Le Courrier des addictions (15) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2013
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Huile sur toile, AnnedeColbert Christophorov
Le Courrier des addictions
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Un supplément “Actualités de la 7eédition de l’Albatros” est routé avec ce numéro.
Les addictions
selon le DSM-5
G. Munch*, D.Touzeau *
“ e Future arrived” : c’est ainsi que le Pr D. Kupfer titrait sa tribune dans les colonnes du
Journal of the American Medical Association d’avril 2013(1). Et le futur en question revêt la
forme d’un épais volume à la couverture indigo : la cinquième version du Manuel diagnos-
tique et statistique des troubles mentaux (DSM-5)[2], qui a été publiée au mois de mai, et
dont il a présidé la rédaction. Texte de référence, d’abord pour la recherche, puis pour la
pratique clinique en psychiatrie, le DSM constitue également la principale source d’inspiration
des livres de préparation à l’examen classant national (ECN), et par ce biais, il est, pour la
maladie mentale, le référentiel implicite de la plupart des étudiants en médecine de France.
Concernant cette nouvelle édition, D.Kupfer énonce, avec concision et volontarisme, son
ambition : “aider la psychiatrie à mieux ressembler au reste de la médecine”. Notons que
“l’intéressée” n’a guère fait valoir son droit de réponse…
En pratique, l’ambition programmatique du DSM-5 se décline par une préférence pour les
approches dimensionnelles, l’établissement de seuils diagnostiques quantitatifs (comme pour
la tension artérielle ou le cholestérol, précise D.Kupfer), et l’abandon du système multiaxial.
La rédaction du texte s’est déroulée sur 6années. Le groupe consacré aux addictions était
présidé par C.O’Brien, professeur de psychiatrie à l’université de Pennsylvanie (Voir notre
Entretien, p. 8).
Troubles liés à une substance et addictions
Un mot apparaît, un autre disparaît et pour C. O’Brien, cela a beaucoup de sens (3). Le mot
“neuf” est le titre de la section : c’est “addiction”. Il a remplacé celui de “dépendance”. Eneff et,
la distinction faite, jusqu’au DSM-IV-TR, entre l’abus de substance (aussi appelé usage nocif)
[4] et la dépendance disparaît, au profi t d’un diagnostic unique intitulé “trouble lié à une
substance”, qui regroupe les critères de l’abus et de la dépendance, et dont l’intensité peut
être cotée –selon un principe dimensionnel– comme légère (2critères diagnostiques),
modérée (3critères) ou sévère (4critères et plus). Apparaît aussi, comme critère diagnostique,
le craving, essence même du concept d’addiction, selon C. O’Brien.
Le DSM-5 supprime l’intitulé “conséquences judicaires récurrentes liées à la consommation
de la substance” de la liste des items diagnostiques. Quelques études de validité, comparant
la population cernée par les critères du DSM-IV-TR à celle défi nie par le DSM-5, ont déjà
été publiées(5). Ces études font état d’une concordance de bonne qualité, surtout en ce qui
concerne les troubles d’intensité modérée et sévère. Notons une prévalence légèrement
augmentée lorsqu’on utilise les critères DSM-5 pour le tabac(6), mais légèrement diminuée
en ce qui concerne l’alcool et la cocaïne (7) : en l’occurrence, ce sont des patients présentant
un ancien usage nocif modéré qui restent en deçà des seuils du DSM-5.
Par ailleurs, il existe une autre raison à l’avènement du terme addiction : c’est l’ajout du jeu
pathologique (auparavant classé parmi les “troubles des impulsions”) à une section jusqu’alors
uniquement consacrée aux troubles liés à une substance. C.O’Brien explique ce rappro-
chement par une concordance en termes “d’étiologie, de biologie (notamment les patterns
d’activation des aires cérébrales), de comorbidité et de traitement”(3). Enfi n, notons l’apparition
dans le manuel des syndromes de sevrage du cannabis et de la caféine.
Du neuf en section 3, antichambre des DSM à venir
En plus du manuel à proprement parler, le DSM contient un appendice pour la recherche
–la section 3– regroupant des troubles dont la validité n’a pas été démontrée, mais en faveur
desquels il existe des arguments scientifi ques suffi sants pour “encourager la recherche en ce
sens”. On y trouve l’Internet gaming disorder, c’est-à-dire l’addiction aux jeux vidéo en ligne(8).
Elle concerne uniquement les jeux vidéo (principalement multi-joueurs), c’est-à-dire ni le jeu
d’argent en ligne (qui entrerait dans le cadre du jeu pathologique), ni l’utilisation immodérée
des réseaux sociaux. Les critères de cette addiction sont inspirés du jeu pathologique, avec
lequel il existerait des similitudes en termes de phénomène de tolérance, de symptômes de
sevrage, de schèmes cognitifs. De plus, la prévalence de ce trouble serait conséquente en Asie
(de l’ordre de 8 % chez les garçons âgés de 15 à 19ans, et 4 % chez les fi lles), et il est précisé
que le “gouvernement chinois” le considère déjà comme une addiction.
On y trouve également l’addiction à la caféine, dont les critères diagnostiques sont construits
sur le modèle des autres addictions à une substance. La diffi culté se situe dans l’établisse-
ment d’une limite entre consommation non problématique et addiction dans la mesure où
* Pôle addictions, G.H. Paul-Guiraud (Villejuif).
D. TouzeauG. Munch