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De même la proximité supposée entre aviser et parer résulte de la clique hétérogène {aviser,
parer, prévenir}. D’un côté prévenir est synonyme d’aviser dans le sens informatif, synonyme de
parer dans le sens ‘confrontatif’ et de son côté parer exprime une spécification d’aviser dans la
construction transitive indirecte aviser à (SYN : penser à s’occuper de).
On est donc en fait en présence de deux fausses liaisons sémantiques qui relient artificiellement
les deux sens informatif dominant et ‘confrontatif’ secondaire (incluant devancer et précéder).
En français actuel, il n’y a donc plus de verbe prévenir polysémique, mais seulement deux verbes
prévenir en relation d’homonymie et figurant dans des constructions distinctes, d’un côté qn
prévient qn de qc|que P, de l’autre qn|qc prévient qc.
Mais revenons à l’adjectif dérivé préventif : il est apparenté morphosémantiquement au
substantif la prévention. Un autre adjectif est issu du participe présent : prévenant, source du
substantif la prévenance. Et du participe passé est issu dans la langue juridique le substantif le
prévenu. La prévention d’une maladie est la nominalisation de prévenir une maladie et la
prévenance (à l’égard de qn) est celle d’être prévenant (à l’égard de qn), expression adjectivale
elle-même issue de la variante ‘devancer’ du sens confrontatif de prévenir (je préviens les désirs
de X, donc je suis prévenant à l’égard de X ou j’entoure X de prévenances).
Le tableau 2 fournit les définitions et cooccurrences majeures du n.f. prévenance et son
étymologie d’après le TLF. Les définitions d’ANTIDOTE comportent les constituants ‘X va au
devant des désirs de Y’, ‘X veut faire plaisir à Y’, valeurs que confirment les cooccurrents
délicate /douce ~ et celle du TLF ‘manière obligeante’
ANTIDOTE TLF
Fait d’aller au-devant des désirs de
quelqu’un, de vouloir faire plaisir à
quelqu’un. Avoir de la prévenance.
Faire preuve de prévenance à
l’égard de quelqu’un, pour
quelqu’un.
Action, parole par laquelle on va
au-devant des désirs de quelqu’un,
on veut faire plaisir à
quelqu’un. Être plein de
prévenances et d’égards pour
quelqu’un. Entourer quelqu’un de
prévenances.
1732 « manière obligeante d'aller au-
devant de ce qui peut plaire à quelqu'un »
(Mercure de France,déc., 1
er
vol., p. 2531
ds Trév. 1752 : Vous ne trouvez que
des prévenances qui ne vous laissent pas
un moment le plaisir de désirer).
Dér. de prévenant* au sens 2; suff. -ance*.
On note également chez L
EMAIRE DE
B
ELGES
(Chronique annale ds Œuvres, éd.
J. Stecher, t. 4, p. 491), le subst.
prevenance, au sens de « action de
devancer » (dér. de prévenir* au sens de «
devancer »).
Tableau 2 : Définitions, cooccurence et étymologie du substantif prévenance
Le tableau 3 présente les données correspondantes pour le n.f. prévention. Trois points sont à en
retenir :
a) Toutes les coocurrences mentionnées s’applique à prévention au singulier et concernent
l’ « ensemble des mesures que l’on prend pour prévenir un risque, un danger, un mal ».
b) Cependant la seconde définition « Opinion favorable ou défavorable antérieure à tout
examen » concerne les préventions, et les deux substantifs au pluriel forment une paire
antonymique : si avoir des prévenances à l’égard de | pour qn implique une attitude
‘obligeante’, avoir des préventions à l’égard de | contre qn implique inversement une
attitude désobligeante.