GAND GAND % survie prothèse 2004-2013 Nombre de patients MC 20042013 1,03 0,74 0,60 1,89 ** 1,35 0,63 1,26 1,69 ** 0,82 0,88 1,15 0,95 1,27 0,27 1,28 1,37 0,61 0,40 ** 0,77 1,50 0,56 ** 1,40 ** 0,54 ** 1,05 1,45 0,35 1,12 1,32 1,41 1,22 0,43 ** 1,84 ** 1,15 1,07 0,44 ** 1,07 0,95 1,23 1 Probabilité de révision 2004-2013 133 204 86 66 44 71 59 260 165 94 120 280 57 91 189 201 163 87 72 119 240 284 293 299 86 71 91 102 88 230 133 87 201 266 195 333 147 108 11,281 Nombre de patients MC 20122013 7 6 7 9 9 6 8 8 5 7 6 8 7 8 5 6 8 8 7 8 5 8 6 8 8 8 8 8 8 5 8 5 7 6 5 7 7 6 7 Durée médiane du séjour 2012-2013 15 6 13 18 14 3 7 15 11 29 7 35 16 37 3 21 25 32 18 19 9 31 26 13 12 30 31 49 43 14 20 8 9 11 5 9 27 19 17 % de patients avec transfusion sanguine 2012-2013 3 1 5 3 7 0 3 3 3 10 1 3 11 2 1 4 12 24 4 3 1 32 2 5 3 13 10 4 7 1 20 9 3 2 1 2 5 48 8 % de patients avec prestations de réanimation 2012-2013 6.722 6.357 7.156 6.030 5.047 4.697 3.903 4.295 2.966 2.787 2.544 4.018 4.134 2.696 2.520 2.477 2.752 3.496 2.901 3.071 2.720 3.321 2.454 3.000 2.345 2.455 2.601 2.644 2.328 2.752 3.158 2.541 2.598 3.027 2.895 2.761 2.526 4.049 3.021 Coûts médians totaux patients - ch individuelle 2012-2013 2.699 928 936 918 1.224 1.009 591 938 805 918 904 1.298 903 839 843 850 983 1.117 965 1.055 841 969 898 1.003 976 984 960 963 1.171 902 953 862 954 968 1.276 1.001 879 1.079 954 Coûts médians totaux patients - ch à 2 lits ou commune 20122013 Brabant flamand AZ LOKEREN AZ OUDENAARDE AZ GLORIEUX AZ NIKOLAAS AZ ST.-ELISABETH AZ DIEST REGIONAAL ZIEKENHUIS ST.-MARIA REGIONAAL ZIEKENHUIS H. HART UZ LEUVEN REGIONAAL ZIEKENHUIS H. HART AZ JAN PORTAELS AZ ST. LUCAS AZ ST.-JAN BRUGGE-OOSTENDE JAN YPERMAN ZIEKENHUIS ST.-JOZEFSKLINIEK GEZONDHEIDSZORG OOSTKUST AZ GROENINGE AZ DAMIAAN H.- HARTZIEKENHUIS STEDELIJK ZIEKENHUIS ST.-ANDRIESZIEKENHUIS ST.-REMBERTZIEKENHUIS AZ ST. AUGUSTINUS O.L.V. VAN LOURDES ZIEKENHUIS 97 97 92 93 93 355 906 214 273 369 FAMENNE BOUGE MONT-GODINNE NAMUR NAMUR CONDROZ (I.F.A.C.) CLINIQUE ST.-LUC CLINIQUES UNIVERSITAIRES (U.C.L.) CH REGIONAL CLINIQUE MATERNITE STE.-ELISABETH 0,89 2,90 ** 1,07 0,97 0,95 0,83 1,20 0,85 1,54 1,57 1,63 0,60 0,54 1,90 ** 1,23 1,21 0,43 1,90 ** 1,73 ** 1,24 0,34 0,76 0,46 1,44 0,96 0,79 0,66 0,64 0,74 0,37 ** 0,90 1,35 0,67 1,01 0,92 1,09 0,89 1,72 1,22 1,07 0,84 0,91 0,33 1,28 0,60 0,36 ** 256 61 62 78 105 146 100 84 99 80 35 115 57 90 34 36 117 86 60 81 76 55 39 51 66 298 82 42 54 119 383 59 38 205 188 186 113 72 323 162 199 489 67 49 141 128 5 8 8 8 6 8 8 7.5 8 8 9 17 7 7 8 24 6 9 9 6 6 7 6 7 7 7 6 8 6 7 7 6 8.5 7 6 5 6 9 9 6 8 5 8 11 5 7 ** Significativement différent de la moyenne nationale (inférieur à 1 signifie moins de chances de révision ; supérieur à 1 signifie plus de chances de révision). (1) L’information sur le campus de Braine L’Alleud de la Clinique Ste-Anne - St-Remi se trouve parmi les informations des hôpitaux de Bruxelles. 94 96 92 93 94 91 98 98 85 92 96 98 93 91 94 672 555 374 429 278 110 427 362 358 178 111 437 288 286 357 TOURNAI GILLY HAINE-SAINT-PAUL MOUSCRON EUPEN HUY LIEGE LIEGE LIEGE ROCOURT SANKT-VITH SERAING VERVIERS ARLON LIBRAMONT MARCHE-EN- 94 97 99 81 96 97 96 98 97 99 93 96 97 94 96 93 96 91 95 90 97 94 99 93 98 98 349 314 182 199 221 1.359 321 152 273 464 1.542 201 181 839 753 633 465 255 1.194 581 717 1.901 358 210 281 570 MONS OTTIGNIES LOKEREN AUDENARDE RONSE SINT-NIKLAAS ZOTTEGEM DIEST HALLE LOUVAIN LOUVAIN TIENEN VILVOORDE BRUGES BRUGES IEPER IZEGEM KNOKKE-HEIST KORTRIJK OOSTENDE ROESELARE ROESELARE TIELT TORHOUT VEURNE WAREGEM WARQUIGNIES CH DE WALLONIE PICARDE - Chwapi GRAND HOPITAL DE CHARLEROI CH DE JOLIMONT - LOBBES CH DE MOUSCRON ST.-NIKOLAUS HOSPITAL CH REGIONAL DE HUY CH CHRETIEN CH REGIONAL DE LA CITADELLE CH UNIVERSITAIRE DE LIEGE CH CHRETIEN KLINIK ST.-JOSEF CH DU BOIS DE L’ABBAYE ET DE HESBAYE CH PELTZER - LA TOURELLE CLINIQUES DU SUD-LUXEMBOURG CH DE L’ARDENNE INTERCOM. HOSP. FAMENNE ARDENNE C.H.R. CLINIQUE ST. JOSEPH - HOPITAL DE Brabant wallon (1) CLINIQUE SAINT PIERRE Flandre-Occidentale Hainaut Liège Luxembourg Namur MC-Informations 262 • décembre 2015 7 7 23 15 10 10 8 24 12 11 9 3 25 4 9 12 44 11 28 32 7 5 2 26 14 56 12 21 17 33 8 23 15 26 15 20 16 26 43 23 12 11 12 43 18 7 15 27 5 2 1 3 1 1 1 3 3 11 4 2 42 0 3 3 6 5 5 1 2 8 24 58 5 1 2 7 5 15 2 3 2 3 2 11 1 23 2 2 4 34 6 82 4 2.646 3.366 2.903 3.120 3.498 3.031 4.936 3.163 2.785 3.946 4.075 5.424 4.250 3.698 5.324 3.499 3.950 4.735 1.274 3.772 3.847 4.488 2.761 2.414 3.004 2.890 2.782 3.282 3.907 2.714 3.512 2.363 4.238 2.833 2.750 3.010 2.451 3.271 2.884 2.907 2.279 2.879 2.507 1.929 2.468 2.880 813 854 967 1.044 861 1.021 882 1.045 1.134 1.021 1.004 1.352 922 731 984 1.055 873 1.034 1.176 1.057 881 833 813 1.161 1.033 1.067 1.069 1.004 1.111 731 884 766 980 958 967 1.092 1.009 1.067 986 868 900 860 956 999 835 917 En Flandre toujours, l’inspection de la santé publie, depuis quelques années, sur son site web le contenu de tous ses rapports d’inspection20. L’accréditation des hôpitaux fait, depuis plusieurs années, partie du paysage international et a fait son entrée en Belgique par l’exercice exploratoire conduit par les MC21 en 2002-2004. La déclaration de politique régionale flamande de 200922 et la mise en place de la Plateforme pour l’Amélioration de la Qualité des soins et de la Sécurité des patients23 (PAQS) en 2013 pour la Wallonie et Bruxelles, confirment que cette approche va avoir tendance à s’étendre dans les années qui viennent. • Dans les pays limitrophes et ailleurs, les mêmes évolutions sont en cours. Ne citons comme exemples que le site « Scope Santé » en France24 ou les publications de l’Inspection des Soins de Santé aux Pays-Bas, au titre évocateur de : « Het resultaat telt »25. • Et enfin, nous sommes convaincus que si le secteur de la santé veille à publier lui-même ses propres résultats, les données seront plus fiables et mieux expliquées que si d’autres acteurs s’en chargent26. Il y aura ainsi mieux moyen de protéger l’objectif fondamental qui est l’amélioration de la qualité des soins. C’est par exemple l’objectif affirmé du projet VIP². C’est aussi celui de la MC. 5. Indicateurs sur les PTH Nous avons laissé en septembre Nicolas, notre patient fictif, devant la masse importante de données générées par notre dernière étude et celles qui l’ont précédée. Pour lui permettre de faire un choix approprié d’hôpital – et donc d’équipe de soins – nous lui recommandions de poser des questions à son futur chirurgien, de s’adresser à son médecin généraliste ou au médecin conseil de sa mutualité. Un coup de pouce utile dans sa démarche serait sans doute de lui donner les « noms et prénoms » de chaque hôpital pour pouvoir mieux préciser ses questions. Comme la proximité du domicile est un des principaux facteurs de choix pour les patients, nous avons classé dans le tableau 1 les institutions par ‘province’ et ’ordre alphabétique du nom de l’hôpital’. 8 Mais ce n’est pas seulement le patient qui devrait profiter de la transparence des données. Les hôpitaux et les prestataires de soins devraient également y trouver plusieurs applications utiles. En premier lieu vient le fait que beaucoup de données ne sont pas encore suivies avec suffisamment d’attention dans plusieurs institutions. Les visites réalisées en 2010-2011 par l’équipe des associations scientifiques et de la MC ont par exemple permis à plusieurs reprises de clarifier la signification de certains indicateurs. En deuxième lieu se situe la possibilité d’identifier les lieux d’échanges d’expérience optimaux. Nous y reviendrons plus bas. Nous ne parlerons pas des autres acteurs du système de santé (organismes assureurs, INAMI, SPF SPSCAE), tant il est clair qu’ils peuvent, dans la situation actuelle, déjà disposer à partir de leurs propres bases de données, de la majorité des informations que nous allons présenter. 5.1. L’utilité pour les patients Revenons à Nicolas. En quoi l’identification de l’hôpital peutelle l’aider à mieux organiser son parcours pour sa PTH ? Durée de séjour La durée de séjour générale et en service aigu a continué à diminuer. Entre 2008-2009 et 2012-2013, la durée médiane de séjour totale (service A + revalidation) est passée de 8 jours à 7. La durée de séjour médiane en service A a aussi diminué d’un jour, également de 8 à 7. Dix hôpitaux ont une durée médiane de séjour totale de 5 jours. Dans trois de ces hôpitaux, 90% des séjours sont de 8 jours ou moins, ce qui démontre leur capacité à harmoniser la durée des séjours. Imelda Ziekenhuis Bonheiden Algemeen Ziekenhuis St. Augustinus Veurne Clinique St.-Luc Bouge 5 jours 5 jours 5 jours Trois hôpitaux ont des durées médianes de séjour supérieures à 10 jours. On peut donc conclure que dans ces hôpitaux très différents des autres, plus de 50% des PTH électives séjournent au service de revalidation ou qu’il y a une gestion des sorties peu uniforme. Klinik St.-Josef Sankt-Vith 24 jours Centre Hospitalier Chrétien Liège 17 jours St.-Rembertziekenhuis V.Z.W. Torhout 11 jours MC-Informations 262 • décembre 2015 Rappelons toutefois que le Centre Hospitalier Chrétien sur son site de Liège a réduit sa durée médiane de séjour dans le service d’orthopédie de 13 jours en 2008-2009 à 8 jours en 2012-2013. En quoi la durée de séjour est-elle un indicateur utile pour un patient ? Dans notre article précédent, nous avons déjà évoqué les conséquences pour l’organisation du séjour (avec ou sans weekend, par exemple), la limitation des risques hospitaliers et l’impact sur les coûts patient. Nous évoquions aussi la perception ambivalente vis-à-vis d’un séjour (trop) court ou au contraire (trop) long en revalidation. Si nous regardons les données du tableau 1, nous pouvons voir, par province, la variation des durées de séjour. Nicolas peut ainsi mettre en balance un hôpital proche de chez lui avec un séjour de 10 jours et un autre hôpital plus éloigné, mais avec une durée de 7 jours. Taux de transfusion Alors que le taux de transfusion moyen belge se situait à 60% au tournant du siècle, il est passé globalement à 25% en 20082009 et à 17% en 2012-2013, avec aujourd’hui une variation totale entre hôpitaux de 2% à 56% des patients opérés. 23 hôpitaux ont en 2012-2013 un taux de transfusion de moins de 10 %. La Clinique St Pierre d’Ottignies a changé radicalement sa politique de transfusion au début des années 2000 et a depuis lors le taux de transfusion le plus bas du pays après une PTH élective. Par contre, 6 hôpitaux ont un taux supérieur à 40%. Algemeen Ziekenhuis Glorieux Ronse Regionaal Ziekenhuis St.-Trudo Sint-Truiden Klinik St.-Josef Sankt-Vith Gezondheidszorg Oostkust Knokke-Heist 56% Mais, ce qui n’est pas connu du tout, est qu’une transfusion nécessite en moyenne un jour d’hospitalisation supplémentaire. Ce jour permet en pratique de prendre toutes les mesures d’organisation et de sécurité qui entourent la transfusion. Pour toutes ces raisons, Nicolas pourrait préférer un hôpital avec un faible taux de transfusion, quitte, par exemple, à se déplacer un peu plus loin ou à payer un peu plus cher. Prestations de soins intensifs (SI) En 2012-2013, il y a encore 17 hôpitaux qui ont un taux de prestations de SI qui dépasse 10%. Le taux le plus élevé est de 82%, le plus bas de 0%. En 4 ans, le taux moyen belge a baissé de 12% à 8%. 58 hôpitaux ont recours aux soins intensifs pour maximum 5% de leurs patients après une PTH élective. Six hôpitaux admettent plus de 30 % de leurs patients dans ce service. Algemeen Ziekenhuis St. Augustinus Veurne 82% Algemeen Ziekenhuis Glorieux Ronse 58% 43% Universitair Ziekenhuis Gent Gent 48% Centre Hospitalier Universitaire De Liège Liège 42% St.-Andriesziekenhuis Tielt 34% GZA- Ziekenhuizen Wilrijk 32% 49% 44% Algemeen Ziekenhuis Vesalius Tongeren 43% St.-Andriesziekenhuis Tielt 43% Il est aussi préoccupant de constater que dans 17 hôpitaux, les taux sont stables ou en augmentation, malgré la sensibilisation autour de la transfusion, y compris celle de nos études, la mise en place d’actions par le SPF SP ou parfois même la volonté affirmée par l’hôpital d’améliorer la situation dans des plans d’action écrits. a Qu’une transfusion représente pour le patient un cadeau de grande valeur, est un fait bien connu de la plupart des citoyens. Le sang en Belgique provient en effet toujours d’un don volontaire. Qu’une transfusion représente aussi un (très petit) risque est moins connu. Depuis le screening contre les virus et autres agents infectieux transmis par le sang et depuis la déleucocytationa systématique, le principal risque résiduel est celui des erreurs transfusionnelles, qui sont heureusement exceptionnelles. L’hôpital de Veurne surtout, mais aussi celui de Ronse ont un taux élevé d’admission aux SI depuis au moins 2008-2009. Comme déjà signalé, l’hôpital GZA de Wilrijk a fortement augmenté son taux de 8% à 28% entre 2007 et 2009 et se situe actuellement à 32%. A Tielt, c’est la situation inverse avec des Suppression des globules blancs et des plaquettes sanguines dans les transfusions de globules rouges pour prévenir l’immunisation contre un nombre beaucoup plus important de gènes du donneur. MC-Informations 262 • décembre 2015 9 taux historiques proches de 80% en forte baisse. Dans les deux hôpitaux universitaires de Liège et Gent, les taux ont évolué de moins de 5% en 2008-2009 aux niveaux actuels. un programme intense, qu’il pilote lui-même. Il donnera sans doute aussi plus de poids à cet indicateur qu’un autre patient plus âgé et moins mobile. L’avis de la toute grande majorité des chirurgiens et anesthésistes que nous avons rencontrés lors de nos visites de 20102011, était que Nicolas ne devrait pas passer par le service des soins intensifs (monitoring) après le placement d’une PTH élective. Sauf s’il soigne préférentiellement un groupe de patients à haut risque, le fait qu’un hôpital recoure peu à ce service, est un signe rassurant qui devrait donner confiance a priori. Les coûts de l’assurance maladie Etant donné que la facture patient représente moins de 20% des coûts totaux, Nicolas pourrait être tenté de ne pas tenir compte des coûts à charge de l’assurance maladie. En pratique toutefois, beaucoup de patients sont surpris des montants qu’ils trouvent sur la facture hospitalière a posteriori. Les coûts médians des hôpitaux à charge de l’assurance maladie se montent à 6.811 euros. Ils n’ont augmenté que de 2% en 4 ans. La variabilité entre hôpitaux a augmenté, puisque la différence relative entre la médiane la plus basse et la plus haute est passée de 185 % en 2008-2009 à 258% en 2012-2013. Onze hôpitaux facturent moins de 6.000 euros à l’assurance maladie pour une PTH élective. Soins de physio- et kinésithérapie Nous avons choisi un indicateur complexe pour décrire les pratiques des hôpitaux en matière de kiné- et physiothérapie. Nous reprenons en effet les coûts de ces prestations, depuis un mois avant jusqu’à 6 mois après l’intervention de PTH. L’indicateur reflète donc l’ensemble des soins hospitaliers et ambulatoires dont le patient a bénéficié pendant cette période de 7 mois. L’indicateur est influencé par les prescriptions des orthopédistes et médecins physiciens hospitaliers, mais aussi par celles des médecins généralistes. Il mesure l’utilisation effective des soins prescrits. Clinique St.-Luc Bouge 5.493 € Stedelijk Ziekenhuis Roeselare 5.733 € Algemeen Stedelijk Ziekenhuis Aalst 5.784 € Algemeen Ziekenhuis Klina V.Z.W. Brasschaat 5.842 € C.H.R. Clinique St. Joseph - Hôpital de Warquignies Mons 5.844 € Algemeen Ziekenhuis St.-Elisabeth Herentals 5.850 € Algemeen Ziekenhuis Alma Eeklo 5.875 € Heilig Hartziekenhuis V.Z.W. Mol 5.899 € Algemeen Ziekenhuis St. Augustinus Veurne 5.907 € 542 € Regionaal Ziekenhuis Heilig Hart VZW Tienen 5.917 € St.-Vincentiusziekenhuis Deinze 5.922 € Si on se concentre ici sur la partie hospitalière, nous voyons que le coût médian des prestations de physio- et kinésithérapie facturés par l’hôpital à l’assurance maladie obligatoire, est resté stable entre 2008-2009 et 2012-2013. La variabilité des pratiques dans ce domaine reste très importante. Le montant médian hospitalier à charge de l’assurance maladie varie de 13,0 fois (45 euros à 580 euros) d’un hôpital à l’autre en 2008-2009 et de 11,1 fois (49 euros à 542 euros) en 2012-2013. Quatorze hôpitaux facturent moins de 100 euros à l’assurance maladie pour les soins qu’ils dispensent pendant le séjour du patient. L’hôpital le moins cher dans ce cas-ci est le CH Interrégional Edith Cavell de Bruxelles. Trois hôpitaux facturent par contre plus de 300 euros. Centre Hospitalier Chrétien Liège Klinik St.-Josef Sankt-Vith 505 € St.-Rembertziekenhuis V.Z.W. Torhout 320 € Deux hôpitaux facturent une somme médiane de plus de 10.000 euros. Dans notre étude, le coût total est l’indicateur qui reflète le mieux la manière dont les soignants (hospitaliers et ambulatoires) privilégient l’autonomie la plus précoce possible des patients. Si nous pensons à l’histoire de Nicolas, son objectif était de pouvoir courir le plus rapidement possible. Nicolas cherchera donc un hôpital qui lui permet de suivre 10 Centre Hospitalier Chrétien Liège 10.033 € Klinik St.-Josef Sankt-Vith 14.161 € MC-Informations 262 • décembre 2015 Le CHC de Liège est depuis plusieurs années un des hôpitaux les plus chers du pays. Mais ceci n’est pas le cas pour la Klinik St Josef de Sankt-Vith, dont les coûts à charge de l’assurance maladie ont doublé, à quelques euros près, depuis 2006-2007. Les coûts patient Cet indicateur-ci devrait en tout cas capter l’attention de Nicolas, même s’il bénéficie d’une assurance hospitalisation complémentaire. Comme les résultats l’indiquent, par exemple à Bruxelles, les différences peuvent être élevées entre deux hôpitaux (578%). C’est évidemment surtout pour les personnes à revenus limités que payer une facture élevée sans couverture par une assurance complémentaire, représente une situation très délicate. Les hôpitaux qui facturent une somme médiane à charge du patient inférieure à 1.000 euros en cas de PTH élective, sont les suivants. Universitair Ziekenhuis Brussel Bruxelles 683 € Algemeen Ziekenhuis Turnhout Turnhout 880 € H.- Hartziekenhuis Roeselare - Menen Roeselare 921 € Regionaal Ziekenhuis Heilig Hart VZW Tienen 946 € Stedelijk Ziekenhuis Roeselare 950 € Clinique Saint Pierre Ottignies 957 € Cliniques Universitaires (U.C.L.) Mont-Godinne 959 € St.-Andriesziekenhuis Tielt 975 € Algemeen Ziekenhuis St.-Elisabeth Herentals 978 € Intercom. Hosp. Famenne Ardenne Condroz (I.F.A.C.) Marche-enFamenne 979 € Universitaire Ziekenhuizen K.U.L. Leuven 983 € Quatre hôpitaux facturent une somme médiane de plus de 2.500 euros. C.H. Interregional Edith Cavell Bruxelles 3.947 € Centre Hospitalier Chrétien Liège 2.890 € Centre Hospitalier Chrétien Roucourt 2.600 € A.Z. Monica Deurne 2.580 € Ces quatre hôpitaux se positionnent ainsi depuis au moins 4 ans. Le coût patient médian a augmenté de plus de 1.000 euros au CHIREC pendant ces 4 dernières années. Les résultats : Le taux de survie des prothèses et le risque de révision Ces deux indicateurs mesurent à long terme la proportion de prothèses primaires implantées dans un hôpital, qui sont encore en place après une observation maximale de dix ans. Les données de la MC permettent de lier un remplacement de PTH (une révision, en jargon médical) à l’hôpital où a été faite l’intervention primaire, même si ces deux hôpitaux sont différents. A priori, ces indicateurs sont simples : plus la survie est élevée et plus le risque est bas, mieux cela vaut. Ce résultat clinique est aussi l’indicateur le plus directement utile de notre étude, celui qui peut montrer que tous les éléments des soins ont été organisés et fournis de façon optimale. Mais à y regarder de plus près, il n’est pas sûr que Nicolas puisse cerner toutes les subtilités de ce type d’indicateur, sans l’aide d’un professionnel bien informé. Il n’est en effet pas garanti que des résultats qui couvrent une période de dix ans, n’aient pas évolué entretemps, ne fût-ce qu’à cause d’un changement d’équipe ou d’une fusion d’hôpitaux, ou encore d’une courbe d’apprentissage liée à l’introduction d’un nouveau type de prothèse. Ainsi, l’Algemeen Stedelijk Ziekenhuis d’Aalst nous a signalé que les trois phénomènes se sont produits dans l’institution pendant les dix dernières années. A la demande des chirurgiens qui opèrent actuellement sur le campus d’Aalst, nous avons isolé leurs données de celles des autres campus du même hôpital. Pour les deux chirurgiens, nous n’avons retrouvé aucune révision depuis leur entrée en service (2009). Nous avons réalisé un exercice similaire à la demande du campus Ste-Elisabeth des Cliniques de l’Europe, parce que l’équipe qui place les prothèses totales de hanche a été entièrement renouvelée depuis 2011. Pour ce campus, nous ne trouvons également aucune révision dans nos bases de données pour les patients MC depuis 2011. La situation est identique pour le petit nombre de patients MC du campus StMichel des Cliniques de l’Europe. MC-Informations 262 • décembre 2015 11 L’interprétation de cet indicateur demande donc une connaissance affinée de la situation (à demander dans l’hôpital) et des alternatives (à demander à son médecin généraliste ou au médecin conseil). Enfin, ces deux indicateurs sont très sensibles. Comme il n’y a normalement pas beaucoup de révisions, quelques révisions en plus ou en moins sur une période de dix ans, font varier l’indicateur, et ce d’autant plus significativement que les révisions sont précoces. Nous avons comparé ici deux périodes complètes de dix années. La survie moyenne des prothèses était de 92% pour les dix années avant 2004. Elle est de 94,58% pour les dix années avant 2014. Cette amélioration de 2,5% en dix ans représente évidemment un résultat important, puisqu’il s’agit d’améliorer un indicateur déjà excellent au départ. Par contre, se faire opérer dans un des 4 hôpitaux qui ont un taux de survie supérieur à 99%, ne signifie sans doute pas la même chose que de bénéficier d’une PTH élective dans un des quatre hôpitaux où la survie moyenne n’atteint pas 90%. Ziekenhuis Maas en Kempen Maaseik Regionaal Ziekenhuis Heilig Hart Leuven 99% St.-Andriesziekenhuis Tielt 99% Algemeen Ziekenhuis Lokeren Lokeren 99% Algemeen Ziekenhuis Oudenaarde Oudenaarde 81% Algemeen Ziekenhuis St. Blasius Dendermonde 83% Centre Hospitalier Universitaire De Liège Liège 85% Algemeen Ziekenhuis Heilige Familie Reet 86% 99% Pour cette deuxième mesure, le résultat est automatiquement comparé à la moyenne belge, ce qui fait qu’un hôpital qui correspond exactement à cette moyenne à un ratio des risques égal à 1. Un ratio plus petit que 1 signifie que le risque est moindre, un ratio plus grand que 1 signifie que le risque est plus élevé que la moyenne de référence. Sept hôpitaux ont un RRR inférieur à 1 et significativement différent de la moyenne belge. Ceci veut dire que le risque de subir une révision de sa prothèse dans les dix années est plus faible que le risque moyen belge. Nous venons de voir que la chance moyenne de survie d’une prothèse est de 94,58% et donc le risque de révision peut être estimé à environ 5,42%. O.L.V. Van Lourdes Ziekenhuis Waregem 0,36 Regionaal Ziekenhuis Heilig Hart Leuven 0,37 Algemeen Ziekenhuis St.- Maarten Mechelen 0,40 Onze Lieve Vrouwziekenhuis Aalst 0,43 Algemeen Ziekenhuis Jan Palfijn Gent 0,44 Ziekenhuis Oost Limburg Genk 0,54 Algemeen Ziekenhuis Turnhout 0,56 Huit hôpitaux ont un RRR significativement supérieur à 1, ce qui veut dire que le risque de subir une révision de sa prothèse dans les dix années suivantes est plus grand que le risque moyen belge. Des tests statistiques plus poussés sont toutefois nécessaires pour confirmer que ces résultats ne sont pas dus au hasard. Nous savons aussi que ce premier calcul peut être influencé par la nature des patients qui se présentent à l’hôpital. C’est surtout l’âge et le sexe, qui peuvent influencer artificiellement le résultat. C’est pourquoi nous avons utilisé une deuxième mesure, le ratio des risques de révision (RRR), car il nous permet de standardiser les données et de rendre les hôpitaux plus comparables les uns aux autres. 12 MC-Informations 262 • décembre 2015 5.2. L’utilité pour les prestataires de soins Cliniques Universitaires (U.C.L.) Mont-Godinne 2,90 Centre Hospitalier Universitaire de Liege Liege 1,90 Centre Hospitalier Peltzer - La Tourelle Verviers 1,90 Europaziekenhuizen Cliniques de l’Europe Brussel 1,89 St.Vincentiusziekenhuis Deinze 1,84 Cliniques Du SudLuxembourg Arlon 1,73 Ziekenhuisnetwerk Antwerpen Antwerpen 1,69 GZA- Ziekenhuizen Wilrijk 1,40 Il faut toutefois signaler que l’âge et le sexe ne sont pas les seuls facteurs qui peuvent influencer le risque de révision. La pathologie sous-jacente et l’état de santé du patient au moment de l’intervention jouent évidemment aussi un rôle, ce qui pourrait défavoriser, par exemple, les hôpitaux universitaires ou ceux qui se sont spécialisés dans certaines indications complexes. En conclusion, est-ce que Nicolas est mieux à même de choisir la meilleure solution par lui-même que sans toutes ces informations ? Nous sommes convaincus que oui, même si nous savons qu’il aura besoin d’aide pour trouver son chemin malgré tout. Et son médecin généraliste et son médecin-conseil seront eux aussi mieux informés pour l’orienter en fonction des éléments importants pour lui. Par ailleurs, à partir de ces données, Nicolas saura aussi mieux quelles questions il doit poser et à qui. Mais le tableau ne lui permet évidemment pas de choisir un hôpital qui soit excellent pour tous les indicateurs. Et sans doute y a-t-il encore d’autres informations dont il a besoin. Nous y reviendrons. Même s’ils ne le verront peut-être pas immédiatement comme cela, nous sommes également convaincus que les chirurgiens et plus largement les équipes multidisciplinaires qui vont prendre en charge le patient avant, pendant et après son séjour hospitalier, sont les autres grands bénéficiaires d’une publication transparente des résultats. Le principal avantage potentiel pour ces équipes est de mieux définir des objectifs d’amélioration réalistes et d’identifier des lieux d’échange d’expériences avec des institutions comparables en termes de taille de l’hôpital et de volume de travail par exemple. Durée de séjour La durée de séjour sera sans doute la donnée à propos de laquelle les équipes de soins sont déjà informées. Elle a des conséquences financières trop importantes pour les hôpitaux pour ne pas être communiquée aux soignants. L’avantage principal d’un benchmark nominatif sera donc de voir quels hôpitaux ont des durées de séjours qui correspondent à celles que l’équipe cherche à atteindre, de façon à échanger à propos des pratiques pertinentes. L’hôpital A peut ainsi prendre contact avec un hôpital B, par exemple dans une autre province, pour étudier ensemble comment réduire d’un ou deux jours la durée de séjour en service aigu ou comment harmoniser certaines pratiques qui augmentent sinon inutilement la variabilité des séjours. Taux de transfusion et de prestations de SI Bien que la prise en compte de ces indicateurs repose essentiellement sur du travail multidisciplinaire interne à l’hôpital, l’échange d’expériences avec des hôpitaux qui présentent des taux inférieurs de 5 à 15% est une des possibilités pour entamer un cycle d’amélioration rapide de la qualité27, par exemple selon la méthode promue par l’Institute for Healthcare Improvement aux USA28. Ces indicateurs évoluent parfois en dent de scie d’année en année d’un hôpital à l’autre. Une analyse interne des déterminants des pratiques tant dans le sens des réductions que des augmentations, serait sans doute très instructive. Les hôpitaux concernés ont toutes les informations nécessaires à leur disposition pour monitorer de tels indicateurs. Coûts de physio- et kinésithérapie Pour les soignants, cet indicateur reflète une partie de la collaboration multidisciplinaire au sein et en dehors des murs de l’hôpital. Il pose aussi la question de l’efficacité relative de la kinésithérapie par rapport à des alternatives comme l’éducation et la motivation du patient, un sujet de débat dans le cas des PTH électives. Il met l’accent sur la nécessité d’adapter les soins aux objectifs et aux capacités de chaque patient. Ici aussi donc, l’échange d’expériences avec un ou deux hôpitaux dont les coûts sont inférieurs de par exemple 20% peut représenter une première étape dans l’amélioration recherchée. MC-Informations 262 • décembre 2015 13 Coûts des soins Que ce soient les coûts remboursés par l’assurance maladie ou ceux qui restent à charge du patient, le point de vue des mutualités est évidemment, qu’à qualité égale, une facture plus réduite est une bonne chose. Le point de vue des hôpitaux et des prestataires pourrait être différent, mais une déviation majeure par rapport aux pratiques les plus courantes devrait néanmoins susciter analyse et réflexion. Ici aussi, la comparaison avec les pratiques d’un hôpital avec des coûts inférieurs de 10 à 20% est sans doute le scenario optimal pour entamer des actions concrètes. La négociation sera évidemment délicate, puisqu’une réduction éventuelle ne pourra jamais provenir des efforts d’un seul membre de l’équipe. L’information du patient sur ce que coûtent ses soins et sur ce qu’il devra payer de sa poche, est sans doute une des responsabilités les plus difficiles à réaliser actuellement pour les prestataires. La publication de nos informations peut sans doute contribuer à une meilleure information. Le niveau de détail optimal reste toutefois à déterminer. Les résultats des soins Tout en tenant compte des remarques formulées plus haut, ces indicateurs-ci sont ceux qui interpellent le plus directement les chirurgiens. Et pourtant, nos analyses ont montré depuis des années que les résultats dépendent aussi des caractéristiques du patient, du type de prothèse et de l’organisation des soins à l’hôpital. Les équipes multidisciplinaires les analyseront donc en fonction de ces différents facteurs de façon à pouvoir comprendre et profiter de l’expérience des hôpitaux les plus proches du benchmarkb. Pour les prestataires et les institutions, il y a donc potentiellement de grands bénéfices à chercher dans la comparaison non anonyme des résultats. 6. Pourquoi avons-nous dû alors attendre si longtemps leur publication ? C’est que les risques liés à une telle publication ne sont en fait pas négligeables non plus et le choix des modalités est donc un autre aspect important du débat actuel. Le principal risque à nos yeux est la publication de données fausses. La première précaution contre ce risque est la vérification des données par les équipes de soins dans les hôpitaux. Nous avons donc adressé les données complètes à tous les hôpitaux et aux associations scientifiques d’orthopédie et de traumatologie au mois d’août 2015. Nous avons intégré ici les remarques pertinentes que les équipes hospitalières nous ont signalées. Dans un cadre scientifique et politique, un bénéfice important en matière de qualité des soins peut justifier la publication transparente de données, même imparfaites. Un exemple clair est la diffusion par l’Agence Intermutualiste des données de volumes de travail sur les oesophagectomies et les pancréatectomies en Belgique29. Il s’agit évidemment d’un indicateur indirect et donc imparfait, mais le lien scientifiquement démontré avec le résultat des soins justifie l’urgence de concentrer les patients dans des centres experts. La société et les gestionnaires du système de santé sont demandeurs de telles publications. La suppression des risques et l’utilisation plus efficiente des ressources bénéficieront à terme également aux équipes hospitalières. Mais c’est surtout dans un cadre commercial, que le risque est très important de voir publier des données fausses pour favoriser les intérêts matériels et financiers d’un partenaire ou l’autre du système. C’est pourquoi dans le cadre de l’étude sur les PTH, une collaboration a été recherchée avec les hôpitaux et les associations scientifiques. Cette collaboration n’a toutefois pas permis encore, ni pour nos études, ni dans le cadre du projet VIP², d’aboutir à un jeu d’indicateurs consensuels. Nous espérons que la publication de nos données permettra aux différents acteurs en place de faire le pas vers une transparence plus rationnelle. Le deuxième risque est la mauvaise interprétation d’un résultat correct. Chaque acteur du système de soins interprète évidemment les résultats présentés en fonction de ses propres objectifs et attentes. La tension entre l’amélioration attendue de la qualité et la rentabilité économique accrue des institutions explique aisément les principales différences de point de vue. La troisième difficulté est liée au sentiment aigu d’être jugé (ou même « puni ») par la publication de résultats peu favorables. Cette difficulté est encore augmentée par l’utilisation possible des résultats pour attribuer une responsabilité civile ou b 14 Rappelons que le benchmark correspond au meilleur résultat de la comparaison et donc pas à la moyenne. MC-Informations 262 • décembre 2015 même pénale. Cette difficulté fait partie intégrante de notre démarche. La MC en est consciente et est donc demandeuse de collaborations et de négociations rationnelles pour définir ensemble comment exploiter au mieux les données dont disposent les mutuelles pour améliorer en même temps l’information des patients et des prestataires, la gestion du système de santé et la qualité des soins. 7.Discussion Tout résultat de soins est l’aboutissement d’une conjonction de facteurs. L’analyse statistique d’un nombre nécessairement limité d’indicateurs, laissera toujours l’un ou l’autre acteur du système sur sa faim ou frustré. L’argumentation éthique n’est jamais loin, car les intérêts des patients, des soignants et des organisateurs ou des financeurs du système sont parfois non congruents. L’absence d’analyse et l’absence de transparence mènent évidemment aux arguments éthiques inverses. Nos études souffrent de plusieurs limitations, dont nous avons déjà évoqué les principales dans ce qui précède. • Nous travaillons sur des données de la MC. Nos membres ne consultent pas suffisamment certains hôpitaux pour que nous puissions décrire leur fonctionnement de façon fiable. Des lecteurs attentifs auront remarqué l’absence par exemple du CHU Erasme, du CHU de Charleroi ou de l’hôpital de Tivoli dans nos analyses. Dans la partie francophone du pays, ceci peut donc représenter un biais important. La solution évidente est de recourir aux bases de données de l’Agence Intermutualiste30 pour de futures études. • Nos données sont plus récentes que d’autres, mais il y a inévitablement un délai de production pour des analyses aussi détaillées et complexes que celles-ci. Il se peut donc que certains éléments aient changé entre la fourniture des soins et la publication de nos chiffres. Nous avons déjà cité les changements de prestataires ou de type de prothèse. Ce défaut sera d’autant plus réduit que la production des analyses pourra se faire en ‘temps réel’ et donc à la demande et avec la participation des équipes hospitalières. • Deux de nos indicateurs sont basés sur des cohortes observées pendant dix ans. Les changements qui se sont opérés entre le début et la fin de l’observation sont nécessairement agrégés dans les résultats. Des analyses à plus court terme de la survie des prothèses ont déjà été faites en Belgique. Elles ne permettent pas de différencier les pratiques. • Nous travaillons à l’échelle des hôpitaux. Des analyses plus fines pourraient se faire au niveau des sites, des équipes de soins ou même de chirurgiens individuels. Ceci demandera aussi, au minimum, de travailler sur les données de l’Agence Intermutualiste. La protection de la vie privée devra être mise en balance avec les bénéfices attendus en matière de qualité des soins. Nos études ne prétendent évidemment pas être un facteur de changement en isolation de tout ce qui se fait par ailleurs pour améliorer la qualité et optimiser les coûts des soins. Pendant la période observée, bon nombre d’hôpitaux ont développé d’autres modes d’organisation multidisciplinaire des soins, les protocoles opératoires et les types de prothèses ont évolué, la nomenclature de remboursement et certaines autres modalités de financement (paiement du Budget des Moyens Financiers des hôpitaux en douzième, forfaitarisation des médicaments ou montants de référence par exemple) ont changé. Les contrats qualité-sécurité du SPF SPSCAE, un soutien aux activités transfusionnelles, la production d’autres indicateurs et la mise en place de projets organisationnels influencent directement ou indirectement les pratiques. Malgré tous ces efforts, du travail reste apparemment à accomplir pour garantir à tous les citoyens un accès à des soins de qualité dans tous les hôpitaux du pays. La publication d’études sur la qualité des soins ne représente qu’une petite partie de ces efforts, petite mais essentielle. On peut se demander si le travail fourni par la MC pendant 15 ans n’est pas du genre ‘Too little, too late’. De nouvelles initiatives se mettent en place auxquelles il sera sans doute plus efficient de contribuer dans le futur. Aujourd’hui, la collaboration de l’AIM-IMA avec VIP², PAQS et autres healthdata.be est déjà une réalité. Le remplissage du registre Orthopride doit devenir une habitude et être géré en commun par les professionnels et les gestionnaires de banques de données. Des incidents comme ceux des prothèses à large tête métal-métal31 peuvent être prévenus par une meilleure politique d’autorisation des implants. D’autres indicateurs que ceux que nous présentons ici devraient compléter les analyses actuelles. L’organisation ICHOM32 (International Consortium for Health Outcomes Measurement) propose de calculer les résultats des soins à partir de données fournies, entre autres, par les hôpitaux eux-mêmes, au sein d’un benchmarking planétaire. Une de ses principales sources de données correspond aux Patient Reported Outcome Measurements (PROM), sans doute la mesure la plus appropriée dont nous pouvons disposer pour connaître les résultats réels des soins, ceux vécus par le patient. MC-Informations 262 • décembre 2015 15 Ces PROM doivent être combinés à des enquêtes qui décrivent le vécu des soins (Patient Reported Experience Measurment ou PREM) et la satisfaction. Les mutualités sont extrêmement bien placées pour adresser aux patients les questionnaires correspondants et pour lier leurs réponses aux soins qui ont été prestés. La figure 1 reprend le jeu d’indicateurs proposés par ICHOM. Les recommandations de pratique clinique prennent de plus en plus de place dans la pratique des soins. Des incitants financiers liés au respect de ces recommandations, ou mieux encore aux résultats cliniques des soins, pourraient à terme compléter les incitants plus classiques à la production de soins, comme le paiement à l’acte actuel33. Tous ces efforts doivent viser à fournir aux patients des soins qui sont objectivement, pour tous les partenaires du secteur, de la meilleure qualité possible. Rappelons, si besoin en était, que l’Institute of Medicine américain34 définit de tels soins comme des soins : • centrés sur le patient, dont on connaît donc les attentes, les perceptions et le vécu, mais aussi les risques individuels ; • équitables et qui ne sont donc pas réservés à ceux qui ont les moyens de se les payer ; • sûrs et qui ne provoquent donc pas eux-mêmes de lésions indépendantes de la pathologie initiale ; • prestés au bon moment et donc non seulement dans la bonne séquence, mais aussi au bon moment de la vie et de la pathologie du patient. Peu de personnes remettent en cause ces six critères. Leur réalisation dépendra de la conjonction de beaucoup d’initiatives. Le calcul, l’analyse et la publication d’indicateurs de performance et de qualité transparents, au sein de projets qui regroupent tous les acteurs du système de santé, en font certainement partie. La MC à partir de ses études sur les PTH et des collaborations créées dans ce contexte, cherche à s’inscrire dans cette mouvance. • efficaces et qui donc améliorent la santé des patients ; • efficients et qui ne demandent donc pas de déploiement de moyens disproportionnés ; Figure 1 : Indicateurs Prothèses Totales de Hanche et de Genou © ICHOM. 16 MC-Informations 262 • décembre 2015 Notes : 1 Diels J. (2000) Prothèse totale de hanche. Variations des pratiques médicales et résultats à long terme. Dossier thématique MC 2. 2 Kerleau M. (1998) L’hétérogénéité des pratiques médicales, enjeu des politiques de maîtrise des dépenses de santé. Sc Soc & santé, 16, 5-34. 3 Ackaert K., de Béthune X. & Mertens R. (2009) Prothèses totales de hanche en Belgique: analyse de suivi. Partie 1. Nombre de prothèses de hanche et coût d’une prothèse totale de hanche. MC-Info 236, 24-32. 4 Ackaert K., de Béthune X. & Mertens R. (2009). Prothèses totales de hanche en Belgique : analyse de suivi. Partie 2. Variation des types de prothèses et durée de survie. MC-Info 238, 3-18. 5 De Béthune X., Boly J., Van Dooren J., Gillet P. & Ackaert K. (2011) Prothèses totales de hanche en Belgique : Une analyse détaillée des pratiques et résultats sur les prothèses totales de hanche: Et après ? MC-Info 245, 20-24. 6 de Béthune X., Ackaert K., Gillet P. & Van Dooren J. (2014) Total hip arthroplasty in Belgium: the contribution of a social health insurer to the debate. Acta Orthopaedica Belgica, 80, 348-356. 7 https://docs.vlaamsparlement.be/docs/stukken/2009-2010/g191-1.pdf 8 http://www.google.be/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=0CCsQFjACahUKEwjt36v_4bTHAhULtBQKHR_ICDM&url=http%3A %2F%2Fsocialsante.wallonie.be%2Fsites%2Fall%2Fmodules%2FDGO5_MoteurRecherche%2Fdownload.php%3Fdownload_file%3D2015_plan%2520wallon%2520qualite %2520des%2520soins_hospitalierscirculaire.pdf&ei=TEPUVe2JMovoUp-Qo5gD&usg=AFQjCNGXdG8OWpI8o0oGXc4SHvSjuwJ-gQ 9 https://www.zorg-en-gezondheid.be/kwaliteitsindicatorenziekenhuizen/ 10 www.paqs.be 11 http://www.deblock.belgium.be/fr/maggie-de-block-lance-la-r%C3%A9forme-du-financement-des-h%C3%B4pitaux 12 Ackaert K. & de Béthune X. (2015) Nicolas a une hanche qui flanche. MC-Info 261, 23-36. 13 Jacques J. & Kohl P. (2012) Les données de routine. Un instrument d’amélioration de la qualité des soins ? Hospitals.be 4, 15-17. 14 Smolders K., Den Ouden A., Nugteren W. & Van der Wal G. (2012) Does public disclosure of quality indicators influence hospitals’ inclination to enhance results ? Intl Jl Qual Health Care, 24, 129-134. 15 Vanhaecht K. (2012) De pers en transparantie over de kwaliteit van de zorg. Avonddebat: 17/11/2012. Departement Maatschappelijke Gezondheidszorg, KU Leuven. 16 Voir par exemple : http://www.sudinfo.be/1229461/article/2015-03-05/toutes-les-ecoles-de-wallonie-et-bruxelles-ont-recu-un-indice-sur-20-qui-permet http://worldtop20.org/global-universities?gclid=CNabgu_6r8cCFVMatAodPT4Ijg http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2008/06/03/01016-20080603ARTFIG00003-le-palmares-de-l-efficacite-de-la-police-ville-par-ville.php http://landingieu.ie.edu/ie-university-nb?gclid=CO322LL6r8cCFYbItAodFysKWg 17 Brandhome (2010). De grote ziekenhuisenquête. 18 http://vlaamspatientenplatform.be/ 19 http://www.zorg-en-gezondheid.be/kwaliteitsindicatorenziekenhuizen/ www.zorgkwaliteit.be 20 http://www4.vlaanderen.be/wvg/zorginspectie/inspectieverslagen/Paginas/ziekenhuizen_verslagen.aspx 21 de Béthune X., Segouin C., Mertens R. & Dusauchoit T. (2007) Premiers pas de l’accréditation hospitalière en Belgique : l’évaluation d’un exercice exploratoire. Journal d’Economie Médicale 25, 239-249. 22 https://docs.vlaamsparlement.be/docs/stukken/2009-2010/g191-1.pdf 23 www.paqs.be 24 http://www.scopesante.fr/ 25 http://www.igz.nl/actueel/nieuws/het_resultaat_telt_ziekenhuizen_2013.aspx 26 Voir par exemple le numéro récent du Point en France (20/8/2015) qui publie comme chaque année, le palmarès des hôpitaux français. 27 Maguerez G. (2005) L’amélioration rapide de la qualité. Presses de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, Rennes (http://www.presses.ehesp.fr/hopital/ management/hors-collection/Details/136/65/hopital/conduite-du-changement-et-gestion-des-ressources-humaines/hors-collection/lamelioration-rapide-de-la-qualitedans-les-etablissements-sanitaires-et-medico-sociaux.html). 28 Institute for Healthcare Improvement (2003). The Breakthrough Series. IHI’s Collaborative Model for Achieving Breakthrough Improvement. http://www.ihi.org/ resources/Pages/IHIWhitePapers/TheBreakthroughSeriesIHIsCollaborativeModelforAchievingBreakthroughImprovement.aspx 29 http://www.nic-ima.be/Communique-de-presse-Mutualites-et 30 www.ima-aim.be 31 https://www.depuysynthes.com/asrrecall http://www.stryker.com/en-us/products/Orthopaedics/modularneckstems/index.htm 32 http://www.ichom.org/medical-conditions/hip-knee-osteoarthritis/ 33 De Maeseneer J, Aertgeerts B, Remmen R & Devroey, D. (2014) Together we change. Eerstelijnsgezondheidszorg: nu meer dan ooit! Brussel. https://www. uantwerpen.be/images/uantwerpen/container2146/files/together-we-change-2edruk.pdf 34 Kohn L., Corrigan J. & Donaldson M. (2000) To err is human. Building a safer health system. The National Academies Press. Washington. http://www.nap.edu/ catalog/9728/to-err-is-human-building-a-safer-health-system MC-Informations 262 • décembre 2015 17 Consommation de soins de santé Recours aux urgences hospitalières : exploration des données de la MC Hervé Avalosse, Agnès Chapelle, Fabienne van Sloten - département R&D Résumé En Belgique, le volume des passages aux urgences est en croissance d’environ 5% par an. A l’aide des données de facturation de la MC, nous pouvons dresser le profil des usagers. Ce sont les jeunes enfants, les personnes âgées, des populations plus précarisées ou ayant moins de revenus, comme les bénéficiaires de l’intervention majorée, du revenu d’insertion sociale, les invalides qui ont davantage recours aux urgences hospitalières. Autres caractéristiques des passages aux urgences : • dans deux tiers des cas, c’est à l’initiative de l’usager ; • dans 44% des cas, le passage aux urgences a eu lieu la nuit, le week-end ou durant des jours fériés ; •dans 40% des cas, les passage aux urgences est suivi d’une admission hospitalière ou de soins dans le cadre d’une hospitalisation de jour. Mentionnons encore l’existence de différences régionales significatives : les Wallons et les Bruxellois ont une plus grande propension à recourir aux urgences hospitalières. Mots-clés : recours aux urgences, profil, consommation de soins, soins hospitaliers 1.Introduction Dans l’actualité, reviennent souvent des considérations et les commentaires sur la fréquentation des urgences. Beaucoup pointent que cette fréquentation est en augmentation constante et s’interrogent à ce sujet. Le but du présent article est de donner, à l’aide des données de la MC, une idée du profil des usagers des urgence : qui sont-ils ? Quel est leur profil 18 socio-démographique ? Nous abordons également quelques caractéristiques du passage aux urgences : quand y va-t-on ? Sur initiative de qui ? Enfin, dans la mesure du possible, nous présenterons une mise en perspective avec quelques données d’autres pays européens. MC-Informations 262 • décembre 2015 2. Volume global de passages aux urgences Nous détectons1, dans les données de facturation, ces passages aux urgences hospitalières via les honoraires pour la prise en charge urgente dans une fonction reconnue de soins urgents spécialisés2 (application à partir du 1er juillet 2007). Globalement, en Belgique, le volume de passages3 aux urgences se situe à un peu plus de 2,56 millions de passages en 2014. Ce volume est en croissance soutenue, à raison de 5% par année (pour la période 2008 à 2014). En comparaison4, le volume d’admissions hospitalières, tout type confondu, a cru, sur une période de 10 ans (de 2003 à 2013), à raison de 2,9% par an. Si on singularise les hospitalisations de jour (chirurgicales et non chirurgicales), leur rythme de croissance est de 5,2% par an, tandis qu’il est d’environ 1% du côté des admissions classiques. Est-ce beaucoup ? Ces tendances sont-elles observées dans d’autres pays ? Au Tableau 1 figurent quelques informations relatives à nos pays voisins. Si on exprime le volume de passage par an et par 10.000 habitants, la Belgique se situe à 2.240, la France à 2.275, l’Allemagne à 2.470, la Grande-Bretagne à 3.300. Le volume de passage aux urgences observé dans notre pays est donc comparable à nos voisins. A noter que les Pays-Bas ont un volume de passages aux urgences nettement plus faible (de l’ordre de 1.130 à 1.300 par 10.000 habitants). 3. Profil socio-démographique des personnes qui ont fréquenté les urgences hospitalières Pour donner ce profil, concentrons-nous sur les données relatives aux membres de la MC. Globalement, au cours de l’année 2013, près de 14% de nos membres ont eu recours aux urgences hospitalières (au moins une fois sur l’année). Comment varie cette fréquence en fonction de l’âge, du sexe, du statut social ? Figure 1 : Volume de passages aux urgences par année de facturation – données INAMI 3.000.000 2.500.000 2.000.000 1.921.569 2.144.030 2.193.351 2009 2010 2.376.572 2.484.726 2012 2013 2.560.518 2.295.994 1.500.000 1.000.000 500.000 0 2008 2011 2014 Source : Période 2010-2014 : INAMI. Rapport standardisé concernant les dépenses comptables de l’année 2014. Note CSS 2015/74 Période 2008-2009 : INAMI. Rapport standardisé. Secteur 1.4. HONORAIRES MEDICAUX – CONSULTATIONS, VISITES ET AVIS, dates de publication : mai 2010, mai 2011 1 Attention, les données de facturation détenues par les mutualités ne couvrent pas l’entièreté de l’activité des services d’urgences des hôpitaux. Comme le souligne AlterEchos : « 11% des personnes hospitalisées en 2012 dans le réseau des hôpitaux publics bruxellois (Iris) n’étaient pas en ordre de mutuelle. C’est aussi la situation de 10% de personnes qui arrivent aux urgences de la clinique Saint-Jean, structure privée située entre Rogier et Botanique, dans le centre de Bruxelles. Également au cœur de la capitale, dans le quartier populaire et de plus en plus trendy des Marolles, l’Hôpital Saint-Pierre. En 2013, on y a mené 13.000 enquêtes sociales (enquêtes administratives ayant pour but l’octroi de l’aide médicale urgente aux personnes sans droit de séjour) et 2.500 interventions sociales concernant des sans-abri ont été réalisées. Sans-abri, sans-papiers… les patients précaires ont des profils divers et cumulent les problématiques (problèmes de logement, de santé mentale, d’alcoolisme…). Pour beaucoup, la salle d’urgence est la seule porte d’entrée au système de soins. » http://www.alterechos.be/fil-infos/pourquoi-hopitaux-et-premiere-ligne-veulent-et-doivent-se-parler-davantage 2 Prestations de l’article 25 de la nomenclature, section 12, §3bis. 3 Nombre de passages = nombre de cas pour les codes suivants : 590516, 590531, 590553, 590575, 590634, 590656, 590671, 590693, 590752, 590774, 590796, 590811. 4 D’après le graphique 1, provenant de : Crommelynck A, Wantier M. 2015. 10ème Baromètre MC de la facture hospitalière – Chambre individuelle : toujours plus chère. MC-Informations 259 : 17-38. MC-Informations 262 • décembre 2015 19 Tableau 1 : Volume de passage aux urgences dans quelques pays européens PAYS (population) Nombre de passages aux urgences (million/an) Nombre de passages aux urgences par 10.000 habitants Progression du nombre de passages aux urgences BELGIQUE 5 (11,15 millions) 2,56 (2014) 2.300 5% / an FRANCE6 (66,3 millions) 18,4 (10,6 millions de personnes dont ¼ font plusieurs passages/an) 2.275 30% en 10 ans 21 2.275 ALLEMAGNE7 (80,9 millions) >20 12 (2007) 2.470 8% en 2007 PAYS-BAS (16,8 millions) Estimation de 1,9 à 2,2 (2011) de l’ordre de 1.130 à 1.300 2% à 4% / an GRANDE-BRETAGNE (63,7 millions) 3.1. Par âge et sexe (Figure 2) La proportion de membres MC qui ont eu recours aux urgences au cours de l’année 2013 ne varie pas beaucoup en fonction du sexe : 14,4% pour les hommes, 13,3% pour les femmes. Le profil par âge est également très comparable tant pour les hommes que les femmes : on voit poindre les jeunes enfants de 1 à 4 ans et, surtout, les personnes plus âgées, à partir de 75 ans. Par contre, si on se concentre sur les jeunes chômeurs, on voit que la proportion d’entre eux qui ont été aux urgences est de 26% lorsqu’ils ont 20 à 24 ans, 21,5% lorsqu’ils ont 25 à 29 ans. Ces proportions sont plus élevées que celles observées pour tous les 20-24 ans, 25-29 ans, indépendamment du fait qu’ils travaillent ou pas. 3.2. Critères sociaux (Figure 3) 3.3. Selon le lieu de résidence (Figure 4) Le pourcentage de passages aux urgences est plus élevé pour certaines catégories de personnes comme les bénéficiaires de l’intervention majorée (21%), les bénéficiaires du revenu d’insertion sociale (28%), les bénéficiaires de la garantie de revenus aux personnes âgées (19,5%), les familles monoparentales8 (19%). La proportion de membres MC qui ont eu recours aux urgences au cours de l’année 2013 varie beaucoup en fonction du lieu de résidence des membres. Dans l’arrondissement de Roulers, la proportion de membres des MC ayant été aux urgences est la plus faible : 9%. Par contre, pour les membres de la MC qui résident dans l’arrondissement de Soignies, cette proportion est la plus élevée : 21%. D’une façon générale, par Région, la proportion est plus faible en Flandre (13%), qu’en Wallonie (18%) et qu’à Bruxelles (19%). Pour les personnes sous statut d’invalide ou de personne handicapée (d’après leur code de titulaire), ce même pourcentage s’élève à, respectivement, 20% et 21,4%. Lorsqu’on considère ces chômeurs dans leur globalité, indépendamment de leur âge, la proportion d’entre eux à aller aux urgences n’est pas plus élevée9 que celle observée pour l’ensemble de la MC (elle est même un peu plus faible : 12,6%). 5 INAMI. Rapport standardisé concernant les dépenses comptables de l’année 2014. Note CSS 2015/74. 20 6 Cour des comptes, Sécurité sociale 2014, Chapitre XII – Les urgences hospitalières : une fréquentation croissante, une articulation avec la médecine de ville à repenser, septembre 2014 (www.ccomptes.fr). 7 Academic Emergency Medicine, December 2011, Vol. 18, N°12, p.1363. 8 Il s’agit des familles composées d’un adulte et d’un ou plusieurs enfants (moins de 18 ans), d’après la composition familiale au sens du Maximum A Facturer (MAF). 9 Une étude des mutualités socialiste faisait déjà les mêmes observations sur base de leurs données de 2008 : « Les chômeurs de longue durée font figure d’exception avec un taux de recours [aux urgences] inférieur à la moyenne. ». In : De Wolf F, Van Overloop J. 2011. Analyse de profil des patients recourant aux urgences hospitalières. UNMS. Direction Etudes. p.7. MC-Informations 262 • décembre 2015 Figure 2 : Proportion de membres de la MC qui ont eu recours aux urgences hospitalières au moins une fois au cours de l’année 2013 – par classe d’âge et sexe 35% HOMMES 32,0% 30% 27,4% 25% 22,3% 21,8% 20% 17,6% 15% 16,1% 14,4% 15,0% 16,7% 16,7% 15,1% 13,6% 14,1% 13,9% 12,8% 12,1% 11,4% 10,9% 10,9% 11,0% 11,8% 10% 5% 90+ 85-89 80-84 75-79 70-74 65-69 60-64 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 20-24 15-19 10-14 05-09 01-04 0 HOMMES 0% 35% FEMMES 30% 28,6% 26,4% 25% 21,0% 20% 15% 18,8% 15,0% 14,4% 13,3% 12,9% 13,2% 15,8% 13,7% 12,7% 12,8% 11,6% 11,7% 10,7% 10% 10,2% 10,0% 10,1% 9,8% 10,6% 5% MC-Informations 262 • décembre 2015 90+ 85-89 80-84 75-79 70-74 65-69 60-64 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 20-24 15-19 10-14 05-09 01-04 0 FEMMES 0% 21 Figure 3 : Proportion de membres de la MC qui ont eu recours aux urgences hospitalières au moins une fois au cours de l’année 2013 – quelques critères sociaux 30% ensemble des membres MC 27,9% 26,0% 25% 21,5% 21,4% 21,1% 20% 20,0% 18,7% 15% 13,8% 12,6% 10% 5% 0% Ensemble des Bénéficiaires membres MC de l'intervention majorée Bénéficiaires du revenu d'insertion sociale Handicapés Invalides Familles chômeurs de monoparentales longue durée chômeurs de longue durée 20-24 ans chômeurs de longue durée 25-29 ans Figure 4 : Proportion de membres de la MC qui ont eu recours aux urgences hospitalières au moins une fois au cours de l’année 2013 – par arrondissement (lieu de résidence du patient) 22% ensemble des membres MC : 13,8% 20% 18% 18,8% 17,7% 16% 14% 12,6% 12% 10% 8% 6% 4% 0% ENSEMBLE VLAANDEREN WALLONIE BRUXELLES-BRUSSEL ROESELARE DIKSMUIDE TIELT KORTRIJK IEPER DENDERMONDE MECHELEN TONGEREN GENT MAASEIK VEURNE LEUVEN TURNHOUT ST-NIKLAAS HASSELT EEKLO HALLE VILVOORDE AALST OUDENAARDE VIRTON BRUGGE NEUFCHATEAU VERVIERS ANTWERPEN OOSTENDE MARCHE-FAMENNE HUY BASTOGNE NIVELLES PHILIPPEVILLE ARLON DINANT WAREMME NAMUR MONS MOUSCRON LIEGE TOURNAI BRUXELLES-BRUSSEL ATH THUIN CHARLEROI SOIGNIES 2% Région 22 Arrondissement MC-Informations 262 • décembre 2015 4. Quelques caractéristiques des passages aux urgences (Figure 5) 4.1. Quand va-t-on aux urgences ? Grâce aux détails des codes de nomenclature attestés, aux dates de prestations, on peut donner des précisions quant au moment où on va aux urgences. Pour les membres de la MC, au cours de l’année 2013, près de 44,3% des passages aux urgences ont eu lieu la nuit, durant un week-end ou des jours fériés. Ce dernier pourcentage varie peu en fonction de l’arrondissement de résidence des patients. Par contre, lorsque les patients sont des nouveaux nés, cette proportion grimpe à 57%. On observe également une proportion plus élevée que la moyenne générale pour les enfants de 1 à 4 ans (51%), les jeunes adultes de 20 à 24 ans (54%), de 25 à 29 ans (52%). 4.2. Qui prend l’initiative d’aller aux urgences ? Cette question n’est pas neutre d’un point de vue financier. En effet, comme l’indique le Tableau 2, la nomenclature prévoit des tickets modérateurs différenciés selon celui qui prend l’initiative d’aller aux urgences. Si le patient vient de sa propre initiative, le ticket modérateur sera plus élevé que s’il est référencé par son médecin (on parle alors de ‘lettre de renvoi’). Si le patient a été adressé directement aux urgences hospitalières via le service 100/112 (ou le SMUR), on considère cette situation comme assimilée à une ‘lettre d’envoi’. Dans près de 34,4% des cas : le patient est arrivé aux urgences hospitalières avec une lettre de renvoi de son médecin traitant. à 78% pour les 90 ans et +. Comme le montre aussi la Figure 6, ce pourcentage varie également selon l’arrondissement où résident les patients. Il est le plus faible dans l’arrondissement de Mons (14,6%), dans la Région de Bruxelles-Capitale (21,7%) . Il est le plus élevé dans les arrondissements d’Arlon (62,8%) et de Virton (62,9%). Par ailleurs, remarquons le fait d’avoir un dossier médical global (DMG) ne semble pas avoir d’influence : la proportion observée de membres MC avec un DMG et qui ont eu recours aux urgences hospitalières est quasi identique à celle des membres sans DMG10. 4.3.Le passage aux urgences est-il suivi d’une admission hospitalière ? Dans près de 31% des cas, le passage aux urgences a mené à une admission hospitalière classique (donc, le patient a séjourné au moins une nuit à l’hôpital). Si on tient compte des hospitalisations de jour qui ont eu lieu le même jour que le passage aux urgences, alors ce pourcentage monte à 40%. La proportion de passages aux urgences suivis d’une admission hospitalière et/ou de soins d’hospitalisation de jour varie en fonction de l’âge : plus élevée pour les nouveaux nés (36%), puis en diminution jusqu’à 10-14 ans (12%), ensuite en augmentation croissante avec l’âge (à 60-64 ans, on atteint les 50%, à 90 ans et + : 80%). Cette même proportion varie selon la Région où résident les patients : pour les wallons (36%) et bruxellois (29%), le passage aux urgences est moins fréquemment suivi d’une hospitalisation (classique ou de jour) que pour les patients flamands (43%). Ce pourcentage global varie beaucoup et linéairement en fonction de l’âge du patient. De 13% pour les nouveaux nés Tableau 2 : Ticket modérateur à charge du patient suite à un passage aux urgences et/ou contact avec un médecin généraliste 2015 Bénéficiaire de l’intervention majorée Assuré ordinaire • Sans ‘lettre de renvoi’ 11,23 € 20,21 € • Avec ‘lettre de renvoi’ 1,67 € 4,5 € Consultation d’un médecin généraliste 1,5 € 6€ Consultation d’un médecin généraliste, puis renvoi aux urgence 3,17 € 10,5 € Passage aux urgences 10 Déjà constaté également par l’étude des mutualités socialistes. MC-Informations 262 • décembre 2015 23 proportion d'urgences proportion d'urgences proportion d'urgences Figure 5 : Part des passages aux urgences selon quelques caractéristiques – données MC 2013 suivies d'une admission ou d'une hospitalisation de jour 39,9% autres situations 60,1% sans renvoi 65,6% via renvoi du médecin généraliste, via service 100 34,4% la nuit, le week-end, les jours fériés 44,3% 55,7% en journée (du lu au ve) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% Figure 6 : Proportion d’urgences via renvoi du médecin (service 100/112) ou non, par arrondissement (lieu de résidence du patient) – données MC 2013 SANS lettre d'envoi AVEC lettre d'envoi 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% MONS BRUXELLES-BRUSSEL CHARLEROI TOURNAI ATH SOIGNIES NIVELLES LIEGE ANTWERPEN MOUSCRON WAREMME MARCHE-FAMENNE BASTOGNE PHILIPPEVILLE THUIN NAMUR VERVIERS MECHELEN ST-NIKLAAS DINANT ROESELARE HALLE VILVOORDE OUDENAARDE MAASEIK EEKLO HASSELT BRUGGE KORTRIJK VEURNE OOSTENDE HUY IEPER TONGEREN AALST TURNHOUT TIELT LEUVEN GENT DIKSMUIDE NEUFCHATEAU DENDERMONDE ARLON VIRTON ALL 0% 24 MC-Informations 262 • décembre 2015 5. Quelques réponses proposées à l’étranger Suite à des constats similaires, d’autres pays européens ont tenté de mettre en place des réponses pour éviter que le patient ne s’adresse directement aux urgences hospitalières quand ce n’est pas nécessaire médicalement. Pour répondre à la problématique de la disponibilité des prestataires aux heures tardives, les week-ends et jours fériés le Royaume-Uni a mis en place deux types de structures : •Les WICs (Walk in Centres), des centres médicaux sans rendez-vous qui offrent une prise en charge par une infirmière 7 jours sur 7 jours de 7h00 à 22h00. A l’origine, ces WICs étaient implantés près des lieux de travail, dans des gares. Ils sont maintenant intégrés dans les départements des urgences des hôpitaux. •Les MIUs (Minor injuries units) sont des unités de prise en charge des petits traumatismes souvent intégrés dans des WICs ou d’autres structures de soins primaires. Elles offrent un accès à un médecin généraliste 7 jours sur 7 jours sans rendez-vous. Aux Pays-Bas, les coopératives de médecins généralistes accueillent les patients en dehors des heures ouvrables (de 17h00 à 8h00) et le week-end. Certaines sont intégrés aux services des urgences des hôpitaux. En France, les maisons médicales de garde se mettent peu à peu en place. Elles sont un lieu d’accueil physique des patients, ouvert à la population sans discrimination, sans prise de rendez-vous, aux heures de fermeture des cabinets médicaux. Les soins médicaux y sont dispensés sous forme de consultation. La plupart sont établies dans un établissement de santé ou d’hébergement et accessibles en semaine de 20h00 à 24h00 et le dimanche de 8h00 à 20h00 ou 24h00 selon les cas. Le patient s’y présente directement ou sur conseil du numéro d’appel d’urgence 15 (112). Une application similaire existe aux Pays-Bas avec moetiknaardedokter.nl qui fonctionne sur base d’une série de questions. Il donne aussi un lien vers le site thuisarts.nl où le patient peut trouver des informations de santé. Un système de régulation médicale par téléphone existe aussi en France dans certains départements. Il s’agit d’une plate-forme téléphonique ou des médecins libéraux et des permanenciers orientent le patient. Face à ces dispositifs, il s’agit d’être prudent et d’évaluer leur impact sur la fréquentation du service des urgences. 6.Conclusion Si dans notre pays, le volume de passages aux urgences est en augmentation, il soutient toutefois la comparaison avec d’autres pays voisins. Du côté des utilisateurs des urgences, l’exploration des données de la MC nous permet de dresser un profil de ceux et celles qui recourent davantage aux urgences : ce sont les jeunes enfants, les personnes âgées, des populations plus précarisées ou ayant moins de revenus, comme les bénéficiaires de l’intervention majorée, du revenu d’insertion sociale, les invalides … Dans deux tiers des cas, ceux qui se rendent aux urgences l’ont fait de leur propre initiative, alors que le ticket modérateur est plus élevé. Dans 44% des cas, le passage aux urgences a eu lieu la nuit, le week-end ou durant des jours fériés. Dans 40% des cas, il est suivi d’une admission hospitalière ou de soins dans le cadre d’une hospitalisation de jour. Mentionnons encore des différences régionales significatives : les Wallons et les Bruxellois ont une plus grande propension à recourir aux urgences hospitalières. Et c’est bien plus souvent dans les arrondissements wallons et à Bruxelles que ce passage aux urgences se fait à l’initiative du patient lui-même et non du médecin. Pour encourager les patients à d’abord consulter un médecin généraliste ou prendre un avis médical avant de se rendre aux urgences, différents outils sont développés. Au Royaume-Uni, le NHS propose un numéro de téléphone gratuit de conseils. Une infirmière spécialisée répond aux appels, donne des conseils et si la situation le requiert transfert l’appel à un département paramédical qui envoie une ambulance. Le service de santé public anglais a également développé une application pour « smartphone » aussi accessible sur Internet nommée « symptom checker ». Cet outil donne des informations pour selon la situation, se soigner soi-même, gérer les symptômes avant de consulter un médecin ou prendre la décision de contacter les urgences11. 11https://www.nhs.uk/symptom-checker/ MC-Informations 262 • décembre 2015 25 Les inégalités en santé Les inégalités en santé chez les membres des MC : ne pas avancer, c’est reculer. Hervé Avalosse, Sigrid Vancorenland et Rebekka Verniest Département R&D Avec nos remerciements à Annemie De Ranter (CM Oostende – KAAP) Paul Raymakers (CM Leuven) Sylvain Duhayon (MC Hainaut Picardie) Anne-Laure Mignot (MC Verviers-Eupen) Résumé Diverses études se sont déjà penchées sur le phénomène de l’inégalité en santé ou le fait qu’il existe des différences en matière de santé selon la position que l’on occupe sur l’échelle sociale. Les MC l’ont elles aussi mis en lumière explicitement en 2008. Dans une étude, elles ont démontré l’inégalité en santé à partir d’une analyse des données de leurs membres. Depuis, de nombreuses initiatives ont été prises, notamment dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire, en vue de rendre les soins de santé plus accessibles et abordables. D’autre part, il y a eu la crise économique mondiale, dont on sait qu’elle exerce également un impact sur l’inégalité. La question est donc de savoir comment la situation a évolué ces dernières années. C’est pourquoi, cet article examinera, pour un certain nombre d’indicateurs, dans quelle mesure l’inégalité sociale est encore d’actualité en 2012 et comment celle-ci a évolué depuis la première étude basée sur les données de 2006. Pouvons-nous espérer un effet positif de ces mesures ? Ou cette mise à jour confirmera-t-elle les conclusions d’autres études, selon lesquelles l’inégalité continue obstinément d’exister, voire même augmente dans certains domaines ? Nos analyses récentes ne sont malheureusement pas toujours très encourageantes. Pour de nombreux indicateurs, l’inégalité n’a pas baissé. Dans le meilleur des cas, nous observons une stagnation, mais il est même parfois question d’une hausse de l’inégalité. Cet article vise néanmoins à attirer l’attention sur quelques mesures positives prises par les autorités tant fédérales que régionales. Car nous sommes convaincus de la valeur de ces mesures, qui ont eu un impact positif indéniable. Par conséquent, l’inégalité constitue une conjonction de nombreux facteurs, qui font des mesures en matière de soins de santé des conditions d’amélioration indispensables mais souvent insuffisantes. À titre d'exemple, nous attirerons l'attention sur quelques projets concrets des mutualités chrétiennes régionales. En effet, la lutte contre l'inégalité en général, et donc aussi l'inégalité en santé, relève d'une responsabilité partagée de nombreux acteurs, dont les mutualités font également partie. Nous espérons qu'ils feront des émules. Nous nous pencherons également sur un certain nombre de problèmes qui contribuent à maintenir l’inégalité sociale. D’une manière générale, nous indiquerons les améliorations possibles. Les MC sont fermement résolues à poursuivre la lutte contre l’inégalité en santé ! Mots-clés : inégalités sociales, état de santé, taux de mortalité, taux de morbidité, soins de santé, secteurs statistiques, revenu imposable 26 MC-Informations 262 • décembre 2015 1.Introduction C’est avec des slogans tels que « La pauvreté engendre la maladie, la maladie engendre la pauvreté » (1998) et « La pauvreté nuit à la santé » (2008) que Welzijnszorg a par deux fois attiré explicitement l’attention sur l’impact qu’exerce le statut socioéconomique sur la santé. De nombreuses études ont étudié en détail ce phénomène ces dernières années. Tel est notamment le cas d’une étude réalisée par les MC en 2008, axée sur l’analyse des données objectives de leurs membres pour 2006. Cette analyse a elle aussi démontré clairement l’existence d’inégalités en santé1. Il est heureux de constater que le thème de l’« inégalité en santé » a été régulièrement mis en évidence au cours de la dernière décennie. Tout comme auparavant, des études ont confirmé le phénomène et diverses solutions ont été proposées. Des projets concrets sur le terrain, souvent d’envergure modeste, n’ont eu de cesse de tenter de réduire le fossé. Mais ce n’est pas tout. Ces dernières années, le thème a été également relayé – plus fréquemment qu’avant – par les responsables politiques. Cette « reconnaissance » politique n’est pas sans importance. Elle permet en effet de prendre des engagements dans des notes de politique afin de remédier à ces inégalités. Elle donne également lieu à des mesures concrètes visant à réduire les inégalités, par exemple, en améliorant l’accessibilité des soins de santé pour les groupes vulnérables. Il y a donc un espoir de voir l’inégalité diminuer. D’autre part, la profonde crise économique à laquelle les pays du monde entier ont été confrontés ces dernières années a entraîné des conséquences aux niveaux macro (société, pouvoirs publics), méso (entreprises, dispositifs, ...) et micro (individus). Des mesures positives sont différées, des restrictions sont appliquées, il y a restructurations assorties de pertes d’emploi, ... De plus en plus de familles ont du mal à joindre les deux bouts à cause de la baisse du pouvoir d’achat, de la hausse des prix, des conséquences des mesures d’austérité, de la baisse des opportunités d’emploi... Ces conséquences sont ressenties de manière plus aiguë par les plus vulnérables. Ceci concerne les différents domaines et donc également la santé et les soins de santé. Des études antérieures avaient déjà montré l’impact négatif d’une crise économique sur l’inégalité. Nous nous sommes donc demandé comment l’inégalité en santé avait évolué dans l’intervalle chez les membres des MC. Des évolutions positives sont-elles perceptibles, notamment à la suite de mesures stratégiques concrètes ? Les inégalités continuent-elles invariablement d’exister ? Voire, ont-elles augmenté ? Vu que les MC disposent de données portant sur plusieurs années, il est possible de vérifier la manière dont ces différences évoluent dans le temps et de connaître l’impact de mesures spécifiques et de faits sociaux particuliers. Les MC ont donc décidé d’actualiser l’étude précédente, dont les résultats sont résumés et commentés ci-après. 2.Méthode 2.1.Une méthode systématique pour mesurer les gradients sociaux Quand on parle d’inégalités sociales de santé, on fait référence au fait que la santé suit un gradient social : à position socioéconomique décroissante, la santé tend à se détériorer et l’espérance de vie à diminuer. Cette tendance a été mise en évidence dans de nombreuses études. Pour la Belgique, les résultats2 des différentes enquêtes de santé par interview (1997, 2001, 2004, 2008 et 2013) vont clairement dans ce sens. Comme la plupart des études en la matière, ces enquêtes de santé ont recours aux déclarations et informations recueillies auprès d’échantillons de la population. La présente démarche a pour but de mettre en évidence et de mesurer ces inégalités au sein de la population de nos affiliés mutualistes en exploitant au mieux les données détenues par la Mutualité chrétienne (MC). Pour y arriver, deux types d’indicateur doivent être mis en relation : • un indicateur relatif à la santé : ici, nous utilisons les informations administratives et de consommation de soins de santé ; • une échelle de stratification sociale : via les statistiques fiscales relatives aux secteurs statistiques où résident nos affiliés. Du fait de l’utilisation des bases de données de la MC, la méthode suivie est systématique (couvre l’ensemble des membres de la MC, des données administratives et de consommation de soins de santé), porte sur des données réelles enregistrées et contrôlées dans le cadre d’un système de gestion et peut se répéter chaque année. Dès lors, on peut suivre et évaluer au plus près les initiatives et mesures prises en vue de réduire ces inégalités. Ce sont des avantages réels par rapport aux enquêtes de santé menées sur base d’échantillons (de l’ordre de 10.000 personnes), tous les trois à quatre ans et portant sur les déclarations des répondants. 1 Avalosse, H. e.a. Inégalités sociales en santé : observations à l’aide de données mutualistes. MC-Informations 233, septembre 2008 2 Disponibles sur : https://his.wiv-isp.be/fr/SitePages/Rapports.aspx MC-Informations 262 • décembre 2015 27 La méthode doit combiner une échelle sociale et des indicateurs de santé. Nous décrivons plus tard ces notions ainsi que la manière dont nous avons procédé pour construire une échelle sociale en cinq classes de valeur croissante. Ensuite nous indiquons quel type d’indicateur de santé nous avons choisi. On a donc bien, pour chaque secteur statistique, une indication de la ‘richesse’ de ceux qui y habitent, dans la mesure du moins où ils remplissent une déclaration fiscale. Sur base de l’adresse du domicile de nos membres, on peut retrouver le secteur statistique où ils résident. Enfin, via le secteur statistique, on attribue un niveau de revenu (moyen ou médian). 2.2.2. Échelle sociale en cinq classes 2.2. Construction d’une échelle sociale Généralement, la stratification sociale doit refléter le niveau de revenus et/ou d’études de la population. Etant donné que les mutualités ne disposent pas de données exhaustives sur les revenus de leurs membres et ni en rapport avec les diplômes, il nous faut donc procéder autrement. Nous construisons une échelle sociale à l’aide de statistiques fiscales existantes au niveau des secteurs statistiques. 2.2.1. Secteurs statistiques et revenus fiscaux Un secteur statistique est une petite unité géographique de la taille d’un quartier. L’ensemble du territoire belge est découpé en 20.000 secteurs statistiques (qui se répartissent au sein des 589 communes du Royaume). Le SPF Economie dispose de séries statistiques sur les revenus fiscaux au niveau de ces secteurs statistiques. La notion fiscale utilisée est le revenu total net imposable3. Les séries statistiques disponibles comprennent : 1° le revenu moyen (= somme des revenus totaux nets imposables divisée par le nombre de déclarations fiscales prises en compte) ; 2° le revenu médian (= montant de la déclaration fiscale qui partage la série en deux, les déclarations étant classées par ordre croissant de valeur). Pour la présente étude, nous privilégions le revenu médian des secteurs statistiques comme indicateur de richesse (la médiane d’une série n’étant pas sensible aux valeurs extrêmes). Les statistiques du SPF Economie utilisées correspondent à l’exercice fiscal de 2013 (portant donc sur les revenus de 2012)4. Nous synthétisons ces informations en construisant cinq classes de secteurs statistiques par ordre de valeur croissante des revenus fiscaux médians. Les limites des classes sont établies de façon à ce que chacune regroupe 20% des déclarations fiscales au niveau du pays. La 1ère classe correspond aux secteurs statistiques où les revenus médians sont les plus faibles (notre interprétation : les quartiers où se concentre la population la moins favorisée), la 5ème regroupe les secteurs statistique où les revenus médians sont les plus élevés (notre interprétation : les quartiers où se concentre la population la plus favorisée). La population des membres de la MC (pour l’année 2012) est ensuite répartie en fonction de leur lieu de domicile, dans les cinq classes (Tableau 1). Environ 1,2% des membres ne peuvent être répartis dans cette échelle. Deux raisons : l’adresse ne permet pas de retrouver le secteur statistique, il n’y a pas de revenu médian calculé pour le secteur statistique en cause5. Dans la recension des résultats, la 1ère et la 5ème classe sont dénommées, respectivement, « la classe la plus faible, la plus basse » et « la classe la plus élevée ». Tableau 1 : Répartition des membres MC dans les cinq classes de secteurs statistiques Membres MC 3 28 Pas de répartition 54.746 1,2% 1. inférieurs 547.076 12,1% 2. bas 773.267 17,0% 3. moyens 956.941 21,1% 4. hauts 1.074.244 23,7% 5. supérieurs 1.133.491 25,0% ENSEMBLE = 4.539.765 100% « Le revenu total net imposable est constitué de tous les revenus nets, moins les dépenses déductibles. L’ensemble des revenus nets est la somme de tous les revenus nets appartenant aux catégories revenus des biens immobiliers, revenus et recettes de capitaux et biens mobiliers, revenus professionnels et revenus divers ». Disponible sur : http://statbel.fgov.be/fr/statistiques/chiffres/travailvie/fisc/ 4 Dernières données disponibles fin 2014. 5 Lorsque le nombre de déclarations fiscales est trop faible, il n’y a pas de calcul des revenus médians. La limite est fixée à 20 déclarations fiscales. MC-Informations 262 • décembre 2015 L’inconvénient majeur est que l’on ne dispose pas d’une échelle sociale construite sur les revenus individuels mais bien d’une approximation via la ‘valeur’ des secteurs statistiques de résidence. Or, au sein d’un même secteur statistique, il peut y avoir de grandes variations de richesse entre les familles qui y résident. 2.3. Indicateurs de santé : indice standardisé En tant qu’organe de gestion de l’assurance maladie, une mutualité ne dispose pas de données diagnostics à propos de ses membres. Toutefois, les données en notre possession nous permettent de mettre en évidence divers événements liés à la santé. Ces derniers sont : 1.déduits directement des données administratives (p.ex. : décès, incapacité primaire, statut d’invalidité, admission à l’hôpital, Dossier Médical Global, etc.) ; 2.construits sur base de codes de prestations de soins de santé faisant l’objet d’un remboursement de la part de l’assurance maladie (p.ex. : avoir bénéficié de soins dentaires, avoir eu un contact avec un médecin généraliste, avoir consommé une certaine catégorie de médicaments, …). Disposant de cette échelle sociale en cinq classes, nous pouvons voir dans quelle mesure ces événements liés à la santé suivent un gradient social. En guise d’indicateur, nous utilisons la notion d’indice standardisé. Par exemple, pour un événement comme ‘décès au cours de l’année 2012’, on calcule l’indice standardisé de mortalité (Standardized Mortality Ratio – SMR) pour les cinq classes décrites ci-dessus. L’indice standardisé s’obtient grâce à une standardisation indirecte afin de tenir compte du ‘profil’, de la structure particulière de la population au sein de chacune des classes. Sauf mention contraire, les paramètres pour la standardisation sont l’âge, le sexe et la région (Wallonie, Flandre, Bruxelles) où se situe le secteur statistique de domicile. L’indice standardisé est calculé pour chaque classe de notre échelle sociale. Il exprime alors le rapport entre le nombre observés et attendus d’événements (d’après l’effectif, le profil spécifique de la population de la classe concernée et en appliquant les taux correspondants de la population de référence). La population de référence étant indicée à la valeur 100, si la valeur de l’indice standardisé est de 130 pour un certain évènement et pour une certaine classe, alors cela signifie que la fréquence de cet événement est 30% supérieure dans cette classe par rapport à la population de référence. 3. Quelques résultats Nos principaux résultats d’analyses sont présentés graphiquement aux Figures 1 à 8. Nous n’avons pas cherché à reproduire systématiquement tous les résultats présentés en 2008. Nous nous limitons, ici, aux résultats les plus pertinents que nous comparons à ceux publiés en 2008. Attention, l’échelle de l’indice standardisé change d’une figure à l’autre, la population de référence peut varier d’une courbe à l’autre. Dans la mesure où ils sont visibles, nous donnons également l’intervalle de confiance (à 95%) autour de la valeur de l’indice standardisé. 3.1.Mortalité Concernant la mortalité, le gradient est particulièrement fort : nous observons que les individus appartenant à la classe la plus faible présentent, en 2012, un risque de mortalité de 25% supérieur à la population de référence (ensemble des affiliés). Comparé à la classe la plus élevée, le risque de mortalité est de 51% supérieur (=124,6/82,6). Ce qui veut dire, en d’autres mots : les personnes vivant dans les quartiers les plus pauvres du Royaume ont un risque accru de 51% de décéder dans l’année par rapport à ceux qui vivent dans les quartiers les plus riches. Ce gradient était déjà bien présent dans le passé, ce n’est pas un phénomène transitoire mais bien stable. En effet, en 2006 (en appliquant aux données disponibles exactement la même méthode que celle décrite ci-dessus), la surmortalité observée auprès de la population la moins favorisée était de 45% (=121/83,4) par rapport à la population la plus favorisée. 3.2.Morbidité Le gradient social de la santé peut être déduit en premier lieu des différences en termes de morbidité ou de la mesure dans laquelle les différentes classes sociales sont confrontées à la maladie. Les MC ne disposent pas d’informations concernant les maladies de leurs membres. Sur la base de certaines données, il est néanmoins possible de déduire indirectement dans quelle mesure les membres sont confrontés à la maladie. Cette étude se concentrait sur l’incapacité de travail pour cause de maladie (incapacité de travail primaire et invalidité), l’admission en néonatalogie ou pédiatrie, la maladie pulmonaire obstructive chronique et plusieurs paramètres de santé mentale. MC-Informations 262 • décembre 2015 29 3.2.1. Incapacité de travail primaire et invalidité6 Les résultats de 2006 faisaient déjà apparaître que les personnes (de 20 à 64 ans) issues de la classe sociale inférieure présentaient un risque plus élevé d’être affectées par une incapacité de travail et de passer en invalidité après un an de maladie que les personnes issues de la classe sociale supérieure (respectivement 55 et 66% de risques en plus). En 2012, le gradient social de l’incapacité de travail primaire est resté stable, mais il a considérablement augmenté pour l’invalidité. En 2012, les personnes de la classe sociale inférieure présentaient non moins de 98% de risques en plus de passer en invalidité après un an de maladie que les personnes de la classe sociale supérieure (=143,2/72,6). Concrètement, cela signifie qu’une personne issue d’un quartier plus pauvre aura deux fois plus de risques d’être encore malade après un an qu’une personne d’un quartier plus nanti. Il s’agit là d’une constatation inquiétante. Nos données ne permettent pas d’emblée d’expliquer ce phénomène. Il se peut qu’une partie de l’explication réside dans le nombre croissant de personnes en incapacité de travail de longue durée à la suite de problèmes psychiques. Nous verrons par ailleurs que les personnes en situation précaire sont davantage confrontées à des problèmes psychiques. Parallèlement, elles ont moins de chances de sortir de cette situation. 3.2.2. Admission en pédiatrie ou néonatalogie Le clivage social s’est également agrandi pour les admissions en pédiatrie ou néonatalogie (soins des nourrissons malades ou prématurés). En 2012, un enfant ou un jeune de moins de 15 ans issu de la classe sociale inférieure avait 29% de risques en plus d’être admis dans un service de pédiatrie ou de néonatalogie qu’un enfant ou un jeune de la classe sociale supérieure (= 116/89,6). En 2006, cet écart s’élevait à 19%. La hausse constatée pourrait être due au nombre croissant d’enfants nés dans une famille défavorisée7. L’écart se creuse uniquement pour les admissions en pédiatrie ou néonatalogie et non pour les admissions dans un hôpital général. de la classe sociale inférieure ont 31% de risques en plus d’être atteintes de MPOC que celles de la classe sociale supérieure (=116/88,8). 3.2.4. Santé mentale En 2006 déjà, les chiffres montraient une corrélation entre, d’une part, la situation socioéconomique et, d’autre part, l’utilisation d’antidépresseurs et l’admission en hôpital psychiatrique, deux indicateurs de la santé mentale des membres. Les chiffres de 2012 indiquent que cet écart ne s’est pas réduit. Dans la première étude, le risque que les personnes de la classe sociale inférieure utilisent des antidépresseurs était 14% plus élevé que pour les personnes de la classe supérieure. En 2012, ce pourcentage atteint 17%. En ce qui concerne les antipsychotiques, ce risque est par ailleurs nettement supérieur (53%). La détérioration de la santé mentale se traduit également par un risque nettement plus élevé d'admission dans un hôpital psychiatrique9. Ici aussi, on observe une légère hausse de 60% en 2006 à 62% en 2012. Ces écarts importants n’ont sans doute rien d’étonnant. Différentes études établissent le lien entre les problèmes de santé mentale et l’obligation de vivre ou de survivre durant des années dans des conditions très précaires10. Ceci génère des tensions et un stress permanents auxquels on ne voit pas beaucoup d’issue. L’augmentation de l’inégalité peut probablement être attribuée pour une partie (importante) au contexte social des dernières années, notamment à la crise économique que les groupes vulnérables subissent de plein fouet. Par ailleurs, on constate également une tendance généralisée à l’individualisation, à la responsabilisation individuelle et à la culpabilisation. Les gens sont dès lors – plus qu’avant – réputés personnellement responsables de leur situation et sont supposés prendre eux-mêmes des initiatives pour y apporter une amélioration. En l’occurrence, l’importance du contexte général, d’une part, et l’absence de compétences individuelles pour apporter des améliorations, ne sont pas prises en compte. 3.2.3. Maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) La maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) est une maladie pulmonaire chronique8. Les résultats de 2006 montraient déjà l’existence d’un gradient social évident en matière de MPOC. En 2012, cet écart est resté stable. Les personnes issues 6 Incapacité de travail primaire = les 12 premiers mois d’incapacité de travail ; invalidité = après 1 an d’incapacité de travail. 7 http://www.decenniumdoelen.be/ – baromètre de la pauvreté – tableaux généraux 2015 8 Les membres des MC confrontés à la MPOC ont été identifiés sur la base de leur consommation de médicaments (axée sur le volume estimé en DDD de médicaments liés à certains codes ATC). Pour la MPOC, les codes ATC suivants ont été sélectionnés : R03A (adrénergiques pour inhalation), R03BA (glucocorticoïdes), R03BB (anticholinergiques), R03DA04 (théophylline et théophylline glycinate de sodium). 9 Tant l'admission dans un hôpital psychiatrique que dans une section psychiatrique d'un hôpital général (SPHG) 10 Samenlevingsopbouw Vlaanderen. Recht op gezondheid. Aanpak van de Gezondheidskloof. Resultaten van een verkenning. Septembre 2012 30 MC-Informations 262 • décembre 2015 Figure 1 : Mortalité Figure 2 : Devenir invalide 135 150 mortalité (SMR) - Belgique 2012 130 120 121,0 124,6 mortalité (SMR) - Belgique 2006 population de référence 115 110 109,0 106,9 105 99,1 100 97,6 95 90,9 90 90,3 85 80 75 83,4 population de référence (indice =100) : tous les affiliés MC 1. inférieurs 2. bas 3. moyens 4. hauts 82,6 population de référence 120 117,7 113,2 110 105,4 100 80 92,0 80,0 population de référence (indice =100) : titulaires MC entre 20 et 64 ans 1. inférieurs 2. bas 72,6 3. moyens 4. hauts 5. supérieurs Figure 4 : Santé mentale – 2012 190 120 être admis en service pédiatrique ou de soins néonatals - Belgique 2012 116,0 115 180 être admis en service pédiatrique ou de soins néonatals - Belgique 2006 110,5 population de référence 104,9 105 104,6 102,8 102,5 100 97,3 97,5 95 92,5 90 89,6 population de référence (indice =100) : affiliés MC jusque 15 ans 2. bas 3. moyens 4. hauts 5. supérieurs classes de secteurs statistiques de résidence admission en hop. psy. ou service (neuro)psy. d'un hop. général (2) 160 150 151,5 antipsychotiques (min 30 DDD) (3) 140 130 120 110 109,4 100 90,8 90 80 70 1. inférieurs anti-dépresseurs (min 90 DDD) (1) 179,0 170 Indice standardisé (pour l'âge, le sexe et la région) Indice standardisé (pour l'âge, le sexe et la région) 91,7 classes de secteurs statistiques de résidence Figure 3 : Admission en pédiatrie ou néonatalogie 85 104,7 90 classes de secteurs statistiques de résidence 110 devenir invalide - Belgique 2006 132,8 130 70 5. supérieurs devenir invalide - Belgique 2012 143,2 140 Indice standardisé (pour l'âge, le sexe et la région) Indice standardisé (pour l'âge, le sexe et la région) 125 60 population de référence (indice =100) : (1) , (2) et (3) tous les affiliés MC 1. inférieurs 2. bas 70,8 68,3 3. moyens 4. hauts 5. supérieurs classes de secteurs statistiques de résidence 3.3.Prévention 3.3.1. Soins dentaires préventifs Les soins dentaires préventifs (p. ex. détartrage, examen buccal, soin des caries...) est un aspect classique des inégalités sociales. En 2012, les jeunes de moins de 18 ans issus de la classe sociale inférieure avaient 34% de chances en moins de recourir aux soins dentaires préventifs que les jeunes de la classe sociale supérieure (=73,6/112,2). Ce gradient social est resté stable par rapport à 2006 (36 % de chances en moins =72,4/113,6). tranche des jeunes qui recourt aux soins dentaires préventifs. Néanmoins, vu que cette proportion a augmenté pour toutes les catégories sociales, le gradient social reste identique. Entre 2006 et 2014, le nombre de jeunes qui utilisent les soins dentaires préventifs a progressé de 27,8% à 36,6% pour les personnes qui ne bénéficient pas de l’intervention majorée et de 17% à 22,8% pour celles qui ont droit à l’intervention majorée. Pourtant, entre 2006 et 2012, des efforts ont été consentis pour rendre les soins dentaires préventifs financièrement plus accessibles aux jeunes. En 2006, les soins dentaires étaient gratuits pour les enfants de moins de 12 ans. À partir du 1er juillet 2008, cette mesure a été étendue aux jeunes jusqu’à leur 15e anniversaire et à partir de mai 2009 aux jeunes jusque 18 ans. La figure 5 montre que cette mesure a eu un effet sur la Il est de notoriété publique que les personnes issues de la classe sociale inférieure sont moins touchées par la prévention. Ceci s’explique de différentes manières : vu leur situation quotidienne difficile, la prévention n’est pas la première priorité. Elles redoutent les frais supplémentaires après un examen préventif. Les achats préventifs sont souvent difficilement accessibles à ce groupe-cible. MC-Informations 262 • décembre 2015 31 3.3.2. Dépistage du cancer du sein Depuis 2001 en Flandre et 2002 en Wallonie et à Bruxelles, le programme national de dépistage du cancer du sein propose tous les deux ans une mammographie de dépistage gratuite aux femmes de 50 ans à 69 ans qui sont affiliées à une mutualité. Les femmes de la classe sociale inférieure ont 17% de chances en moins de procéder à un dépistage du cancer du sein que les femmes de la classe sociale supérieure (= 89,1/106,7). Ce gradient reste lui aussi stable dans le temps (17% en 2006). Nous constatons la même évolution pour d’autres mesures de prévention plus récentes, comme la vaccination contre le cancer du col de l’utérus (virus HPV) et le rotavirus. Figure 5 : Soins dentaires préventifs – 2012 Figure 7 : Dépistage du cancer du sein – 2012 120 Indice standardisé (pour l'âge, le sexe et la région) 110 104 105,6 105 100 98,5 population de référence (indice =100) : toutes les affiliés MC jusque 18 ans 95 90 88,0 85 80 75 70 73,6 102 101,6 100 2. bas 3. moyens 4. hauts 96 95,7 94 92 90 86 5. supérieurs population de référence (indice =100) : toutes les affiliées MC entre 50 et 69 ans 98,6 98 89,1 88 1. inférieurs 106,7 dépistage du cancer du sein - Belgique 2012 106 112,2 Indice standardisé (pour l'âge et la région) 115 108 soins dentaires préventifs - Belgique 2012 classes de secteurs statistiques de résidence 1. inférieurs 2. bas 3. moyens 4. hauts classes de secteurs statistiques de résidence Figure 6 : Évolution des soins dentaires préventifs (enfants<=18 ans) 40% BIM 36,5% non-BIM 35% 32,9% 33,7% 36,6% 35,3% 34,4% 30,6% 30% 29,1% 27,8% 25% 21,0% 20% 18,6% 21,4% 21,6% 22,1% 22,7% 22,8% 19,5% 17,0% 15% 10% 5% 0% 32 2006 2007 2008 2009 2010 2011 MC-Informations 262 • décembre 2015 2012 2013 2014 5. supérieurs 3.4. Utilisation du système de soins Différentes mesures susceptibles de contribuer à un usage plus optimal des soins de santé et à une meilleure accessibilité ont été prises dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire. Il s’agit notamment de l’introduction du Dossier médical global (DMG), de l’incitation à utiliser des médicaments moins chers, de l’entrée en vigueur et de la consolidation du régime du tiers payant social et du renforcement des soins des santé de première ligne chez le médecin généraliste et dans les centres de santé de quartier. 3.4.1. Le Dossier médical global (DMG) Un DMG réunit les données de santé d’un patient (maladies, examens, traitements, prévention). Grâce au DMG, le médecin généraliste dispose d’une image globale de la santé d’une personne et des changements intervenus. Il est également mieux à même d’évaluer les examens et les traitements recommandés. L’avantage pour le patient consiste en une réduction du ticket modérateur de 30 % pour les consultations chez le médecin généraliste. Le DMG est sans aucun doute utile pour tout le monde. Mais il l’est encore davantage pour les groupes les plus vulnérables, tant en raison du risque accru d’être en moins bonne santé qu’en raison de la réduction du ticket modérateur. En 2006, nous avions déjà constaté que les membres de la classe sociale inférieure étaient 8% moins nombreux à disposer d’un DMG que la population globale des membres. Il est heureux de constater qu’en 2012 le risque de ne pas avoir de DMG a baissé à 3%. Il est également étonnant de noter que la probabilité d’avoir un DMG a légèrement baissé dans les autres classes et que les personnes de la classe supérieure sont moins nombreuses à disposer d’un DMG comparé à la population totale. L’inégalité est donc globalement moins élevée à ce niveau. Ceci va de pair avec le nombre croissant de personnes pour qui le DMG est géré par le médecin généraliste. Entre 2004 et 2013, le nombre de Belges disposant d’un DMG a augmenté de 37,2% à 57,7% (Source : IMA-atlas). 3.4.2. Le tiers payant social Le fait que, dans le régime du tiers payant, les personnes en situation précaire ne paient au prestataire de soins que le ticket modérateur pour un certain nombre de prestations est une mesure importante afin d’augmenter l’accessibilité des soins. En 2011, cette mesure a été stimulée par l’accord conclu entre les médecins et les mutualités (voir infra). Nos analyses révèlent que cette mesure a eu l’effet escompté. La figure 8 montre clairement que la quote-part du tiers payant social a augmenté dans le groupe des bénéficiaires de l’intervention majorée (de 16% en 2010 à 48% en 2014), mais que celle-ci est encore très éloignée des 100%. Figure 8 : Pour les bénéficiaires de l’intervention majorée - proportion de contacts avec un médecin généraliste tarifés en tiers-payant 60% consultations visites Proportion de contacts tarifés en tiers-payant 50% 47,7% 41,6% 39,8% 40% 35,5% 33,0% 30% 27,5% 23,0% 19,6% 20% 16,3% 15,8% 10% 0% 2010 2011 2012 MC-Informations 262 • décembre 2015 2013 2014 33 3.4.3. Des médicaments moins chers Pendant de nombreuses années, la Belgique est restée à la traîne en termes d’utilisation de médicaments moins chers11. Pourtant, ils génèrent des économies sensibles, tant pour l’État que pour les patients. Ces dernières années, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour encourager l’utilisation de médicaments moins chers (voir infra). Cellesci sont accompagnées de campagnes de sensibilisation de la population qui soulignaient notamment l’équivalence entre les médicaments chers et moins chers. Ces mesures ont sans aucun doute eu un impact positif. Au premier trimestre 2002, la quote-part de médicaments meilleurs marché dans la consommation totale de médicaments était encore limitée à 11%. Au premier trimestre 2007, cette quote-part avait déjà augmenté jusqu’à 40% pour atteindre en moyenne presque 52% en 2012 et 55% en 201412. Tout comme en 2006, on ne distingue guère de différences entre les classes sociales en 2012. 3.4.4. Les soins de première ligne chez le médecin généraliste ou dans un centre de soins de quartier Les cahiers de revendications dans le domaine de la lutte contre l’inégalité en santé insistent fortement sur le renforcement de la première ligne. Leur facilité d’accès font des acteurs de première ligne, et des médecins généralistes en particulier, des interlocuteurs importants en cas de problèmes de santé. Vu la moins bonne santé des personnes en situation précaire, on s’attendrait à ce qu’ils aient en moyenne (plus que les classes sociales supérieures) au moins 1 contact par an avec le médecin généraliste. Mais déjà en 2006, nous avions constaté que ce n’était pas le cas. En 2012, la différence avec les classes sociales supérieures a même légèrement augmenté. La probabilité qu’un médecin généraliste vienne consulter à domicile diminue fortement à mesure que l’on descend dans l’échelle sociale (une différence de 23% entre les classes supérieure et inférieure). Le fait que les plus vulnérables semblent faire moins appel au médecin généraliste doit être analysé en partie conjointement avec les chiffres des centres de santé de quartier. Un centre de santé de quartier (CSQ) propose en effet des consultations et des visites à domicile très accessibles, et dispose d’une équipe multidisciplinaire (médecin généraliste, infirmier, kinésithérapeute). L’accent repose sur la prévention et les soins coordonnés. Dans le cas d’un CSQ, les patients doivent s’inscrire et s’engager à s’adresser au CSQ pour tous les soins de première ligne proposés. Notre analyse nous apprend l’existence d’un gradient social important pour le paramètre « être inscrit dans un CSQ » et en particulier pour la classe sociale inférieure. La probabilité d’une inscription est supérieure au double de celle de la population de référence (= tous les membres des MC) et cinq fois supérieure aux membres MC de la classe sociale supérieure. Par souci d’exhaustivité, nous tenons en l’occurrence à souligner que cet aspect n’influera que partiellement, vu que l’offre de centres de santé de quartier est répartie de manière inégale et se concentre essentiellement dans les grandes villes. Nous devons néanmoins aussi tenir compte du fait qu’il subsiste toujours un risque de sous-consommation des soins dispensés par le médecin généraliste par les plus vulnérables. Pour certains d’entre eux, le ticket modérateur – aussi limité soit-il – constitue déjà un obstacle. La crainte de frais supplémentaires pour les examens et les traitements les retient également. Enfin, vu le soutien financier limité, soigner les « petits » problèmes ne constitue généralement pas la première priorité. En ce qui concerne les soins ambulatoires dispensés par des spécialistes, nous constatons à nouveau un gradient social (pour certains spécialistes, comme l’ophtalmologue, le dermatologue, le gradient est plus élevé que pour les autres). Vu le moins bon état de santé, il serait logique que les plus vulnérables les consultent plus fréquemment. Les chiffrent prouvent le contraire. Le coût constitue assurément un obstacle important. D’une manière générale, les prestations de soins des spécialistes sont plus chères. En outre, le taux de conventionnement des spécialistes est globalement inférieur, ce qui augmente le risque que les patients doivent payer un supplément en plus du ticket modérateur. Enfin, la crainte de frais supplémentaires pour les examens et les traitements et le report au profit d’autres priorités influent également. L’analyse confirme que les gens issus d’une classe sociale inférieure font plus souvent appel aux services d’urgence des hôpitaux13. Il s’agit sans aucun doute d’une substitution partielle des soins ambulatoires dispensés par le médecin (généraliste). Le report constitue toutefois aussi un facteur explicatif. Les personnes précarisées reportent souvent longtemps des soins pour des raisons financières, de sorte que les problèmes de santé perdurent et finissent par s’aggraver. À un moment donné, les problèmes deviennent tellement aigus qu’elles sont contraintes de s’adresser au service d’urgence d’un hôpital. 11 Bon marché = génériques + médicaments moins chers (= médicament en remboursement de référence sans surcoût pour le patient) 12 Calculs des MC sur la base des données de Pharmanet. 13 Voir également : Henin, E., Bénéficiaires du revenu d'intégration sociale : Les bénéficiaires du revenu d'intégration social s'y retrouvent-ils dans le système de soins de santé ? MC Informations 253, septembre 2013 et l'article consacré aux services d'urgence dans ce numéro de MC-Informations. 34 MC-Informations 262 • décembre 2015 4. La lutte contre l’inégalité en santé 4.1.Les mesures structurelles dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire L’inégalité en santé résulte d’une conjonction de facteurs et n’est pas définie uniquement par des soins financièrement inaccessibles. Néanmoins, il reste important de prendre des mesures positives dans le domaine des soins de santé également. Voici quelques mesures structurelles qui ont été prises ces dernières années dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire. • Un des leviers pour une meilleure accessibilité financière des soins de santé pour les personnes à bas revenus est l’intervention majorée (IM). Ces dernières années, de nombreuses mesures ont été prises pour permettre à davantage de personnes d’ouvrir leur droit à l’IM, afin qu’elles puissent bénéficier d’un remboursement plus élevé de leurs frais de santé. Jusque 2007, il n’existait que le statut IM attribué aux personnes d’une certaine catégorie (p. ex. les invalides, les pensionnés...) disposant de faibles revenus. En 2007, la création du statut OMNIO a ouvert la possibilité d’accorder à toutes les personnes à bas revenus (quel que soit leur statut) une intervention majorée dans les soins de santé. Vu que l’IM n’est pas un droit octroyé automatiquement, il n’est pas toujours évident d’inciter les personnes qui ont droit à l’IM à faire effectivement valoir leur droit, et il en va de même pour le statut OMNIO. En outre, les deux systèmes interprètent certaines notions de manière différente (p. ex. : la notion de famille), ce qui a généré de la confusion. Les catégories auxquelles l’IM s’appliquaient se sont systématiquement étendues (p. ex. : les chômeurs de longue durée et les familles monoparentales en 2010 et les personnes ayant droit à une subvention du fonds social chauffage en 2011.) En 2014, les statuts IM et OMNIO ont été refondus en 1 statut d’intervention majorée (IM), afin de simplifier le système et de le rendre plus efficace14. La philosophie de base du nouveau système veut que toutes les familles à bas revenus aient accès à l’intervention majorée. Cette même réforme prévoit à partir de 2015 un échange entre les mutualités et l’Administration de l’impôt des personnes physiques permettant aux mutualités d’obtenir une liste des personnes pour lesquelles le fisc connaît de faibles revenus. Les mutualités ont ainsi la possibilité d’approcher proactivement les personnes sur la base du signalement de bas revenus. L’examen des revenus effectué par la mutualité doit ensuite encore prouver que la personne entre effectivement en ligne de compte pour l’IM. Une prise de contact ciblée avec les personnes à bas revenu devrait, espérons-le, permettre de convaincre les membres de demander l’intervention majorée. Les effets de cet échange seront évalués après 2015. •Le tiers payant social constitue un deuxième levier en faveur de l’accessibilité financière. Ne plus devoir avancer le montant intégral chez le médecin, mais uniquement le ticket modérateur améliore l’accessibilité. Par le biais de l’accord médico-mutualiste du 1er janvier 2011, les médecins conventionnés se sont engagés à appliquer le régime social du tiers payant d’une manière générale aux bénéficiaires de l’IM notamment. Par conséquent, un médecin généraliste ne pouvait en principe refuser le tiers payant social si le patient IM le demandait, à moins que le médecin ne suspecte un usage abusif. Pour rendre l’application plus attrayante pour le médecin, les tickets modérateurs des consultations ont été simplifiés, une garantie de paiement a été instaurée et une procédure rapide et simplifiée15 (paiement dans les 30 jours) a été mise en place. Nous avons déjà constaté l’efficacité de cette mesure. À partir du 1er octobre 2015, une étape supplémentaire a été franchie. Tous les médecins généralistes sont obligés d’appliquer le régime du tiers payant aux personnes bénéficiant de l’IM (pour les consultations et les prestations techniques durant les consultations). •Comme mentionné plus haut, le DMG constitue un instrument utile pour une utilisation correcte des soins de santé et la prévention. Cet instrument, introduit en 1999, a encore été renforcé ces dernières années. Depuis le 1er avril 2011, chaque DMG doit comporter un module de prévention. Depuis le 1er avril 2013, le suivi et l'examen d'une check-list dans le cadre de ce module sont rémunérés une fois par an pour les patients âgés entre 45 et 75 ans. En mars 2010, le Conseil national de promotion de la qualité de l’INAMI a formulé des recommandations pour une bonne utilisation du DMG par les médecins généralistes. • En ce qui concerne le coût d’une hospitalisation, quelques modifications importantes ont été apportées au cours des 10 dernières années, en vue d’alléger la facture d’hôpital (pour les chambres à deux lits ou communes). -Les suppléments de chambre pour les chambres à deux personnes ou communes ont été interdits pour les « patients protégés » (notamment intervention majorée et OMNIO) en 2006 et supprimés pour tout le monde en 2010. - Depuis le 1er janvier 2013, les suppléments d’honoraires pour les chambres à deux lits ou communes dans le cadre d’hospitalisations classiques (avec nuitée) sont interdits. - Depuis le 1er juillet 2015, les suppléments d’honoraires sont également interdits pour les chambre à 2 lits ou communes en hôpital de jour. 14 De Spiegeleer Tom et al., Intervention majorée à partir de 2014, Infofiche 2013, décembre 2013, annexe au MC-Informations n° 254 15 Plus de répartition par mutualité MC, mais une seule adresse de contact pour tous les membres des MC. MC-Informations 262 • décembre 2015 35 •En 2001, une politique structurelle concernant les « médicaments moins chers » a été initiée avec le lancement du remboursement de référence. Depuis, différentes mesures ayant pour principe d’encourager la prescription ou la délivrance de médicaments moins chers se sont succédées16. Il en a résulté une baisse des prix de nombreux médicaments. Tant les médicaments génériques que les médicaments de marque originaux, qui ont baissé considérablement leur prix pour éviter que le patient doive payer le supplément de référence, tombent sous le dénominateur de « médicaments moins chers ». Nous avions déjà indiqué que ces mesures avaient permis d’augmenter considérablement la quotepart des médicaments moins chers depuis 2002. L’utilisation de médicaments moins chers est d’ailleurs l’un des rares indicateurs pour lesquels il n’existe aucune différence en fonction de la classe sociale à laquelle on appartient (quotepart de 52% dans les 5 classes sociales). • Au point 3.3, nous avions déjà expliqué que les soins dentaires préventifs étaient devenus financièrement plus accessibles pour les jeunes. En 2008, les soins dentaires étaient gratuits pour les enfants jusque 12 ans, une mesure qui a été étendue aux jeunes jusque 18 ans en 2009. 4.2. Des SSM plus accessibles D’autres mesures en dehors de l’assurance maladie obligatoire ont également été prises pour améliorer l’accessibilité (financière) des soins. Tel est notamment le cas des soins de santé mentale (SSM). Au niveau fédéral, les premiers pas ont été faits vers une reconnaissance des psychologues et de la psychothérapie, ce qui devrait mettre fin à la situation actuelle d’absence de garantie de qualité pour les utilisateurs. Après la publication de la loi, il faudra cependant encore attendre les arrêtés d’exécution requis. Dans une étape suivante, il se peut que des initiatives soient prises pour garantir également l’accessibilité financière et la sécurité tarifaire. Ces dernières années, les mutualités ont déjà formulé des propositions à cet effet. La Flandre a récemment encore pris l’initiative de fixer dans une réglementation la contribution dans les centres de santé mentale et de créer ainsi une sécurité tarifaire. Par ailleurs, elle a investi également dans l'accessibilité des soins par le biais de projets pilotes en matière d'aide psychologique de première ligne. Enfin, des efforts en faveur de la socialisation des soins de santé mentale ont été consentis dans le cadre du financement des hôpitaux. En l’occurrence, le but est de rapprocher les soins proposés des gens dans leur environnement familier et de diminuer le nombre d’hospitalisations notamment par la création d’équipes mobiles. Ceci peut contribuer à améliorer l’accessibilité et à dispenser des soins plus adéquats. Il convient toutefois de rester vigilant afin d’éviter les pièges éventuels. L’intensification des soins et de l’aide à domicile peut entraîner des frais supplémentaires à charge des patients personnellement et donc représenter un nouveau frein à l’accessibilité17. 4.3. Les MC luttent également contre l’inégalité en santé. Au niveau local, les MC ont développé plusieurs initiatives afin de lutter contre les inégalités en santé. 4.3.1. CM Oostende – KAAP Le 1er septembre 2007, CM Oostende a lancé KAAP (KAnsen Armoede Prioriteit18). KAAP a vu le jour suite à la constatation que les personnes qui ne sont pas en ordre d’assurance maladie restent privées de leur droit à l’intervention de l’assurance maladie. L’objectif est d’améliorer l’accessibilité des soins de santé (pour ces personnes). KAAP est devenu un organisme de lutte contre la pauvreté qui vise à améliorer les connaissances des MC en matière de pauvreté et, à partir de ces connaissances, à examiner les dossiers et les questions en suspens. La mission de la collaboratrice de KAAP consiste à servir de trait d’union entre la personne en question et les services internes (et externes) des MC. Lorsqu’une personne est difficile à joindre et donc ne répond pas à la demande de contacter les MC afin de mettre en ordre le dossier d’assurance maladie/indemnités, KAAP prend le relais. D’autre part, la collaboratrice de KAAP transmet également les questions et les signaux de l’intéressé au service concerné. Une collaboration avec des organisations externes, telles que « Beweging van mensen met laag inkomen en kinderen19 », est organisée à Ostende. Pour mettre les dossiers en ordre, une approche d’outreaching insistante, visant à faciliter l’accès, est préconisée. 16 Cornelis K., 50 ans AMI, La politique en matière de médicaments moins chers en Belgique, Septembre 2013, MC-Informations numéro 253 17 Voir également : Henin E., Verniest R. et Crommelynck A., Quels obstacles doit-on surmonter quand on vit un problème de santé mentale ? MC-Informations 260, juin 2015 18 Priorité aux défavorisés 19 Mouvement de personnes avec un revenu faible et des enfants 36 MC-Informations 262 • décembre 2015 Concrètement, cela implique : • d’aller vers les gens, d’amener le droit jusqu’à eux (approche d’outreaching) • d’essayer de contacter les membres difficiles à joindre en se rendant chez eux, en leur téléphonant, en cherchant une possibilité de contact et en continuant d’essayer d’établir un contact jusqu’à ce que le droit en matière d’assurance maladie soit en ordre (approche persistante) • de se concerter avec les personnes précarisées sur les différents obstacles qu’elles rencontrent (p. ex. : lisibilité des courriers, longueur du temps d’attente au guichet) (approche visant à faciliter l’accès) Exemple de fonctionnement concret : Une mère célibataire qui a un fils doit renvoyer d’urgence les documents d’indemnité nécessaires, de même qu’une attestation des allocations familiales. Le dossier est en attente depuis plusieurs mois et le service indemnités ne peut pas payer. La dame ne réagit pas. Après plusieurs tentatives de visite à domicile infructueuses au terme desquelles la collaboratrice de KAAP a laissé une carte demandant de pouvoir lui rendre visite, elle laisse finalement les documents sur place en expliquant qu’elle reviendra les chercher. Lors de la visite à domicile suivante, une enveloppe adressée à la collaboratrice de KAAP est accrochée à la boîte aux lettres accompagnée d’une carte expliquant qu’il lui est impossible de quitter la maison ou de rencontrer des gens mais qu’elle remercie la collaboratrice pour son aide. Dans l’intervalle, cette dame a été vue et a fourni brièvement quelques explications. Après 8 années d’existence de KAAP, la problématique de la vie en situation précaire recueille une plus grande attention et une meilleure compréhension de la part de CM Oostende. Constatant que les droits sont méconnus, KAAP a publié quelques flyers (p. ex. : payez le médecin avec un autocollant et un peu de monnaie) et des formations ont été dispensées dans des organisations connues par les membres (« comment limiter mes frais médicaux ? »). Enfin, des courriels contenant notamment ces flyers ou d’autres informations intéressantes sont régulièrement échangés avec le réseau de services d’aide, afin d’amener le droit jusqu’aux personnes par leur intermédiaire. Ce travail prend toutefois beaucoup de temps. Il est assuré actuellement par une personne travaillant à mitemps. 4.3.2. CM Leuven – recrutement d’un conseiller en pauvreté (Collaborateur) CM Leuven suit actuellement l’exemple de CM Oostende et a embauché un conseiller en pauvreté (collaborateur) depuis le 1er septembre 2015. Il trouve sa raison d’être dans la constatation qu’une partie du public membre n’est pas atteinte par le modèle de prestation de services existant. Après une visite réciproque de KAAP Ostende, la fonction du collaborateur de Louvain a été définie. L’objectif initial consistera ici aussi à contacter les personnes qui ne sont pas en règle actuellement et à mettre leurs dossiers en ordre. Les principales missions du collaborateur sont : • Veiller à l’accessibilité des soins de santé pour chacun. • Briser le cercle vicieux de la pauvreté/précarité dans laquelle certaines personnes se trouvent. •Signaler certains problèmes structurels dans le fonctionnement et les procédures de notre organisation et trouver/proposer une solution pour y remédier. • Communiquer avec les groupes cibles via la formation, la collaboration avec d’autres organisations, groupes linguistiques et organisations culturelles ou religieuses. • Faciliter l’accès. • Développer un réseau avec d’autres organisations. 4.3.3. MC Hainaut-Picardie – le chaînon manquant entre la demande et l’offre de soins pour les familles vulnérables Sur la base d’une étude des besoins médico-sociaux qui sont insuffisamment pris en charge dans la région de Mouscron, les MC Hainaut-Picardie ont fait de la promotion de la santé auprès des groupes socialement vulnérables une priorité. Le projet « Connexion Santé » en est le fruit. L’objectif est de veiller à ce que les enfants recourent davantage aux soins de santé en supprimant les éventuels obstacles financiers, culturels et/ou organisationnels que ces familles peuvent rencontrer. Au niveau individuel, un travailleur social contacte les familles et établit avec elles une relation de confiance. Il les informe et les aide tout en respectant leur autonomie et tente même de les encourager. Il leur donne les informations correctes au moment approprié et les aide également pour l’aspect financier lié aux soins médicaux et les produits. Le réseau de partenaires s’est ensuite étendu à d’autres établissements de la région de Mouscron (hôpital, médecins généralistes, service d’aide en milieu ouvert, centre de planning familial, l’Office national de l’Enfance, l’aide à la jeunesse...). Au niveau de la communauté, le travailleur social a pour but d’apprendre à connaître les différents intermédiaires et leur offre spécifique, d’apporter un soutien, de développer des collaborations durables et de promouvoir des pratiques professionnelles en faveur des groupes-cibles plus vulnérables. MC-Informations 262 • décembre 2015 37 4.3.4. MC Verviers-Eupen – informations aux prestataires de soins sur la réforme de l’IM Suite à la réforme de l’intervention majorée entrée en vigueur le 1er janvier 2014, les MC Verviers-Eupen ont invité leurs partenaires externes à assister à une session d’information gratuite en décembre 2013. Ces sessions avaient pour but d’aider le CPAS, les hôpitaux, les services de soins à domicile, la Croix jaune et blanche et d’autres établissements à appliquer les nouveautés mises en place par cette réforme. Quatre demi-jours de formation ont été proposés dans les quatre régions de la zone d’action. Avec 120 inscriptions, l’initiative a manifestement connu un grand succès. Parmi les participants, on compte de nombreux travailleurs sociaux, mais aussi des comptables, psychiatres, psychologues et infirmiers... autant de personnes qui sont en contact avec les bénéficiaires de l’intervention majorée. Vu le succès retentissant, les MC Verviers-Eupen se sont également rendues dans un hôpital pour informer les assistants sociaux sur place L’équipe d’experts se composait d’un conseiller mutualiste, d’un travailleur social et d’un expert du service Gestion des membres. 4.4. Problèmes et recommandations générales pour l’avenir Les données de 2012 confirment elles aussi l’existence d’inégalités en santé, malgré les nombreuses mesures et initiatives positives. Le manque de coordination et d’intégration politique constitue sans aucun doute un facteur important à cet égard. L’inégalité en santé est la conséquence de facteurs multiples. Elle est liée non seulement au système des soins de santé, mais aussi aux domaines de la mobilité, de l’hébergement, de la formation, de l’emploi... Les mesures en matière de soins de santé sont donc indispensables, mais insuffisantes. Il reste indispensable de prendre des mesures structurelles dans d’autres domaines également. En l’occurrence, il est essentiel de procéder de manière coordonnée et donc de prévoir une concertation suffisante entre les intervenants. En effet, les mesures prises dans tel domaine spécifique doivent tenir compte des obstacles éventuels dans tel autre domaine. Il convient également de développer davantage d’initiatives parallèles, afin que les mesures prises dans différents domaines puissent se consolider mutuellement. L’importance de la coordination vaut d’ailleurs aussi au sein de la politique de santé et de bien-être en tant que telle, dont plusieurs pouvoirs publics se partagent la compétence. Les différentes autorités prennent de nombreuses mesures, mais elles sont souvent mal coordonnées. Depuis la sixième réforme de l’État, le portefeuille de compétences des autorités régionales en matière de bienêtre et de santé s’est fortement étendu, augmentant encore l’importance d’une concertation structurelle permanente. 38 Au niveau individuel également, les soins et l’aide sont encore insuffisamment coordonnés. Il y a trop peu de coordination mutuelle entre les prestataires de soins. L’information circule toujours de manière lacunaire. Un second problème est la constatation que les groupes les plus vulnérables sont ceux qui font le moins appel aux mesures positives, alors qu’ils en ont le plus besoin. Ceci est illustré entre autres par plusieurs formes de prévention. Comme nous l’avons dit, ce phénomène est dû au fait que les campagnes ne sont pas suffisamment adaptées au groupe-cible. D’une manière générale, la politique accorde trop peu d’importance aux mesures et à une communication adaptée au groupe-cible. Il est possible d’y remédier en optant pour une approche plus participative. Tant pour l’élaboration de la politique que pour l’exécution concrète sur le terrain, il est important d’impliquer activement les (représentants des) groupes-cibles. Cela nécessite d’abord d’écouter la manière dont ils perçoivent les problèmes et les priorités en la matière, d’écouter les solutions qu’ils mettent en avant et d’évaluer les propositions de solution concrètes. La mise en œuvre des mesures sur le terrain pourrait néanmoins aussi gagner en efficacité et en efficience en travaillant avec des organisations de terrain, des intermédiaires, des experts du vécu qui bénéficient de la confiance des groupes-cibles. Ceci peut notamment contribuer à mieux faire connaître les mesures positives aux groupes-cibles. D’où la nécessité de privilégier encore plus qu’aujourd’hui le niveau local, proche des gens et de partir des réseaux locaux et des points de rattachement (centres de quartier, centres de soins de quartier, comités de quartier....). Le contexte social actuel constitue un dernier problème plus général. On assiste ces dernières années à une individualisation poussée à l’extrême. Dans cette perspective, l’accent repose de plus en plus sur la responsabilité individuelle, sur l’activation. Les gens sont réputés – plus qu’avant – responsables de leur situation (« il y a toujours du travail pour celui qui le veut », « l’État n’a pas à supporter des coûts engendrés par un mode de vie malsain »). On attend aussi de plus en plus des gens, qu’ils prennent eux-mêmes des initiatives pour améliorer leur situation. En l’occurrence, on oublie que le comportement individuel est défini dans une large mesure par le contexte social. En effet, les gens sont trop facilement réputés individuellement responsables d’une moins bonne santé due à des habitudes de vie malsaines (tabagisme, sédentarité, alimentation saine insuffisante). Il serait donc erroné de les sanctionner individuellement à cet effet. Il est plus important d’investir davantage dans la promotion de la santé et la prévention. MC-Informations 262 • décembre 2015 Par ailleurs, les discussions méconnaissent également la différence en termes de santé mentale et de capacités à influencer la situation personnelle. En l’occurrence, une étude récente de l’UCL et des MC a démontré le lien entre un faible niveau d’éducation et des connaissances lacunaires en matière de santé20. Concrètement, 4 Belges sur 10 disposent de connaissances insuffisantes en matière de santé. Ceci a des conséquences pour la recherche, la compréhension et l’application d’informations en matière de santé. En tant que fonds de la santé, nous pouvons également apporter notre pierre à l’édifice dans le futur en proposant des initiatives concrètes. Celles-ci peuvent porter notamment sur la prévention, l’amélioration des connaissances en matière de santé et l’information des prestataires de soins et les groupes cibles. La collaboration avec les autres acteurs de terrain constituera dans ce cadre un facteur de succès critique. La lutte contre les inégalités en santé constitue un grand défi. Les MC sont prêtes à le relever ! 5.Conclusion Dans cette étude, nous avons analysé les données de 2012 des membres des MC, afin de vérifier l’importance des inégalités en santé et leur évolution éventuelle par rapport à 2006. L’étude de 2012 confirme les conclusions des autres études : d’une manière générale, l’inégalité en santé ne diminue pas. Pour un certain nombre d’indicateurs, nous constatons en outre une augmentation entre 2006 et 2012. Tel est le cas par exemple des hospitalisations psychiatriques, du recours aux antidépresseurs et du risque de devenir invalide. Cette augmentation est intervenue malgré l’intérêt politique accru pour cette problématique et le train de mesures positives pour réduire les inégalités en matière de santé. Cela signifie-t-il que la stratégie a échoué ? La conclusion doit probablement être plus nuancée. Pour de nombreux autres indicateurs, le niveau d’inégalité est effectivement resté stable ou une (légère) amélioration est effectivement perceptible. Nous sommes convaincus que le mérite en revient aux mesures et initiatives qui ont été prises. Là s’arrêtent toutefois les bonnes nouvelles. Il n’en demeure pas moins que l’on constate globalement peu d’amélioration. Nous ne pouvons donc en aucun cas nous reposer sur nos lauriers. Les conclusions tirées de cette étude et bien d’autres doivent encourager à redoubler d’efforts, en l’occurrence en continuant d’attirer l’attention des décideurs politiques, des prestataires de soins et de l’opinion publique sur cette problématique dans les années qui viennent. Continuer d’informer et de sensibiliser permettra à la problématique de rester une priorité à l’ordre du jour politique et de créer une assise politique et sociale plus large en faveur de mesures supplémentaires. En tant que mutualité, nous devons en outre continuer de militer pour une forte protection sociale et de développer des mesures qui améliorent l’accessibilité aux soins de santé. 20 Vancorenland S., Avalosse H., Verniest R., Callens M. e.a. Bilan des connaissances des Belges en matière de santé. MC-Informations 258, décembre 2014 MC-Informations 262 • décembre 2015 39 Promotion de la santé L’activité physique et sportive des + de 50 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles Enquête électronique auprès des affiliés MC Philippe Godin – Professeur à l’UCL et Président de la SBFPS, Société Belge Francophone de Psychologie du Sport Aurore Devos - Coordinatrice fédérale - énéoSport ASBL Résumé L’activité physique et sportive des seniors reste très peu évoquée et étudiée alors que la société « vieillissante » et ses enjeux majeurs en matière de prévention de santé nécessiteraient de s’y intéresser davantage. La mise en mouvement des aînés représente un des facteurs de protection important permettant d’avancer en âge tout en maintenant une qualité de vie optimale. Très peu de recherches s’attèlent au public des + de 50 ans ou encore, celles qui existent, datent de plusieurs années et ne sont pas actualisées. Selon l’asbl énéoSport, association sportive de loisirs pour les + de 50 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles, reconnue par l’Adeps, il est essentiel de développer le champ d’investigation en ce domaine. Afin d’ouvrir des pistes et le champ des perspectives, un premier pas a été fait cette année 2015 au moyen d’un sondage opéré auprès des affiliés MC de + de 50 ans. Mots-clés : Activité physique, Sport, Seniors, Santé, énéoSport 1. Introduction Chacun de nous est bien conscient de l’accroissement du nombre d’aînés dans nos sociétés actuelles. Ils représentent une couche importante et croissante de la population et l’augmentation de l’espérance de vie offre davantage de perspectives dans le cadre d’une promotion globale de santé. Il va sans dire que le sport est essentiel à tout âge pour garder forme et santé ! Pour les aînés, les bienfaits physiques sautent encore plus aux yeux : leur influence positive sur le système cardio-vasculaire, ostéo-articulaire et musculaire permet de freiner l’inévitable vieillissement des fonctions physiologiques humaines et de procurer aux sportifs la capacité d’aborder leurs activités quotidiennes avec davantage de confort et de sécurité. 40 La pratique du sport chez les aînés a aussi un rôle social : elle permet de garder son autonomie, de conserver une image positive de soi et une disponibilité pour les autres. C’est donc se donner les chances de maintenir ou de reconstituer, à l’heure de la retraite, un réseau de relations sociales indispensables à l’équilibre personnel ! Au regard de ce qui a été mentionné plus haut, le rôle et les enjeux en termes de santé publique de l’association sportive énéoSport, unique en son genre en Fédération WallonieBruxelles, sont plus qu’évidents. C’est pourquoi sa volonté est de se positionner comme acteur incontournable sur la scène politico-sportive et d’être le partenaire de premier choix pour MC-Informations 262 • décembre 2015 une politique de large promotion du sport aîné. Toutefois, afin d’optimiser considérablement les actions de promotion à mener, il est essentiel de mieux connaître/définir le public visé. Nous constatons avec étonnement qu’il n’existe pratiquement aucune étude belge qui se concentre plus particulièrement sur le sport chez les seniors. Le champ de la recherche scientifique en ce domaine est très pauvre, sans compter que les études existantes datent pour la majorité de plusieurs années ou encore, ne présentent que très peu de résultats spécifiques à ce public. Face à ce constat, l’asbl énéoSport a souhaité se positionner. En effet, énéoSport est la seule association sportive multisports de loisirs spécifiquement dédiée aux + de 50 ans reconnue par l’Adeps (depuis 1978). Cette association sportive, partenaire d’Énéo asbl et des Mutualités Chrétiennes regroupe près de 17.000 affiliés répartis dans plus de 500 clubs sportifs en Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette dernière a ainsi, souhaité se lancer dans une première enquête et a réalisé, en collaboration avec le département de psychologie de l’UCL en la personne du Professeur Philippe Godin (Service de Psychologie du Sport), une enquête sur les motivations et freins à la pratique physique et sportive d’individus francophones de 50 et plus. Ce sondage a été communiqué le 03/11/14 par email à plus de 70.000 affiliés à la Mutualité Chrétienne (entre 50 et 90 ans). Le questionnaire s’est voulu relativement court (21 questions) afin d’éviter de rebuter plusieurs individus et ainsi, augmenter la probabilité de réponses. 2. Objectifs Les objectifs de ce sondage étaient de dégager une première vue d’ensemble des pratiques des 50 - 90 ans (en l’occurrence spécifiquement des affiliés MC interrogés), de mettre en évidence un certain nombre de motivations et freins à la pratique d’activités physiques et sportives et enfin, nous permettre autant que possible, de définir des pistes d’actions et de réflexion. 3. Echantillonnage & méthodologie 3.1. L’e-mail envoyé aux membres MC Le message a été préparé par énéoSport en collaboration avec le département Recherche & Développement de la Mutualité Chrétienne et relu par le service de communication de l’Alliance. Chaque e-mail reprenait de façon succincte l’objet de l’enquête et le lien permettant d’accéder au questionnaire on-line. 3.2. Le volume de personnes contactées • 72.609 personnes ont reçu l’email. Les adresses e-mail retenues proviennent du stock d’adresses e-mail ‘confirmées’ de la part des personnes qui ont opté pour les « services et avantages ». Tableau 1 : Volume de personnes contactées – structure par âge et sexe structure hommes femmes H&F 50-59 15.765 16.911 32.676 60-69 14.031 12.795 26.826 70-79 5.902 4.253 10.155 80-90 1.612 1.340 2.952 TOTAL = 37.310 35.299 72.609 MC-Informations 262 • décembre 2015 41 • Ci-après, le volume de personnes contactées par âge, par sexe et par mutualité d'affiliation: Tableau 2 : Volume de personnes contactée par MC d’affiliation Brabant wallon 8.335 Hainaut Oriental 9.279 Hainaut Picardie 9.638 Liège 10.400 Luxembourg 6.194 Namur 15.156 Bruxelles 8.882 Verviers-Eupen 4.725 TOTAL = 72.609 4. Remarques préliminaires et précautions de validité Les résultats présentés ne peuvent être généralisés à la population belge ni même à la population belge francophone. Ils ne sont indicatifs que pour les personnes qui ont répondu. En effet, les chiffres ne fournissent des informations qui ne concernent que l’échantillon de l’enquête (uniquement les répondants). Cependant et de plus, il y a, pour de nombreuses questions une « légère » variation des chiffres due à une absence de réponses de la part des participants. En effet, la totalité des répondants n’a pas répondu chaque fois à toutes les questions. Ceci expliquera une « petite » discordance dans les chiffres. Il a donc fallu, pour le calcul de pourcentages, à chaque fois tenir compte non pas du nombre de réponses totales initiales mais du nombre de réponses pour la question spécifique. • La langue de contact a été déduite de la mutualité d’affiliation. Pour la MC Verviers-Eupen, seuls les membres ayant un code linguistique francophone ont été contactés. Si d’un point de vue purement théorique il pourrait être intéressant de croiser les données sur plusieurs variables (par exemple, est-ce que les femmes actives membres d’énéoSport de la province de Luxembourg ont moins de baisse de motivation que … ?), cela ne peut se faire pour d’évidentes raisons statistiques (diminution drastique de l’échantillon). De ce fait, nous avons préféré nous limiter à des données plus générales. • Divers contrôles ont été effectués pour minimiser le risque d’envoyer l’e-mail à une personne décédée ou séjournant en maison de repos ou de soins psychiatriques. 5. Résultats Sur les 72.609 questionnaires envoyés, nous avons reçu 15.020 retours de questionnaires dont 14.574 étaient exploitables, ce qui correspond à 20% de l’échantillon global (très bon retour). 3.3. Le questionnaire on-line • Le questionnaire a été développé par énéoSport et l’UCL et fut validé également par le département R&D (Recherche & Développement). A aucun moment il n’a été demandé au répondant de s’identifier. Le questionnaire était donc entièrement anonyme. • Bien sûr, comme dans tout questionnaire, il y a des questions de type sociodémographique : catégorie d’âge, sexe, région, profession. Ce ne sont pas des questions d’identification, ce sont justes des questions qui nous permettent de nous faire une idée du profil social des répondants. • Le questionnaire on-line a été hébergé sur le serveur de l’UCL. La collecte des résultats ainsi que l’exportation des données s’est faite à partir de ce compte. C’est l’UCL qui a géré ce compte et ces opérations. Parmi ces 14.574 individus d’une moyenne d’âge située entre 55 et 70 ans, nous recensons 52% d’hommes et 48% de femmes ainsi que 56% de personnes retraitées et 44% de personnes encore en activité professionnelle. L’échantillon est composé en grande majorité de sujets n’étant pas affiliés à l’ASBL énéoSport à savoir, 1.018 affiliés énéoSport, 13.545 non-membres énéoSport (11 non-précisés). En outre, le public ayant répondu à l’enquête est composé en majorité d’employés et de professions intermédiaires. Très peu de personnes sont sans emploi ou ouvriers (Figure 1). Comme le montre le graphique ci-après (Figure 2), les répondants sont issus de 6 zones géographiques, dont essentiellement la province du Hainaut, Liège et Namur. Par ailleurs, le sondage démontre que la grande majorité des sujets (74%) ont d’une perception positive de leur santé globale. Les personnes percevant négativement leur état de santé sont tout à fait minoritaires (2%) comme le montre la Figure 3. 42 MC-Informations 262 • décembre 2015 Le questionnaire s’intéressait notamment au volume de pratique physique (hors sport), à savoir les activités du quotidien comme descendre les escaliers, jardiner, faire les courses, le ménage, etc. La majeure partie de l’échantillon se révèle active à très active en matière d’activités physiques (hors sport), la moyenne de temps de pratique se situant pour 60% des répondants entre 7h à plus de 10h de pratique par semaine (figure 4). D’après les réponses, ces activités se répartissent pour 82% sur 3 jours semaine ou plus. Le seul frein à pratiquer ces activités physiques du quotidien mis en évidence est, de façon assez logique, les douleurs physiques. En matière d’activités sportives, 57% des sujets pratiquent de 3 à 9h par semaine comme le présente la Figure 5. A nouveau, l’échantillon se révèle fort actif d’autant plus que le sport s’ajoute à l’activité physique. En comparaison avec la Figure 4, la tendance à la pratique sportive se réduit tout de même légèrement (davantage de sport de 3h à 6h que de 7 à 9h). Le « 1 à 2h par semaine » double quasiment. Ainsi, en règle générale, les sujets pratiquent davantage d’activités physiques (hors sport) plutôt que des activités sportives mais globalement, notre échantillon reste composé de sujets bien actifs sur le plan sportif. Ceci est assez étonnant dans la mesure où cela s’ajoute aux activités physiques du quotidien pour beaucoup. Ces résultats contrecarrent d’ailleurs certaines données indiquant qu’en Belgique 62% d’hommes de plus de 55 ans et 72 % de femmes de plus de 55 ans ne pratique jamais ou rarement de l’activité physique et / ou sportive (Eurobaromètre 2014). Les sujets ont aussi été interrogés sur les buts à pratiquer une activité sportive. D’après la Figure 6, nous constatons que le bien-être et la santé prédominent véritablement dans les réponses. Près d’1/5 de l’échantillon met en avant le volet relationnel (ce qui n’est pas négligeable). Le souci esthétique est faible tout comme la pratique « sous prescription médicale » (autrement dit « sur conseil d’un médecin »). Ce dernier résultat est assez interpellant. Deux hypothèses pourraient être formulées face à ce très faible taux de réponses reçues en matière de « prescription médicale » : soit peu de sujets sensibilisés passent à l’acte et concrétisent la prescription médicale soit les médecins généralistes restent peu sensibilisés et ne jouent pas suffisamment ce rôle de relais et de promoteur de l’activité physique. Il est néanmoins possible aussi que le terme « prescription » en ait refroidi certains ou ait été mal interprété. Ce volet mériterait donc d’être creusé plus particulièrement. Remarquons que lorsqu’on cible le groupe des répondants affiliés à énéoSport (tableau 3), le bien-être arrive en tête avec 80% des réponses. La santé (sans prescription) et la création de relations récoltent une proportion très importante des réponses. L’aspect relationnel est donc presqu’aussi essentiel que l’aspect « santé » (sans prescription) pour les répondants membres d’énéoSport. Une autre question du sondage portait sur les bénéfices précis à pratiquer une activité sportive (question qui vient compléter et affiner celle relative aux « buts »). A ce propos, les sujets mettent davantage en évidence (par ordre décroissant) la forme, la santé, l’amusement et la recherche de dynamisme comme étant les principales motivations à pratiquer une activité sportive. Les aspects esthétiques (mincir, le souci de la silhouette) ne prédominent pas du tout dans les réponses des sujets - tendance tout à fait dégressive - tout comme cela s’est révélé dans les « buts à pratiquer ». Tableau 3 : Proportion de réponses des répondants affiliés à énéoSport, en fonction des buts à pratiquer une activité sportive (plusieurs réponses étaient possibles) Bien-être : 80% Esthétique : 8% Santé (sans prescription) : 68% Santé (avec prescription) : 5% Créer relations : 53% Figure 1 : Type de métier actuel ou dernièrement exercé par les répondants 5% 24% 42% 10% 19% Employés Cadres Intermédiaires (agriculteurs, artisans, commerçants,..) Ouvrier Sans MC-Informations 262 • décembre 2015 43 Figure 2 : Nombre de répondants par zone géographique 26% 22% 21% 12% 11% 8% 47% Figure 3 : Etat de santé perçu par les répondants (proportion de l'échantillon global) Mauvais et très mauvais Moyen 2% 24% Très bon 21% Bon 53% 6% Moins de 1h De 7 à 9h De 1 à 2h Plus de 10h De 3 à 6h Figure 6 : Raisons pour lesquelles les répondants pratiquent une activité sportive (Pourcentage sur l'échantillon global, plusieurs réponses possibles) Relations 17% Figure 4 : Pourcentage de l’échantillon global pratiquant des activités physiques (hors sport) sur une semaine par volume horaire 25% 5% 6% 32% Prov.Luxembourg Bruxelles Brabant wallon Prov.Liège Prov.Namur 10% Hainaut 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% Figure 5 : Répartition de la pratique d'une activité sportive en fonction du nombre d'heures par semaine (Pourcentage sur l'échantillon global) Prescription médicale 2% Bien-être 41% 17% Santé 34% 17% Esthétique 6% 35% Moins de 1h De 7 à 9h De 1 à 2h Plus de 10h De 3 à 6h 44 MC-Informations 262 • décembre 2015 Tableau 4 : Quels sont les bénéfices retirés de la pratique sportive (motivations) ? Répartition des répondants pas important (1) un peu important (2) moyennement important (3) important (4) très important (5) Mincir 34,9% 20,7% 23,6% 12,5% 8,2% Santé 6,9% 5,2% 15,4% 33,3% 39,2% Contre-âge 16,3% 12,6% 23,5% 25,4% 22,2% Anti-stress 16,6% 14,7% 20,8% 24,4% 23,5% Fatigue 15,6% 12,6% 24,1% 27,1% 20,6% S'amuser 12,6% 9,0% 18,9% 26,8% 32,7% Silhouette 34,4% 20,7% 21,8% 14,4% 8,8% Rencontres 25,5% 16,4% 23,4% 19,3% 15,4% Forme 6,7% 4,2% 12,5% 33,1% 43,5% Performance 24,8% 17,7% 25,6% 19,0% 12,9% Contacts 25,3% 17,9% 24,1% 19,3% 13,4% Dynamisme 9,8% 10,0% 23,8% 32,6% 23,8% Masse graisseuse 27,1% 17,7% 22,3% 19,1% 13,8% Gagner du muscle 37,3% 19,6% 20,9% 13,1% 9,2% Motivation ? Tableau 5 : Quels sont les freins à la pratique sportive ? Répartition des répondants Frein ? pas du tout un obstacle (1) obstacle un peu contraignant (2) obstacle moyennement contraignant (3) obstacle très contraignant (4) obstacle extrêmement contraignant (5) c'est une cause d'abandon (6) Trajet 70,9% 13,7% 8,2% 3,2% 2,3% 1,7% Vestiaire 89,1% 0,8% 4,9% 1,8% 1,5% 1,9% Regard des autres 84,9% 7,9% 3,9% 1,4% 1,1% 0,9% Equipement 73,9% 13,7% 7,1% 2,4% 1,7% 1,2% Difficultés physiques 44,0% 25,4% 16,6% 6,9% 4,1% 3,0% Le peu d'intérêt à pratiquer 71,9% 11,8% 8,6% 3,3% 2,3% 2,1% Volonté de bouger de chez soi 66,5% 23,8% 1,5% 4,7% 2,4% 1,1% Personnel de l'infrastructure 80,5% 9,5% 5,4% 1,6% 1,2% 1,8% Ambiance 70,6% 13,2% 9,2% 3,2% 2,1% 1,7% Prix 54,8% 14,3% 13,4% 6,8% 6,1% 4,6% Difficultés techniques 67,2% 17,2% 8,9% 3,2% 1,8% 1,6% Temps 45,7% 19,7% 17,6% 8,4% 5,7% 2,9% Connaissance de l'offre 60,5% 13,6% 12,5% 6,5% 4,4% 2,6% Etat des sanitaires 67,4% 13,5% 9,4% 4,0% 2,9% 2,8% MC-Informations 262 • décembre 2015 45 Gagner du muscle et recherche de la performance sont peu tranchés mais la tendance semble se situer entre le « peu à moyennement important ». En ce qui concerne, la « lutte » contre le vieillissement, la diminution du stress, de la fatigue, rien n’est clairement tranché et les avis sont mitigés mais il semble que la tendance s’oriente vers le plutôt « important » Enfin, ce constat est identique en ce qui concerne « faire des rencontres » et « établir des contacts ». Les résultats restent contrastés. Ces résultats pourraient laisser supposer que les 55-70 ans ont une vision bien spécifique de la pratique sportive et auraient globalement des motivations assez similaires à s’y engager. Ces résultats mériteraient donc encore d’être approfondis. Par ailleurs, ils dénotent sur la scène sportive classique telle qu’on la connaît dans la mesure où ce sont souvent (trop ?) les aspects physiques ou de performance liés au sport qui sont mis en évidence. L’angle de vue « santé par l’activité physique et sportive » ou encore le volet « sport pour tous » reste malheureusement peu évoqué et développé, surtout en ce qui concerne le public qui nous concerne. Des seniors recherchant la performance existent bien évidemment mais il s’agit en réalité d’une minorité. En outre, il est fort probable également que nous calquons le sport « jeune » sur le sport pratiqué lorsqu’on est plus âgé. Le modèle d’identification classique à des élites est certainement difficilement accessible pour la majorité des aînés. Enfin, en regard de l’item « créer des relations » : nous savons que l’intégration au sein d’un groupe et d’un tissu social (de qualité) œuvre au bien-être et dès lors, à la santé au sens large. Ceci est d’autant plus intéressant que l’on sait que le vieillissement est associé à une tendance à l’isolement. Si l’on veut lutter contre cette isolement et aussi indirectement aux problèmes que cela peut poser à divers niveaux (accidents, chutes, sentiment de solitude, dépressions, syndrome de glissement, etc.), l’intégration au sein d’un tissu associatif à travers notamment les clubs sportifs loisirs conviviaux et de proximité est à promouvoir. Rejoindre une structure comme énéoSport pourrait également, l’air de rien, jouer un rôle aussi dans la prévention de certaines problématiques sociales que l’avancée en âge peut engendrer. L’enquête met en exergue un autre élément relativement déroutant à savoir qu’aucun obstacle ne se profile véritablement chez les sujets pratiquants du sport. Sur base des retours reçus, se profile un haut niveau d’adhésion. En somme, il en 46 faut beaucoup pour démotiver les sujets ayant répondu, une fois lancé dans une pratique sportive. Ce résultat pourrait éventuellement s’expliquer par le rôle porteur du relationnel, de l’importance accordée de la part du sujet concerné au réseau et au lien social créé. Cette absence d’obstacles reste très étonnante dans la mesure où nous mettons souvent en exergue notamment le frein que le tarif peut représenter. 6. Limites de l’enquête Cette enquête a été mise en place dans le but d’opérer un « coup de sonde ». Il est évident qu’elle n’est donc pas comparable à des études plus approfondies. Dès lors, plusieurs limites principales sont à mettre en évidence. Tout d’abord, l’échantillon a été sélectionné de manière tout à fait aléatoire et n’a pas, volontairement, été constitué de manière « représentative » par rapport à la population belge. Ensuite, il est tout à fait possible que l’échantillon touché soit déjà particulièrement sensibilisé au thème de la santé et conscient de l’importance de l’activité physique et sportive. Il est possible que plusieurs des sujets aient été enclins à répondre au questionnaire tout simplement parce que ce thème leur parlait déjà tout particulièrement. En outre, l’absence de mise en évidence claire de freins à la pratique sportive peut être liée au niveau de vie des sujets. Il est en effet possible que les répondants à notre enquête aient plutôt un niveau de vie correct ou confortable. Il est à noter en effet que l’échantillon est d’ailleurs composé d’assez bien d’employés, de cadres (ou ex-employés/ex-cadres) et de personnes encore en activité. La connaissance de l’offre est également un élément majeur, pouvant être un frein, comme l’avait mis en évidence notamment l’Eurobaromètre de 2014. A nouveau, les résultats peuvent être biaisés dans la mesure où la majorité des sujets de l’échantillon, de par leur niveau socio-économique, ont davantage accès à internet ou encore, sont amenés à « surfer » davantage de par leur activité professionnelle (puisqu’une tranche importante des répondants travaille encore). Ceci peut ainsi laisser supposer que ces personnes sont dès lors, plus à même ou habituées à chercher d’elles-mêmes les informations. C’est ainsi que les résultats obtenus ne peuvent bien évidemment pas être généralisés à l’ensemble de 50 ans et + mais sont valables uniquement pour les sujets ayant répondu. Ils permettent toutefois de soulever des hypothèses et questionnements au vu du nombre important de retours reçus. MC-Informations 262 • décembre 2015 7. Conclusion & perspectives De par le fait qu’elle a été réalisée sous forme de sondage, cette enquête - une première pour l’asbl énéoSport - ouvre bien évidemment plus de portes qu’elle n’en referme. Elle a l’intérêt de susciter quelques questionnements, réflexions mais aussi, d’ouvrir des perspectives d’investigation ultérieure. Les éléments principaux à retenir sont : • l’importance de la pratique sportive « forme/santé/ bien-être » de façon générale • l’importance du volet relationnel dans le cadre d’une pratique sportive (et ce, plus particulièrement pour les membres énéoSport) •la faible recherche de performance ou encore d’intérêt pour les aspects esthétiques • le haut niveau d’adhésion des sujets une fois inscrits dans une pratique sportive •le faible taux de pratique sportive suite à une prescription médicale Sur base de ces principaux éléments, quelques pistes peuvent être dégagées. En effet, il pourrait être intéressant d’orienter les campagnes de sensibilisation à la pratique sportive à destination des seniors sur les aspects de santé, forme et bienêtre et également sur le volet social. Dans cette logique, des partenariats, notamment avec des organismes de santé, doivent évidemment se mettre en place afin que les messages soient diffusés et assimilés de façon optimale. En outre, il serait pertinent d’entamer une réflexion en lien avec le rôle des médecins généralistes en matière de promotion de la pratique physique et sportive des aînés en procédant tout d’abord, à une enquête de terrain et peut-être ensuite, en développant une campagne d’information des acteurs de 1ère ligne tels que les médecins. Plus globalement, il est indispensable de procéder à d’autres études et enquêtes dans le but d’approfondir une série d’éléments. Outre le fait de creuser certains volets du présent sondage et de questionner un public différent de la MC, il serait notamment intéressant d’analyser les données et perceptions en fonction de tranches d’âge, les aspirations et pratiques des 50-60 étant en théorie bien différentes de personnes de 80-90 ans. Inutile de souligner qu’une foule d’orientations sont possibles. Pour conclure, nous tenons à indiquer qu’il demeure bien entendu essentiel de pérenniser des actions de sensibilisation à la pratique physique et sportive à destination des seniors, à de multiples niveaux dans une optique de prévention santé, sans omettre pour autant de procéder à des enquêtes et études de terrain qui vont venir alimenter les actions à mener et messages à passer. Ce travail ne peut s’opérer qu’en créant davantage de synergies entre acteurs ayant pour intérêt le bien-être/santé, le développement du sport pour tous et de loisirs mais encore, avec des universités ou organismes de recherche. La mise en réseau est primordiale et le champ de l’investigation en matière de « sport seniors » ne fait donc que commencer … MC-Informations 262 • décembre 2015 47 Table des matières MC-Informations Éditorial2 paraît quatre fois par an (mars, juin, septembre, décembre) en français Etude MC prothèse totale de hanche 3 et en néerlandais, et est consultable 24 ans d’analyses : l'étape suivante d’une collaboration transparente et équilibrée entre soignants et soignés et entre hôpitaux et mutualités MC-Informations. gratuitement sur : http://www.mc.be/ A cette adresse, vous pouvez vous inscrire sur un « mail-alert » et serez ainsi averti lors de la parution d’un nouveau numéro. Consommation de soins de santé18 Recours aux urgences hospitalières : exploration des données de la MC Les inégalités en santé 26 Les inégalités en santé chez les membres des MC : ne pas avancer, c’est reculer. Promotion de la santé 40 L’activité physique et sportive des + de 50 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles Enquête électronique auprès des affiliés MC Colophon Editeur responsable Luc Van Gorp, Motmanstraat 29, 3530 Houthalen Rédacteur en chef Michiel Callens Secrétariat de rédaction Rebekka Verniest et Mieke Hofman Traduction Service traduction ANMC Layout Service communication MC Impression Daddy Kate (imprimé sur papier recyclé) Adresse de retour Gerda Van Hecke, ANMC – Logistique/WP, chaussée de Haecht 579, BP 40, 1031 Brussel, [email protected], 02 246 41 08