pédagogue C’était, dans l’Antiquité, l’esclave chargé de conduire les enfants de son
maître à l’école : peut-être est-ce la raison pour laquelle ce mot a toujours eu un arrière-
sens plus ou moins ironique, négatif, voire méprisant. Il apparaît au XIVe s., mais Richelet,
en 1680, écrit dans son Dictionnaire : “Le mot de pédagogue est injurieux et il se prend en
mauvaise part, à moins qu’il ne soit accompagné”. Et Napoléon Landais, en 1845 : “Il ne
se dit plus guère que par dérision”. D’où l’abrègement peu flatteur pédago (1924, chez
Gaston Esnault) et même le verbe pédagoguer, créé en… 1888 par Fourment dans une
lettre à Paul Valéry !
pédant Joachim du Bellay a écrit en 1558 pedante (mot italien) au sens péjoratif de
“professeur, maître d’école” et le mot devient courant dès le milieu du XVIe s. pour
désigner “celui qui fait étalage de son savoir”. Il est de la même famille que le précédent,
et provient du grec παιδευειν, “éduquer des enfants”. Les dérivés pullulent : pédantesque
(1552, Estienne Pasquier), pédantesquement (1606, Charron), pédantisme (1580,
Montaigne, “art d’enseigner”, sens neutre, puis milieu du XVIIe s., Guez de Balzac,
“caractère du pédant”) ou, plus rare, pédanterie (1560, Estienne Pasquier), pédanter
(Acad. fr. 1694) ou pédantiser (1594). Enfin, quelques créations d’auteurs, assez
méchantes : pédamment (1831, Musset), pédantaille, “petite coterie de pédants (1810, P-
L. Courier), pédantroque (1804, Stendhal, Journal), pédantique (1938 , Céline,
Bagatelles…), pédantocratie (1852, Auguste Comte, Catéchisme positiviste).
cuistre Pour terminer cet inventaire, voici encore un mot très péjoratif. Il provient de
l’ancien français questre, du lat. coquere, “cuire”, qu’on rencontre dans le Roman de
Renart vers 1175 et qui désigne de façon injurieuse le “marmiton, valet de cuisine”. Sous
sa forme actuelle, il apparaît en 1622 chez Charles Sorel au sens de “valet ou subalterne
dans un collège”, puis en 1891 chez Huysmans, pour désigner le “valet d’église ou
bedeau”. Enfin, depuis Cyrano de Bergerac, dans sa pièce Le Pédant joué (1654), dont
Molière s’est largement inspiré dans Le Bourgeois gentilhomme (1670), c’est un “homme
pédant, ridicule et vaniteux de son savoir”.
La cuistrerie est une invention (ou une découverte ?) du XIXe siècle, qui surgit chez
Musset en 1834 dans On ne badine pas avec l’amour.
Bref commentaire :
Il me semble qu’une question intéressante se pose dans le débat sur l’École :
comment est-on passé, assez vite, de la soif de savoir de la Renaissance et de l’admiration
respectueuse pour ses (supposés) détenteurs à l’ironie, voire à la critique acerbe et
méchante ? Certes, tous les profs, hélas ! ne sont pas des Socrate(s), mais tout de même…
Le savoir est-il un bien personnel, collectif… ou une illusion sans cesse revivifiée ? Quelle
est, dans la “manière et pratique de l’enseignement”, la part du facteur humain, avec ses
faiblesses et ses prestiges, et celle du “système” et de la “règle”, nécessaires mais parfois
étouffants ?… À nous tous, chers amis citoyens, d’essayer de répondre dans l’année qui
vient à cette douloureuse interrogation !
Jean-Paul Colin,
août 2006.