RENÉ GIRARD À L’AUNE DU DJIHADISME › Patrice Cailleba P lus d’un an après la disparition de René Girard en novembre 2015, reconsidérer son apport intellectuel à l’aune des attentats qui ont touché la France est nécessaire. L’œuvre du philosophe offre des outils d’analyse qui permettent de mieux comprendre les leviers d’action utilisés par l’organisation État islamique au travers du djihadisme. En effet, l’organisation État islamique s’appuie à la fois sur des phénomènes de violence collective et de persécutions qu’elle utilise comme moyens d’action mais aussi de recrutement. Or René Girard distingue quatre stéréotypes persécuteurs qui favorisent ces phénomènes : un stéréotype d’indifférenciation, des crimes « indifférenciateurs », des « signes victimaires » qui identifient la victime pour la future persécution et, enfin, la violence elle-même. Le stéréotype d’indifférenciation Dans le Bouc émissaire, René Girard indique que les termes « “crise”, “crime”, “critère”, “critique”, remontent tous à la même racine, au même verbe grec krino, qui signifie non seulement “juger, distinguer, différencier”, mais aussi “accuser et condamner une victime” » (1). De FÉVRIER-MARS 2017 153