FOREWORD
200 CPHYSICS IN CANADA /VOL. 64, NO. 4 ( Oct.-Dec. (Fall) 2008 )
ontrairement à la plupart des autres scientifiques,
l’astronome n’a pas directement accès aux objets de
ses recherches. En effet, à quelques exceptions près
(vent et neutrinos solaires, échantillons lunaires,
météorites, …), toute l’information en provenance de l’Univers
nous est transmise par la lumière.
Celle-ci, par sa capacité à interagir
avec la matière, garde une
empreinte indélébile du milieu qui
l’a vu naître ou avec lequel elle a
eu une interaction. Un des plus
grands défis de l’astronome con-
siste donc à extraire, par des
moyens plus ingénieux les uns que
les autres, le maximum d’informa-
tion des photons ayant traversé l’espace pendant des milliers,
voire des milliards d’années. Un grand pas a été franchi il y a
près de 400 ans, alors que Galileo Galilei pointa une lunette, de
dimension modeste, vers le ciel. Depuis, le développement tech-
nologique a permis d’augmenter considérablement la dimension
et l’acuité visuelle des télescopes (miroirs segmentés, optique
adaptative), l’efficacité quantique des détecteurs (qui frôle sou-
vent le 100%), le domaine observable de longueurs d’ondes (des
ondes radio aux rayons gamma), sans oublier toutes les subtilités
des techniques de mesure que sont la photométrie, la spectro-
scopie et la polarimétrie. Le développement théorique n’est
pas en reste, avec l’utilisation de plus en plus fréquente de la
modélisation numérique. La Canada participe activement, et
depuis longtemps, au développement de l’astronomie interna-
tionale, que ce soit avec ses super-ordinateurs, ses infrastruc-
tures locales et nationales (Observatoire du Mont Mégantic en
Estrie, DRAO dans la vallée de l’Okanagan, DAO à Victoria,
pour ne nommer que ceux-là) ou en collaboration avec d’autres
pays, sur Terre (télescopes Canada-France-Hawaii, Gemini,
ALMA) et dans l’espace (télescopes James Webb, MOST, FUSE
ou UVIT).
Afin de célébrer l’Année mondiale de l’astronomie qui est à nos
portes, nous vous proposons un numéro spécial consacré à un
tour d’horizon, très incomplet bien sûr, de l’astronomie canadi-
enne et ses axes de recherche; certains marginaux (mais combi-
en fascinants!), d’autres plus conventionnels, mais tous à la fine
pointe de leur domaine respectif.
La vie sur notre planète est tributaire de la luminosité du soleil,
qui tire son origine des réactions nucléaires en son coeur et qui
a considérablement augmenté au cours des 4 derniers milliards
d’années, mais qui fluctue aussi, à une moins grande échelle, au
gré de l’intense activité magnétique qui règne en surface.
L’article de Charbonneau, Crouch et Tapping fait état de la mod-
élisation de ces variations de l’irradiance solaire.
La tempête médiatique qui a fait rage en 2006 lorsque l’Union
astronomique internationale a retiré le statut de planète à Pluton
tire sa source des progrès immenses accomplis depuis une
décennie dans notre connaissance des régions externes du sys-
tème solaire. Gladman et Kavelaars, qui ont à leur crédit la
découverte de plusieurs lunes de Jupiter, Saturne, Uranus et
Neptune, nous font part des interactions souvent complexes
entre Neptune et les milliers d’objets qui forment la ceinture de
C
ASTROPHYSIQUE
Kuiper, dont Pluton n’est aujourd’hui qu’une des composantes
les plus massives.
La polarisation est sans contredit l’une des propriétés de la
lumière les moins bien exploitées en astronomie. D’un niveau
relativement peu élevé, et donc
difficilement mesurable, la polari-
sation permet cependant de
détecter la présence du champ
magnétique dans le milieu inter-
stellaire, comme le démontrent
Brown et ses collègues dans leur
article de revue faisant état de
l’une des plus importantes car-
tographies de la Voie lactée, réal-
isée au radiotélescope de Penticton.
Les quatre autres articles abordent un thème parmi les plus
chauds de l’astrophysique contemporaine, soit la formation et
l’évolution des galaxies, mais sous des angles complètement
différents. Dans un premier temps, Venn relate l’importance de
l’étude spectroscopique des étoiles pauvres en métaux, témoins
des premières phases de formation de la Voie lactée et de ses
voisines. L’avènement d’ordinateurs de plus en plus puissants et
d’algorithmes innovateurs permettant de simuler les complexes
processus gravitationnels et hydrodynamiques en jeu lors de col-
lisions de galaxies nous permet de mieux comprendre l’évolu-
tion morphologique, dynamique et chimique des galaxies,
comme nous l’explique Martel. Ces simulations numériques
trouvent écho dans les résultats d’un programme d’observation
à long terme entrepris il y a plusieurs années par Abraham et son
équipe grâce à une nouvelle technique de spectroscopie mise en
place au télescope Gemini; cette recherche a permis pour la pre-
mière fois de mesurer les propriétés des galaxies à une époque
où l’Univers n’avait que trois à six milliards d’années. Cet arti-
cle nous démontre aussi que le taux de formation d’étoiles dans
l’Univers a dramatiquement chuté depuis cette époque et que
cette tendance ne fera que s’accentuer jusqu’à l’épuisement du
gaz dans les galaxies. Finalement, l’utilisation de télescopes
spatiaux pour sonder le rayonnement ultraviolet copieusement
émis lors des sursauts de formation stellaire est bien illustré par
Robert, qui nous rappelle aussi le rôle joué par l’Agence spatiale
canadienne dans le développement et la mise en service de téle-
scopes dans l’espace.
Du système solaire aux galaxies lointaines, ces articles abordent
donc des thèmes très diversifiés avec des approches observa-
tionnelles et théoriques; le lecteur y trouvera, nous l’espérons,
matière à réflexion et émerveillement.
Laurent Drissen, Université Laval, Québec
Rédacteur honoraire, La Physique au Canada
Les commentaires de nos lecteurs au sujet de cette préface sont
bienvenus.
NOTE: Le genre masculin n’a été utilisé que pour alléger le
texte.
« Mais le plus merveilleux était qu’il y eut là, debout
sur le dos rond de la planète, entre ce linge aimanté et
ces étoiles, une conscience d’homme dans laquelle cette
pluie pût se réfléchir comme dans un miroir. »
Antoine de Saint-Exupéry, Terre des Hommes
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