Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

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Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Présentation de Lise Côté,
directrice du Service de la recherche
Colloque de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC)
et de la Direction du développement durable, HEC Montréal
Restructuration industrielle et reconversion écologique :
Une politique industrielle du 21e siècle
Montréal, le 31 mai 2013
Service de la recherche FTQ – Une politique industrielle du 21e siècle
Introduction
Je constate que la question de la politique industrielle occupe une place importante dans le débat public.
L’émergence de ce dernier s’explique par les mutations qui ont cours à l’échelle de la planète, notamment la vive
concurrence internationale, le déplacement du poids économique vers l’Asie, la révolution des technologies de
l’information et de la communication (TIC), etc., lesquels transforment profondément et rapidement le tissu
productif du Québec. Mais aussi parce que les restructurations et les fermetures d’entreprises manufacturières
– et la perte subséquente des emplois – entraînent la dévitalisation de régions entières.
Tous ces phénomènes menaçants poussent la FTQ à réclamer haut et fort une action directe de l’État pour
accompagner et aider les entreprises, et pour soutenir les communautés locales dans la diversification de leur
tissu industriel.
Je n’élabore pas sur les facteurs structurels et conjoncturels qui ont conduit au déclin relatif du secteur
industriel au Québec. J’en prends acte. J’expose plutôt les différents éléments que l’on devrait retrouver dans
une politique industrielle par le biais d’exemples concrets tout en mettant en lumière, lorsqu’il y a lieu, la
contribution syndicale.
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Service de la recherche FTQ – Une politique industrielle du 21e siècle
1. Les principes d’une politique industrielle
La FTQ croit à l’importance d’une politique industrielle pour le Québec. Compte tenu de la petitesse relative de
l’économie québécoise et de sa spécificité, il est indéniable que le gouvernement ne peut pas se limiter à créer
un environnement favorable à la croissance économique. En ce sens, une politique industrielle est un moyen
efficace pour un État de participer au développement de son économie. Le gouvernement doit jouer un rôle de
premier plan et s’engager dans des actions structurantes, mais pas n’importe comment!
Certains grands principes doivent guider cette action gouvernementale.
Pour la FTQ, une véritable politique industrielle doit être globale. Elle doit aider les entreprises à s’adapter à la
concurrence mondiale, mais elle doit aussi trouver des réponses aux changements structurels et aux difficultés
régionales, si le Québec veut assurer sa prospérité économique future.
Outre la mise sur pied de politiques à portée générale (ex. : programmes et mesures qui s’adressent à toutes les
entreprises), elle doit aussi intégrer des politiques sectorielles, car elles seules permettront d’encourager des
secteurs de pointe ou d’accompagner des entreprises traditionnelles vers des activités à plus forte valeur
ajoutée. Il ne s’agit pas ici de choisir des champions nationaux, ce qui pourrait être une approche hasardeuse. Il
faut prendre acte du fait que les restructurations peuvent toucher tout autant des secteurs de pointe que des
secteurs traditionnels. Les politiques sectorielles doivent donc être taillées sur mesure selon les besoins
spécifiques de chacun des secteurs. Mais avant même d’élaborer de telles mesures, le gouvernement doit relever
le défi de poser le bon diagnostic.
De plus, la politique industrielle doit être cohérente, établir les liens nécessaires entre ses diverses composantes
et avoir comme fil conducteur non seulement le développement des entreprises, mais aussi le maintien et la
création d’emplois de qualité.
Je vous expose maintenant des éléments concrets que l’on devrait retrouver dans une politique industrielle.
2. Remettre le secteur manufacturier au cœur du développement économique
En ce qui concerne le secteur manufacturier, la FTQ est habitée par un sentiment d’urgence. Son déclin
inquiète : alors qu’il représentait 23,6 % du PIB en 2000, il n’en représente plus que 16,3 % en 2010.
Il existe un consensus concernant le caractère névralgique du secteur manufacturier pour l’économie du
Québec; c’est pourquoi il importe de le mettre au cœur du développement économique. Notamment parce qu’il
soutient plus de 485 000 emplois directs. Aussi, parce qu’il engendre un effet d’entraînement important sur les
autres secteurs de l’économie en termes de création d’emplois indirects et d’activité économique induite en
amont (fournisseurs et sous-traitants) et en aval (distribution, mise en marché, etc.). Ce secteur est aussi une
source majeure d’innovation et de gains de productivité.
En plus de produire des biens à plus forte valeur ajoutée, ce secteur est une importante source d’emplois de
qualité. On y retrouve de meilleures conditions de travail en termes de salaires et d’avantages sociaux. En fait,
les salaires versés y sont 35 % plus élevés que le salaire moyen au Québec. De plus, en offrant des emplois à des
personnes moins fortement diplômées, il contribue au maintien de la classe moyenne, et ce, dans toutes les
régions du Québec.
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Service de la recherche FTQ – Une politique industrielle du 21e siècle
La relance du secteur manufacturier passe nécessairement par la fabrication de produits à forte valeur ajoutée
ou de produits de niche (créneaux). C’est ainsi que le Québec saura se démarquer de ses concurrents de
production de masse.
Bien que nous souhaitions que la politique industrielle cible davantage les activités manufacturières, il faut faire le
constat que les grands secteurs économiques sont de plus en plus intégrés et qu’il est contre-productif de les
opposer. Ainsi, le secteur manufacturier ne peut se déployer entièrement sans la contribution d’entreprises du
secteur des services (les entreprises exploitant les ressources naturelles sont souvent des fournisseurs de
matières premières; l’industrie du transport est essentielle pour livrer localement les marchandises mais aussi
pour les exporter; etc.). Bref, la « valeur » du manufacturier est étroitement liée à celle des services.
3. La transformation : le nerf de la guerre!
À l’intérieur de ce grand secteur de la fabrication, la FTQ est d’avis que la transformation et la valorisation des
ressources naturelles est un volet essentiel d’une politique industrielle. Miser sur les activités de 2e et 3e
transformation est une approche structurante, car elle fait émerger de nouvelles activités ou même de nouveaux
secteurs créateurs de valeur ajoutée, de même que des emplois de qualité.
Le Québec ne peut se satisfaire d’un modèle économique où des minières extraient notre minerai pour le
transformer ailleurs, se privant ainsi de retombées économiques de taille. Nous devons nous servir des
ressources naturelles, notre richesse collective, comme tremplin pour développer un secteur manufacturier de
pointe. Sans exiger la transformation pour l’ensemble de la production des ressources naturelles, nous croyons
que des efforts devront être consacrés pour développer des filières assurant un maximum de retombées
économiques parce qu’il y a, à la clé, des milliers d’emplois en jeu.
Or, depuis plus d’une décennie, on constate qu’il existe de moins en moins d’activités de transformation au
Québec, ce qui est assez alarmant. Voici quelques statistiques glanées auprès de notre syndicat affilié, le Syndicat
des Métallos.
La performance du Québec en ce qui a trait à la transformation du fer est très faible : seulement 11 % du
minerai est transformé chez nous. Depuis les 20 dernières années, on constate que le secteur de la sidérurgie
périclite. Alors que 4 700 personnes y travaillaient en 1991, cette industrie embauchait, en 2011, seulement
1 800 personnes. Même scénario du côté de la fabrication de produits en acier, où le nombre d’emplois est
passé, pour la même période, de 2 500 à seulement 880 emplois.
Autre exemple : ArcelorMittal hésite depuis plus de cinq ans à investir dans son aciérie de Contrecœur. Voilà
plus de quatre ans que le Syndicat des Métallos fait des pressions pour que l’entreprise honore son engagement
pris en 2007 d’investir dans un laminoir à poutrelles. Mais en même temps, la compagnie projette d’augmenter
de 15 à 24 millions de tonnes sa capacité d’extraction sur la Côte-Nord. Dans le cas du nickel, le résultat est
peu reluisant : aucune transformation n’a lieu sur le territoire. Sa route le mène de la mine Raglan, dans le Nord
québécois, jusqu’en Ontario, puis en Europe où il est transformé.
On note, par ailleurs, que l’existence de circuits de transformation est garant d’une vitalité économique future.
Ainsi, dans le cas des minerais pour lesquels le Québec a réussi à établir des circuits de transformation, dans le
passé, de grandes entreprises ont continué à prospérer malgré la fin de la durée de vie de la mine. En effet, selon
le type de ressource, le Québec importe du minerai pour alimenter ces entreprises. C’est le cas pour le zinc,
alors que les travailleurs et les travailleuses de l’affinerie CEZ, à Salaberry-de-Valleyfield, en transforment deux
fois plus que ce qui est extrait du sol québécois.
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Service de la recherche FTQ – Une politique industrielle du 21e siècle
Scénario similaire dans le cas du cuivre : on en transforme sept fois plus que ce qui est extrait des mines
québécoises, principalement à la fonderie Horne à Rouyn-Noranda. Or, celle-ci a vu le jour en 1926, alors que
l’Abitibi connaissait un important boom dans les mines de cuivre. Ce dernier est passé, mais la fonderie est
restée et s’est modernisée, tant et si bien que sa polyvalence en fait un incontournable dans le circuit de la
transformation du minerai.
Plusieurs autres exemples existent : l’affinerie de CCR à Montréal-Est qui transforme des anodes provenant de
la Horne et d’autres fonderies à l’extérieur du Québec. Au total, on estime que 92 % de la production de
cathodes de cuivre est fabriquée à partir de métal importé.
De l’affinerie de CCR, près de la moitié de la production est acheminée à une autre usine, Nexans, située dans la
région montréalaise, qui fabrique des bobines de fil de cuivre. Cette chaîne de valeur subsiste aujourd’hui parce
que, dans la première moitié du siècle dernier, une fonderie de cuivre a été ouverte, ce qui a empêché
l’exportation systématique du minerai chez nos voisins ontariens.
Ces circuits montrent bien que les usines de transformation façonnent le paysage industriel. Le Québec est une
société de savoir, capable de développer des technologies de pointe. Pourquoi se contenterait-on d’extraire les
ressources naturelles sans chercher à les exploiter davantage?
4. Ne pas sous-estimer le pouvoir des grappes
Pour qu’une stratégie industrielle soit structurante, elle doit promouvoir des projets qui garantissent à long
terme le renforcement et la diversification du tissu productif, tant à l’échelle locale, régionale que nationale. Ces
effets structurants peuvent prendre différentes formes comme, par exemple, le renforcement des filières
(grappes) industrielles existantes, l’expansion d’activités connexes à ces filières et la création de nouveaux pôles
de développement. Plus les grappes sont dynamiques, plus elles agissent comme un aimant attirant les
entreprises d’ici et d’ailleurs, lesquelles veulent être géographiquement proches de « là où ça se passe! ». C’est
le cas notamment dans le secteur de l’aérospatiale où le Québec est un pôle mondial.
Une stratégie industrielle cohérente et structurante n’est efficace que si elle favorise le développement durable
des communautés et des régions de l’ensemble de la province. La richesse du Québec passe par la richesse de
ses régions. On doit donc penser chaque action comme étant génératrice d’activités structurantes et de
retombées pour chacune d’elles. Développer les activités de transformation et de fabrication en région, ce n’est
pas uniquement créer de l’activité économique, c’est aussi développer du savoir et des compétences.
L’émergence de la filière de l’aluminium (Saguenay–Lac-Saint-Jean) est intéressante, car elle combine avec brio
tous les éléments ci-haut mentionnés.
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La filière Aluminium : détermination et cohésion
En 1996, Alcan cherchait à obtenir 350 MW d’électricité supplémentaires d’Hydro-Québec pour remplacer une vieille
aluminerie par une nouvelle. Ce projet représentait 3 milliards de dollars.
À l’époque, le député de Jonquière était M. Lucien Bouchard, premier Ministre du Québec. Le syndicat, qui se
positionnait en faveur du projet, est allé le rencontrer pour le convaincre d’accorder les 350 MW en échange toutefois
d’une obligation de transformer l’aluminium dans la région. M. Bouchard a alors rétorqué qu’il n’était pas un
gouvernement dirigiste et qu’il ne pouvait pas forcer une entreprise à transformer la ressource si elle ne souhaitait pas
le faire.
Ainsi, tout en étant favorable au projet de nouvelle usine, le syndicat ne partageait pas l’orientation gouvernementale
d’accorder les 350 MW dont Alcan avait besoin, sans contrepartie. Il a alors mené plusieurs interventions publiques
dont l’essentiel du message était : « Il est vrai que le gouvernement ne peut pas forcer Alcan à faire de la
transformation; cependant, il a le pouvoir de dire non au 350 MW! ».
Quelques jours plus tard, le premier Ministre a invité le syndicat à son bureau pour une rencontre en admettant, du
même souffle, que l’entreprise pouvait effectivement faire plus. L’objectif de cette rencontre était de tâter le pouls du
syndicat concernant une possible participation à un comité visant à promouvoir les activités de transformation de
l’aluminium. Le comité serait formé d’un représentant du gouvernement, d’Alcan et du syndicat. Ce dernier a annoncé
au premier Ministre qu’il devait soumettre cette possibilité à ses membres. Après la tenue d’une assemblée générale
où le débat a été vigoureux, les membres ont voté unanimement en faveur de la participation du syndicat au comité.
En décembre 1996, un comité appelé TransforActions est formé. Il est composé d’un représentant du bureau du
premier Ministre, d’un vice-président d’Alcan et d’un représentant du syndicat (qui, à l’époque, avait une entente de
service avec les Métallos). À mesure que les travaux progressaient, deux autres personnes se sont jointes au comité
dont le président du Conseil régional de développement (CRD), l’équivalent de la CRÉ aujourd’hui. Pour assurer le
soutien aux travaux, le gouvernement et Alcan ont tous deux libéré une personne à temps plein.
En hiver 2001, le comité est devenu la Société de la Vallée de l’aluminium (SVA). On retrouvait un représentant
syndical sur le conseil d’administration. C’était à cette époque que le ministre des Finances, Bernard Landry, a mis sur
pied plusieurs mesures fiscales visant à favoriser des secteurs spécifiques qu’on considérait alors porteurs, comme la
Cité multimédia à Montréal ou le Centre national des nouvelles technologies de Québec à Québec. L’aide
gouvernementale a pris la forme d’un crédit d’impôt remboursable de 40 % calculé sur la hausse de la masse salariale.
La SVA s’est alors mis à revendiquer une mesure similaire pour sa région (Saguenay–Lac-Saint-Jean) auprès du
gouvernement. Les démarches ont porté fruit : un crédit d’impôt remboursable de 40 % par emploi créé dans la Vallée
de l’aluminium (pour la fabrication de produits finis ou semi-finis ayant subi une première transformation et la
valorisation, et le recyclage de résidus de l’aluminium) a été mis sur pied.
Depuis la mise en place de ce crédit, plus de 2 500 emplois ont été créés, en transformation et dans les
équipementiers d’aluminium.
Aujourd’hui, la Vallée de l’aluminium est un des principaux pôles mondiaux de l'industrie avec une grand producteur,
Rio Tinto Alcan (RTA), des institutions d’enseignement qui offrent de la formation de niveau universitaire, collégiale et
secondaire, quatre centres de recherche et une constellation d’équipementiers et d’entreprises de produits semi-finis
et finis ou à valeur ajoutée.
Ce qui manque pour que la filière s’épanouisse encore davantage aujourd’hui, c’est la mise sur pied d’un fonds de
capital de risque pour le prédémarrage et le démarrage d’entreprises. Ce projet est présentement en cours.
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En somme, la Vallée de l’aluminium est un modèle dont on devrait s’inspirer : octroi de blocs d’énergie, création
d’un comité pour stimuler l’émergence d’une grappe industrielle de transformation, crédit d’impôt pour la
fabrication de produits finis ou semi-finis ayant subi une première transformation, mise sur pied de formations
professionnelles, techniques et universitaires pour fournir une main-d’œuvre qualifiée.
5. L’accent sur le savoir et les compétences
Une politique industrielle non assortie à une politique de développement de la main-d’œuvre adéquate ne fait
aucun sens. Les entreprises doivent avoir accès aux compétences et aux talents dont ils ont besoin pour
soutenir leur projet de reconversion ou d’expansion, et ainsi augmenter leur compétitivité. L’accès à une
formation qualifiante et transférable doit être garanti pour les travailleurs et les travailleuses. En ce sens, EmploiQuébec est un modèle d’organisme gouvernemental cohérent qui offre du soutien aux entreprises, autant les
petites que les grandes, tout en s’assurant de la qualité des formations offertes.
Voici des cas d’entreprises ayant réalisé des projets d’envergure, au sein desquels les syndicats ont contribué de
façon significative.
Bombardier : une transformation du processus de travail pour assurer sa compétitivité
Afin de maintenir sa position de leader et de demeurer compétitif au plan mondial, Bombardier a lancé une nouvelle
gamme d’avions, la Série C. En perçant ce nouveau marché, l’entreprise veut ainsi assurer son avenir pour les deux
prochaines décennies. Toutefois, cet investissement requiert qu’elle modifie en profondeur ses méthodes de travail et sa
culture organisationnelle pour améliorer son efficacité et sa performance. Elle a alors choisi d’implanter le « lean
manufacturing » (amélioration continue) et l’optimisation du travail d’équipe. Avec l’accord des syndicats FTQ en place (le
Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada –
TCA et l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale – AIMTA),
Bombardier a déposé une demande d’aide financière pour la formation de sa main-d’œuvre à Montréal et à Mirabel. Ce
n’est pas rien : 114 millions de dollars pour des formations s’échelonnant sur une période de 6 ans, menées en deux
phases. La première phase est terminée : les formations ont permis aux travailleurs et travailleuses de développer de
nouvelles compétences requises par le nouveau système manufacturier et de mettre à niveau leurs habiletés techniques.
En outre, ce sont des formations qualifiantes et transférables. À terme, ce projet prévoit la création d’au moins 850
emplois, entre 2012 et 2015, la plupart dans des postes de production. Il s’agit là d’emplois syndiqués, de qualité dont les
salaires sont largement supérieurs à la moyenne.
AVEOS : une action concertée de tous les partenaires
Quand AVEOS a annoncé la fermeture de ses installations, c’était une catastrophe : 1 800 emplois perdus! Un comité de
reclassement a été mis sur pied. Des discussions intensives ont eu aussi lieu entre le gouvernement du Québec, les
représentants de l’entreprise et du syndicat des Machinistes (AIMTA). Parmi les différentes finalités, une entente a été
conclue avec la compagnie AJ Walter Aviation, une entreprise britannique, pour le rachat des actifs de la division
Maintenance des composants. Cet achat par Walter Aviation fait partie sa stratégie de croissance au sein de laquelle
Montréal représente un emplacement clé pour trouver de nouveaux clients. Investissement Québec a offert un prêt de 4
millions de dollars; le syndicat des Machinistes (AIMTA) a conclu une entente visant à accorder une priorité d’embauche
aux anciens employés d’AVEOS. Le programme de formation vise à permettre à ces anciens employés d’améliorer leurs
compétences afin d’obtenir toutes les qualifications requises pour les nouveaux produits sur lesquels ils auront à
travailler.
Bref, le savoir et la connaissance sont des éléments essentiels d’une stratégie industrielle moderne et
performante. L'éducation, la formation de la main-d’œuvre, la recherche et développement permettent de
maintenir le Québec à l'avant-garde.
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6. Un développement durable
La politique industrielle doit s’inscrire dans une perspective de développement durable visant à favoriser
l’émergence d’une économie innovante et prospère. La FTQ est profondément convaincue que la protection de
l’environnement est compatible avec une croissance économique vigoureuse et la création de nouveaux emplois,
dans le cadre d’une transition vers une économie plus verte.
De plus, l’expression « transition verte » permet de concrétiser l’arrimage entre une stratégie industrielle et une
politique énergétique. Elle contribue, d’une part, à faire des choix énergétiques plus durables et, d’autre part, à
s’assurer que ces choix énergétiques deviennent un moteur de développement économique et de création
d’emplois de qualité. Une véritable stratégie industrielle ne peut se passer d’une politique énergétique
cohérente.
Certains pays, notamment la Norvège et le Danemark, ont développé avec succès une vision où croissance
économique, bien-être et environnement se conjuguent tout en gardant le cap sur les énergies renouvelables. Et
pour eux, c’est une question de compétitivité : utiliser moins d’énergie pour produire des biens et des services,
c’est se positionner favorablement dans un contexte de concurrence mondiale. C’est pourquoi le Québec doit
consolider ses acquis en tant que chef de file de la production et de l’exploitation de sources d’énergies propres
et renouvelables, en réalisant les investissements stratégiques nécessaires.
Les avantages économiques d’Hydro-Québec sont indéniables. Québec peut, grâce à cette société d’État, offrir
aux entreprises des tarifs d’électricité parmi les plus avantageux des pays industrialisés.
Hydro-Québec joue ainsi un rôle moteur dans le développement économique, la création d’emplois et le
dynamisme des régions. La FTQ encourage donc le gouvernement du Québec à poursuivre, dans le cadre d’une
politique industrielle cohérente, la valorisation de notre ressource collective qu’est l’hydroélectricité et le
maintien de tarifs compétitifs pour différents secteurs industriels. L’existence de surplus d’électricité offre au
Québec un avantage concurrentiel dont il doit profiter pour renforcer sa capacité à rendre son secteur
manufacturier plus vert et plus compétitif. Toutefois, l’octroi d’importantes quantités d’énergie à un prix très
compétitif (appelés blocs d’énergie ou contrats à partage de risques), doit être accompagné d’exigences
gouvernementales fortes en termes de retombées économiques et d’équité envers chacune des parties (c’est-àdire le gouvernement et l’entreprise, y compris les travailleurs et les travailleuses de celle-ci1).
Nous référons ici à l’entente de Rio Tinto Alcan (RTA) avec Hydro-Québec qui est un exemple flagrant d’une entente inéquitable
favorisant indûment l’entreprise. Plusieurs clauses sont particulièrement choquantes, notamment le fait que RTA puisse se soustraire à
ses obligations en cas de « force majeure, ce qui inclut les troubles sociaux, conflits de travail, grèves, piquetage ou lock-out ». Autre
irritant majeur : l’obligation faite à Hydro-Québec d’acheter l’électricité produite par les installations appartenant à RTA au « tarif L »,
soit 4,53 ¢/kWh, pour un coût de production estimé à 1 ¢/kWh, même s’il y a conflit de travail.
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7. Une transition équitable : une revendication syndicale
Lors de l’établissement d’une stratégie industrielle favorisant le développement de secteurs industriels verts et
encourageant les secteurs traditionnels à adopter des modes de production plus écologiques – ou encore pour
les secteurs industriels aux prises avec une restructuration –, il faut prévoir un programme de transition
équitable pour les travailleurs et les travailleuses qui subiront les effets négatifs de ces transformations.
Les coûts et les impacts de bâtir une économie verte ne doivent pas reposer sur les seules épaules des
travailleurs et des travailleuses qui sont dans les secteurs en déclin ou en restructuration.
L’idée derrière une transition équitable est de faire une planification des changements menant vers une
économie durable et d’en répartir les coûts économiques et sociaux de manière équitable entre tous les acteurs
de la société, ce qui exige une contribution des entreprises et un financement public adéquats.
Malheureusement, ni le Canada ni le Québec se sont dotés de programmes convenables de soutien du revenu
ou d’ajustement au marché du travail qui permettraient aux communautés, aux travailleuses et aux travailleurs
affectés de mieux vivre cette vaste restructuration de l’économie. Pire encore : les nouvelles règles du régime
d’assurance-emploi vont pénaliser plusieurs travailleurs et travailleuses, mais vont aussi affecter des secteurs
dont certaines activités plus saisonnières comme la forêt, le tourisme et la construction.
Cela permet de poser un autre constat majeur : plusieurs instruments de la politique industrielle, par exemple la
politique monétaire et la politique commerciale, sont entre les mains du gouvernement fédéral. Cette situation
empêche parfois le Québec de tirer pleinement parti des initiatives gouvernementales qu’il entreprend sur son
territoire.
8. Le Fonds de solidarité FTQ : un acteur incontournable
Le Québec dispose d'un écosystème financier solide et diversifié, formé, entre autres, par le Capital régional et
coopératif Desjardins, le Fonds de solidarité FTQ, le Fondaction de la CSN, la Caisse de dépôt et placements
(CDPQ) et Investissement Québec (la future Banque de développement économique du Québec). Ces deux
dernières sociétés publiques de capital sont des partenaires importants dans bon nombre de projets structurants
pour le Québec.
Ces institutions pourraient, selon leur capacité et en complément au financement offert par le gouvernement,
allouer du capital pour soutenir conjointement l'implantation de projets industriels majeurs et novateurs au
Québec, une fois que la faisabilité de ces projets aura été démontrée.
Par son action, le Fonds de solidarité FTQ investit dans des projets qu’il estime porteurs pour le Québec, tout
en servant les intérêts de ses actionnaires. Grâce à son expertise, ses capitaux et son vaste réseau de fonds
spécialisés, régionaux et locaux, le Fonds de solidarité FTQ accompagne financièrement et stratégiquement les
entreprises désireuses de prendre de l’envergure.
Dernièrement, la FTQ s’est réjouie de la mise sur pied, par Investissement Québec (IQ) et le Fonds de solidarité
FTQ, du Fonds Valorisation Bois dont la principale mission est de financer des projets qui favorisent la 2e et 3e
transformation à forte valeur ajoutée. La gestion de ce fonds spécialisé sera confiée au Fonds de solidarité FTQ
qui possède le savoir-faire et les ressources nécessaires.
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9. Reconnaître le rôle stratégique des services publics
Pour promouvoir la compétitivité d’une économie, les gouvernements doivent investir dans les infrastructures
publiques, que ce soit celles du transport (ports, aéroports, routes et rail) ou des communications. On oublie
trop souvent que des programmes sociaux et des services publics de qualité assurent aussi un environnement
favorable au développement économique, comme le démontrent avec éloquence les pays nordiques.
Le cas de la santé est à ce titre un exemple particulièrement percutant. Les coûts des soins de santé haussent
sensiblement les coûts de production et grugent la compétitivité des entreprises américaines. Bien d’autres
services publics soutiennent aussi le développement économique, par exemple le réseau de l’éducation ou les
mesures de soutien aux familles, comme les services de garde qui influent sur la participation des femmes au
marché du travail et peuvent diminuer les pénuries de main-d’œuvre.
On devrait valoriser ces services publics plutôt que de les dénigrer.
10. Et pourquoi ne pas élaborer un « Buy Québec Act »?
Le Québec dispose d'un nombre important d’entreprises publiques et parapubliques qui représentent une large
portion de l’économie québécoise. Le gouvernement pourrait considérer une utilisation plus étendue de l’effet
de levier qu’est l’approvisionnement public afin de maximiser les occasions d’investissement et de création
d’emplois au Québec. Dans des lignes directrices relatives à l’achat public, le gouvernement devrait examiner ce
qui peut être fait chez nous en matière de préférence nationale, tout en se conformant aux règles édictées par
l’OMC et les accords de libre-échange.
Ces entreprises publiques et parapubliques devraient donner une chance aux entreprises québécoises en offrant
des débouchés pour leurs nouvelles technologies (procédés ou prestations de service) ou pour leurs produits.
En agissant ainsi, le gouvernement, en plus de les soutenir dans leur développement, offrira aux entreprises
québécoises les références nécessaires pour vendre leurs produits et leur savoir-faire ailleurs au Canada ou à
l’étranger.
Il faut prendre acte que le tissu industriel du Québec est essentiellement composé de PME, qui sont fortement
ancrées dans leur communauté. Favoriser l’achat local, c’est soutenir les PME qui font tourner l’économie locale
et régionale.
11. Favoriser des circuits économiques courts
Dans le même esprit, le gouvernement devrait promouvoir, auprès des entreprises québécoises, des circuits
économiques courts. Le principe même du libre-échange (mondialisation) et de la grande entreprise est de
maximiser et de tirer avantage des circuits économiques longs, c’est-à-dire étendus au plan spatial. Ceci permet
de jouer favorablement sur les écarts de prix et de coûts qui existent entre les différents pays, notamment ceux
en émergence. C’est de cette manière que les entreprises réussissent à dégager d’énormes profits. Dans ce jeu,
l’acteur principal, soit l’entreprise, ne recherche que la croissance et non le développement.
Le principe derrière les circuits économiques courts, en revanche, est de maximiser la production locale pour
répondre aux besoins locaux. Au Québec, il est beaucoup plus fréquent d’entendre parler de circuit économique
court dans le domaine de l’alimentation. En effet, il est moins dommageable pour l’environnement et plus
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profitable collectivement de se nourrir de fruits et de légumes qui ont poussé dans un rayon limité, autour de
notre lieu de résidence. Ce principe de proximité peut être mis en application à divers secteurs de l’économie.
Nous sommes d’avis qu’une stratégie industrielle forte devrait valoriser les liens de proximité économiques et
productifs. Favoriser les circuits courts ne doit pas être perçu comme du protectionnisme, car il s’agit d’une
analyse économique bien rationnelle, si on inclut dans l’équation toutes les variables, notamment les coûts
sociaux et environnementaux.
Conclusion
Le Québec possède des atouts indéniables pour reconstruire un véritable secteur industriel dynamique. En effet,
il dispose de matières premières abondantes et possède les compétences pour les exploiter avec discernement.
Sa main-d’œuvre, en nombre suffisant pour répondre aux besoins, est qualifiée et expérimentée. Enfin, il possède
une énergie propre, abondante et disponible. Cette dernière constitue un avantage compétitif qui nous
rapporterait beaucoup plus si elle était utilisée à transformer des biens localement, plutôt que de la vendre pour
alimenter les industries ailleurs.
Le gouvernement ne peut définir seul cette politique s’il veut établir des objectifs clairs et un plan d’action avec
des échéanciers réalistes. Il doit absolument mettre à contribution l’ensemble des acteurs socioéconomiques,
dont les syndicats. Nous possédons une excellente connaissance du fonctionnement des différents secteurs et
des défis auxquels ils sont confrontés. Le Fonds de solidarité FTQ, qui possède une expertise indéniable en
matière de développement économique et sectoriel, contribue à notre réflexion. Nous pouvons donc participer
avec compétence à la définition des problèmes et au diagnostic. Nous pouvons formuler des propositions
concrètes pour le développement d’un secteur d’activité ou d’une région qui tiennent aussi compte des
travailleurs et des travailleuses qui « font » une industrie.
Au lieu de nous percevoir comme une partie du problème, le gouvernement devrait nous voir comme un allié
qui lui permettra de mieux concilier ses objectifs de soutien à la vitalité économique des entreprises, avec ceux
de justice sociale pour ses citoyens et ses citoyennes.
Merci.
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