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1. Contexte et enjeux
La région méditerranéenne est considérée par de nombreux travaux scientifiques (Giannakopoulos et
al., 2005 ; Giorgi, 2006 ; Mariotti et al,. 2008), et en particulier par le 4
e
rapport du GIEC (IPCC, 2007),
comme l’une des régions du monde les plus révélatrices de l’ampleur du défi posé par le changement
climatique. Déjà confrontée à tout un ensemble de crises environnementales, économiques et
sociales, elle devrait connaître dans le courant du 21
ème
siècle des modifications climatiques et
anthropiques importantes se traduisant par une série d’impacts majeurs pour certains secteurs clé de
l’économie de la région. C’est en particulier le cas de l’agriculture, avec une augmentation, en
moyenne, des besoins en eau.
1.1. Pression démographique et mutations agricoles
Les écosystèmes méditerranéens font l’objet d’une exploitation anthropique ancienne et intense. La
région a ainsi subi des modifications significatives de l’usage des terres. Aujourd’hui, la grande
majorité des terres à potentiel agricole est (sur)exploitée. Depuis les années 1960, les politiques
agricoles ont mobilisé des moyens humains et financiers considérables pour promouvoir
l’augmentation de la production agricole par l’extension des surfaces mais surtout par l’intensification
via la modernisation de l’agriculture. Elles se sont souvent basées sur des réformes agraires, et elles
ont pu être associées à d’importants développements hydrauliques. L’hydraulique agricole, ou encore
la mobilisation de l’eau « bleue », devait contribuer à compléter la disponibilité en eau verte, c’est-à-
dire l’eau naturellement présente dans le sol et issue des précipitations, pour stabiliser et augmenter
les rendements. L’objectif était de faire face à l’accroissement de la population et de permettre
d’accéder à l’autonomie alimentaire, considérée comme un gage d’affirmation politique. Cependant,
les registres de justification des politiques de développement de l’irrigation sont multiformes et
évolutifs. Ils ne se limitent pas à des logiques agronomiques et alimentaires : celles-ci peuvent aussi
relever de stratégies d’occupation et d’aménagement du territoire, ou encore être d’ordre commercial,
et ces différentes logiques ne sont pas nécessairement toujours compatibles. À l’échelle
méditerranéenne, cette intensification s’est traduite par une forte augmentation de la surface irriguée.
Cependant, la croissance démographique a pu être largement supérieure aux gains de productivité, et
la mobilisation croissante des ressources pour l’irrigation ne s’est donc pas traduite partout par une
amélioration de la dotation alimentaire par habitant. L’irrigation a aussi pu générer des dommages
environnementaux et sociaux, parfois graves et irréversibles : intrusion d’eaux saumâtres dans les
aquifères côtiers, altération des écosystèmes aquatiques, salinisation ou sodisation des terres, risques
sanitaires : bilharziose, etc. (Fernandez, 2008).
Par ailleurs, les pays du pourtour méditerranéen connaissent aussi une urbanisation croissante dans
les zones littorales. Aujourd’hui, un tiers de la population méditerranéenne vit dans les régions
côtières soit sur 13% de la superficie des pays riverains. Selon le scénario tendanciel du Plan Bleu à
l’horizon 2025, la population des régions côtières pourrait croître de 17 %, atteignant 170 millions
d’habitants dont 130 millions en milieu urbain, avec une croissance essentiellement dans les pays du
Sud et de l’Est de la région. Néanmoins, si les arrière-pays de la frange littorale nord sont l’objet d’un
exode rural, ceux de la frange littorale sud restent très fortement peuplés malgré des flux migratoires
importants vers les zones urbaines.
De nombreux pays méditerranéens sont largement importateurs de produits agricoles et donc,
virtuellement, d’eau : en 2003, la région méditerranéenne comptait ainsi pour 22% des importations
alimentaires mondiales alors qu’elle ne représente que 7% de la population mondiale. Or, un taux
d’importations élevé conduit à des situations de forte dépendance à l’égard des termes économiques
et politiques des échanges mondiaux, avec des impacts économiques à long terme sur les filières
agricoles, notamment parce qu’il contribue à faire baisser les prix sur le marché intérieur. Si le niveau
de ces importations n’est évidemment pas exclusivement lié à des raisons climatiques, la disponibilité
en eau joue cependant, pour ces pays, un rôle significatif et devrait donc contraindre encore plus ces
pays à l’avenir (Fernandez, 2006 ; 2007 ; Paillard et al., 2010).
1.2. Changements climatiques et impact sur la production agricole
En Méditerranée, les changements climatiques devraient être très marqués en termes de température.
C’est aussi une des rares régions du globe où les modèles climatiques convergent et prévoient une
baisse moyenne des précipitations. D’ici 2100, les pays méditerranéens pourraient ainsi connaître une
hausse de températures de 2,2 à 5,1°C et une baisse des précipitations allant de 4 à 27% (IPCC,