
La Vieille dame indigne
Fr / comédie dramatique / 1965 / 1h34 / N&B
Réalisation : René Allio / Scénario : René Allio et Gérard Pollicand d’après Bertold Brecht
Photographie : Denys Clerval / Compositeur, auteur et interprète des chansons : Jean Ferrat
avec Sylvie (Berthe Bertini), Malka Ribowska (Rosalie), Jean Bouise (Alphonse), Etienne Bierry
(Albert), François Maistre (Gaston), Victor Lanoux (Pierre)...
Ce premier film d’un nouveau réalisateur est
original au meilleur sens du mot. René Allio n’a
réalisé au cinéma qu’un seul court métrage.
Il est décorateur de théâtre. Son film ne doit
pourtant rien à la tradition du théâtre filmé,
rien non plus aux recettes et aux règles du
cinéma traditionnel. C’est que le théâtre qu’il
connaît est un nouveau théâtre et qu’il a
su assimiler toutes les leçons du nouveau
cinéma. René Allio est le collaborateur attitré
de Roger Planchon, le directeur du Théâtre
de la Cité, à Villeurbanne. La rencontre de
ces deux influences lui a permis d’éviter
deux écueils : son film ne ressemble ni aux
essais incertains et inachevés des films
de débutants, ni aux recherches insolites
d’un théâtre d’avant-garde. René Allio pour
sa première œuvre a réussi avec
La Vieille
dame indigne
un vrai film d’auteur.
Jean-Louis Tallenay,
Télérama, 11/04/1965
La comédienne Sylvie
a reçu pour son interprétation :
l’Etoile de Cristal de la meilleure actrice aux
prix de l’Académie du cinéma Français,
et le Prix NSFC de la meilleure actrice par la
société nationale des critiques de cinéma US.
Après des décennies de servitudes,
Berthe voit son mari mourir. Bien
que drapée dans une robe et une
discrétion propices au deuil, elle tente
de s’affranchir de son statut d’épouse et
de mère : elle vend son magasin sous le
regard horrifié de sa progéniture prête
à crier à la spoliation, se rapproche de
Rosalie, la serveuse du coin que chacun
regarde tout en méprisant la conduite,
va au cinéma, se permet l’impensable :
user de son temps, oser la découverte
d’un autre monde que celui qui va de la
cuisine à la chambre. Dans une société
où la vieillesse est nécessairement
synonyme de sagesse ou de retrait et
où la femme ne doit pas sortir du giron
familial et domestique, Berthe prend du
bon temps...
René Allio (1924-1995) - Réalisateur
La Meule (1962), L’Une et l’autre (1967), Pierre et Paul (1969),
Les Camisards (1970), Rude journée pour la reine (1973),
Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère (1976),
Retour à Marseille (1980), L’Heure exquise (1980), Le Matelot 512 (1984),
Un Médecin des Lumières (1988), Transit (1990), Contre l’oubli (1991),
Marseille la vieille ville indigne (1993).
On réunit toute la famille pour un enterrement, et René Allio nous en fait un tableau, par
petites touches, qui est admirable par sa justesse de ton. D’ailleurs tout le film est plein de
finesses, de détails justes où les objets aident à comprendre une âme. Cela se passe près
de Marseille, mais n’attendez pas du pittoresque, simplement de la vie toute simple chez des
gens simples, avec ses petits drames et ses petites révolutions.
Michel Duran, le Canard enchaîné, 31/03/1965
Selon une idée chère à Cocteau, en ce temps où le conformisme est devenu le privilège de
la jeunesse, c’est aux vieillards qu’appartient l’irrespect. Le film de René Allio, décorateur
qui fait ici ses débuts à l’écran, est l’illustration provocante de ce paradoxe (…). L’expérience
que René Allio a du théâtre l’a visiblement servi sans jamais le desservir. Il tient, d’un bout à
l’autre, ses interprètes en main, s’il lui arrive parfois d’être moins à l’aise dans la direction
de ses prises de vues.
Morvan Lebesque, l’Express, 22/03/1965
René Allio a réalisé un film qui apporte incontestablement un ton nouveau dans le cinéma
français.
La Vieille dame indigne
est un film réussi, sympathique, très public, mais c’est plus
encore. Un regard neuf sur un monde particulier : celui des cœurs simples. Allio a transposé
cette aventure dans un quartier populaire de Marseille, l’Estaque. La ville et surtout le
quartier donnent au film une certaine respiration. Ce n’est plus là ce Marseille des films
pittoresques dont Pagnol et ses imitateurs furent longtemps responsables. Ici tout paraît
vrai, juste, humain.
Samuel Lachize, l’Humanité, 03/04/1965
Dans les meilleurs moments du film (ils sont alors excellents), la mise en scène se limite
à épier Sylvie, engagée dans la découverte enivrante d’un monde à un âge où les autres
vieillards s’en retirent. J’ai adoré la séquence, faite de riens, mais de riens notés avec une
sensibilité à l’italienne, au cours de laquelle nous assistons à l’éveil de l’appétit de vivre, l’appel
du bonheur : seule dans sa cuisine, la vieillarde est encore prisonnière des gestes imprimés
en elle par soixante années d’habitude (…), et puis voilà que l’attirent hors de sa cuisine et
de ses gestes le soleil et les bruits du monde qui viennent la prendre comme par la main. En
somme, le film eût été une réussite si Allio s’était obligé à ne filmer que les deux personnages
principaux, l’un et l’autre débordant de talent : Sylvie et Marseille.
Jean-Louis Bory, Arts, 31/03/1965
Filmographie
René Allio