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DISCUSSION
En 1956, Dalgaard et Giertson ont établi les critères
diagnostiques des cancers de la VS [2] :
*Confirmation histologique du carcinome localisé
exclusivement ou en partie à la VS.
* Exclusion d’autres carcinomes primitifs.
*La tumeur devrait ressembler de préférence à l’architecture
non néoplasique de la VS.
Ces critères peuvent être aisément appliqués à la résection
chirurgicale, mais sont moins convenables lors des biopsies
écho ou scano-guidées, d’où l’intérêt de l’immunohistochimie
sachant qu’il n’existe pas de marqueurs spécifiques de la VS.
De ce fait, le diagnostic de cancer primitif de la VS reste
difficile, d’autant plus que, d’une part, la localisation secondaire
est loin d’être rare et, d’ autre part, la symptomatologie clinique
révélatrice n’est que souvent le reflet de l’infiltration des
structures adjacentes.
• Clinique
Les signes cliniques sont généralement tardifs et non
spécifiques de l’atteinte des VS. La présence de douleurs
périnéales parfois chroniques aggravées lors des rapports
sexuels, de l’éjaculation ou de la défécation, de troubles de
la fertilité et d’hémospermie peuvent orienter vers une atteinte
des VS. A un stade plus avancé, il peut s’agir de troubles
mictionnels (dysurie, pollakiurie, hématurie, rétention d’urine,
insuffisance rénale par compression urétérale bilatérale,
troubles de la défécation par compression rectale). Le toucher
rectal retrouve une prostate normale surmontée d’une masse
indolore lorsque la tumeur est suffisamment volumineuse.
• Paraclinique
Le bilan radiologique permet d’apprécier les caractères de la
tumeur, et dans les stades précoces, d’éliminer l’atteinte des
organes de voisinage notamment la prostate, le rectum et la
vessie :
-L’échographie transrectale confirme l’atteinte de la VS en
montrant une lésion sus ou latéro-prostatique, et précise son
caractère solide ou liquide. Elle permet en parallèle la
réalisation de biopsies transrectales des lésions solides ou
une ponction des lésions kystiques.
-Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique pelviens
avec antenne endorectale décrivent une masse située entre
la vessie en avant, le rectum en arrière surmontant la prostate.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec antenne
endorectale est l’examen de référence pour l’analyse des
VS. En cas de tumeur suspecte de malignité, l’intensité des
signaux T1 et T2 au sein de la tumeur est hétérogène. Les
hypersignaux T1 et T2 sont en faveur de remaniement
hémorragique et de nécrose intratumorale. En cas de kyste
simple, l’aspect est homogène avec un hyposignal T1 et un
hypersignal T2. Les hypersignaux T1 et T2 correspondent
à une hémorragie intrakystique [3].
Quant au bilan biologique, il n’existe pas de marqueurs
tumoraux spécifiques des tumeurs malignes des VS. Cependant,
il est recommandé de doser le marqueur prostatique “prostate
specific antigen” (PSA), afin d’écarter l’éventualité d’un
cancer prostatique évolutif. Les taux plasmatiques de l’ACE
et du CA 125 [4] sont inconstamment augmentés en présence
de carcinome des VS et doivent être dosés.
• Etablissement du diagnostic
L’orientation diagnostique est clinique et radiologique. La
confirmation est basée sur l’immunohistochimie. Les
marqueurs utilisés sont la CK7, la CK20, le CA 125, l’ACE,
la MUC, la desmine, l’actine, la vimentine et le PSA. La
négativité du PSA élimine la présence de tissu prostatique.
Le profil immunohistochimique associant positivité pour CK7,
CA 125, mucine, négativité pour CK20 et PSA caractérise le
carcinome primitif des VS (tableau I) [5].
• Traitement
Le traitement des carcinomes de la VS repose sur la chirurgie
dont la nature va dépendre de l’extension locale de la tumeur :
En cas de lésion limitée aux VS, la vésiculectomie totale avec
curage ganglionnaire iliaque, uni- ou bilatéral est proposée,
elle peut être associée à une prostatectomie partielle pour un
meilleur contrôle des marges de résection chirurgicale. En
cas d’extension vésicale peu étendue et pour des patients
jeunes, une cystectomie partielle est proposée en complément
de la vésiculectomie totale.
En cas d’envahissement locorégional, une prostato-
vésiculectomie totale, une cysto-prostato-vésiculectomie totale
avec dérivation urinaire, voire une exentération pelvienne
sont réalisées en fonction du ou des organes atteints (prostate,
vessie, rectum).
La radiothérapie est indiquée généralement en adjuvant à la
chirurgie, elle est préconisée lorsque les marges chirurgicales
sont positives à l’examen histologique. L’intérêt en cas de
marges chirurgicales négatives est mal défini même si de bons
résultats sont constatés.
La chimiothérapie n’a pas fait preuve d’efficacité pour les
carcinomes des VS quel que soit le stade. D’après la revue
de la littérature, la suppression androgénique semble prolonger
la survie. Elle est proposée pour le traitement de tous les
carcinomes des VS [6, 7].
Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 5 : 40-43
Tableau I. Profil immuno-histochimique de l’adénocarcinome de
la vésicule séminale en comparaison avec les profils des tumeurs
qui représentent les principaux diagnostics différentiels [5]
Cancer de la vésicule séminale
Cancer de la prostate
Cancer du rectum
Cancer de la vessie
CK7
+
-
-
+
CK20
-
-
+
-
CA 125
+
-
-
-
ACE
±
-
+
±
PSA
-
+
-
-
CK7 : Cytokératine 7 ; CK20 : Cytokératine 20 ; PSA : prostatic specific antigen