Angioplastie des occlusions coronaires chroniques : y a-t

La Lettre du Cardiologue n° 464-465 - avril-mai 2013 | 25
REGARDS CROISÉS
Angioplastie des occlusions
coronaires chroniques :
y a-t-il un authentique
bénéfice clinique ?
Percutaneous coronary intervention for chronic total
occlusion: is there a true clinical benefit?
Nicolas Danchin*
* Département de cardiologie, hôpital européen Georges-Pompidou,
Paris.
L
es techniques d’angioplastie coronaire ont fait
des progrès considérables, et il est maintenant
possible de traiter à peu près n’importe quelle
sténose. Il reste cependant une situation où le succès
technique de l’angioplastie est nettement plus aléa-
toire, celui des occlusions coronaires chroniques.
Cette moins bonne efficacité initiale des techniques
d’angioplastie impose, peut-être encore plus que
pour les indications traditionnelles, de particuliè-
rement peser l’intérêt clinique de l’intervention.
Initialement, le raisonnement ayant poussé les
cardiologues à tenter de désobstruer des artères
occluses de plus ou moins longue date était simple :
l’artère étant déjà bouchée, il n’y avait guère de
risque à tenter de la rouvrir ; au pire, l’intervention
serait infructueuse… Trop simple, en fait, car il est
vite apparu que l’angioplastie des occlusions chro-
niques faisait courir au patient un risque au moins
aussi élevé (et probablement plus) qu’une interven-
tion classique sur une simple sténose : effraction
artérielle avec les guides, avec un risque possible de
tamponnade, embolisation périphérique avec risque
de nécrose, irradiation nettement plus importante
que lors des interventions sur sténose, en particulier.
Par ailleurs, en cas de succès initial, le risque de
resténose était notablement plus élevé qu’après une
angioplastie conventionnelle, un risque qui semble
toutefois avoir diminué grâce aux stents actifs, bien
qu’il y ait encore débat à cet égard (1, 2).
Au bout du compte, l’équation redevient donc assez
semblable à celle de toute décision d’angioplastie
en dehors de l’urgence : faut-il attendre du geste
un bénéfice en termes de qualité de vie ? Et faut-il
en attendre un avantage en termes d’espérance de
vie, ou d’espérance de vie sans nouvel événement
coronarien ?
La première question ne s’adressera, par définition,
qu’aux patients présentant un authentique angor
ou son équivalent. En pratique, il ne s’agit pas d’une
situation clinique fréquente, mais celle-ci peut poser
de véritables difficultés : l’addition de médicaments
antiangineux supplémentaires n’offre souvent qu’une
amélioration modérée de la symptomatologie, et le
réentraînement à l’effort permet aussi rarement de
totalement juguler les symptômes. Dans un tel cas
de figure, l’angioplastie constitue une alternative
réellement intéressante, à la condition d’informer le
patient de la possibilité non négligeable d’un échec
technique, et des risques inhérents à l’intervention.
La seconde question est plus importante, puisqu’il
s’agit d’améliorer le pronostic des malades, et elle
correspond à des situations cliniques plus habi-
tuelles. Le bénéfice attendu passe par la réduction
du risque potentiellement lié à l’ischémie myocar-
dique répétée, susceptible d’altérer le myocarde
et de générer des troubles du rythme graves, et
par la diminution des phénomènes de remodelage
ventriculaire gauche, à la fois par la disparition de
l’ischémie chronique et par un mécanisme supposé
de “support” anatomique du ventricule par un réseau
artériel redevenu actif. Enfin, l’intérêt de disposer
d’un conduit artériel supplémentaire, dans l’éven-
tualité de l’occlusion ultérieure d’une autre artère,
peut être supputé. Bien qu’il s’agisse de la question
centrale, on ne dispose pourtant que de peu de
données autres que purement observationnelles. La
seule étude randomisée importante est l’étude OAT,
CROISES
La Lettre du Cardiologue n° 464-465 - avril-mai 2013 | 25
L’angioplastie des occlusions coronaires chroniques reste une technique difficile, avec des résultats immédiats,
sans comparaison avec ceux de l’angioplastie pratiquée sur de simples sténoses ou pour des occlusions coronaires
récentes. S’il est raisonnable de proposer le geste aux patients conservant un angor invalidant malgré un traitement
médicamenteux bien conduit, il est certainement encore trop tôt pour pouvoir le recommander aux malades asymp-
tomatiques, même s’il ne fait guère de doute qu’une occlusion coronaire chronique constitue en elle-même un mar-
queur de plus mauvais pronostic. L’étude asiatique DECISION-CTO (NCT01078051) a prévu d’inclure 1 100patients,
avec un tirage au sort entre traitement médical optimal et angioplastie accompagnée d’un traitement médical ; les
résultats n’en sont pas attendus avant plusieurs années et devraient enfin apporter une réponse plus claire à une
question qui reste encore non résolue. D’ici là, la prudence s’impose.
Résumé
26 | La Lettre du Cardiologue n° 464-465 - avril-mai 2013
REGARDS CROISÉS
dont la population ne répond pas réellement à la
définition de l’occlusion coronaire chronique, puisque
les patients étaient inclus entre 3 et 30 jours après
la survenue d’un infarctus ; néanmoins, aucun béné-
fice pronostique n’est apparu dans le groupe tiré au
sort pour l’angioplastie, et les événements cliniques
sont même numériquement plus nombreux dans le
bras interventionnel. À l’inverse, d’assez nombreuses
études ont suivi des cohortes de patients chez
lesquels une angioplastie avait été tentée sur une
occlusion coronaire chronique : pour l’essentiel, elles
constatent un meilleur pronostic chez ceux dont
l’angioplastie a réussi. Plusieurs études ont évalué
l’impact de la réouverture de l’artère sur la fonction
ventriculaire gauche, élément clé du pronostic à long
terme : s’il est vrai qu’une amélioration de la fonction
ventriculaire gauche a pu être constatée après une
désobstruction réussie d’une occlusion chronique
chez des patients ayant une viabilité résiduelle (3,
4), l’absence de détérioration au long cours de la
fraction d’éjection a également été démontrée chez
des malades angineux ayant une occlusion coronaire
complète non revascularisée (5). En réalité, le niveau
de preuves apporté par la comparaison des cas de
succès et d’échec des procédures d’angioplastie
est réellement très faible : d’une part, il existe des
différences parfois importantes entre les groupes
où l’angioplastie a échoué et ceux où elle a été
couronnée de succès, et, d’autre part et surtout, les
complications précoces éventuelles en cas d’échec
viennent alourdir le pronostic du groupe où l’inter-
vention a été infructueuse (6) ; on aboutit ainsi à
une sorte de tautologie médicale, les patients dont
l’intervention a marché vont mieux que ceux chez
lesquels elle a échoué. En pratique, seule une rando-
misation devrait donc pouvoir apporter la preuve du
bénéfice de la technique : au moment de proposer
à un patient une intervention de recanalisation, il
est en effet nécessaire de mettre dans la balance le
risque d’échec et de complications initiales et pas
seulement le bénéfice à long terme attendu en cas
de succès.
Liens d’intérêts. L’auteur ne rapporte aucun lien d’intérêts sur
le sujet de cet article.
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Références bibliographiques
CROISES
REGARDS
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