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FÉVRIER-MARS 2017FÉVRIER-MARS 2017
RENÉ GIRARD
À L’AUNE DU
DJIHADISME
› Patrice Cailleba
Plus d’un an après la disparition de René Girard en
novembre 2015, reconsidérer son apport intellectuel à
l’aune des attentats qui ont touché la France est néces-
saire. L’œuvre du philosophe ore des outils d’analyse
qui permettent de mieux comprendre les leviers d’ac-
tion utilisés par l’organisation État islamique au travers du djihadisme.
En eet, l’organisation État islamique s’appuie à la fois sur des phéno-
mènes de violence collective et de persécutions qu’elle utilise comme
moyens d’action mais aussi de recrutement. Or René Girard distingue
quatre stéréotypes persécuteurs qui favorisent ces phénomènes : un
stéréotype d’indiérenciation, des crimes « indiérenciateurs », des
« signes victimaires » qui identient la victime pour la future persécu-
tion et, enn, la violence elle-même.
Le stéréotype d’indifférenciation
Dans le Bouc émissaire, René Girard indique que les termes « “crise”,
“crime”, “critère”, “critique”, remontent tous à la même racine, au
même verbe grec krino, qui signie non seulement “juger, distinguer,
diérencier”, mais aussi “accuser et condamner une victime” » (1). De