Arch Mal Coeur Vaiss Prat 2017;2017:3–10 Dossier / Mise au point Faut-il dépister les localisations athéromateuses extracardiaques chez le patient coronarien ? Should the patient with coronary artery disease be screened for extracardiac atherosclerotic involvement? H.T. Bui H.T. Bui D. Metz Service de cardiologie et pathologies vasculaires, centre hospitalier universitaire de Reims, hôpital Robert-Debré, rue du Général-Koenig, 51100 Reims, France Disponible en ligne sur ScienceDirect le 28 mars 2017 L' athérosclérose a été définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1958 comme « une association variable de remaniements de l'intima et de la média des artères de gros et de moyen calibre. Elle constitue une accumulation focale de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissus fibreux et de dépôts calcaires. Le tout est accompagné de modifications de la média » [1]. La maladie athérothrombotique est donc différente de l'artériosclérose qui est un processus de sclérose artérielle intéressant principalement les fibres musculaires de la média et qui est due au vieillissement. La première étape de la maladie athérothrombotique est l'accumulation de LDL cholestérol (LDLc) dans l'intima avec des modifications oxydatives des LDLc. La dysfonction endothéliale est responsable du recrutement des monocytes, puis de leur transformation en macrophages, puis en cellules spumeuses (macrophages gorgés de LDLc). La plaque « mature » se forme avec un centre athéromateux et une chape fibreuse constituée de cellules musculaires lisses. Cette plaque peut rester stable ou évoluer vers la thrombose ou vers un accident aigu par rupture de plaque. La prévalence de l'athérosclérose augmente progressivement dans les pays développés en raison du vieillissement de la population et des modifications des facteurs de risques. En 1997, l'étude MONICA (Multinational monitoring of trends and determinants in cardiovascular disease) a démontré une réduction de la mortalité cardiovasculaire avec un gradient décroissant de la mortalité du Nord vers le Sud, due à une meilleure prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire mais aussi à l'évolution des traitements donnés à la phase aiguë de la maladie [2]. Il paraît donc essentiel de dépister les multiples localisations athéromateuses afin d'optimiser leur prise en charge. Les trois localisations préférentielles de la maladie athérothrombotique sont les locations coronariennes, carotidiennes et les atteintes de l'aorte et des artères des membres inférieures. Comme le montre le registre REACH (Reduction of Atherothrombosis for Continued Health) [3], l'athérome est une maladie généralisée qui peut toucher simultanément plusieurs lits vasculaires. REACH est le plus grand registre international portant sur la maladie athérothrombotique. Il s'agissait d'une étude prospective observationnelle portant sur une cohorte de patients de plus de 45 ans ayant soit une maladie athérothrombotique établie (pathologie coronaire, cérébrovasculaire ou artériopathie oblitérante des membres inférieurs, soit au moins trois facteurs de risque cardiovasculaire). Près de 68 000 patients ambulatoires ont été recrutés par 5587 médecins investigateurs dans 44 pays. Parmi les 3514 patients français porteurs d'une maladie athérothrombotique avérée, 2373 (68 %) avaient une maladie coronarienne, 778 (22 %) avaient un accident vasculaire cérébral ischémique et 923 (26 %) avaient une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Près d'un quart des patients coronariens, près d'un tiers des patients atteints de maladies cardiovasculaires et près de la moitié des patients atteints d'artériopathie oblitérante des membres inférieurs avaient au moins une autre localisation de la maladie athérothrombotique [4]. Auteur correspondant : H. Bui, service de cardiologie et pathologies vasculaires, centre hospitalier universitaire de Reims, hôpital Robert-Debré, rue du Général-Koenig, 51100, Reims, France. Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.amcp.2017.03.002 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 3 Dossier / Mise au point Un quart à un tiers des malades ayant une atteinte athérothrombotique ont une autre localisation de la maladie. COMMENT DÉPISTER LES LOCALISATIONS EXTRACORONARIENNES DE LA MALADIE ATHÉROTHROMBOTIQUE ? Chez le patient coronarien, le dépistage des localisations athéromateuses extracoronariennes peut se faire par des examens simples. Pour le dépistage des sténoses carotidiennes asymptomatiques, une sonde linéaire à haute fréquence d'environ 7 MHz est utilisée. Le patient est en position allongée en décubitus dorsal. La sonde est placée à travers le muscle sterno-cléidomastoïdien à l'union du tiers moyen et du tiers inférieur du cou (Fig. 1). L'étude comporte une étude en mode deux dimensions (2D) en coupe transversale, de haut en bas jusqu'à la base du cou, puis en coupe longitudinale pour explorer la carotide commune, le bulbe, puis la bifurcation carotidienne (Fig. 2). On réalise ensuite, selon les mêmes incidences une Figure 1. Positionnement de la sonde plate de 7 MHz à travers du muscle sternocléidomastoïdien. Figure 2. Étude longitudinale de l'axe carotidien. 4 H.T. Bui, D. Metz étude en doppler couleur et en doppler pulsé pour prendre les mesures des vitesses systoliques (PSV) et diastoliques (EDV) au niveau des carotides communes, internes et externes (Fig. 3a et b). Les plaques sont définies comme un décrochage dans la lumière artérielle d'une échostructure avec une épaisseur supérieure à 0,5 mm ou supérieure à 50 % de l'épaisseur intima/média (EIM) adjacent ou une EIM supérieure à 1,5 mm. La description de la plaque doit mentionner sa localisation, son étendue et son épaisseur. Puis nous devons détailler sa structure (homogène ou hétérogène), son échogénicité (hypoéchogène, hyperéchogène ou isoéchogène) et enfin sa surface (régulière, irrégulière, ulcération : cratère supérieur à 2 mm) (Fig. 4a–c). L'évaluation du degré de sténose se fait généralement sur des critères vélocimétriques (Tableau I) [5]. Une sténose supérieure à 70 % en NASCET au niveau de la carotide interne est définie comme une vélocité systolique au niveau de la sténose à plus de 230 cm/s, une vélocité diastolique au niveau de la sténose à plus de 100 cm/s et un rapport de vélocités systoliques (PSV) au niveau de la sténose sur PSV au niveau de la carotide commune supérieur à 4 (Fig. 5). En ce qui concerne le dépistage de l'anévrysme de l'aorte abdominale, l'échographie de l'aorte abdominale est un examen simple et peu chronophage. Il peut être réalisé la plupart du temps avec la même sonde convexe utilisée pour l'échographie cardiaque, avec une faisabilité de plus de 99 % même dans un service de soins intensif de cardiologie [6]. La sonde est placée au niveau de l'ombilic (Fig. 6). L'aorte abdominale est étudiée en mode 2D depuis la région cœliaque jusqu'à la bifurcation aortique. En effectuant une rotation de 908, l'aorte est alors étudiée en longitudinal. Pour chaque acquisition, transverse et longitudinale, le diamètre maximal antéropostérieur adventice–adventice est mesuré (Fig. 7a et b). Un anévrysme de l'aorte abdominale est défini comme dans la plupart des grandes études épidémiologiques comme un diamètre antéropostérieur supérieur à 30 mm (Fig. 8) [7]. Il faudra préciser en cas de découverte d'un anévrysme de l'aorte abdominale, sa morphologie (sacciforme ou fusiforme) et la présence éventuelle d'un thrombus pariétal. Pour le dépistage de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs, après un examen clinique minutieux avec recherche et palpation des pouls, il est recommandé d'utiliser une sonde doppler de 8 à 10 MHz. L'index de pression systolique à la cheville est défini pour chaque membre inférieur comme le rapport de la pression artérielle systolique à la cheville (PASc) (au niveau de l'artère pédieuse ou au niveau de l'artère tibiale postérieure) sur la pression artérielle systolique brachiale. Pour mesurer la PASc, le stylo doppler doit idéalement réaliser un angle de 458 par rapport au trajet de l'artère (Fig. 9). Le brassard à tension est alors gonflé jusqu'à la perte du signal doppler. Puis il est dégonflé jusqu'à la réapparition du signal de flux doppler correspondant à la pression systolique de l'artère de la cheville. Une artériopathie oblitérante des membres inférieurs est définie par un IPS inférieur à 0,9 selon l'HAS [8]. D'après les recommandations de l'American Heart Association (AHA) [9], pour la mesure des IPS, il est recommandé d'utiliser le rapport entre la plus haute des PASc aux deux chevilles et la plus haute des pressions systoliques brachiales aux deux bras. Cet examen a une sensibilité de 95 % et une spécificité voisine de 100 % pour le diagnostic de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Dossier / Mise au point Faut-il dépister les localisations athéromateuses extracardiaques chez le patient coronarien ? Figure 3. a : étude transversale de la bifurcation carotidienne gauche. La carotide interne gauche est à son origine plus externe que la carotide externe. La carotide externe donne des collatérales ; b : étude longitudinale de la carotide commune droite avec mesure des vitesses systolique et diastolique en doppler pulsé. À noter qu'il faut toujours en vasculaire respecter un angle de tir inférieur à 60 degré. Figure 4. a. Plaque régulière et plutot homogène à tendance hypoéchogène ; b : plaque régulière, hétérogène et partiellement calcifiée avec cône d'ombre ; c : plaque ulcérée avec perte de substance de plus de 2 mm. Tableau I. Critères vélocimétriques des sténoses selon GRANT. Sténose (%) Vélocimétrie (cm/s) Mode B (% Nascet) PSV EDV Ratio PSV Plaque Normal < 125 < 40 <2 Aucune < 50 < 125 < 40 <2 < 50 50–69 125–230 40–100 2–4 50 70 > 230 > 100 >4 50 Pré-occlusion Variable Visible Occlusion Indétectable Pas de lumière détectable Figure 5. a : sténose serrée au niveau de la carotide interne gauche, suspectée par un aspect d'aliasing par accélération de flux ; b : confirmation d'une sténose serrée hémodynamique en NASCET avec une PSV estimée à 340 cm/s, une EDV estimée à 153 cm/s. La PSV au niveau de la carotide commune était estimée à 70 cm/s, le rapport des PSV était donc de 4,8. 5 Dossier / Mise au point H.T. Bui, D. Metz Figure 8. Volumineux anévrysme de l'aorte abdominale en coupe transverse, partiellement thrombosé. Figure 6. Avec un simple déplacement de la sonde convexe utilisée pour l'échographie cardiaque vers l'ombilic, nous pouvons étudier facilement l'aorte abdominale sous-rénale. AMÉLIORE-T-ON LE PRONOSTIC DU PATIENT CORONARIEN EN DÉPISTANT D'AUTRES LOCALISATIONS ATHÉROMATEUSES ASYMPTOMATIQUES ? Les patients coronariens sont en théorie des patients traités de manière optimale en ce qui concerne le traitement médicamenteux comme l'atteste l'étude Euroaspire IV [10]. Près de 94 % des patients étaient traités par antiagrégant plaquettaire, près de 83 % par bêtabloquant, 75 % par inhibiteur de l'enzyme de conversion ou antagoniste de l'angiotensine II et près de 86 % par statine. Un peu plus de la moitié de ces patients avaient été inclus dans un cycle de rééducation cardiaque. Dans la mesure où le traitement médicamenteux du patient coronarien recoupe le traitement médicamenteux de la maladie athérothrombotique (antiagrégant plaquettaire, inhibiteur de l'enzyme de conversion et statine), nous pouvons Figure 9. Mesure de la PASc au niveau de la tibiale postérieure droite. légitimement nous poser la question de l'amélioration du pronostic du patient coronarien en dépistant chez un patient asymptomatique d'autres localisations de la maladie athérothrombotique. Ce débat a été relancé avec l'étude AMERICA Figure 7. a : mesure du diamètre antéropostérieur de l'aorte sous-rénale en coupe transversale ; b : mesure du diamètre antéropostérieur de l'aorte sous-rénale en coupe longitudinale. 6 Faut-il dépister les localisations athéromateuses extracardiaques chez le patient coronarien ? (Aggressive detection and Management of standard of Care for coronary Atherosclerosis) présentée lors de l'ESC 2016. Dans cette étude, 521 patients considérés comme à haut risque (âge supérieur à 75 ans, atteinte coronarienne tritronculaire ou antécédents de syndrome coronarien aigu) ont été randomisés soit vers un bras prise en charge classique sans recherche de localisation athéromateuse extracoronarienne (n = 258), soit vers un bras avec dépistage et prise en charge de localisation extracoronarienne (n = 263) en plus d'un traitement optimal (prescription systématique d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion, d'un bétabloquant, d'une statine à forte dose et d'une double anti-agrégation plaquettaire). Après deux ans du suivi, il n'existait pas de différence significative dans le taux de survenue du critère d'évaluation principal (décès ou survenue d'évènements ischémiques entraînant une hospitalisation avec défaillances viscérales). Il était de 47,4 % dans le groupe prise en charge classique contre 46,9 % dans le groupe dépistage et prise en charge des localisations extracoronariennes. Ce résultat doit cependant être nuancé. D'une part, cette étude ne concerne qu'un sous-groupe de patients âgés de plus de 75 ans avec un traitement idéal et optimisé. Dans la réalité, la prise en charge des patients coronariens et en particulier ceux qui sont polyvasculaires peut être moins idyllique. En effet, toujours grâce aux bras des patients français du registre REACH [11], nous nous apercevons que le pourcentage des patients contrôlés pour tous les facteurs de risque varie selon les caractéristiques du patient : 20,9 % des patients étaient contrôlés s'il n'existait qu'une seule localisation athérothrombotique, et seulement de 15,2 % s'il existait deux ou trois localisations athérothrombotiques. Le pourcentage de patients traités de manière optimale varie également en fonction du nombre de lits artériels touchés : 62,9 % des patients étaient traités par aspirine s'il existait une seule localisation athéromateuse contre à peine 46,2 % des patients traités par aspirine en cas localisations multiples. Le constat est le même pour la prescription des bétabloquants : 51,4 % des patients étaient traités par un bétabloquant s'il existait une seule localisation athéromateuse contre à peine 44,6 % des patients traités par bêtabloquants en cas de localisations multiples. Les patients ayant des localisations athéromateuses multiples sont donc moins bien traités médicalement et moins bien contrôlés au niveau des facteurs de risque cardiovasculaire. Le suivi de deux ans de l'étude AMERICA peut être également paraître un peu court pour démasquer une différence significative. Le suivi des patients du registre REACH a montré une différence nettement significative entre les patients ayant une seule localisation de la maladie athérothrombotique et ceux ayant une localisation multiple. Ce constat s'aggravait avec le temps puisque les chiffres étaient plus péjoratifs à trois ans de suivi [12] qu'à un an de suivi. L'incidence du paramètre principal mixte (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral et/ou mortalité d'origine cardiovasculaire), qui était de 4,7 % à un an, avait augmenté à 12,0 % après trois ans de suivi. Le risque d'événement était significativement plus élevé dans le sous-groupe avec atteintes de maladie athérothrombotique multiple que chez les patients avec une seule atteinte individualisée. Ainsi, l'incidence du paramètre principal mixte à trois ans était de 10,5 % chez les patients avec atteinte vasculaire localisée contre 17,9 % chez les patients à atteintes vasculaires multiples. Un suivi sur le long terme largement supérieur à deux ans est également intéressant pour le dépistage de l'anévrysme de Dossier / Mise au point l'aorte abdominale chez le patient coronarien. La prévalence de l'anévrysme de l'aorte abdominale méconnu chez le patient venant de présenter un syndrome coronarien aigu est de 6,6 % et même de 7,7 % chez le patient âgé de plus de 50 ans [6]. Celles-ci sont supérieures à la prévalence relevée dans la population générale de plus de 65 ans : 5,5 % [7]. Même si aucun de ces anévrysmes de l'aorte abdominale n'était au stade chirurgical, à deux ans, le pronostic des patients porteurs d'un anévrysme de l'aorte abdominale était plus péjoratif que ceux n'ayant pas d'anévrysme de l'aorte abdominale. La présence d'un anévrysme de l'aorte abdominale était un facteur de risque indépendant de mortalité cardiovasculaire et de survenue d'évènement cardiovasculaire non fatal avec un odd ratio de 3,2 [13]. La découverte d'un anévrysme de l'aorte abdominale chez le patient coronarien est importante puisqu'elle conditionne le pronostic à très long terme. La découverte d'un anévrysme de l'aorte abdominale impose une surveillance échographique régulière afin d'intervenir avant la rupture. La mortalité d'un anévrysme de l'aorte abdominale lorsqu'il est découvert au stade de rupture est de 43 % [14] en périopératoire et jusqu'à 77–90 % si on inclut la mortalité extrahospitalière [15,16]. En chirurgie programmée, la mortalité est de moins de 4 % [14]. L'enjeu est donc de dépister un anévrysme de l'aorte abdominale pour le suivre régulièrement en échographie et de pouvoir opérer avant la rupture. En ce qui concerne le dépistage des sténoses carotidiennes asymptomatiques, les études ACAS (Asymptomatic Carotid Atherosclerosis Study) [17] et ACST (Asymptomatic CarotidSurgery Trial) [18] ont montré un bénéfice à la revascularisation chez des patients porteurs d'une sténose carotidienne asymptomatique d'au moins 60 % en bon état général, si le risque opératoire est inférieur à 3 % et sous couvert d'une prise en charge rigoureuse des facteurs de risque cardiovasculaire. Ce bénéfice reste modeste puisque le taux d'accident vasculaire cérébral ipsilatéral passe de 2,3 % par an sous traitement médical à 1,3 % avec le traitement chirurgical. L'individualisation de sous-groupes à haut risque d'accident cérébral sous traitement médical est donc un enjeu majeur. Plusieurs études ont essayé de définir des sous-groupes de patients porteurs de sténoses carotidiennes asymptomatiques mais à haut risque d'accidents vasculaires cérébraux ipsilatéraux. La présence au scanner cérébral de zones d'ischémie silencieuse chez ces patients [19] ainsi que l'étude de l'échogénicité de la plaque d'athérome [20] semblent être des éléments intéressants à prendre en compte pour identifier ces sous-groupes de patients à très haut risque d'accident vasculaire cérébral. La problématique est plus complexe en ce qui concerne le dépistage de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs asymptomatique. En effet, il a été clairement démontré que le pronostic de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs asymptomatique est le même que celui des patients symptomatiques. En effet, le terme « asymptomatique » est faussement rassurant puisque ces patients n'ont pas un périmètre de marche illimité mais souvent ce sont des patients tellement délabrés qu'ils sont limités par d'autres symptômes et s'arrêtent avant d'atteindre leur périmètre de marche. Le pronostic n'est pas local mais général puisqu'à cinq ans, 30 % des patients vont décéder (50,3 % de cause cardiaque et 13 % de cause neurologique). Au niveau local, à cinq ans, seulement 5 % des patients auront une intervention de revascularisation et seulement 2 % des patients vont être amputés [21]. Cependant, le fait de dépister une artériopathie oblitérante des 7 H.T. Bui, D. Metz Dossier / Mise au point membres inférieurs dite « asymptomatique » chez le patient coronarien peut dans certains cas se révéler intéressant. Il n'est pas rare qu'au cours d'un cycle de rééducation cardiaque, l'amélioration des symptômes cardiopulmonaires par le réentraînement démasque alors une claudication à la marche masquée jusque-là. Les séances de rééducation cardiaque peuvent alors être modifiées et s'orienter vers une rééducation physique plus spécifiquement vasculaire. Enfin, une étude a montré l'intérêt de modifier la méthode de mesure des IPS chez le patient coronarien. Le fait de retenir le chiffre de systolique à la cheville le plus bas au lieu de prendre le plus haut, permettrait chez le patient coronarien de dépister un groupe de patient beaucoup plus à risque d'évènement cardiovasculaire sur un suivi médian de 6,6 ans [22]. EN PRATIQUE Des études solides montrent l'intérêt de dépister les localisations athéromateuses extracardiaques chez le patient coronarien. Ceci est particulièrement vrai pour le dépistage de l'anévrysme de l'aorte abdominale. En ce qui concerne le dépistage des lésions carotidiennes asymptomatiques, leur revascularisation systématique apporte un gain minime mais à l'avenir, l'individualisation de sous-groupe à haut risque d'accident vasculaire cérébral par l'étude de lacunes ischémiques homolatérales par scanner ou l'étude morphologique de la plaque d'athérome permettra un gain beaucoup plus net. Enfin, le dépistage systématique de l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs asymptomatique est plus controversé. Cependant, la mesure des IPS reste un examen fiable, rapide et peu couteux. Sa réalisation systématique, si possible en utilisant la formule modifiée prenant la systolique la plus basse à la cheville au lieu de la plus haute, peut se discuter dans une prise en charge globale du patient, et pourquoi pas idéalement couplée avec l'échographie de l'aorte et des troncs supra-aortiques au cours de la phase 2 de rééducation cardiaque. Dans le contexte du syndrome coronarien aigu, les patients coronariens bénéficient idéalement d'un bilan complet de l'extension de la maladie athéromateuse au cours de leur cycle de rééducation cardiaque (Fig. 10). Une échographie de l'aorte abdominale est couplée à l'échographie cardiaque. En cas de découverte d'un anévrysme de l'aorte abdominale, le rythme de surveillance dépend de la taille de l'anévrysme de l'aorte abdominale suivant les recommandations de la Société de médecine vasculaire allant d'un contrôle tous les 5 ans pour les petits anévrysmes de l'aorte abdominale jusqu'à tous les trois mois pour les anévrysmes de l'aorte abdominale entre 50 et 55 mm (Tableau II). La mesure des IPS n'est réalisée que chez les patients répondant aux critères de la TASC II, c'est-àdire aux patients ayant des douleurs à la marche, aux patients entre 50 ans et 69 ans avec des facteurs de risque Figure 10. Dépistage de la maladie athérothrombotique au cours du cycle de réadaptation cardiaque. 8 Dossier / Mise au point Faut-il dépister les localisations athéromateuses extracardiaques chez le patient coronarien ? Tableau II. Rythme de surveillance par échographie d'un anévrysme de l'aorte abdominale selon les recommandations de la Société française de médecine vasculaire. Rythme de surveillance échographique d'un anévrysme de l'aorte abdominale Diamètre antéropostérieur (mm) Fréquence < 25 Âge 65 ans, parallélisme des bords conservé : pas de nouveau dépistage Recommandé 25–30 5 ans Conseillé > 30 Prise en charge globale, correction des facteurs de risque cardiovasculaire Recommandé 30–39 1 à 3 ans Recommandé 40–49 6 mois à 2 ans Recommandé 40–44 1 an Conseillé 45–49 6 mois Conseillé 50–55 Discussion médicochirurgicale et selon la décision, surveillance tous les 3 mois Recommandé > 55 Indication opératoire (sauf contre-indication) Recommandé cardiovasculaire, aux patients âgé de plus de 70 ans, ou tout patient ayant un score de Framingham à 10 ans entre 10–20 % [23]. Une surveillance annuelle par IPS est alors réalisée ou plus rapprochée en cas d'apparition d'une claudication. Pour le dépistage des sténoses des troncs supra-aortiques, une échographie de dépistage avec analyse morphologique et hémodynamique de la carotide commune, du bulbe, de la carotide externe et interne est réalisée. En cas de découverte d'une sténose hémodynamique, l'analyse est complétée par une échographie complète de tout l'axe carotidien, des artères vertébrales, sous-clavières, axillaires et artères ophtalmiques. Pour les sténoses supérieures à 50 % en NASCET, une surveillance tous les ans est réalisée selon les recommandations américaines [24], voire tous les six mois en cas d'évolutivité rapide ou de sténose supérieure à 60 %, ce d'autant plus si la plaque semble vulnérable (irrégulière, ulcérée, hétérogène). En cas de découverte d'une sténose supérieure à 70 %, une seconde imagerie par résonnance magnétique ou par angioscanner selon la présence ou non de calcifications est proposée avant orientation du patient vers une équipe multidisciplinaire pour discussion d'une revascularisation au cas par cas. En pratique Intérêt du dépistage surtout pour l'anévrysme de l'aorte abdominale, les atteintes carotidiennes à haut risque, plus stratifié pour l'artériopathie des membres inférieurs (IPS). Déclaration de liens d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts. RÉFÉRENCES [1] Classification of atherosclerotic lesions; report of a study group. World Health Organ Tech Rep Ser 1958;57:1–20. [2] Tunstall-Pedoe H, Kuulasmaa K, Mähönen M, Tolonen H, Ruokokoski E, Amouyel P. WHO MONICA (monitoring trends and determinants in cardiovascular disease) Project. 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