cas CLINIQUE N°2 Jean 73ans Jean vit en maison de retraite depuis cinq ans. ancien employé de l’administration cantonale, fumeur à 60 unités-paquets-années, il a cessé la cigarette il y a un an lors de la découverte d’une tumeur bronchique. c’était un carcinome à petites cellules du poumon droit qui a été traité par radiothérapie et chimiothérapie. Il y a trois semaines, le patient notait une toux sèche et une asthénie croissante pour laquelle il vous consulte. soupçonnant une récidive de la tumeur, vous avez fait des examens qui mettent en évidence un syndrome inflammatoire, des métastases hépatiques et osseuses. La radiographie thoracique fait craindre une récidive locale du cancer ou une métastase. a l’examen clinique, Jean est pâle et en état général médiocre (65 kg pour 180 cm). La palpation des côtes est douloureuse en régions sous-axillaire droite et dorsale gauche sous la pointe de l’omoplate. La palpation de l’épaule gauche est douloureuse et sa mobilité très diminuée par les douleurs. Jean paraît inconfortable au plan respiratoire, sa fréquence respiratoire est de 20 cycles/min. On ausculte quelques râles crépitants fins sur les deux plages pulmonaires ne disparaissant pas à la toux. Le foie est augmenté de volume et sensible à la percussion. Le reste de l’examen est sans particularité. actuellement, le patient a perdu du poids (4 kg en un mois), n’a plus d’appétit ; de plus, il se plaint d’essoufflement au moindre effort, de toux, ainsi que de douleurs de l’épaule gauche et costales droites qui l’empêchent de dormir. Il prend 1- 2 comprimés de paracétamol quand il a trop mal, mais cela ne le soulage que médiocrement. Mis au courant de l’évolution de sa maladie qu’il soupçonnait, et gardant un très mauvais souvenir du traitement, Jean refuse catégoriquement des investigations complémentaires ou une nouvelle chimiothérapie. Il semble avoir fait un choix clair : il ne veut pas aller à l’hôpital (“ça ne servirait à rien”). Il a confiance en vous et demande que vous fassiez quelque chose pour ses douleurs et “pour le remonter” : il mange peu, est très fatigué par le moindre effort et ne peut plus sortir de sa chambre. Question : - Que faites-vous ? source : Inspiré du cas clinique page 40 InfoKara 1998, n°50, avec accord des auteurs. cas CLINIQUE N°2 Fiche technique formateur POINTS ABORDÉS • Refus et consentement de soins • Anticipation de l’aggravation et/ou des transferts • Soutien de l’entourage • Réseau et ressources locales • Gestion des symptômes (dyspnée, douleurs de métastases osseuses) PISTES DE RÉPONSES ET RÉFLEXIONS Il s’agit tout d’abord de déterminer une attitude palliative dans un cancer d’évolution rapidement défavorable, qui a récidivé après un traitement optimal. L’attitude de Jean (il a vécu l’expérience d’une “cure”) est un “refus informé” que nous devons respecter, conformément à la loi n°2005-370 du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie. Par ailleurs, une récidive de ce type de cancer a, dans son cas, un très mauvais pronostic, même avec un traitement agressif, la survie moyenne ne dépassant pas 3-4 mois. La priorité est donc de répondre à ses demandes et de le soulager : soulager ses douleurs, si possible lui redonner des forces, améliorer sa dyspnée à l’effort. Améliorer la dyspnée La dyspnée pose un problème diagnostique et thérapeutique. Il pourrait être utile de rechercher une cause cardiaque (insuffisance cardiaque ? épanchement péricardique ?) ou pulmonaire (lymphangite carcinomateuse ? surinfection en aval de la tumeur bronchique ?). Des examens simples et “rentables” pourraient être proposés à Jean dans ce but. Un bolus de corticoïdes peut être tenté avec pour objectif de diminuer l’oedème tumoral, voire la taille de la tumeur au niveau pulmonaire ou péricardique. Contrôler la douleur Les douleurs de l’épaule gauche sont dues à une métastase de l’humérus. Le traitement de choix semble ici une radiothérapie antalgique, très efficace sur ce type de lésions et souvent bien tolérée. L’attitude anti-chimiothérapie de Jean n’est pas un obstacle insurmontable : des explications claires et objectives peuvent lui permettre de donner un “consentement informé” pour ce type de traitement. Penser à évaluer la douleur avec une échelle visuelle analogique ! L’alternative antalgique (ou une association à la radiothérapie) est le contrôle de la douleur en suivant les 3 paliers de l’OMS. Un anti inflammatoire non stéroïdien (AINS) être très efficace, mais avec des risques non négligeables d’ulcère gastrique, d’atteinte rénale ou allergique. Avec ou sans 2ème palier, le passage à la morphine sera une ressource antalgique supplémentaire. L’asthénie, l’anorexie sont plus difficiles à traiter. De faibles doses de corticoïdes ou équivalent ont souvent un effet stimulant de l’appétit assez spectaculaire. Accompagner Outre le contrôle des symptômes, accorder la plus grande importance à l’accompagnement relationnel. Les soins palliatifs nécessitent une collaboration, non seulement avec le patient, mais aussi avec l’entourage (attention à la surcharge physique et émotionnelle). Une bonne écoute du patient permettra probablement de l’entendre aborder lui-même le problème de sa mort. L’entourage en général qui se sait écouté osera exprimer la souffrance qu’il observe et qu’il vit lui-même, poser des questions importantes sur la maladie, les soins, l’alimentation, le pronostic et la mort. La famille a sa place auprès du patient, à laquelle le médecin et les soignants ne peuvent pas se substituer. Le soutien de la famille passe par cette écoute et, parfois, par l’intervention d’autres partenaires (bénévoles, représentants religieux ou aumôniers…). La famille qui assure une présence auprès du malade doit également veiller à ne pas s’épuiser, et trouver des relais et des temps de repos. Soutenir avec le réseau Le médecin traitant n’est pas et ne doit pas être seul : ses partenaires professionnels sont l’infirmière et l’équipe de soins de la maison de retraite, ainsi que le médecin coordonnateur et l’équipe mobile de soins palliatifs de référence du secteur (s’ils existent), qui peuvent constituer un réseau informel ou formel de soutien par leurs conseils et leurs soins. La communication avec ces partenaires est nécessaire pour assurer une continuité dans l’évaluation et le traitement palliatif. Les transmissions permettent à chacun d’inscrire ses observations et recommandations et servent de “coordinateur” des soins et attitudes. L’anticipation est aussi une manière de diminuer l’angoisse du patient et de sa famille. Aborder franchement la question de “si ça va moins bien, que fait-on ?”.