(Re)donnez le goût d’apprendre - Hélène WEBER Atelier n°6 : Améliorer ses capacités de réflexion « Mais ré)léchissez en)in ! » m’invectivait ma professeure de Français au collège. Je regardaisletableau.Jemeconcentrais.Maistoutcequej’avaisdanslatête,c’étaitungrand blanc. L’enseignante bouillonnait, pendant que trois élèves du premier rang levaient frénétiquementlamainpourattirerl’attention(manifestement,euxavaient«réDléchi»plus vite que moi). « On va lui laisser un peu de temps pour réDléchir » ajoutait ma professeure. Saufqueletempsnem’aidaitpas.PluslessecondesdéDilaient,plusjemesentaisparalysée. Souslapression(touslesyeuxétaientbraquéssurmoi),j’oubliaisinstantanémenttoutceque jesavais. Et je n’avais aucune idée de la façon dont il fallait que je procède pour raisonner de manière adaptée, faire revenir les informations utiles, que ce soit en mathématiques, en grammaireouenorthographe. Comment démontrez-vous que ce triangle est rectangle ? Combien de temps faudra-t-il pour que cette baignoire se remplisse ? A quelle heure les deux trains vont-ils se rencontrer ? Quelleestlapropositionprincipaledecettephrase?Pourlaplupartdesélèves,cesdifférents problèmesnesontpasdifDicilesàrésoudre.Ilssavent«réDléchir»ettrouverlessolutions.Et lorsqu’ils « pensent » spontanément à la réponse, leurs enseignants se Digurent qu’ils ont «bientravaillé». C’estenpremièreannéedeclassepréparatoirelittérairequej’airéaliséquejenesavais pasréDléchir.Premierdevoirsurtabledel’annéeenphilosophie.Sixheuresd'afDiléàplancher sur le sujet suivant : « le pouvoir de l’amour ». Je me souviens avoir Dixé le tableau avec incrédulité:lepouvoirdel’amour ?Cen’étaitpasunsujetça… Autour de moi, les étudiants ont regardé ces cinq mots d’un air entendu. Pourquoi étais-je la seule à ignorer ce qu’on attendait de moi ? Comment pouvait-on nous donner un sujetquineposaitpasdequestion?Jen’avaisaucuneidéedeladémarcheàsuivre. Unefoisdeplus,latêteentrelesmains,jen’avaisquedublancdanslatête.Maisalors, qu’est-ceque«réDléchir»veutdire?Quelleestladémarcheàadopterlorsquel’oncherchela solution d’un problème ou la réponse à une question (d'autant plus quand il n'y a pas de question) ? Et lorsque l’on ne trouve rien, qu’est-ce qui ne fonctionne pas, et comment faire pourprogresser? Lestroisétapesdecetatelierontpourobjectifsd’aiderlesétudiantsà: - Avoirunevued’ensembledeleursconnaissances. - Maîtriserle«moded’emploi»decesconnaissances. - IdentiDierlesproblèmesàrésoudreetlesmettreenlienaveclesoutilsadéquats. Commentprendredureculvis-à-visd’uncontenudenseetcomplexe? LepédagogueJeanPiagetamisenévidencequelorsquel'onapprend,deuxprocessus opèrent : un processus d'accommodation et un processus d'assimilation. Si un étudiant est déjà familier de la matière qu’il étudie, il y a de grandes chances qu’il ait déjà organisé un certainnombred'informationsdanssatête.Lesnouvellesinformationsserontalorsassimilées auxanciennes.Parexemple,s’ilsuituncoursdemathématiquesaulycée,sesacquisducollège luipermettrontd'aborderlesnouveauxcontenusavecd'autantplusdefacilitéqu’ilauratrié, organisé et classé ses connaissances avec précision : de nouvelles méthodes de calcul viendront par exemple compléter celles qu’ils maîtrise déjà. Par contre, si une matière est totalementnouvelle,celaluidemandedecréeruntoutnouveausystèmederangement:c'est cequePiagetappelleleprocessusd'accommodation.Pours'ensortir,onutiliseengénéraldes connaissances déjà stockées en vue de faire des liens et apprivoiser progressivement les nouvellesinformations.C’estainsiquebeaucoupd'étudiantssedisenttrèsdéstabilisésquand ils découvrent la philosophie en classe de Terminale. Ils ne comprennent pas ce qui est attendu d'eux, comment organiser ou stocker ces nouvelles connaissances, ni comment réDléchir d'une manière qu’ils vivent comme inédite. En réalité, nous rencontrons ce même type de difDiculté chaque fois que nous devons apprendre quelque chose de complètement nouveau.Audépart,nousneparvenonsàfaireaucunlienaveccequenoussavonsdéjà.Ilest alors capital de commencer par se mettre en tête la structure d’ensemble des informations avantdevouloirenmaîtriserlesélémentsdedétail.Poursuivrecetobjectifpermetàlafoisde mieuxcomprendreetdemieuxmémoriser. Objectifs: - Découvrir que le cerveau stocke les informations de manière associative et non linéaire. - Expérimenter qu’organiser les informations d’un contenu sous la forme d’une Mind mappermetdefavoriserleurintégrationparlecerveau. 1) Je demande aux étudiants de se mettre par deux. Pendant cinq minutes environ, l’un des deux doit raconter à l’autre le dernier Dilm qu’il a vu. Pendant l’exercice, les étudiantsdoiventêtreattentifsàlafaçondontilsorganisentlesinformationsdansleur tête (en vue de les communiquer pour celui qui raconte, ou de les appréhender pour celui qui écoute). Je les écoute ensuite témoigner, tout en écrivant au tableau, sous la forme d’une Mind map, comment les informations sont stockées dans la mémoire : associationdeconcepts-clésreliéspardeslienslogiques. 2) JeprésenteensuiteautableaulesystèmedesMindmapsconçuparTonyBuzan. 3) Je présente ensuite les trois types de Diches de révision qu’ils peuvent réaliser pour s’approprierdenouvellesconnaissances. Lesfichesderévision L’amène les étudiants à envisager deux types de Diche leur permettant d’avoir une vision d’ensembled’uncontenuàconnaître(=Diches«contenu»)etdecernerlemoded’emploide leurs connaissances (= Diches « méthode »). Ces deux étapes constituent des préalables qui préparentl’étudiantàréDléchirensuiteefDicacementfaceàunproblème.Danscetatelier,mon objectifestdelesaideràaméliorerleurscapacitésderéDlexion.Jelesinviteàconstruireun troisièmetypedeDiche,lesDiches«problème»,aDinderéaliserdeuxopérationsmentalesqui permettentderéDléchirefDicacement: - Anticiper le type de problème que les outils et connaissances abordées dans le cadre d’uncoursvontleurpermettrederésoudre; - Analyser les données d’un problème pour être en mesure de sélectionner l’outil adéquatetlerésoudre. Objectifs : - Aiderlesétudiantsàfairedesliensentreleursconnaissances. - AmenerlesétudiantsàstructurerleursconnaissancespourréDléchirplusefDicacement faceàunproblème. Lestroisétapessuivantesdel’atelier: 1) Dansunpremiertemps,j’invitelesétudiantsàidentiDierlestypesdeproblèmesqu’ils sontsensésêtrecapablesderésoudreenréférenceàuncontenusélectionné.Monbut dans cet atelier est d’appliquer la démarche à un cours qu’ils suivent en parallèle. Je suis donc allée à la rencontre des enseignants pour trouver un exemple concret à exploiterdanslecadredemoncoursdeméthode.J’aichoisilecourssurleséquations différentiellesenmathématiquesetlecoursdemécaniqueenphysique. 2) JeleurdemandeensuitederéaliseruneDiche«problème»souslaformed’uneMind map sur un thème qui se prête à l’exercice (exemples : « comment résoudre une équationdifférentielle?»(mathématiques),«commentdéterminerl’accélérationd’un p o i n t m a t é r i e l ? » ( m é c a n i q u e ) , « s o m m e s - n o u s c o n d a m n é s à apprendre ? » (philosophie), etc.). Je prends le temps, avant de les laisser travailler individuellement, de vériDier qu’ils ont bien compris le principe d’une Diche «problème». 3) Apartirdespropositionsfaitesparlesétudiants,nousconstruisonsensembleuneDiche « problème » au tableau. J’insiste sur le fait que faire des Diches de révision n’est pas uneobligation.Parcontre,s’ilsveulentprogresserdansleurcapacitéàréDléchir,ilest nécessaire:qu’ilscomprennentcequiestattendud’eux(etdoncqu’ilscernentcequ’ils sontcensés«savoir»et«savoir-faire»),qu’ilsorganisentlesinformations,dansleur tête,aDind’êtreenmesured’analyserlesdonnéesdesproblèmes,qu’ilssoientcapables desélectionnerlesoutilsadéquats. Faut-ilfairedes.ichesderévisionpourréussir? Beaucoupd’étudiantsnefontpasdeDiches derévision.Certainsestimentquecelaprendtrop de temps, d’autres pensent que cela n’est pas nécessaire, d’autres encore ne perçoivent pas quelleseraitleurvaleurajoutée.Quefontalorscesétudiantslorsqu’ilsapprennentleurscours ouqu’ilsrévisentenprévisiondeleursexamens?Ilsfontetrefontdesexercices,relisentleurs notes et mémorisent les informations qu’ils jugent devoir connaître. Plus de la moitié des étudiantsquej’accompagneenécoled’ingénieursm'expliqued’ailleursfairetousexactement la même chose : s’entraîner à refaire des exercices qu’ils ont déjà faits (en cours ou en TD).Est-cequecettestratégiefonctionne?Trèsbienpourcertains,pasdutoutpourd'autres. C'estd'ailleurscequiestleplusfrustrant.Lesstratégiesdetravaildesétudiantssemblenta prioriêtrelesmêmes,etpourtant,lesrésultatsobtenusvarientconsidérablement.Fairedes Dichesn'estabsolumentpasunegarantiederéussite. Traditionnellement, un étudiant cherche à atteindre les objectifs suivants : lorsqu'il apprend son cours, il cherche à le comprendre ; lorsqu'il révise, il cherche à mémoriser les informations qui lui seront utiles au moment de l'examen ; lorsqu'il compose pendant l'épreuve,ilchercheàréDléchirefDicacement,etdoncàretrouverlesinformationsutilesqu'ila enmémoirepourlesappliquerauproblèmequiluiestsoumis. Comprendreuncontenusupposedeseposerdesquestions,dechercheràyrépondre, etdefairedesliensentrelesinformationsquel’ondoits’approprier. Mémorisersupposed’anticiperl'usageconcretquel’onvafairedesinformationsdont on a le projet de se souvenir, et d’exploiter les différents principes de la mémoire pour les stockerefDicacement RéDléchirsupposed’avoirstructurésesconnaissances,d’avoirunevued'ensembledes informations à sa disposition, et de sélectionner les outils et données utiles dans le cadre d'unesituationderésolutiondeproblème. Pourquoi certains étudiants n'ont-ils pas besoin de faire de Diche de révision pour réussir leurs examens ? Parce que ces différentes opérations mentales (comprendre, mémoriser, réDléchir), ils les réalisent spontanément lorsqu'ils apprennent. Lorsqu'ils écoutent l'enseignant pendant un cours (ou qu'ils reprennent leurs notes après-coup), ils se posent des questions pour mettre les informations en lien les unes avec les autres. Ils anticipent également d'emblée l'usage concret qu'ils pourront en faire. Lorsqu'ils font un exercice,ilsnes'attachentpasàmémoriserlesréponses,maisàcernerlesétapeslogiquesde résolution du problème général dont l'exercice n'est en fait qu'un exemple parmi d'autres. Lorsqu'ils sont en examen, ils ont pris du recul vis-à-vis du contenu du cours, qu'ils ont structuré et organisé dans leur tête. Ils peuvent alors sereinement faire des liens entre les questions posées et les connaissances qu'ils maîtrisent. La question à envisager concernant les Diches de révision est alors la suivante : les étudiants font-ils spontanément ce travail de questionnement, de mise en lien et de structuration lorsqu’ils apprennent ? S’ils le font, élaborerdesDichesderévisionpourraleurapparaîtreinutile.S’ilsnelefontpas,unebonne techniquepourralesaideràprogresser. Réaliserdes.ichesderévisionpourapprendreplusef.icacement L'une de mes étudiantes m'a récemment expliqué qu'elle avait beaucoup fait évoluer sa techniquederéalisationdeDichesderévisiontoutaulongdesonpremiersemestred’études supérieures. Elle n'avait jamais fait de Diches auparavant. Car il est vrai que cela prend du temps,quel'onn'envoitpasnécessairementspontanémentl'intérêtetqued'autresmanières de travailler semblent a priori plus efDicaces. Pourtant, un certain nombre de changements entrelelycéeetlapremièreannéed’étudessupérieuresl'amenaàmodiDiersonopinion. Premièrement:beaucoupplusd'informationsàmémoriser. Deuxièmement:descoursbeaucouppluscompliquésàcomprendre. Troisièmement : deux à trois examens seulement par semestre, balayant une large partieduprogrammeetcomprenantbeaucoupd'exercicesàtraiterenseulementdeuxheures. Quatrièmement:desexercicestraitésenTDquinepermettentpasd'utilisertousles outilsàconnaître. Il a donc fallu qu'elle adapte sa méthodologie de travail pour : comprendre mieux, mémoriserplusefDicacementetréDléchirplusviteensituationd'examen.Elles'estdécidéeà faire ce que tout le monde semblait faire pour réussir : des Diches de révision. Mais à quoi ressemblaientsesDichesetquellesinformationsycompilait-elle? 1)Ellereprenaitsesnotesdecours… 2)…re-notaitlestitresetsous-titresduplanproposéparl'enseignant… 3)…etindiquaitauseindechacunlesdéDinitions,formulesetthéorèmesabordés. Son objectif consistait ensuite à mémoriser ces « résumés ». Le problème, c’est que pour comprendre un contenu (« vraiment » le comprendre), il faut se poser des questions, fairedesliensentrelesinformationsetanticiperl'utilisationconcrètequel'onpourraenfaire. Or,cetypedeDicheconduità«enfaireleminimum»concernantcesdifférentsobjectifs:ilest possiblederecopierlesinformationscitéessansseposeraucunequestion,etmémoriserdes informationssansavoiraucuneidéedelafaçondontonpourralesutiliserensuite.Pendant plusieurssemaines,c'estpourtantlastratégiequ'employal'étudiantedontilestquestion.Les courssesuccédaient,sonnombrede«Diches»augmentait,maisellen'étaitpassatisfaitedu résultat.«Celam'aprisuntempsfou»medit-elle.«Pourtant,unefoisquej'avaisréaliséune Diche,jenecomprenaispasmieuxetjen'avaispasspécialementenviedelamémoriser». Leproblème,apriori,n’étaitpasdefairedesDiches,maislafaçondontelles’yprenait pourlesréaliser.UneméthodeefDicacedoit«obliger»àréaliserlesopérationsmentalesqui vont servir ses objectifs. Si l’on veut comprendre un contenu, il faut que la méthode utilisée «oblige»àsequestionner,àfairedesliensetàanticiperl'usageconcretdesinformations.Si l’onveutmémoriserplusefDicacement,ilfautquelaméthodeutilisée«oblige»àexploiterles principes de la mémoire pour les mettre au service de la mémorisation du contenu. Si l’on veutréDléchirdemanièreplusefDiciente,ilfautquelaméthodeutilisée«oblige»àstructurer, ordonner et mettre en lien ses connaissances. Mon étudiante changea alors sa manière de procéder.Elleabandonnasapremièreapprocheets'enconstruisitunenouvellesurlabasede cedontnousavionsparléconcernantlamémoire,lesproDilspédagogiques,lacompréhension etlaréDlexion. Les deux questions qu’elle se posait en priorité étaient les suivantes : quels sont les objectifsdel'enseignement?Pourquoinousdemande-t-ondesavoircela?Aquoicelava-t-il m'êtreutile? Unautredemesétudiantsexpliquepoursapartqu'ilnefaitdesDichesquelorsquele nombre d'informations à retenir est important. Il s'agit donc explicitement d'un outil favorisantpourluilamémorisation.Quepourchaque«outil»ducours(déDinition,formule, théorème), il fait le lien avec les applications possibles : à quelle question cette information permet-elle de répondre ? Quels sont les exercices dans le cadre desquels je l'ai utilisée ? Il ajouteégalementquepourfairedesDiches«utiles»,ilfautd'abordavoirunevued'ensemble ducontenu.Celapermetdehiérarchiserlesinformationsselonleurimportance,etdemieux lescomprendre,progressivement. Une Diche de révision est avant tout un outil permettant de réactiver facilement les informationsenvuedelesmémoriser.Maisellepermetégalementd’améliorerlesprocessus decompréhensionetderéDlexion.