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fait par lui et sans lui rien n'a été fait. »
Mais où est ici la contradiction ? N'est-elle pas plutôt dans ces hommes qui ont
préféré censurer aveuglément ce qu'ils ne comprennent point, plutôt que d'en chercher
l'intelligence avec piété ? Et que répliqueront-ils si je leur réponds que le Fils de Dieu est
lui-même ce principe dans lequel Dieu a fait le ciel et la terre, comme parle la Genèse ? Ne
pourrai-je pas démontrer cette assertion ? Ce même nouveau Testament devant lequel se
brise, de gré ou de force, leur tête orgueilleuse et dont ils reconnaissent l'autorité, ne m'offre-
t-il pas d'imposants témoignages? Le Seigneur y dit aux Juifs incrédules :
2
« Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c'est de moi qu'il a écrit. (1) »
Pourquoi alors ne le reconnaîtrais-je point lui-même dans ce Principe en qui Dieu le Père a
fait le ciel et la terre ? En effet, qui a écrit : « Dans le Principe Dieu a « fait le ciel et la terre
?» C'est sûrement Moïse dont le Seigneur a dit qu'il a écrit de lui. Lui-même encore n'est-il
pas le Principe? On ne peut en douter puisque au témoignage de l'Évangile, les Juifs lui
ayant demandé qui il était, lui-même répondit : «Le Principe, car c'est moi qui vous parle (2).
» Voilà le Principe en qui Dieu a fait le ciel et la terre. Ainsi Dieu a fait le ciel et la terre
dans ce Fils par qui tout a été fait et sans qui rien ne s'est fait. Ainsi la Genèse s'accorde avec
l'Évangile, et nous devons pour être héritiers suivre également les deux Testaments, laisser
les divisions et les calomnies aux hérétiques, exclus du divin héritage.
3. Que votre prudence ne s'étonne pas toutefois d'une insignifiante diversité
d'expressions. Jean n'a pas dit : Tout a été fait en lui, mais « Tout a été fait par lui, » et nous
ne lisons pas dans la Genèse : Dieu a fait par le Principe le ciel et la terre; mais : « Dans le
principe Dieu a fait le ciel et la terre. » Mais l'Apôtre ne dit-il pas aussi : « Pour nous faire
connaître le mystère de sa volonté, selon sa bienveillance par laquelle il a résolu en lui-
même, dans la dispensation de la plénitude des temps, de restaurer dans le Christ tout ce qui
est dans les cieux, et en lui tout ce qui est sur la terre (3) ? » Puisqu'ici tu entends en lui dans
le sens de par lui; pourquoi, dans le texte de Jean, par lui ne signifierait-il pas en lui ? Par
lui ne m'empêche pas de comprendre que tout a été fait en lui; et quand je lis dans la Genèse
que c'est en lui qu'ont été faits le ciel et la terre, qui m'empêche de voir que c'est aussi par
lui? Les Manichéens veulent-ils donc faire cesser la lutte entre les deux Testaments, pour la
reporter entre les bienheureux martyrs du Nouveau, entre Paul et Jean, entre Paul qui a dit :
En lui, et Jean qui a écrit : Par lui? Pour nous; en ne croyant pas que Paul et Jean soient
opposés entre eux, nous forçons par là même les Manichéens à reconnaître l'accord de Moïse
et de Paul. Et autant ces deux derniers s'entendent, autant l'Évangéliste Jean est en harmonie
avec eux; car ses expressions par lui peuvent être considérées comme synonymes de en lui.
1. Jean, V, 46. — 2. Jean, VIII, 26. — 3. Éphes. I, 9, 18.
4. Ainsi toutes les divines Écritures sont en paix entre elles. Mais qu'arrive-t-il
lorsque dans l'obscurité de la nuit nous contemplons le cours des nuages? Ils obscurcissent et
troublent tellement notre vue, que les astres nous paraissent marcher en sens contraire. Tels
sont ces hérétiques : ils ne trouvent point la paix dans les ténèbres de leurs erreurs, et ils
s'imaginent que la guerre est plutôt au sein des Écritures.
5. Ils disent peut-être : Ce n'est pas du Verbe de Dieu qu'il. est écrit : « Dans le
principe Dieu a fait le ciel et la terre. » Eh bien! suppose que le principe ne désigne pas ici le
Fils unique de Dieu; suppose que c'est du principe même du temps qu'il est écrit: « Dans le
principe Dieu a fait le ciel et la terre. » Sans doute le temps n'existait point quand n'existait
encore aucune créature; qui oserait avancer que le temps est coéternel à Dieu, le Créateur des
temps ? Néanmoins le temps a commencé avec le ciel et la terre. Si donc on soutient cette
interprétation, tout en maintenant la distance du Créateur à la créature et en n'attribuant pas à
l'œuvre de Dieu l'éternité de son Auteur, on ne pourra se dispenser au moins de voir la
pluralité des divines personnes dans les passages suivants : « Faisons l'homme à notre image